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AnonymeL'Histoire de l'Archiduc Albert 



L'HISTOIREDE L'ARCHIDUC ALBERT GOUVERNEUR GENERAL

ETPUIS PRINCE SOUVERAIN DE LA BELGIQUE


ACOLOGNE

Chez les héritiers de Corneille Edmond

M.DC.XCIII








ASON ALTESSE SERENISSIME

JOSEPHPRINCE ELECTORAL DE BAVIERE

PRINCESERENISSIME ET ELECTORAL



EPITREDEDICATOIRE




Puisquenos Brabansons de l'an 1144 mirent le Baston-de-General dans lespetites mains de leur Duc Godefroi IIIqui n'avoit pas encore un an;et puisque la Ville de Ratisbonne a dejà presenté àvotre Altesse Serenissime un placet pareil à celui que lesEnfans de Jacob presenterent à Joseph Vice-Roi d'Egipteautems d'une grande cherté de vivresl'on ne doit pas trouveretrange que je pose respectueusement sur vos maillots l'image d'unPrince de votre Sangqui a occupé en la Belgique la place queMonseigneur votre Pere remplit si dignement.

Je nem'amuse point aux Horoscopesmais je dis aprez Cassiodore quis'entendoit parfaitement en Pronosticationsqu'etant le fruit desParens vertueuxnous avons lieu d'augurer que vous serez un jourl'extrait de leurs vertus héroïques. Ex Parentumvirtutibus Prolis indicatur successus.

Je disaprez Aristote 1e Secretaire de la Natureque les causes tresnoblesn'aiant d'ordinaire que des effets tresexcellensnous devons espererde voir un jour reluire en vous toute la gloire de vos Ancestres.Verisimile est meliores esse eosqui sunt ex melioribus.

Je disaprez Tucidide le Prince des Historiensque le Fils d'un grandCapitaine & d'un grand Duc n'aiant pas coutume de degenerernousverrons un jour sur vos Trophées l'Image des victoires deMonseigneur votre Perequi à l'age de 3o anspasse pour undes premiers Capitaines de la terre.

InsignisDucis filius non facile degenerat.

Je disenfin aprez la Verité memequ'un fils étant leportrait de son Perenous avons dejà lieu de vous admirercomme la copie d'un original tresparfait.

Infilius suis agnoscitur vir.

S'il estvrai ce que S.Chrysologue prescha autrefois le jour S.Estiennequeles noms sont souvent les augures des merites: Nomina saepe meritaindicant; j'ai grand sujet de mettre en vos petites mains l'imaged'un Herosà qui je puis donner l'eloge que S.Cirille donna àS.Jean Batistequi est celui d'Archiduc de la Nouvelle Alliance:Archidux Novi Testamenti. Le nom de Joseph que vous avez reçude votre Oncle Maternel l'Auguste Roi des Romainspronostique votreSagesse: puisque l'anagramme de Joseph rend parfaitement Sophie.Celui de Ferdinand qui vous vient de votre Aieul Maternelcelui deLeopold qui vous est donné en vue de votre Grand Pere Maternell'Empereur regnantne nous predisent rien que d'auguste. S.Antoinele SolitaireS.Caietan& S.François sont les plus grandsexemples que la Providence du Nouricier de l'Univers ait choisis;vous portez leurs noms parceque vous aurez leur caractereNominamerita indicant. S.Simon surnommé le zelénousfait l'embleme de votre ardeur pour la sainte Foi; S.Thadéequi guerit le roi Abagar en lui aportant le portrait du Sauveur dumondeplace cette image miraculeuse sur votre cOEur. S.Jean leFavori du Fils de Dieufait que je vous felicite par avance cettefaveur divine. S.Servais qui a vecu plus d'un sieclenous faitesperer que vous vivrez lontems; S.Ignace peint dejà le nom deJesus sur vos Etendards. S.Joachim vous augure une glorieuseposterité. S.Gabriel enfin qui est l'Ambassadeur des bonnesnouvellesvous annonce un regne tres-heureux.

VotreSerenissime Mere pouvoit-elle jamais choisir un jour plus fortunépour votre naissanceque le 21 Octobre ? S.Hilarion apporte la joie& les onze mille Vierges vous chantent dejà victoire.S.Ursule s'est fait voir avec sa Troupe autour de Cologne & deNanci pour en defendre les murailles& à la mort deS.Elisabet de Schonauge; cette S.Tutelaire environne votre berceau&elle le parseme de lis & de rosesen attendant qu'elle vouscommunique ses palmes & ses lauriers: car enfin j'en reviens àTucidide qui semble faire tout exprez votre horoscopeen disant quele fils d'un grand Capitaine n'a pas coutume de degenerer de labravoure de son Pere. Insignis Ducis filius non facile degenerat.Si l'on doit vous mesurer sur ce piéles frontieres deConstantinopletoute la Hongrie & singulierement Bude &Belgradel'Empirela Savoie& la Belgiquecommencent àvous chanter victoire& la Renomée repond dejà paravance à tous ceux qui lui demandent des nouvelles desBatailles gagnéesdes sieges levez& des villes prisesd'assaut; allez à Joseph. Ite ad Joseph: c'est l'imagede son Pere& toutes mes trompettes ne suffisent pas pourpreconiser la gloire de ce Pere invaincu & invincible.

Quandj'offrois à Monseigneur votre Pere l'Histoire de son OncleMaternel Emmanuel Philibert Duc de Savoie Gouverneur General de laBelgiquepour lui chanter la bienvenue en ces Terresje pouvoisetre animé de quelque esperancemais ici que je consacre àun Enfant de trois mois un des plus memorables Princes de la maisond'Autrichel'envie meme doit convenir que je suis dans ledesinteressement. Si je vous glorifiec'est pour vous feliciter àvotre Pere Serenissimec'est pour faire honneur aux manes glorieusesde votre Mere Imperiale et Electoraleque Dieu a bientot appelléeau ciel parceque la terre n'avoit pas assez de couronnes pour sesmerites. Elle vous a mis au monde& puis comme si elle se futacquittée du grand dessein que le Tout-puissant avoit surelleelle a quitté la terre au meme tems que le Roi des Roisi est descendu.

AugustePrincesseau nom de l'Universje vous rends graces des vertusheroïques dont vous avez bien voulu benir la terreje vousremercie du tres-cher & tres-aimable Depost que vous nous avezlaissé& je vous felicite par avance sur lesinconcevables sujets de joie qui vont vous dilater le cOEur àla vue de ses actions Chretiennes & guerrieres.

Et vousPrince charmantqui nous sousriez du fond de votre berceausouffrezqu'aprez vous avoir presenté un objet serieux qui est monAlbertje me presente moi-meme à vos piez. Les enfans seplaisent aux moindres choses& c'est dans cette prevention quej'espere que Votre Altesse Serenissime & Electorale voudra bienme soufrir pour son

Tres-humbletres-obeissanttres-fidele & tres devoué serviteur


PREFACE




Lamémoire de l'Archiduc Albert est encore si recente& sidouce dans la Belgiquequ'il ne faut que prononcer ce nom pourattendrir les cOEurs. Sur ce piéj'ai deliberé si jecontinuerois ce que j'ai commencé dans l'histoire du Duc deSavoiesavoirsi à la tete de cet ouvrage; je devois vousdonner une idée de tout le corps ; mais enfinpour satisfaireles esprits prompts qui ne veulent pas se donner la patience deparcourir un ouvrage& qui à l'ouverture d'un livrecourrent à la liste des chapitrespour i voir le sujet desmatieres ; & pour ne pas ceder à l'avance des Marchandsqui exposent à leur porte les pieces principales qu'ilsdebitentje vous donne un craion de mon histoirequi au meme temsvous tiendra lieu d'avant-propos & de table des matieres.

Je vousdeclare d'abord que vous avez entre les mains un Herosqui àl'exception d'une posteritéa eu tout ce qu'un Prince peutsouhaiter sur la terre. Il contoit douze Empereurs dans ses Aieulx;sa Mere etoit la Fille de Charlequintc'est tout dire&d'Isabelle de Portugal de cette Couronne si fertile en Heros & enHéroïnes. Il fut Fils & Frere de trois Empereurs ilrefusa lui-meme l'Empire jusqu'à deux fois& il eut unFrere Roi de Pologne. Son Ainee Isabellefut Epouse de Philippe IIRoi d'Espagne. C'est un honneur tres-rare que d'avoir tant de tetescouronnées dans une seule maisonmais il ne l'est pas moinsde voir que des dix Fils d'Empereur il n'i en ait pas un seulquiait eu posterité& que la Couronne Imperiale ait dupasser sur la tete de Ferdinand IIqui n'etoit que Fils Cadet deFerdinand premierfrere de Charlequint. On void ici un saint Louisdans l'innocence d'Albert& une Blanche dans les principes quesa Mere lui inspire. Il donne la mitre de Trieste à Coret sonPrecepteur& il erige Busbeque en Baronie pour honorer sonGouverneur & les merites de Charle d'Ideghem Seigneur de Wiese.

CeBusbeque celebre par ses Ambassades importantes & par ses lettressavantes & curieusestrouve ici son portrait. Vous verrez passerAlbert à la Cour de Madrid où il parle parfaitementcinq languesoù il fait l'admiration de Philippe II le moinsadmirateur des Roisoù il reçoit le Chapeau Rouge duPape Gregoire XIIIdignité qui se trouva heureusementsoutenue du premier Archeveché du monde qui est celui deTolede dont je vous donne le plan& de la Viceroiauté dePortugal. Sur ce nouveau theatredont je vous donne la carteAlbertreçoit roiallement les Ambassadeurs du Japonqui alloientrendre leurs hommages au S.Siege. Avant d'entrer dans les guerresqu'il entreprit & qu'il acheva heureusementje remonte aumalheur du Roi Sebastienquipar sa mort & par celle de sonOncle Henrifit monter le Roi d'Espagne sur le throne de Portugal.Je depeins le Batard Antoineque Louis Duc de Beiasecond Filsd'Emmanuel Roi de Portugalavoit eu d'une Iolande; vous avez aussitoute la posterité de cet Antoine. Elisabeth Reined'Angleterreappuie les pretensions de cet Illegitime& ellelui donne une flotte redoutable avec son Amiral Dracksurnomméle Coureur de l'Univers& avec Henri Norits. La France i ajouteses forcesou pour epauler le Batard Antoineou pour defendre lesdroits de sa Reine Caterine de Medicisqui fondoit son action sur untitre obscur & immemorial des Comtes de Boulogne.

D'uneguerre sanglanteje passe à une guerre Scolastique entre lesJacobins & les Jesuites. J'en represente les deux principauxChampions qui sont Bannez & Molina. Je decouvre par quel reversAlbert d'ennemi de Molinadevint son plus grand defenseur par lalettre qu'il ecrivit au S.Siege. Mais ce qui illustra le plus laViceroiauté d'Albertfut le martire de six Chretiensquietoient des illustres Restes de la defaite du Roi Sebastien; ilssignalerent leur foi & leur courage au Roiaume de Maroc; aussibien qu'onze autre Herosqui signerent de leur sang la ReligionCatolique au Roiaume de Fez. Tant de lauriers inspirerent au RoiPhilippe II la pensée d'envoier son Neveu en la Belgiquequiavoit besoin d'une forte & heureuse tetetelle qu'etoit Albertnon seulement depuis le Duc d'Alvemais encore depuisl'administration de l'Archiduc Ernest d'Austriche Je vous deduis aulong la situation & la surprise de Huide cette place dont lesvariations font encore aujourd'hui tant de bruit. Ernest allantprendre Hui fut surpris de la mortmais le Comte de Fuentes isuppleanon seulement par recouvrer cette Capitale du Condrozmaisdeplus par penetrer jusqu'au cOEur de la France& par battre leDuc de Bouillon General des Armées Françoises devant laVille de Dourlens qu'il prit d'assaut. Vous avez le siege & ladescription de Cambrai où le Comte de Bruai entravictorieusement tout le premier. La levée du siege de Grollela malheureuse entreprise sur Lirequi fut l'effet de la prudence &de la valeur d'Anvers qui i accourut avec tant d'ardeurque leMagistrat fut obligé de fermer ses portespour arreter sesCitoiens. Les plus distinguez furent RobynsDasseBerchem& deMeere. Ces trois derniers furent depuis créez Chevaliers. Siles Malinois ne furent pas si heureux que les Anversoisils nefurent pas moins genereuxsous les Etendarts de leur Consul vanderLaen. Ces prosperitez furent traversées de la perte de laVille de Bredaqui fut surprise par un bateau de Tourbes. Voilàla matiere du premier Livre & l'etat de la Belgique immediatementavant que l'Archiduc Albert n'i arrivat.

Le secondLivre vous decrit le voiage de ce Prince depuis Madrid jusqu'àBrusselle: j'imite l'Archiducqui pour ne point tomber dansl'infortune de son frere Ernestqui perdit Groningue tandisqu'Anvers lui faisoit une reception magnifiquene voulut points'arreter aux arcs-de-triomphe. A son exempleje passe legerementles païs& je l'accompagne aux sieges de Calaisde HamdeGuined'Ardre& d'Amiens dont les pommes & les noix nepouriront jamais. Je decris la Ville & sa Relique principale quiest la tete de S.Jean Batiste apportée de Constantinople en1204 par le Chevalier de Sarton dont le nom reste encore dans lesSarton de Liege & dans les Rosart de Namur. Je depeins la source& la fin de ce stratagemesans negliger l'eloge de Portocarreroqui en fut l'inventeur; ni celui de Caraffe qui en soutint longtemsle siege; siege que notre Archiduc auroit fait leversi l'Amirald'Arragon son premier Conseillerne le lui eut pas dissuadé.Albert par sa retraite admirableau jugement meme de Henri IV imerita la gloire de Xenofon; il se dedommagea par enlever Hulst àla barbe du Comte Maurice de Nassau; je n'i oublie pas la mort dubrave de Ronequi i fut emporté d'un boulet de canon ; &j'i dis que ce fut à l'instance de ce vieux General de laLigueque Calais fut assiegé & prisensuite de quelquesdiscours trop libres de la Valiere & de la Noue GentilshommesFrançois. Maurice s'en revancha par battre le Comte de Varax aTurnhaut; l'Archiduc en fit de meme par confondre les Entrepreneursde Venlo.

PhilippeII qui aimoit tendrement sa Fille Isabelle Claire Eugeniesentantque la mort l'alloit arracher de cette Minervedont il avoit admiréla sagesse l'espace de 35 ans songea à la mettre en de bonnesmains& n'en trouvant pas de plus dignes que l'Archiduc Albertil la lui donna pour Epouse avec la Belgique & la Bourgogne. LePape ensuite permet à ce Prince de quitter le Chapeau Rougepour prendre le casqueAlbert ne veut recevoir l'épéeque des mains de la Reine du Cielà Halle en Hainau. Vousvoiez à Ferrare un Pape qui assiste au mariage de l'Archiduc &de l'Infante& a celui de Marguerite fille de l'Archiduc Charled'Autriche avec Philippe III Roi d'Espagne. Ce ne sont sur la routeque des receptions glorieuses. Mais comme les joies les plus epuréesdu monde sont d'ordinaire detrempées de quelque tristesselafete fut troublée de la mort du Roi Philippe IIqui voulantlaisser à sa fille une dote tranquille& desirant desortir du monde en Prince pacifiqueaccorda à la France lapaix de Vervinsqui consistoit à rendre quelques placesenlevées sur la France& à laisser àl'Archiduc & à l'Archiduchesse toute la Belgique &toute la Bourgogne. Je vous donne l'eloge de ce grand Archimedepolitique. J'adoucis l'amertume de sa mort par le duel de Briautéque je vous donne à la fin plus au long: acause que je n'aipas voulu trop interrompre le fil de l'Histoireoutre qu'il m'estvenudepuis quelques memoires de ce combat celebre. Je fais paroitrel'Archiduchesse Isabelle comme une Agripinne qui accompagne àcheval son cher Germanic. J'expose avec un esprit indifferent labataille de Nieuport; Albert vainqueur ou vaincueut ce qu'ilpretendoit par cette bataille; car il fit lever le siege de Neuport& il alla prendre la ville d'Ostende. C'est cette nouvelle Troyequi fait le sujet du troisieme Livre.

Auquatrieme Livre je distribue les prix aux Valeureux qui se sontdistinguez dans ce siege nonpareil. Si quelques-uns i sont oubliezon leur fera justice à la seconde Edition. Pour ne pointdeferer à la modestie d'Albert qui refusa le triomphe&pour reconnoitre les grandes obligations que j'ai à la bonneville d'Anvers j'erige à l'Archiduc le trophée que ceMarquisat Imperial lui dressa la premiere fois qu'il lui ouvrit sesportes.

Lecinquieme Livre contient la vie pacifiquequ'Albert mena durant lesdouze ans de Treves qu'il fit avec la Hollande; je depeins sa morttres-sainte & ses obseques tres-pompeuses.




L'HISTOIREDE L'ARCHIDUC ALBERT SOUVERAIN DE LA BELGIQUE.




LIVREPREMIER

La splendeur de mon sujet m'eblouit tellementquej'aprehende de m'embarquer plus avant& qu'il s'en faut fort peuque je ne m'arrete au port pour m'i abandonner uniquement àl'admiracion. L'on ne s'etonnera pas de mon desespoirsi l'on faitreflexion que jamais on ne vid tant de Majestez ramassées enun seul sujet. L'Archiduc Albert est precedé & suivi de 20Heros de la Maison d'Autrichequi sont tous éclatans de laCouronne Imperiale. Il est fils d'Empereurfrere de deux Empereurs& il refuse lui meme deux fois l'Empire. L'une de ses sOEurs estReine d'Espagne& l'autre est Reine de France.

Il n'i aqu'une chose qui contribue à me faire soutenir tant d'eclatssavoir la maison de Neubourgqui m'aprivoise avec la splendeur desnombreuses Majestezen offrant toute à la fois à mesyeuxun Grand-maitre de l'Ordre Teutonique Coadjuteur de MaienceunEveque de Breslauun Prince Palatinun Duc de Radzivilleun Roi deHongrieune Imperatriceune Reine d'Espagneune Reine de Portugalune Duchesse de Parme& peutetre une Reine de Pologne.

Je necommence pas sitot à m'accoutumer à ce soleil entourede tant de raionsqu'un nouvel obstacle arrete ma plume. Elle metombe meme des mainsparceque je contemple devant moi une infinitéde choses separées à reunir dans un meme corps. Je doisaccompagner mon Heros en Alemagneje dois passer avec lui àla Cour de Madrit où il aprend l'art de regner sous le plusgrand maitre qui fut jamais& qui eut les Reines de la plusgrande Monarchie de l'Univers. Je dois le suivre en Portugal enqualité de Viceroije dois passer & repasser àMadritpasser par l'Alemagne& par l'Italie& courir enFranceenfin je dois le voir Gouverneur & Souverain de laBelgique. Si la diversité & la multitude des voiagesm'effraiele nombre & la varieté des evenemens doit bienle faire davantage. En Portugall'Archiduc doit faire tete àun Batard ambicieux qui i vient fondre avec toutes les forces del'Angleterre & de la Francequi ont à leur tete FrançoisDrak cet Amiral admirable qui aiant fait le tour du monde en fort peude temsdevore d'idée le Portugalqui n'en est qu'une bienpetite partie. En la Belgiquel'Archiduc a sur les bras toute laHollande nouvellement erigée en Republiqueet par suitepleine de courage; & toute la France qui pensant alors faire dudepit à l'Espagnevoid presentement qu'elle s'est fabriquéedes verges bien incommodesen pretant la main aux Hollandois.

Je doisprendre avec mon HerosAmiensCalais & Ostendeoù jedois voir combattre l'Espagnel'Alemagnel'Angleterrela Francel'Italie & la Belgiqueles six nacions les plus belliqueuses dela terreavec plus d'animosité que s'il s'agissoit d'unEmpire entierpuisqu'on n'i epargne pas cent mille ames que ce petitPort de mer vid sacrifiées. La longueur & les perils de manavigacion m'épouvantent d'un cotémais je me sensrassuré de l'autre. Je contemple au bout de ma carriere unHeros fortunéqui aiant obligé tous ses ennemis àune paix honteusejouit de ses lauriers saintement &tranquilement jusqu'à la fin de ses jours. Je sai qu'enreproduisant l'Archiduc Albertje rengregerai les plaies de laBelgiquequi bien loin d'etre ferméessaignent incessamment;mais je me console que je la réjouirai en faisant resusciterson cher Prince et que si elle jette quelques soupirs regretans en sacontemplacionelle formera ensuite des vOEux pour demander au Ciella continuation & la posterité du Souverain regnant quilui ressemble parfaitement.

Charlequintdonna l'Empire à son frere Ferdinand I. Ferdinand a l'age de18 ans epousa Anne Jagellon fille de Vladislas Roi de Hongrie; Louisfils de Vladislas etant demeuré à la bataille deMohaczFerdinand monta sur le trone de son beaufrere& pardroit de succession& parceque Vladislas en etoit ainsi convenu.C'est par cette porte legitime que le Roiaume de Hongrie esthereditaire à la maison d'Autriche& que Joseph premierle possede aujourd'hui. Ferdinandde la Reine Anne eut quatre fils &onze filles. Maximilien II fut l'ainé & par ce droit ilsucceda à toutes les Couronnes de son Pere. Le premier jourd'Aout est fatal & tout ensemble fortuné aux Austriens.Ferdinand premier aprez avoir vécu 61 ans4 mois & 15jours; & aprez en avoir regné 6mourut à Vienne lepremier jour d'Aout l'an 1564. Maximilien Il etoit né àVienne le meme jour en l'an 1527. Il fit ses premieres armes sous sononcle Charlequintil comanda glorieusement deux mille chevaux en laguerre de Smalcaldequi affermit l'Empire & la Religion A l'âgede 21 ans il fut creé Roi de Boheme. Il passa à Madritpour i aprendre l'art de regner sous Filipe II.

CeBeaupere etant appellé à des guerres plus pressanteslui laissa toute l'administracion de ses roiaumes d'Espagne. Aprez ungouvernement de trois ansil repassa en Alemagne où il eut lebonheur de porter trois Courones en un anSavoir celle de Bohemecelle des Romains& celle de Hongrie. Il succeda dans l'Empire àson Pere Ferdinand. Par la valeur de Lazare Schuendiil prit TokaiVesprinTara & quantité d'autres places sur SigismondPrince de Transilvanie.

Solimanlui arracha Zigetmais ce barbare ne jouit que trois jours de saconquete& il alla se méler parmi les 20000 Turcs que lebrave Nicolas Zerin fit perir sous les ruines. Avant sa mort il eutla gloire de posseder une cinquieme Courone savoir celle de Polognequi lui fut portée ensuite de l'abdicacion volontaire de HenriIII Roi de France. De son Epouse Marie d'Autriche il eut neuf fils &six filles. Deux de ses fils Rodolfe & Matiasfurent Empereursdeux de ses filles Anne & Isabellefurent Reines d'Espagne &de France. Sa Cour etoit le rendezvous des Savans. Il etoit luimémedu nombre; sa conoissance des langues l'a fait surnommer le Mitridatede son siecle. Il parloit pertinemmentAlemandLatinEspagnolItalienHongroisBohemienBelgeBourguignon & François.Il eut dix fils; FerdinandRodolfeErnestMatiasun Anonime venuavant son termeMaximilienAlbertVenceslasFrederic&Charle; il eut six filles; AnneReine d'EspagneIsabelleReine deFrancedeux MariesMarguerite & Eleonor.

Ferdinandnaquit à Zigalia en Castille 28 Mars 1551 & il mourut àVienne en Autriche le 16 juin 1552.

Rodolfe IInaquit à Vienne le 2 de Juillet 1552. Il ceda les roiaumes deHongrie & de Boheme à son frere Matias& il mourut le23 Janvier 1612.

Ernestnaquit à Vienne le 15 Juillet 1553. Il mourut àBrusselle le 21 Mars 1595Gouverneur de la Belgique.

Matiasnaquit à Vienne le 24 Fevrier 1557veille de S.Matias jourfavorable à Charlequint & aux Austriens. Il fut eluEmpereur le 13 Juin 1612. Se voiant sans enfans il adopta son CousinFerdinand Archiduc de Gratsqui fut depuis Empereur sous le nom deFerdinand II. Il mourut age de 62 ans le 20 Mars 1619.

L'Anonimevint avant son temsle 20 Octobre 1557.

MaximilienRoi de Pologne naquit à Neustad le 12 Octobre 1558fete deS.Maximilien; Sigismond lui enleva la Courone en 1587; il sel'affermit en defaisant les troupes de Maximilien& en lefaisant luimeme prisonier. Le 26 Octobre 1596 Maximilien gagna labataille de Kerest contre Mahomet III. Il mourut en 1618.

NotreAlbert naquit à Neustad en Autriche le 13 Novembre 1559 àneuf heures & trois quarts du matin. C'etoit un Lundifete deS.Bonhomme & de S.Eugene& la veille de S.Albert le Grand.Il fut batizé par Magalan Aumonier du Roi de Boheme& ilfut tenu sur les saints Fons par Vladislas Baron de BernsteinChevalier de la Toison d'or; par sa femme Marie Manriquez de Lara&par Polixene de Lasse Gouvernante des Enfans Imperiaux.

Venceslasnaquit à Neustad le 9 Mars 1561& il mourut en Espagne.

Fredericnaquit à Lintz en Autriche le 12 Juin 1562. Il mourut àInspruc le 16 Janvier 1563.

Charlenaquit le 26 Fevrier 1565& l'on peut dire que ce fut le premier& l'unique fils Imperialpuisqu'alors sa mere etoit Imperatrice& que ce Charle fut le dernier des fils qu'elle mit au monde.

Anne lapremiere des enfans de l'Empereur Maximilien IInaquit àZigalia en Castille le 2 de Novembre 1549. Elle epousa Filipe II Roid'Espagne le 14 Novembre 1570. Elle mourut en Espagne.

IsabelleReine de France née à Vienne le 15 Juin 1554epousaCharle IXle 26 Novembre 1570c'estadire 12 jours aprez que sasOEur Anne epousa le Roi d'Espagne. N'aiant eu qu'un enfantelleretourna à Vienneoù elle mourut le 22 Janvier 1592.Cette belle & Sainte Reinebatit l'Eglise de tous les Saints àPrague& elle fonda les Clarisses de Vienne prez desquelles ellevecut saintement.

Marienaquit le 27 Juillet 1555. Elle mourut à Lintz le 25 ou le 28Juin 1556.

La secondeMarie naquit a Neustad le 19 Fevrier 1564. Elle mourut àVienne le 26 Mars 1564.

Margueritenaquit à Vienne le jour de la Conversion S.Paulje dis le 25Janvier 1567.

Eleonornaquit le 4 Novembre 1568.

Voilàla famille de Maximilien II. Tout le monde s'etonne que pas un de sesdix fils n'ait eu posterité& que la Couronne Imperialeait du passer à Ferdinand II fils de l'Archiduc Charle quietoit fils de l'Archiduc Ferdinand Cadet de l'Empereur Ferdinand I.Quelquesuns ont voulu dire que c'etoit une punition de la faveur queMaximilien donna aux Protestans. S'il les favorizail ne donnajamais dans leur sens& il ne leur fit pas d'autre bien que detrouver à dire qu'on les forçat à embrasser laVraie foibien loin de meriter du chatimentil ne merita que de lalouangepuisqu'il est glorieux à un Prince de ne forcerpersone en matiere de Religionmais d'emploier pour celà lesarmes de JESUSCRIST et de l'Eglise memequi sont la doctrineladouceurla priere& la prudence. Disons que Dieu avoit regardéFerdinand I du meme OEil qu'il regarda David quand il le prefera àtous ses freres ; & qu'il permit qu'une si nombreuse famillen'eut point d'heritierpour faire la leçon à tous lesPrinces& pour leur dire qu'ils ne doivent pas trop conter surtrois petits filspuisque dix ont quitté la terre sans iavoir laissé d'heritier.

Maried'Autriche cette digne fille de Charlequint et d'Isabelle dePortugalcette digne sOEur du prudent Filipe IIne perdit rien deses soins maternels pour nombreuse que fut sa famille& elleeleva chaque enfantcomme si elle n'en avoit eu qu'un seul. Mais ilfaut donner cette gloire à Polixene de Lasse qui fut leurGouvernantequ'elle aporta une exactitude admirable àl'educacion de ces enfans Imperiauxet qu'ils ne lui furent gueremoins obligez qu'à leur propre Mere.

Marguerited'AutrichesOEur de notre Albert qui fut Clarisse Deschausséede Madritavoit coutume de direque leur Bonne Merefaisoitincessamment à ses enfansla leçon que Blanche faisaità S.Louis & à S.Isabelle touchant l'horreur dupéché mortel. Albert la retint toute sa vie. Cet enfantde benedixion ne sortit d'entre les mains des vertueusesqu'àl'age de neuf ansoù l'on le trouva capable d'une educacionplus solide. Les Dame avoient semé dans ce jeune cOEur unegrande & une filiale crainte de Dieuun respect pour laReligion& surtoutcette tendre piétépour toutce qu'il i a de sacrédont on vid eclater tant de beauxtemoignages dans le cours de sa vie.

On luichoisit d'habiles maitres qui cultiverent les principes de sesvertus& qui l'ornerent des connoissances dignes d'un Prince deson caractere. Ces maitres furent Nicolas CoretMathieu OthenLouvaniste& Augier Guilain Busbeque. Coret fut Evêque deTrieste en StyrieOthen etoit originaire de Danemarc d'une familletres illustre. Ce fut lui qui enseigna le latin à notreAlbert. Afin qu'on ait quelque idée du diciple en contemplantl'image du maitre principaldisons deux mots du seigneur deBusbeque.

AugierGuilain Busbeque etoit fils de Gille-Guilain Busbeque GentilhomeFlamand. Il naquit à Commines petite ville de Flandreassezprez de Lessine sur la riviere du Lis. Busbeque est un petit villagesur la meme riviere. Son Pere qui etoit un homme de qualité &et de crédit& dont l'Empereur Charlequint estimoit lemeritefit elever le petit Auger avec beaucoup de soin. Il le fitbriller à Louvainà Parisà VeniseàBoulogne& à Padoue. Dans ces temples de la sagesseileut le bonheur d'avoir pour maitres les plus excellens hommes de leursiecle. L'Empereur Ferdinand II le mit avec son Ambassadeur enAngleterre& il le donna pour Precepteur à ses enfans.Auger fit deux voiages en Turquie en qualité d'Ambassadeur.Rien de plus charmant que les relacions qu'il fait de ses voiages.Maximilien II le donna pour Gouverneur à mon Herosquisousun maitre si consommédevint l'admiracion des Princes &des peuples. Auger conduisit en France la Princesse Isabelle Epousede Charles IX. En retournant dans la Belgique en 1592il futmaltraité de quelques coureurs François vers Rouend'où aiant pris la fievreil mourut dans la maison de MadameMailloc à S.Germain prez de Rouen22 jours aprez sa maladieen la meme année 1592agé de soixante dix ans. Il priale Gouverneur de Rouen de ne prendre pas raison de ceux qui l'avoientinsulté. Le grand Juste Lipse lui fit son epitafe. Les belleslettres lui ont des obligacions immortellesparce qu'il lescultivoit luimeme exactementparcequ'il etoit le Mecene des Savans& parcequ'il a enrichi la Biblioteque Imperiale d'une infinitéde rares & d'excellens manuscrits.

Il fut lemaitre de notre jeune Prince. Le peu que nous en donnons est capablede nous faire revenir de l'admiracionoù nous nous trouveronspeut etre dans le cours de cette histoireen voiant tant de donsdans notre Archiducqui etant Souverain de la Belgiquereconnut lamemoire de son Precepteuren erigeant Busbeque en Baronie. Alberteut deux ans entiers pour aprendre les leçons de ses maitres.A l'age d'onze ans il fut trouvé capable de sortir de sonacademie domestique& de voir le grand jour de la Cour. La pluspompeuse & la plus spirituelle cour de ce temslàbriguade l'avoir& elle l'obtint. Filipe II demanda ce cher Neveu&l'on fut ravi de faire entrer dans cette ecole admirable un jeunePrince qui etoit si heureusement inicié.

Ce fut àla Cour de Madrit qu'Albert deploia les grandes qualitez qu'il avoitjuque lors comme resserrées& qu'il donna lieu àFilipe II de former le riche plan des resolucions qu'il renditensuite efficaces. Ce fut dez lors que ce sage Roi charmé dela prudencede la pietéde la penetracionde la siencedela gravité& sur tout de la pietéde son Neveule designa son Viceroi de Portugalson Gouverneur de la Belgique&enfin l'epoux de sa tres chere fille Isabelle Claire Eugenielesdelices de son cOEur& le chefd'euvre des graces. Ce fut l'an1570 qu'Albert passa en Espagne avec son frere Venceslasvers sachere sOEur la Reine Anne accompagné de ses trois Precepteurs.Il i trouva ses ainez Rodolfe & Ernestque Don Jean d'Autrichemort à Namurreconduisit à Vienne par l'Italieenallant à Lepante.

Albertvivoit à la cour en Prince qui dut i faire sa fortune. Celàfut cause qu'il ne s'eleva& qu'il ne se ralentit jamais en vuede la proximité du sang Roial. La qualité de Neveu duRoi& fils de l'Empereur ne changea en aucune façon lariche situacion de son cOEur& de son esprit. Il mit alors enOEuvre tout ce qu'il avoit apris de ses Precepteurspour aprendrel'art de regner sous son Oncle Filipe IIqui en fut le plusgrandmaitrepuisqu'il passe dans l'esprit de tous les conoisseurspour un Archimedequisans sortir de son cabinetremuoit&regloit le globe civil de ce vaste Univers. Albert profita si biensous cette disciplinequ'il passa luimeme ensuite pour un Princeconsommé dans l'art de gouverner. Il prenoit de grans secoursde l'histoireà l'imitacion de Charlemagnequi se faisoitlire tous les jours quelques points d'histoire& àl'exemple de Charlequint son Aieul maternelqui avoit tous joursentre les mains son Tucidide de la traduxion de Claude Eveque deMarseille. Albert pour rendre ses connoissances plus universellesprit une sience & une pratique parfaite des langues les plusfameuses. C'etoit un charme que d'entendre un Prince de 15 à16 ans parler poliment LatinAlemanEspagnolItalienFrançois& de lui voir donner satisfaxion à tous les Ambassadeursdes Princes qui parloient l'une de ces langues. Le bruit de cesbelles qualitez passa à Rome& le Pape Gregoire XIII cejuste connoisseur & estimateur du meritebien persuadéqu'Albert butoit visiblement à l'Egliselui envoia le chapeaurouge. Ce sage Pontife ne se rebuta point de son bas ageil ne crutpas pouvoir manquer en conferant la Pourpre à un jeune Princede 18 ansque la maturitéla sagessel'erudicionla pietéla chasteté & les autres vertus Ecclesiastiquesfaisoientaller du pair avec des Prelats consommez. Ce fut le 4 de Mars de l'an1577que le Pape lui envoia le Chapeau rougeavec le titre deCardinal de S.Croix de Jerusalem.

Filipe IIpour faire dignement soutenir à son Neveuce nouveaucaracterele revetit de la dignité d'Archeveque de Toledequi raporte pour le moins trois cens mille ducats de revenusavec lacharge d'Inquisiteur generalqui est l'un des plus importantedecette grande & Catolique Monarchie. Tolede le premier Archevechédu mondeest la capitale de Castille la Neuve & elle est batiesur la riviere de Tage. Sa situacion est sur un rocher separédes hautes montagnes par le Tagequi la lave. La cime est unemaniere de Platteformeoù sont la placel'Eglise& leChateau. Le reste est tout couvert de maisons. Le Palais del'Archeveque & celui de Charlequint sont deux chefd'euvres. CetteVille a eté autrefois le siege des Rois; Alfonse VI surnomméle Vaillantla reconquit sur les Maures en l'an 1085. Filipe IIreconut tant d'aptitude au gouvernementdans ce jeune Cardinalqu'il crut de faire injure à ses Etats que de laisser oisivecette belle main qui sembloit etre faite pour manier les resnes d'ungrand Empire. L'occasion se presenta bientot de lui donner del'emploi. Dieu fit tomber legitimement le Roiaume de Portugal dans lepatrimoine du Roi& ce fut cette nouvelle hereditequi servitde premiere cariere à notre jeune Viceroi. Il signala sonarrivée par l'accueil Roial qu'il fit en 1584àMancius & à Michel Ambassadeurs Japonois. Aprez que cettenouvelle Eglise eut reconnu & reveré les Papes GregoireXIII & Sixte VIils repasserent par le Portugal où notreViceroi leur fit ressentir de nouveaux effets de sa magnificenceImperiale. Avant de conduire notre Cardinal aux resnes de Portugaldonnons une idée de ce Roiaume& developons comment iltomba sous la dominacion Espagnole.

LePortugal n'a que cent dix lieues Françoises de longueur&cinquante de largeur. Il a la Galice au Nortd'où il estseparé par le fleuve Minho; il a l'Ocean au couchant & aumidiau levant il a la Castillele Leonl'Estramadure&l'Andalousie. Ses cinq Provinces sont entre le Doure & Minho. Lepetit Roïaume des Algarves est la qualité que portel'ainé du Roi. Le Portugal est arosé de 4 rivieresprincipalesqui sont le Dourole Minhole Tage& la Guadiana.Elles se dechargent toutes dans l'Ocean.

DepuisHenri de Bourgognequi alla en Espagne en 1089juqu'àSebastien qui mourut en la journée d'Alcacer le 4 Aout 1578 enla 25 année de son age& en la 22 de son Regneil i eut15 Rois de Portugal. La mort de Sebastien est trop tragique&les suites de sa mort sont trop fameuses pour n'en faire pas un pointd'histoire.

SebastienI commença à regner en Portugal en 1557 agéseulement de quatre ans. Et quoiqu'il eut eté elevéd'une maniere qui sembloit ne lui devoir inspirer que l'amour de lapaix & du reposil porta neanmoins toutes ses inclinations auxarmes & à la guerreaussitot qu'il fut en etat d'agir parluimeme. C'est pourquoi en 1574 etant agé d'environ vint ansil resolut contre l'avis des plus sages de son Conseil d'aller enAfrique& il i passa en effet avec quatre Galeresquelquesvaisseaux& peu de soldats. Il ne put faire autre chose que dereconnoitre le païsaiant bien vu qu'il etoit trop foible.

Mais iltemoigna dez lors son grand cOEurqui alloit juqu'à latemeritévoulant se trouver en personne dans les moindresescarmouches qui se faisoient contre les Maures& aiant bien dela peine à se tenir dans les bornes d'une magnanimitétemperée de sagesse & vraiment Roiale. Il retournaaussitot à Lisbone& il pensoit sans cesse aux moiensd'avoir plus de troupespour retourner bientot en Afrique avec unepuissante armée.

Comme ils'occupoit continuellement de ce desseinil se presenta une occasionqui l'i confirma beaucoup& qu'il crut tres favorable pourl'executer.

Muley Mahameth de la race des Cherifsaiantsuccedé à son Pere Abdala& regné quelquetems au Roiaume de MarocMuley Molucson Oncle paternelpretendoitque la Couronne lui appartenoiten vertu d'une loi des CherifsChefs de la race Roialepar laquelle ils avoient ordonné queles freres succederoient aux freresavant qu'aucun des Neveux entraten la succession. Car selon cette loi les freres devant succeder auxfreres & non les enfans aux Peresil soutenoit qu'etant frere duRoi mort; c'etoit à lui & non pas au fils de ce Prince àlui succeder.

C'estpourquoi encore qu'il se trouvat sans aucun appuicomme il avoitneanmoins beaucoup de cOEuril resolut de perdre la vie ou deconquerir son Roiaume. Et aprés avoir demandé longtemsen vain du secours à Philipe II Roi d'Espagneil entra dansl'Afrique avec trois mille hommes seulement que le Turc lui avoitdonnez. Il attira ensuite à son parti quelques troupes dupaïs& etant allé attaquer le Roi son Neveuilgagna trois batailles contre luidans la derniere desquelles ildefit une armée de soixante mille chevaux & de dix millehommes de pied.

MuleyMalameth perdit ainsi le Roiaume de Maroc& Moluc son Oncle endemeura maitre paisibles'etant aquis une reputation extraordinaireparmi les Chretiens & parmi les Barbares. Ce Prince dépouilléde ses Etats vint en Portugal& il representa à Sebastienque les Maures etant divisez& une partie etant encore pour luis'il vouloit decendre en Afrique avec une arméeil serendroit aisément le Roi de ses peuples.

Ce jeunePrince qui avoit l'esprit tout plein de guerre & de conquetescrut aisément ce qu'il s'etoit persuadé par luimeme. Etetant comme enivré par ces nouvelles esperancesqu'onajoutoit à celles qu'il avoit dejà conçuesilne pensa plus qu'à trouver les moiens d'executer uneentreprisequi lui paroissoit si facile & si glorieuse. Ilproposa cette affaire à son Conseil. Les plus sages s'iopposerent& ils lui representerent le danger qu'il i auroit encette guerrepour sa personne& pour tout le Roiaume. Mais leurresistance fut inutile. Il resolut cette entreprise& il nepensa plus qu'à l'executer.

Il avoitordonné auparavant qu'on levast des compagnies des Bourgeoisde Lisboneauxquels il faisoit faire l'exercice. Il s'accoutumoitluimeme aux travaux de la guerre& autant à ceux dessimples soldats que des Officiers. Lorsqu'il alloit à lachasseil se plairoit à se battre seul contre les betes lesplus farouches& quand il faisoit quelque voiage sur merilaffretoit de s'embarquer toujours pendant la tempetecomme si c'euteté manquer de cOEur que d'attendre un tems plus calme.

Il desirade voir Philipe II pour lui demander secours dans cette guerre. Lesdeux Rois se virent& Philipe qui etoit son Oncle lui parla avecgrande civilite& avec de grans temoignages d'affection. Ils'efforça de le dissuadersinon de la guerreau moins d'ialler en personne. Il lui representa l'impuissance où il etoitde l'assister. Mais voiant qu'il etoit impossible de lui fairechanger de desseinil lui dit pour lui complaire que le Duc d'Albel'avoit assuré que cette guerre ne pouvoit s'entreprendresurementa moins d'avoir quinze mille hommesnon PortugaismaisetrangersEspagnolsItaliens& Allemans: Qu'il lui promettoitd'en lever cinq milleau cas que ses affaires d'Italie le luipermissent. Sebastien lui demanda ensuite la Princesse sa fille enmariageque Philipe lui promit.

Sebastiense retira tres content de cette entrevue & il ne pensa qu'àhater son voiage en Afrique. Il fut obligé pour pouvoirsoutenir les frais de la guerre de mettre des impots extraordinairessur le peuple & sur le Clergéqui exciterent beaucoup deplaintes & de murmures. Il se passa du tems pour les apprets dela guerre.

Philipe IIaprez diverses negotiations lui fit dire que la Flandre etant enperilil ne pouvoit pas lui envoier secours.

Et voiantque Sebastien ne changeoit pas pour celà de resolutionil enfut fort en peinecraignant le peril où il s'exposoit. C'estpourquoi il renouvela ses instancesle conjurant ou de differer levoiageou de n'i aller point en personne. Il lui ecrivit sur cesujet diverses lettres de sa mainpleines de temoignagesd'affection& il lui en fit ecrire par le Duc d'Albequi etoitle plus grand Capitaine qui fut alors en Espagne. Il lui envoia enfinle Duc de Medina COElipour faire le dernier effort à ledissuader de cette entreprise. Mais il fut impossible de rien gagnersur son esprit.

L'Archeveque& tous les gens de bien avec lui etoient extraordinairementtouchezde voir le malheur auquel s'exposoit ce jeune Prince. Ilsdeploroient les maux presens& ils en apprehendoient de bienplus grans pour l'avenir. Il ne leur restoit que de lever les mainsau Ciel& de demander à Dieu qu'il eclairast & qu'ilconseillast luimeme celui qu'ils voioient se precipiter dans un perilevidentsans que personne l'en pust detourner.

Car laresolution et la fierté de son espritjointe à lachaleur de son age& à la qualité de Roiluiavoit inspiré une confiancequi le rendoit sourd àtous les avis des autres& inebranlable dans le sien. Ils'imaginoit qu'avec les Portugais seulsquelques Allemans &quelques Italiens qu'il faisoit leveril pourroit conquerir toutel'Afrique.

Aiant doncmis son armée en etat de partiril s'en vint un matinaccompagné de ses gardes & des plus grans Seigneurs dePortugal à l'Eglise Cathedrale de Lisboneoù aiantfait benir avec grande pompe l'etendart qu'il vouloit faire porter enAfriqueil le donna à son grand Ecuier. Et comme on croioitqu'il dust s'en retourner à son Palaisil s'en alla sur leport & il monta dans sa Galeredisant qu'il vouloit partir surle champ. Il i demeura huit joursattendant le reste de l'equipage &de l'embarquement de ses troupes.

Comme cePrince avoit du zele pour la Religion& que cette guerres'entreprenoit contre les Infidelesil voulut qu'elle fut consideréecomme une guerre sainte& il mena avec lui beaucoup de personnesde pieté. Arias de Silva Eveque de Porto& Emmanuel deMeneses Eveque de Conimbre l'i accompagnerent avec beaucoupd'Ecclesiastiques & de Religieux.

Enfin ledix sept de Juin 1578 toute l'armée fit voileaiant le ventfavorable. C'est ainsi que commença ce voiage qui lui devoitetre si funeste. Il partit neanmoins plein de joie & d'esperancene se figurant en Afrique que des victoires& laissant sonRoiaume epuisé d'argent & de forces& exposé àtous les malheurs qui ont eté la suite deplorable d'uneentreprise si malconcertée.

Lorsque ses vaisseauxfurent arrivez à la cote d'Afriqueil commanda à sestroupes de debarquer à Arzillequi etoit l'une des villesqu'il y possedoit& il i logea son armée presque sur lebord de la mer. Elle etoit composée de huit mille Portugaistrois mille Allemansdeux mille Castillans& six cens Italiens& il i avoit en tout environ treize mille hommes de pié &quinze cens Chevaux.

MuleyMoluc Roi de Marocdont nous venons de parleraiant su son arrivéepensa d'abord à traiter de paix. Car aiant autant de sagesse &d'experience que de cOEurquoiqu'il se vit beaucoup plus fortil nevoulut neanmoins rien hazarder. Il offrit à Sebastien de luidonner les champs d'alentour les forteresses qu'il avoit en Afriquepour les cultiver. Mais Sebastien qui ne mettoit point de bornes àses esperanceslui repondit qu'aiant dejà fait les plus gransfrais de la guerreil ne pouvoit pas traiter de paix à moinsqu'il ne lui donnat trois places en Afriquedont Larache etoitl'une. Le Barbare lui fit repondreque lorsque les Portugaisauroient mis le siege devant Marocil penseroit à cetteproposition: qu'il avoit conquis son Roiaume en gagnant troisbatailles& qu'il le defendroit de meme.

Il nes'appliqua dez lors qu'à se preparer à la guerre. Iletoit malade d'une maladie mortelledont il mourut en effet peu dejours aprés& neanmoins il donnoit ordre à tout.Aiant peur qu'il n'i eut dans son armée des gens affectionnezà Muley Mahameth son Neveu qui avoit regné avant luiil fit dire tout haut dans son camp que quiconque ne venoit pas bienvolontairement avec luin'i vint point& que ceux qui etoientplus amis de Mahameth que les siensl'allassent trouver.

Etafin que ceux qu'il avoit pour suspects pussent se retirer plusaisément de ses troupesil en fit un escadron de trois millechevaux pour reconnoitre l'armée Chretienne; pour observer samarche & sa contenance; & pour la tenir en haleine par desallarmes & par des escarmouches continuelles. Il leur voulutdonner cette libertéafin de separer de bonne heure lestraitres d'avec les autres depeur qu'ils ne se tournassent contreluidans le combat; & pour leur temoigner en meme tems qu'il necraignoit point l'armée Portugaise& qu'il sauroit biens'en defendre sans leur recours. Ces Maures voiant la generositéde leur Roi& prenant cet ordre qu'il leur avoit donnépour une marque de la confiance qu'il avoit en euxl'executerentavec beaucoup de cOEuret lui furent tres fideles.

LesPortugais à la premiere attaque firent voir leur peu decourage & d'experience. Car six cens chevaux Maures etant venuspour les reconnoitre plutot que pour les charger& s'etantretirez aprez une legere escarmoucheils en furent si effraiezcomme n'aiant jamais vu l'ennemi de prezque ne se contentant pas dese retirer dans leurs logemens où ils etoient en suretéplusieurs s'enfuirent jusques dans les vaisseaux.

Sebastienneanmoins ne s'etonna pas de cette peur qui avoit paru dans son camp.Au contraire il en meprisa d'autant plus les Mauresvoiant que leurattaque avoit eté sans effet; & leur prompte retraitel'assura davantage que la fuite des siens ne l'intimida. Il ne voulutplus demeurer dans la villemais il prit son logement dans le camppour etre pret à sortir a la moindre allarme.

Lelendemain deux mille chevaux Maures aiant parule Roi les allacharger avec six cens chevaux; & les Maures se retirantils'engagea si avant dans le combatque sans etre suivi d'aucun hommede piéil poursuivit les ennemis plus de trois lieues avecplus de courage que de prudence. Car il faisoit plutot le soldat quele Capitaine& il ne consideroit pas qu'en s'exposant sans sujetà un si extreme perilil exposoit toute son armée.

Mahamethce Prince exiléqui avoit attiré Sebastien dansl'Afriqueavoit craint d'abord qu'il ne s'en rendit maitreau lieude l'aider à conquerir ses Etats. Mais aiant vu ses troupes sien desordresans experiencesans Chef& sans diciplineildesespera qu'il put vaincre le Roi de Maroc. C'est pourquoi il luiconseilla de ne s'engager point dans la terre ferme& de s'enaller par mer avec les vaisseaux attaquer la ville de Larache qu'ilemporteroit aisément. Il ajouta qu'il pourroit retournerensuite glorieusement en Portugal& que laissant quelquestroupes en Afriqueil seroit aisé peu à peu de fairerevolter les Maures qui n'etoient pas affectionnez à leur Roi.

Sebastien mit cette affaire en deliberation. Quelquesuns deceux qui avoient plus de credit auprez de luilui representerentqu'il seroit tres sur d'aller par la mer& tres dangereux des'engager dans la terre: Que les ennemis auroient un grand avantagepar la connoissance qu'ils avoient de leur païs& par lacommodité d'avoir des vivresau lieu que tous ces secours luimanqueroient: Qu'encore que les Chretiens fussent plus vaillans queles Barbaresils pourroient bien neanmoins etre accablez par lagrande multitude de leurs ennemis: Qu'il etoit de sa prudence demoderer son courage& de voir s'il devoit exposer à unperil visible sa personne & tous les siens: Que le siege deLarache qu'on lui proposoit le tiroit de toutes ces difficultez&qu'on en voioit les moiens facilesle succez assuré&l'avantage tresconsiderable. Mais ce Prince qui etoit resolu àdonner batailleeut de la peine à ecouter seulement un si bonconseil.

Alors tousses serviteurs voiant qu'ils se mettoient en danger de se perdre enlui disant la veriténe penserent plus qu'à luicomplaire. Il s'en trouva meme qui s'etudierent à flater sonambitionle piquant d'honneur& lui disant qu'il etoit bon defaire voir à la France qu'on pouvoit bien se passer de sonsecours& que le Roi de Portugal etoit seul assez puissantcontre tous les Maures.

Ainsi toutcontribuoit à la perte de ce Prince; & ses propresOfficiers aiant plus d'egard à leurs interets qu'a ceux deleur Maitrelui parloient non selon leur penseemais selon sondesiresperant que si sa temerité lui reussissoitheureusementils passeroient dans son esprit pour avoir etéplus fermes & plus habiles que les autres& que s'il perdoitla batailleil seroit consideré luimeme comme le premierauteur de sa perte. Il commanda ensuite à toutes ses troupesde quitter le rivage& il se mit en campagnepour aller trouverses ennemis. Le Roi de Maroc etant averti de la marche des Portugaisfut ravi de les voir s'engager ainsi dans la terreferme. Il etoitpersuadé qu'aiant beaucoup plus de troupes& mieuxconduites & diciplinées que n'etoit l'arméeChretienneil ne devoit pas craindre le succez d'une bataille.Neanmoins etant sage comme il etoitil avoit de la peine à secommettre a l'incertitude d'un combat& il croioit que laissantles Portugais s'engager de plus en plus dans ses terresil n'auroitqu'à leur couper le chemin de la merpour les voir perirensuite par le defaut de vivressans qu'il fut obligé deperdre un seul homme. Mais il se trouvoit dans l'impuissanced'executer ce desseinparcequ'il etoit malade à l'extremité& qu'il ne pouvoit plus esperer de vivre que trespeu de jours.

C'estpourquoi etant resolu de se preparer au combatsachant que lesennemis etoient fort prochesil fit venir son frere& il luidit: qu'il le faisoit General de toute la Cavalerieparcequ'il etoitson frerequoiqu'il ne le crut pas avoir assez d'habileté nide cOEur pour soutenir une si grande charge: qu'il lui commandoit decombattre; & de vaincre ou de mourir; & que s'il faisoit lamoindre choseindigne du rang où il le mettoitill'etrangleroit de ses propres mains. Il se fit ensuite porter dansune petite litiereallant de rang en rang parmi ses troupesencourageant tout le monde& donnant tous les ordres comme s'ileut eté dans une parfaite santé.
Il apprit peuaprezque l'armée Portugaise etoit dejà proche. Ilenvoia aussitot son grand Ecuier avec un escadron de Cavalerie pourla reconnoitre. Il arriva en ce meme tems que les Portugais quiavoient passé un petit ruisseaule repassoient par l'ordre duRoi; parce qu'il avoit cru qu'il valloit mieux le laisser entre lesdeux armées. Les Maures donc s'imaginant que les Chretiensfuioient devant euxen rapporterent à grande hate la nouvelleau camp. Les Barbares se mirent aussitot à crier qu'il falloitles suivre& qu'ils ne pourroient pas leur echaper. Mais cePrince non moins sage que vaillantreponditqu'ils s'enfuissent àla bonne heuremais que pour lui il ne vouloit point courir aprés.

La nuits'étant passée sans alarmesquoique les deux arméesfussent voisinesle lendemain qui avoit eté choisi pourdonner la batailleSebastien fit appeller les principaux de sonConseil & les premiers Officiers de son armée& illeur demanda leur avis avec un esprit plus tranquille qu'auparavant.

Quelquesunsproposerent si on pourroit se retirer pour regagner le bord de lamer& assieger Larache. Mais ceux meme qui n'avoient pas etéd'avis de s'engager dans la terre ferme& dans la necessitéde donner une bataillecroioient qu'il ne falloit plus alors penserqu'à combattre: parceque se retirant à la vue del'ennemion lui donneroit cOEur en se l'otant à soimeme&qu'il seroit bien plus aisé de rompre les Maures encombattantque de les eviter en se retirant: outre que l'arméemanquant de vivres elle periroit par ellememequand elle se pourroitdefendre des ennemis.

Mahamethqui sembloit devoir le plus appuier cet avisetant difficile qu'ilput rentrer dans ses Etats que par le gain d'une batailleconseilloit neanmoins au Roi de se retirer. Car quoiqu'il vit duperil dans la retraiteil en voioit beaucoup plus dans le combat. Ilconnoissoit le fort & le foible des uns & des autres&sachant quelle etoit la valeur & l'experience de Moluc son Oncle& que son armée etoit beaucoup plus forte & plusaguerrie que celle des Chretiensil croioit que si on donnoit labataillela defaite des Portugais etoit assurée.

Sebastienneanmoins n'eut aucun egard à son avis. Quoique la vue del'ennemi qui etoit si proche l'eut rendu un peu plus moderépour ecouter les conseils qu'on lui donnoitelle n'avoit neanmoinsdiminué en aucune sorte la hautesse & la fermeté deson cOEur. Il voioit sans crainte l'epouvante de ses troupes & legrand nombre de ses ennemis; & s'imaginant qu'ils n'etoient passi forts qu'on le publioit& qu'un Chretien battroit toujourscinq ou six Mauresil sortit hardiment de son camp& il mittoutes ses troupes en bataille.

Il pouvoit avoir alors douzemille hommes de pié& quinze cens chevaux. Il divisa sonarmée en trois corps. Dans le premier etoient les Castillansles Allemans& les Italienscommandez chacun par les Officiersde leur nation. Les troupes Portugaises formoient les deux autres. LaCavalerie etoit aux deux ailes. Le Duc d'Avero commandoit la droiteoù etoit Mahameth avec ses Maures. La Cornette du Roi etoit àla gaucheavec le Duc de Barcellos fils ainé du Duc deBragance.

Le Roi de Maroc mit aussi de son coté sonarmée en bataille. Il avoit dix mille hommes de pié&environ quarante mille chevauxdont vingt cinq mille etoient laplupartou des Chretiens qui avoient renoncé la foiou desTurcs; tous gens de guerre& entretenusqui faisoient laprincipale force de son armée. Il fit marcher d'abord touteson Infanterie rangée en forme de Croissant& aux deuxpointes du Croissantil mit deux Escadrons de Cavalerie de dix millechevaux chacun. Il mit en l'arrieregarde tout le reste de laCavalerie en de petits escadronsavec ordre de s'etendre toujours&d'entourer l'armée Portugaise pour la combattre en meme temsde tous cotez.

Cependantla maladie le pressoit de telle sorte qu'il se sentoit mourir&qu'il ne croioit pas pouvoir seulement passer la journée.Lorsque l'armée Portugaise fut en presenceelle lui parut sifoibleque se tenant assuré de la victoireil ne pensa plusqu'à prevenir la fuite des ennemisafin qu'il ne lui enechapa que le moins qu'il se pourroit. C'est pourquoi il fittellement etendre toute sa Cavalerie dans cette forme de Croissantqu'il lui avoit donnéeque la tenant à une portéede Canon des Portugaisil enferma toute leur armée; les deuxpointes du Croissant s'etant venues joindre derriere leurarrieregarde. Puis etroississant peu à peu ce grand cercle&les Escadrons se grossissanttoute l'armée Chretienne setrouva environnée de tous cotez de la Cavalerie des Maures.

La vued'un peril si present etonna les Portugais& leur epouvanteaugmenta encore par le bruit de l'artillerie des Mauresquoiqu'ellefit assez peu d'effet. Ils se jettoient tous par terre aussitotqu'ils en voioient paroitre le feu. Alors Sebastien craignant que cedesordre n'augmentatfit donner le signal de la bataille.L'avantgarde Portugaise soutint vaillamment le choc des ennemis. Etquand on commença à se battre de plus prezles Mauresplierentfurent rompus & mis en fuite par trois foisavec laperte de leurs drapeaux. Le Duc d'Avero qui commandoit l'aile droiteavec les gens de Mahamethchargea aussi la Cavalerie des Maures quivint l'attaquer& la poussa de telle sorte qu'il mit en fuitetout ce qui se presenta devant lui.

Les Mauress'enfuiant vinrent se rendre au lieu où etoit leur Roiquientrant dans une colere etrangesans considerer qu'il etoit àdemimortse leva de sa litiere& monta à cheval. etantresolu d'aller à la tete de ses troupespour arreter par sonexemple la fuite des siens. Ceux qui etoient prez de sa personnesachant l'extremité où il etoitle conjuroient de nese point hazarder de la sorte& tachoient de l'arreter en tenantles renes de son cheval. Mais voiant qu'ils continuoient de luiresister& qu'ils ils l'empechoient de courir où ilvouloitson courage lui faisant oublier sa foiblesseil mit l'epéeà la main pour les ecarter d'auprez de lui. Et ce grand effortqu'il fitachevant de consumer le peu de forces qui lui restoitiltomba evanoui entre les bras de ceux qui l'environnoient& ilmourut aussitot qu'ils l'eurent remis dans sa litiere.

LesMaures qui avoient eté Chretiens & ausquels il s'etoitplus fié qu'à tous les autreseurent grand soin detenir sa mort secreteselon l'ordre exprez qu'il leur en avoitdonné. Car son extreme défaillance lui faisant croirequ'il il ne vivroit pas assez pour voir la fin de la batailleilavoit commandé que s'il mouroit pendant le combaton mit danssa litiere un de ceux qui l'accompagnoient d'ordinaire& quifeignant de le consulter et de prendre les ordres de luiilencouragea toujours ses Officiers& leur commanda de sa part debien combattre. En quoi on peut admirer la sagesse & lamagnanimité de ce Roi Barbarequi compassa tellement sesordres & ses desseins avec les derniers momens de sa viequ'ilempecha que la mort meme ne lui put ravir la victoire.

Ce premieravantage de l'armée Chretienne ne dura guere. Car le Ducd'Avero aiant mis en fuite les Maures qui se trouverent devant luifut attaqué par un gros Escadron de Cavalerie. Et comme iln'en pouvoit soutenir le choc& que les ennemis le pressoientvivementil fut obligé de se retirer en desordresanspouvoir reprendre son rang dans la Cavalerie Portugaise; & ilentra en grande confusion au milieu des gens de piéqui nepouvant plus garder leurs rangsfurent d'autant moins en etat desoutenir toute la foule de la Cavalerie & de l'Infanterie desMauresqui vinrent en meme tems fondre sur eux.

A l'ailegauche où etoit la Cornette du Roiles Portugais d'abordpousserent les Mauresils en tuerent un grand nombre& ils lespoursuivirent jusqu'à leur artillerie. Mais il leur arrivaensuite la meme chose qu'au Duc d'Avero. Car les Escadrons des Mauresetant venus fondre sur eux en bien plus grand nombreils furentcontraints de se retirer en desordre; & allant heurter contreleurs troupesils i porterent la confusion & l'epouvante.

Le Roi quiavoit mis son Drapeau à l'aile gauchevoulut neanmoinscombattre à l'avantgardeoù ses troupescomme nousavons diteurent d'abord un avantage considerable. Car etantcomposée d'Espagnolsd'Italiens & d'Allemansqui avoientplus d'experience dans la guerre& qui vouloient tous soutenirl'honneur de leur nationils combattirent vaillamment à lavue du Roiqui les anima encore par sa presence & par soncourage& ils taillerent en pieces deux mille Maures. Mais commeles ennemis etoient en si grand nombre& qu'ils envoioient desgens frais en la place de ceux qu'on avoit rompus ou epouvantezaiant operé à l'Avantgarde un grand Escadron deCavaleriel'armée Chretienne qui ne pouvoit resister àtoute cette multitudese retiroit peu à peu & seresserroit en ellememequelque efforts que le Roi fit pour rallierles soldats& pour leur faire garder leurs rangs.

Ainsi enpeu d'heures toute l'armée Portugaise se trouva confuse. Carquoiqu'il i eut dans la Cavalerie des Gentilshommes & desSeigneurs fort bravesil i avoit aussi beaucoup de jeunes gens sansexperience & sans disciplineDe sorte qu'on voioit les uns sebattre vaillammentquoiqu'accablez par le grand nombre des ennemis& les autres s'enfuir d'eux-memessans que personne lespoursuivit.

Il s'entrouva meme plusieurs dans le second corps qui etoit tout composéde Portugaisqui jettant leurs armes & se mettant àgenouxdemandoient la vie aux Maures; ne considerant pas que dans uncombat on ne trouve point de sureté qu'à biencombattre& que lorsqu'on veut sauver sa vie aux depens de sonhonneuron perd l'un & l'autre. Car ces Barbares devenant plusfiers de les voir ainsi à leurs piezleur fendoient la teteavec leurs cimeterresles haïssant dejà comme Chretiens& les meprisant de plus comme des laches.

Françoisde Tavora qui commandoit l'arrieregardesoutint longtems avecbeaucoup de valeur le choc des Maures. Le Roi meme aiant quittél'avantgarde vint en personne pour le soutenir. Mais Tavora aiant etétué d'une mousquetade dans le combatla fraieur & ledesordre se mit dans ses gens& ils commencerent à fuir &à se rendre aux Mauressans que l'exemple & le respect duRoi put les retenir.

Le Ducd'Avero peu aprez aiant eté tué dans le combat&plusieurs des principaux Chefs etant ou pris ou tueztoute l'arméeChretienne se mit en fuite& les Maures etant entrez dans lesrangs avec leurs cimeterrestailloient en pieces tout ce qui lepresentoit à eux.

Le Roi fitdans ce combat tout ce qu'on pouvoit attendre de son grand cOEur&plus que son age & son peu d'experience n'en pouvoit promettre.Il donna lui-meme tous les ordres; il envoia secourir ses gens; &il se trouva lui-meme en personne dans tous les endroits où leperil etoit le plus grand. Il eut trois chevaux tuez sous lui; &quoiqu'il eut eté blessé au bras droit d'unemousquetadeil ne laissa pas de s'engager souvent dans le combat&d'exciter toujours les siens par son exemple & par son courage.

Ceux quietoient restez de son arméevoiant la defaite de leurstroupesne penserent qu'à se sauver. Mais celui qui portoitla Cornette aiant eté tuéils ne purent savoir oùil etoit. Ainsi le Roi se trouvant presque seulavec quelquesuns deses Gentilshommes& un Maure qui avoit eté Chretien quitachoit de le sauverfut tué par les Maures qui vinrentcharger sa troupeou qui disputoient entre eux qui demeureroitmaitre de sa personne.

LesBarbares envoierent chercher son corps parmi les morts& etanttrouve nud & depouillé comme les autreson le porta surun cheval dans leur campoù ils le firent reconnoitre par lesprincipaux d'entre les prisonniers Portugaisqui assurerent quec'etoit le Corps du Roi.

Telle futla fin deplorable de ce jeune Prince. On peut dire de lui qu'il a etégrand& dans ses vertus & dans ses defauts. Il eut beaucoupde zele pour la Religion; il aima & il protegea les personnes devertu & de merite; il eut une liberalité vraiment Roiale;un cOEur capable des plus grandes entreprises; une inclination àla guerre& une magnanimité egale à celle des Roisles plus illustres des siecles passez.

Tant derares qualitez qui sembloient lui promettre une vie pleine de gloire& assurer ses sujets de la felicité de son regnesontdevenues par un seul defaut non seulement inutilesmais pernicieusesà lui-meme & à tout son Roiaume. Car cette fiertéd'esprit qui lui etoit naturellel'a rendu si ferme & siinflexible dans ses pensées & dans ses desirsqu'il estdevenu incapable de se rendre jamais au conseil des autres.

Il sembleque sa grande jeunesse & cette passion si ardente d'aquerir de lagloire lui avoit persuadeque la Couronne donnoit aussi bien unesouveraineté de sagesse que de puissance; & que c'etoitassez d'etre né Roipour trouver dans soi-meme sans lesecours de personne cette haute prudenceque la lumiere & laraison naturelle commence dans l'homme; que l'instruction cultive;que l'age fortifie; que le commerce des sages eclaire de plus enplus; & qui est consommée par l'experience& par laconsideration des evenemens du monde.

On peutdire neanmoins à son avantagequ'etant mort àvingt-quatre anssa grande jeunesse fait que ses vertus doivent etreencore plus admiréescomme surpassant de beaucoup son age&qu'elle rend ses defauts plus excusables. Car il y a lieu de croireque s'il eut survecu à sa defaiteil eut pu se corriger &s'instruire par son malheur& qu'il eut appris combien il estnecessaire à un Princede choisir des personnes vraimentsages & desinteresséespour se servir de leur lumieredans sa conduite & dans ses grandes entreprisesvoiant leprecipice où il s'etoit jeté par le mepris du conseildes autres& par l'indiference de son zele & de son courage.

Mahamethvoiant toute l'armée Chretienne en deroute & les Mauresvictorieuxse retira en grand hateaiant peur de tomber entre lesmains de Moluc son Oncle qu'il croioit encore vivant& quiauroit consideré sa prise comme un des plus grands fruits desa victoire. Mais aiant voulu passer à gué une rivierepour se rendre en la ville d'Arzille qui etoit aux Portugaisiltrouva l'eau plus profonde qu'il ne pensoit& il se noia.

Ainsicette bataille si sanglanteoutre les longues & les malheureusessuites qu'elle a euesfut encore bien remarquable par une rencontrequi n'est peutetre jamais arrivée en aucun combatqui estqu'il il y mourut trois Rois& de morts toutes differentes. Carle Roi de Maroc y mourut de maladiedonnant tous les ordres jusquesà sa mort; Le Roi de Portugal y fut tué aprez avoircombattu durant six heures; & Mahameth qui avoit eté Roides Maures fut noié en se retirant de la bataille.

Le Papepourvoiant au bien du Roiaume de Portugalobligea le Cardinal HenriOncle de Sebastiende quiter la Pourpre& d'epouser une femme.Henri etoit le cinquieme fils d'Emmanuel le Grand& de Marie deCastille. Il fut successivement Archeveque de Braguede Lisbonne &d'Evora. Paul III le crea Cardinal en 1546. Depuisen 1578ilsucceda à son petit Neveu Fils de Jean Prince de Portugalmort devant son Pere Jean III Frere de Henri dont je parle; quoiqu'ilfut Pretrele Pape jugea pour le bien communqu'il devoitdispenser& en effet Henriquoiqu'agé de 67 ansfut missur le trone. Aprez avoir regne un an 5 mois & 5 joursil mourutagé de 68 ans sur la fin de Janvier de l'an 1580.

Le 24 Juinde la meme annéeAntoine Batard de Louis Duc de Beiasecondfils du Roi Emmanuel le Grand & de Marie d'Arragonprit laqualité de Roi de Portugal. Cet Antoine etoit né l'an1531& le Duc de Beia l'avoit eu d'une maitresse de bassecondicion nommée Iolande. Antoine aprez avoir vainement essaiéde monter sur le tronepar le secours du Roi de France&d'Elisabeth Reine d'Angleterremourut à Paris le 26 Aout1595. Antoine ne se rendit memorable que par son histoire qu'ilecrivit luimemepar ses Commentaires sur les Pseaumes& par 6enfans Batards. Il fit nommer son premierEmmanuel. Cet Emmanuel futVice-roi des Indes. Aiant epousé en premieres noces en 1597Emilie de Nassau Fille de Guillaume Prince d'Orangele Fondateur dela Republique de Hollande; & en secondesLouise Osorioilmourut à Brusselle agé de prez de soixante-dix ans le22 Juillet 1638. D'Emilie de Nassau il eut Emmanuel qui se fit Carmeen 1628Louis& 6 filles.

Le secondfils du Batard Antoine fut Cristofequi fut si hardi que de prendrele titre de Roi& qui mourut de Paralizie à Paris le 3Juin 1638en la 66 année de son age.

Le 3 Filsdu Batard Antoine fut Denis qui se fit de l'Ordre de Citeaux. Le 4fut Jean qui mourut sans alliance. Les deux Filles se firentReligieuses en Portugal.

Le BatardAntoine mourut à Paris le 26 Aout 1595& il fut enterréen la Chapelle de Gondi des Cordeliers.

Aprezavoir donné l'idée du Batard Antoinevenons enparticulier aux moiens qu'il mit en usage pour disputer le trone àl'Espagnequi en etoit la maitresse legitime.

Le Ducd'Albe aiant eté la terreur de la Belgiquevint l'etre duPortugal. Le Batard Antoine soutenu de l'Angleterre & de laFrancel'attendit de pié ferme à Lisbonnequi est laCapitale du Roiaumeà la tete de 4000 combatans. Cette troupetumultaire fit d'abord quelque resistancemais enfin elle plia sousla valeur du Duc d'Alve. Le Batard Antoine i fut blessé àla tete& il ne dut son salut qu'à la vitesse de soncheval.

Il eutneanmoins encore le courage de ramasser une petite armée; maiscomme elle n'etoit composée que de racailleselle n'eut passitot vu la Cavalerie Espagnolequi etoit conduite de Sanched'Avilaqu'elle prit la fuite comme des enfans à la vue dequelque epouventail. Le Batard Antoine eut bien de la peine àse sauver avec un petit debris; il se tint quelque tems cachédans des coins du Roiaume ; mais ne s'i trouvant pas trop enassuranceil s'embarca pour la France.

Filippe IIaiant donné la chasse à ce petit ennemifit son entréetriomfante à Lisbonne au jour de S.Pierre & de S.Paul.Cette expedicion lui couta 4 ans.; aprez quoiil songea àretourner à Madrit.

Il ne putjamais faire plus eloquemment l'eloge de son Neveu le CardinalAlbertqu'en lui confiant cette nouvelle conquetequi exigeoit unhomme de tete & de main. Ce jeune Viceroi n'avoit alors que 25anspuisqu'il n'entra dans son gouvernement qu'en Fevrier de l'an1589.

Le nouveauViceroi voulut signaler sa Regence par prendre vangeance de l'afrontque les troupes du Roi avoient soufferten l'Ile des Terceres. Lafaxion du Batard Antoinei avoit tellement prevaluque lesEspagnols i aiant pris terreles habitans de l'Ile en massacrerentplus de 400. Filipe IIpour vanger cette injure i envoya son AmiralAlvar Marquis de S.Croix tresexcellent homme de mer. Alvar ne fut pasbien avancéquand il rencontra la flotte Françoisequi etoit commandée par Filipe Strozzi Italien de grandcourage. La partie etoit inegale; mais ce fut celà meme quienhardit Alvar. Il esperoit qu'en battant la Floteil mettroit unefin aux presompcions du Batard Antoinequi montoit la Flote. Mais leBatardpressentant le malheur qui alloit fondre sur son partidescendit en terre fermedeux jours avant le combat. Alvar cependantataque la Flotte. La victoire aiant lontems balancés'inclinaenfin du coté de l'Espagne. L'amiral Strozzi demeura dans lecombat. La Capitane & les principaux Navires aiant etéprisle restese mit à la voile& prit la fuite. Lapremiere Noblesse de Francequi etoit venue pour se signaler encette occasion glorieusei perdit la vie ou la liberté; leprincipal regret des Portugais regarda la perte de l'incomparableComte de Vimiosense digne de vivre eternellement.

Alvar fittrencher la tete à quelques prisonniers François. Lasaison trop avancée empecha qu'Alvar ne profitat de savictoire ; mais le Cardinal Vice-roi ne soufrit pas que ce qui etoitdifferé fut entierement rompu.

Dez qu'ileut les resnes dans les mains& qu'il sentit le tems favorable àla Navigacionil mit le genereux Alvar à la tete d'une bellearmée Navalepour achever ce qu'il avoit heureusementcommencé l'année d'auparavant. Alvar abordaheureusement à l'Ile de S.Michel& comme il etoit aussihonete que braveil deputa de ses genspour donner aux Rebellesavis de son arrivée& pour leur offrir des condicionshonorablesau cas qu'ils voulussent capituler. Emmanuel de Silvaqui commandoit dans Angraenflé de sa garnison de 3000Françoisn'i voulut entendre en aucune façon.

Alvar nevoiant aucune voie dans la douceur prit le parti de la severité.Il ataqua l'Ile de toutes ses forces& ces opiniatres furentaussi laches à resisterqu'ils avoient eté opiniatresà refuser un honete accommodement. Emmanuel de Silva & lesprincipaux faxieux le paierent de leurs tetes. Le Vainqueur eut labonté de laisser retourner les Françoisen leur païssans leur rien faire& meme il leur laissa leurs epées.

Notrenouveau Viceroi n'eut pas moins de bonheur dans l'Ile de Faiala quedans Angra. Pierre de Tolede la reduisit en fort peu de tems. Ildonna bon cartier aux Françoisqui i etoient en garnisonmais il fit pendre le Gouverneur de l'Ilequi etoit Portugaisparceque contre le droit des Nacionsil avoit inhumainement fait mourirun Envoié qui lui etoit venu presenter des condicionshonorables.

Cesmalheureux succez devoient debaucher le Batard Antoinemais comme iletoit ambicieux& que les François ne manquoient pas dele flater de son retablissementil vint se jetter aux piez de laReine Elisabet d'Angleterre ; il la conjura d'avoir compassion de lajustice opprimée ; il lui persuada que tout le Portugal sesouleveroit à la vue de sa Flotte ; enfin il fit de si bonnesremontrances à cette Reine ennemie de la maison d'Autrichequ'en 1589elle mit à la voile une Flotte tres puissantequise flatoit d'aller à une victoire certaine& au butinassuréplutot qu'à une bataille.

Les forcesfurent partagées ; François Drak commanda par merleBatard Antoineavec Henri Norescommanda par terre. La FlotteAngloise etoit composée de 26 gros navires de guerre& de140 petits batimens. Elle etoit montée de 20000 combatans.Elle demara en Avrilde Pleimout& en Maielle aborda àla Corrogne en Galice. Dix mille hommes firent decente& àla faveur d'une bonne artillerieils attaquerent rudement cetteForteresse.

LaCorongne se defendit si genereusementque les Angloisaiant perdu1000 des leurs& se trouvant chargez de blessures & deconfusion furent obligez de tenter fortune vers des endroits plusproches de Lisbonne. Ils arriverent à Pinichqui n'est qu'à9 lieues de Lisbonnele 26 Mai. Comme il est aisé àune armée Navale de faire une decentequand l'ennemi a unelongue traite de terreferme à garderles Anglois la firentsans peine.

Douzemille hommes de pié avec quelque Cavaleriefirent la decentesans que personne s'i oposat. Ils vinrent fort impunément versLisbonne& meme ils vinrent se camper au Faubourg de S.Caterine.

Le BatardAntoinequi avoit tant preconisé à la Reine Elisabetque tout le Portugal etoit à lui& qu'à la vue deses pavillons ou de ses etendartstous les Portugais ne manqueroientpas de venir se ranger sous ses enseigness'aperçut combienil s'etoit meconté& combien il s'etoit flatéquand il vid que personne ne se hatoit de lui faire hommage.

Notrejeune Viceroi s'etoit tellement aquis tous les cOEursque l'espacede 9 joursdurant lesquels le Batard Antoine & Henri Norésattendoient plutot la defexion que la resistance des Portugaispersonne ne passa au camp ennemi. Tout se passa en escarmouchesoùles Espagnols & les Portugais rebelles se contenterent de donnerdes marques de leur valeur & de leur ancienne emulacion.

L'AmiralDrac fut plus heureux par merque le Batard Antoinepar terre. Ils'empara de la forteresse de Calcalaquoiqu'il dut plus attribuerson bonheur à la lacheté du Gouverneur qu'à sapropre bravoure. Ce Gouverneur etoit Espagnol& il paia ensuitede sa tete la peine due à sa lacheté.

Le GeneralHenri Norésaprez s'etre lontems morfondu d'esperancevoiantson armée deminuée de plus de 3000 hommes&considerant que le reste n'etoit qu'un debris de la misere fitresolucion de regagner ses bateaux& de repasser en Angleterreen la meme année 1589.

Quelquebien etablis que soient les espritsil est impossible qu'à lavue d'une armée ennemie& qui ne manque pas de pretexteil ne se face quelque emocion dans une Capitale. Lisbonne ou futouparut etre ebranlé de tant de forces; & le Viceroi pourobvier aux mechantes suitesfut obligé de faire derigoureuses recherches sur la disposicion des Portugais. Celafutcause qu'on en decapita quelquesuns& qu'on en emprisonaplusieurs suspects. Le calme etant revenuil se trouva qu'on avoiteté un peu vite en besogne à l'egard de ces executions& que bien des gens maltraitez dans le troubleauroient etéreconnus pour innocens durant la paix.

AlfonseVargasque Filipe II avoit envoié en Portugalpour servir debras droit au Viceroi Cardinalavoit coutume de direque si quelqueFlotte ennemie venoit aborder en Espagnele Portugal seroit laProvinced'où il i auroit moins de Transfugesquipasseroient à l'ennemi.

LeCardinal Viceroi surmonte au meme tems l'enferla France &l'Angleterre. La victoire qu'il remporte sur les demonsconsistedans le martire des Heros de Marocqui remporterent la palmeglorieuse sous la Regence de notre heureux Viceroi.

En 1585François Acosta & frere Antoine de la Concepcion luiecrivirent qu'entre les prisonniers faits à la deroute dumalheureux Roi Sebastienil se trouva six braves jeunes hommesquisans aucun autre Maitre que le S.Espritfirent ce que bien des gensne feroient pas au milieu du Christianisme.

Le premierde ces six etoit né d'une mere Turque& d'un EspagnolRenegat ; on voulut le faire instruire dans l'Alcoranmais ildetesta cette ecole abominable& il se joignit aux enfansPortugaisparmi lesquels il prit le nom de François del'Esperance. Le Cherif & les principaux du Roiaume de Marocsoliciterent sa constancemais il defendit la foi Cretienne sigenereusementque ce Barbare ne pouvant plus lontems soutenir safermetéle fit cruellement etrangler.

Dieu pouraffermir cette nouvelle Eglisefit un miracle ; la corde destinéeà cette victime de la foise rompit deux foissans aucuneffet ; à la troisieme enfinDieu permit que cette tete futcouronnée d'un glorieux martire.

Françoisde l'esperance fut suivi de Simon de Freitas. Ce Simonqui etoitPortugaisservit de maitre & de feu aux genereux Confesseurs deJesus-Christ. Le troisieme fut Antoine de Sosa. Le quatrieme fut unMaure de la petite ville de Colaréscelebre par l'abondance &par la bonté de ses pommes. Le sixieme fut Dominique du MontHerminnatif de Gorea. Le septieme fut Jean né àParisqui avoit suivi le Roi Sebastien dans son expediciond'Afrique. Le 8 fut Ferdinand Ginez que quelques-uns tiennent avoireté de la petite ville de Monçasituée sur lerivage du Minho& que quelques autres croient avoir etéFrançois de nacion. Le 9 fut Dominique de la Torrésnéà Mazagan en Afrique. Tout le crime de Dominique etoit d'avoireté convaincu d'un commerce avec un de ses amis Renegatsqu'il exhortoit à rentrer dans son devoir. Le Roi de Marocl'en aiant convaincu par la produxion de ses lettresce Barbare luifit couper les jarrets; & puisil le fit enfouir tout vif dansson jardin; tourmens que cet Athlete endura d'un courage invaincu.

FrançoisAcostaqui etoit Ambassadeur à Maroc de la part du ViceroiCardinal& qui avoit donné part à son Prince detoute cette tragedieacheta à grand prix les Reliques sacréesde ces saints Heros; & ce Saint depost se conserve en grandeveneracion dans saint Laurens de l'EscurialPalais qui efface toutesles Cours de l'Univers.

Quelquesparties de ces saintes Reliques ons eté transportées enPortugal& elles ont donné la guerison à uneinfinité de maladesqui avoient invoqué les hotesmagnanimes de ces cendres miraculeuses.

Le Roiaumede Fez eut aussi ses Heros. Onze jeunes hommes valeureuxou tous oula pluspart Portugaisqui avoient suivi les etandarts de Sebastiendans son expedicion d'Afriquesignalerent leur foi& leurcouragepar diverses sortes de tourmens.

Aprezavoir donné une guerre sanglante& la defaite du BatardAntoine qui alla mourir à Paris en 1595; aprez avoir donnéune guerre sainte dans le Martire des Atletes de Maroc & de Feznous allons donner une guerre Scolastique entre des Moinesqui futou terminée ou prejugée par la prudence incomparable denotre Viceroi Cardinal.

LesJesuites sont redevables à son equité des premierstriomphes qu'ils ont remportez sur les Jacobins en matiere de Grace.Avant d'en parlerdonnons une ebauche grossiere des deux principauxChampions qui parurent dans cette cariere. Je dis Molina &Bannez.

LouisMolina etoit de Cuenca en la Castille Neuve. Il se fit Jesuite àl'age de 18 ans. Comme il avoit l'esprit prodigieuxla memoirevastele jugement penetrantla santé robuste&l'applicacion assidueil fit de merveilleux progrez dans lessiences& il passa pour un des premiers Theologiens &Jurisconsultes du monde. Cet admirable fond de doctrine etoit soutenud'une grande pietéd'une modestie tres rare& d'unepatience invincible. Aprez avoir rempli toute la terre de sareputacionil mourut saintement à Madrit le 12 octobre del'an 1600agé de 65 ans.

DominiqueBannez etoit de Mondragon en la Guipuscoaou de Valladolit; iletudia à Salamanqueil se fit Jacobin à l'age de 15ans. Il fut un des Confesseurs de S.Terese. Les Freres Prescheursl'estiment un des leurs illustres Theologiens. Les plus moderezcondamnent sa haine contre Molina. Aprez avoir rendu plusieurscombasil rendit les armes& l'ame à Medine du Champ lepremier Novembre de l'an 1604agé de 77 ans.

La gracefut le sujet des batailles que ces deux Antonigistes se livrerent.Bannez pretendoit que Dieu pousse nos volontez par une impressionphisiquequi ne nous est pas volontaire& qui emporte toujoursinfailliblement son effet ; Molina soutenoit que cettepredeterminacion phisique otoit la liberté& pourconcilier la force de la grace avec le franc arbitreil forma desConciles & des Peres& sur tout de S.Augustin & deS.Thomas une nouvelle explicacion de la gracesous le nom de siencemoienneen vertu de laquelle Dieu n'agit efficacement sur nosvolontezqu'aprez avoir prevu notre consentement condicionel sousles auspices de la grace.

Voilàl'etat de la question qui a fait tant de bruitdepuis lecommencement de ce siecle& qui apparemment ne se decidera pasencore sitot.

Albertaprez avoir gouverné le Portugal avec une prudencequidementoit son age& avec un succez qu'on n'auroit osé sepromettre parmi tant de guerres civilescharma tellement Filipe IIque ce grand maitre dans l'art de regnerauroit cru offenser sapolitiques'il eut laissé plus que dix ans en Portugalunetete qui meritoit d'etre au gouvernail de l'Univers.

Le jeuneViceroi avoit mis les choses en etat de ne rien craindre& detout esperer; mais la face de la Belgique n'etoit pas si favorable.Le Duc d'Alve i avoit fait du bruit& ce Roi tres sage jugeoitque persone ne pourroit mieux les calmer que son cher Neveu.

Le RoiFilipe avoit fondé ses esperances sur l'Archiduc Ernest Frerede notre Albertmais le ciel avoit envié ce bon Prince àla terre. Ernest dez l'an 1594 avoit eté destiné pourremettre les affaires de la Belgique. Il avoit fait son entréetriomfante a Brussellesur la fin de Janvier& il avoit prisles resnes en main avec l'acclamacion de tous les Belges.

Lespremiers soins d'Ernest: regarderent la Hollande. Il essaia de laremener à son devoir i mais le Prince Maurice de Nassau setrouvoit trop bien de sa nouvelle Republiquepour en quiter legouvernementpour quelque offre qu'on put lui faire. Bien loind'entendre aux proposicions pacifiques de l'Archiduc Ernestiltourna toutes ses pensées du coté de la guerre.

Il tachede surprendre Boileduc& Vicqui est une petite Ville visavisde Mastric à l'autre coté de la Meuse. Ces deux coupslui aiant manquéil alla se rabattre sur les Roiaux en Frise.Il les obligea de lever le siege de Couvorden& il mit luimemele siege devant Groningue capitale de la Frise Occidentale. CetteVille etoit bien resolue à se defendre& aux premieressemonces de Mauriceelle avoit repondu qu'elle songeroit àcapituler dans un an. La recepcion inconcevable qu'Anvers fit àl'Archiduc Ernestle fit tomber dans la faute où Hannibaletoit tombé à Capoue ; pendant qu'Anvers triomfeGroningue gemit& faute de secoursil est obligé de serendre aprez trois mois de siegelui qui s'etoit promis de lesoutenir un an entier. La composicion n'auroit pas etéignomieusesi l'un des articles n'en eut pas banni l'exercice de laReligion Catolique. Cette prise fut suivie d'une autrequi n'etantpas de la Belgiquelui aportoit un dommage inexprimable par larupture du commerce.

Mauricedonna l'entreprise de la Ville de Hui capitale du CondrozàCharle Herauguiere Gouverneur de Bredaqui avoit le genie fait àde pareilles expedicions. Hui est une Ville fort ancienne. On tientque S.Materne envoié de S.Pierreaiant porté la foiChrétienne à Namurl'alla porter à Hui. Sonpaïsage est un paradis terrestre& des peintres qui avoientvisité toute l'Europeont avoué de n'en avoir pas vude plus agreable. En effetl'OEil d'un seul aspecttombe sur unevillesur une citadellesur un pontsur une rivieresur desforetssur des montagnessur des valléessur des vignoblessur des metairiessur des chateauxsur des Eglisessur des ilessur des campagnessur des moulinssur des bateauxsur des forges.Et l'on aurabien de la peine à rencontrer ailleurs tous cesavantages en un clin d'OEil. La Meuse partage Hui. Il est à michemin de Namur & de Liege. Il a eu autrefois ses Comtesparticuliers ; mais presentement il est au Prince de Liege. Son nomlui vient d'une petite riviere nommée Hoiouxqui s'i renddans la Meuse. Le Cardinal de la Mark Prince & Eveque de Liege ibatit un tres agreable chateaude l'argent que Charlequint luidonnoit pour reconnoitre la couronne Imperiale qu'il lui avoitprocurée. La France l'a demoli aussi bien que son pont; demaniere que cette pauvre Ville n'a reservé que sa fontaine quiest le troisieme de ses joiaux. Les raisins i sont admirablesmaisle vin i est bien petit& il n'est presque propre que pouracoutrer des carpes. Le General des Croisiers i tient son siege. On ivoid une tresbelle Collegiale avec de riches Canonicatsune infinitéde Couvens parmi lesquels les Urselines brillent & les Jesuitesqui i enseignoient la jeunesse avec beaucoup de succezavant lesmalheurs des guerres; les Ermites de S.Augustin le font presentementen leur placejusqu'à ce que les choses soient sur unmeilleur pié: les moulins au papier sont excellens &nombreux.

CetteVille avoit trop de charmes pour ne pas attirer la convoitise duPrince Maurice. Herauguiere donc le dernier jour de Janvier de l'an1595 commence son entreprise par i conduire 7 compagniesd'Infanterie& 14 de Cavalerie. Il marchoit la nuit& ilfaisoit alte de jour. Aiant caché ses gens au voisinageilenvoia 30 de ses plus determinez pour decouvrir la place de plusprez. Ces Entrepreneursau sombre minuits'acrocherent par unrocher escarpé qui fait face sur la Meusepresque au memeendroit par où Frere Thomas devoit s'en rendre Maitreil i aquelques années. Par le moien de leurs crochetsils gagnerentla cime du rocheroù la citadelle est assise.

Ilappliquerent des echelles de cordes à la plus grande sale&ils i entrerent par les fenetressans etre aperçus. Lelendemain qui etoit un Dimanchele Gouverneur de la citadelle alloitfort tranquillement pour entendre la Messe tambour battant avecquelque peu de sa garnisonlorsque les Entrepreneurs sortirent deleur cachettequ'ils assasinerent les gardes& qu'ils sesaisirent des portes.

Au memetems le signal fut donné& Herauguiere sortit aussitot deson embuscadeil fondit sur la Villeil s'en rendit maitre&il alla au meme moment prendre possession de la citadelleoùil mit une bonne garnison.

Cettesurprise alarma beaucoup les Provinces voisinesmais elle ne touchapersonne plus vivement qu'Ernest de Baviere Electeur de Colognequien qualité de Prince de Liege se voioit traitreusement enleverla seconde Ville de son Diocese. Il accourut d'Alemagne& ilpria l'Archiduc Ernest de vouloir joindre ses forces pour reprendreHui avant que les Holandois ne s'i fortifiassent& n'i fussentsoutenus par la jonction des Françoisqui infestant leLuxembourgpasseroient aisément au Condroz.

Ernestprit feu& il songeoit efficacement à aracher cette proiedes mains de ses ennemisquand la mort rompit le cours de sondessein & de sa vie. Il mourut de la gravelle le 21 Mars 1595. LaBelgique le regreta autant plus qu'elle ne faisoit que de gouter ladouceur de son Gouvernement& qu'elle se vid frustrée del'esperance d'une paix que ce Prince avoit à cOEur& pourl'heureuse conclusion de laquelle il avoit toutes les qualiteznecessaires. Il aimoit la paixil etoit d'un naturel doux &moderé. Les prodigues le blament de n'avoir pas tenu ni detableni de train conforme à son auguste naissance; on fit ladissection de son corps. On lui trouva une pierre dans les reins &un ver assez long qui le rongeoit tout vif. On l'embauma& onl'enterra à S.Gudule de Brusselleoù l'on void sonportrait dans le ChOEur du coté du midi.

LeCardinal Albert avoit eté pourvu de l'Archeveché deTolede vacant par la mort du Cardinal Gaspar Quirogaarrivéele 22 Novembre 1594& il se disposoit à la residencequand la mort de son Frere Ernest changea la face des choses&porta Filipe II à envoier l'Archiduc Albert en sa place. LeComte Fontaine gouverna par interim. Ce brave Pierre Henriquez Comtede Fontaine debuta par la reduction de la ville de Hui. Sur la fin dumois de Fevrier de l'an 1596 il i vint mettre le siege. Le Prince deLiege plaça ses troupes auxiliaires à l'autre cotéde la Meuse qui regarde Namur. L'ataque fut si vigoureuse que dez le13 Mars les Holandois furent chassez des Fauxbourgs. Les Assiegeansplanterent aussitot 4 pieces de batterie du coté des Trinitoisou de Notre Dame sur le Sart. La breche faiteils foncerent dans laVille& ils tuerent 80 hommes de la garnison. Le reste jugeantqu'il i faisoit trop chaudgagna la citadelle. Valentin de la Mottede PardieuFondateur à Douai d'un College que l'avarice adetruit& dont le tombeau magnifique est à Gravelinecomme General de l'artillerie roialefit dresser deux batteries de14 pieces de canon. Les Assiegez etonnez de cette foudrecomposerentle 7 jour du siege. Cette prontitude fut cause qu'on leur accorda descondicions tres honetes. Ils sortirent avec armes & bagages.

Le Comtede Fontaine i mit aussitot un Gouverneur & une garnisonEspagnoleen attendant les ordres d'Espagne. Filipe II le plusgenereux des Princesdonna la place & la citadelle au Prince deLiege. Ce reconnoissant etablit que desormais le Gouverneur n'iseroit qu'avec l'agrement du Roi son liberateur. Cette louablegratitude a eté observée jusqu'au Comte de Merodequifut le dernier qui tint ce poste avant les cruautez extremes desFrançois.

Ceux deHui ont toujours temoigné de la reconoissance pour leurbienfacteur. Ils ont eté bons Austriensmais ils n'ont jamaisoffensé la France; au contraireils l'ont obligéepartout où ils ont pu. Et neanmoinsl'on peut dire qu'iln'est pas de ville en Europequi en ait reçu de plus sanglanstraitements. Leur beau Pont aiant eté furieusement demoli&retabli de nouveaualloit courir le malheur du premiersi le sagePrince d'Elderen n'i avoit obviépar se declarer en faveur del'Auguste maison d'Austricheselon ses convenances& selon sesobligacions.

Hui etantrendu à son legitime Possesseurle Comte de Fontaines'applica à la reformacion de la Justicede la Milice &des Finances. Il cassa les exactions des soldats qui avoient etési onereuses aux Provinciaux& il defendit sous peine de la vieque personne n'eut ni à exiger ni à contribuer sans sapermission formelle & positive. Il regla ce que les hotesdevoient donner aux soldats; il envoia son reglement aux Magistrats& il les obligea de lui rendre conte de l'execucion.

Il fitgarder une rigoureuse discipline aux camps& personne ne violoitses ordres impunément. Cette rigueur apporta le bon ordre partout. Pour satisfaire l'Artoisqui se plaignoit des courses desFrançoisil laissa le Brabant en garde à CristofeMondragon Gouverneur de la citadelle d'Anvers& il alla prendreen Juin le Cateletplace forte entre Cambrai & S.Quentin. Maistandis qu'il faisoit cette conqueteil eut la mortificacion deperdre Han ville de Picardie.

La guerrene fut pas si favorable à Henri IV aux confins de Picardiequ'en Bourgogne& en la Franche-Comté: car le vaillantComte de Mansfeld relança les deux Generaux Françoisle Duc de Bouillon à Sedan& le Comte de Nassau enHollande. L'Archiduc Ernest Fils de l'Empereur Maximilien II mort enMars de l'an 1595 avoit paru dans la Belgique comme un astre dont laprompte eclipse desole autant que l'apparition radieuse avoitconsolé.
Cette Principauté auroit eu sujet decraindre si le gouvernement de la Belgique ne fut pas echu au Comtede Fuente l'un des plus braves Espagnols qui aient brilléparmi les Belges. Dez que cet entreprennant Gouverneur fut au timonil signala son avenement par retablir la dicipline militaire dans lafleur où elle avoit paru sous Alexandre Duc de Parme & dePlaisance. Il fut extremement servi dans ce retablissement par sesLieutenans Generaux qui alloient du pair avec les premiers Capitainesdu mondeces restaurateurs etoient le Prince d'AvellinValentin dePardieu Seigneur de la MotteJean Jaque Comte de BellejoieuseCretien de Savigni Seigneur de Rone Lorain de Nation& la Berlotdont l'anagramme de guerrier ( Bellator ) exprime si heureusement lecaractere martial.

Ladicipline militaire etant retabliele Comte de Fuente chercha undigne sujet de son entreprise& Cambrai lui parut l'etre. Lagniconvaincu que le Catelet lui etoit necessaire pour assieger Cambraibatit cette Ville de la façon de Henri II Roi de France&il la prit sur Miramont qui en etoit Gouverneur. Cleri & Braisuivirent l'exemple du Catelet. Le Comte de Fuente s'etant fraiéce beau cheminfit trencher la tete à Gomeron à labarbe de la ville de Ham où Gomeron avoit etéGouverneurqui merita ce chatiment acause de son inconstance. Aiantpuni la legereté de Gomeronil assiege Dourlens qui separe laPicardie d'avec le Cambresisparce que cette conquete lui rendroitinfaillible celle de Cambrai.

Tandis quele Comte de Fuente ataqua Dourlensle Duc de Bouillon General desFrançois vint pour l'obliger à lever le siege. Le Comtesortit de ses lignesoù il laissa Hernand Tellez Portocarero& Gaspar Zoppogna& il alla rencontrer l'arméeFrançoise le 24 Juillet 1595jour favorable àl'Espagneparceque c'est la veille de S.Jaque. En effet elleremporta une tresbelle victoire où de la part de la FrancedemeurerentArginvilliers Gouverneur d'AbevilleHaquevilleGouverneur de Ponteau-de-MerPerdriell'Amiral de VillarsSessevalS.DenisMontigni200 Gentilshommes Normans& 600autres Gentilshommes & fameux Capitaines. Le Comte vainqueur fitmourir deux de ses soldats pour avoir tué l'Amiral de Villarsquoiqu'il offrit 80000 ecus de rançon& pour lui avoircoupé le doigt qui portoit un diamant tresprecieux. Cettebelle victoire de Dourlens ne couta à l'Espagne que peu desoldats sans nom; & parmi les blessezil n'i eut de considerableque Sanche de Luna.

Le Comtede Fuente aprez avoir battu les François retourna au siege deDourlens en Picardie. Portocarero eut le courage de monter sur lesramparts du chateauoù il tua le Comte de Dinana. La Ville &le chateau furent saccagez pour vanger le mauvais traitement que lesFrançois avoient fait aux Espagnols de Ham. Reonsoi Gouverneurdu chateauFrancourt & Prouille commandans de la ville400Gentilshommes & 700 soldats i perdirent la vie; Harancourt &Gribonval eurent bien de la peine d'obtenir la condition desprisonniers de guerre. La Ville fut au pillage jusqu'au soir&puis elle eut le brave Portocarero pour Gouverneur. Le ComteVainqueur pour ouvrir le siege de Cambraialla prendre logement prezde Perone. Il investit la ville le 14 Aoust 1595& il la pritbientot aprez. Gaston Spinola fut le premier qui entra dans la Ville.Ce Gaston est l'Aieul du Comte de Bruai d'aujourd'hui LieutenantGeneral des armées du Roi & fils du Gouverneur de LilleChevalier de la Toison d'or.

Le Comtede Fuente prit la Citadelle le 7 Octobre. Il donna une capitulationhonete acause du jeune age de Charle Duc de Retelois fils de Balagni& de la reputation du Sieur de Vic qui commandoit en l'absence deBalagni. L'avarice de Madame de Balagni fut cause que les magasinsn'etant pas bien pourvusla Citadelle fut obligée de serendre plutot qu'elle n'auroit faits'ils eussent eté bienfournis. Cette Dame en eut tant de deplaisir qu'elle en creva de faim& de rageavant que la garnison en sortit pour aller àPeronequi fut le 9 Octobre 1595. Le Comte de Fuente laissa legouvernement de la Ville à l'Archeveque Barlemont& celuide la Citadelle à Augustin Messie.

Tandis queles troupes du Roi se couronnoient de lauriers en PicardielesHolandois essaierent de leur donner quelque diversion& deprofiter de leur absence. Mais ils sentirent que si le Comte deFontaine n'etoit pas en Brabantson courage i etoit dans l'âmede ces Lieutenans.

Grolleleur parut un digne commencement de leur entreprise. Cette Ville estdu Comté du Zutfen& du Diocese de Munster. Elle estforte de nature & d'art. La petite riviere de Slingqui remplitses fossezla rend de difficile accez. Elle est à 4 lieues deZutfen& à deux de Bredevoerde. Le Marquis Spinola laprit sur les Holandois en 1605. Les Holandois la reprirent en 1617.L'Eveque de Munster la prit en 1672& elle retourna auxHolandoisquand la France s'accommoda avec eux pour une grosse sommed'argent. Mauricepour couvrir son desseinerra sur la mer avec uneflotte de 200 navires. Enfinaprez avoir assez lontems tenu lesesprits en suspensil fit voile vers la Frise& il alla mettrele siege devant Grolle.

Il la fitbattre d'abord si cruellement de 18 pieces de canonqu'en fort peude temsil rasa une bonne partie des fortificacions. Mais le couragedes Assiegez ne tomba point avec leurs murailles. Ils firent degenereuses& de nombreuses sortiesqui harcelerent extremementle Prince Maurice.

MondragonGouverneur d'Anversne voulant pas laisser perir ces bravesdefenseursvint incessamment à leur secoursà la tetede 5000 hommes de pié& d'environ 1000 chevaux. Il passale Rhin & aussitot il envoia le Comte Herman de Bergh prendre lesdevansavec mille Fantassins choisis. Ce Comte fonçavaleureusementil força l'ennemi& il ravitailla laVille. Le Prince Maurice ne trouva point à propos d'atendre lereste des troupes du Roiil leva le piquet& il se posta prezde Santenai.

Mondragonse campa à deux lieues de Mauriceaiant la riviere de Luppedevant soi. Maurice detacha Filippe de Nassau avec 500 Chevaux&il lui fit passer la Rivieredans le dessein de couper lesfourageurs de Mondragon. Ce vigilant Capitaineen etant averti parses espionsenvoia contre Filippe de Nassau deux escadronssous laconduite de Don Jean de Cordoue. Ce Chef vint aux mains avec lesHolandois. La victoire balançajusqu'à ce queMondragon envoia du renfort à Cordoue. Les Espagnolsrafrechisenfoncerent les Holandois; & ils precipiterent dans larivieretous ceux qui ne passerent pas au fil de leurs epées.Il demeura deux Colonels du coté des Holandois: on fitprisonniers Filippe Sanchequi mourut bientot aprezde sesblessures ; son Frere le Comte Ernest & un Cousin du Comte deSolms. Outre ceux-làon prit 150 Cavaliers & 300 chevaux.

Ce fut làle dernier exploit du brave Mondragonqui agé de 80 anscourona ses cheveux gris de cette derniere branche de laurierquiacheva la couronne qu'il s'etoit formée depuis 30 ans parmille actions glorieuses; cinq mois aprez sa victoireil allarecevoir la recompense de ses travauxpar une mort Catoliquedanssa citadelle d'Anvers.

HerauguiereGouverneur de Bredapour reparer cet echec& celui qu'il avoitessuié à Huiforma une entreprise sur Lire petiteVille de Brabantsituée sur la riviere de Netheà michemin de Malines & d'Anvers. Herauguiere etoit l'un desCapitaines soldoiez des Anglaisque les Holandois avoient etéobligez d'apeller à leur secours du tems d'Alexandre FarneseDuc de Parme.

La ReineElisabeth avoit envoié aux Holandois Robert Comte de Licestrepour prendre possession des Villes que cette Republique donnoit pourcaucion à leur Alliée. Le Comte etant maitre deFlessingue & de la Brileconçut le dessein d'etendre plusloin sa juridiction.

Il praticala garnison de Leyden& peu s'en fallut qu'il ne la reduisitsous sa puissance. Le premier Entrepreneur etoit Nicolas de MaudeGentilhomme prez de Tournaidont la terre est presentement erigéeen Vicomté en faveur de Monsieur le General Fariau grandBailli de Hainau& actuellement Gouverneur d'Ath qui s'est tantde fois distingué dans les armes& sur tout au siege deMastricoù son nom sera immortel nonobstant la calomnie del'infame Ecrivain de la vie de Mr. de Turenne. De Maudequi avoit sacompagnie en garnison à Leydendevoit se saisir de l'Hotel deVille& d'une des portes pour i introduire les complices

L'entrepriseaiant eté decouvertl'on se saisit de Come PesarangisPiemontois& de Jaque Volmar Flamand. De Maude se sauvamais ilfut pris par le Seigneur de Poelgeest prez de Woerden. On leur fitleur proces& on leur trencha la tete. Celle de Pesarangis &celle de Volmar furent fichées sur des piquesmais on ne fitpas cette ignominie à de Maude. Il fut enterréhonnorablement& universellement regrettéacause de saNoblessede sa bravourede sa jeunessede sa bonne mine& surtoutpour avoir fait des miracles au siege de l'Ecluse en faveur duPrince d'Orange.

Le Comtede Licestre desavoua le fait& la Reine Elisabet reponditques'il i avoit trempéil avoit excedé sa commission.

HerauguiereGentilhomme de Cambrai Capitaine d'Infanterie au service desHolandois etoit du complot& il auroit bien mal passé sontemssi le Comte de Licestre n'eut pas favorisé son evasion.Cet evadépour laver la tachedont il venoit de se souillerfit une nouvelle entreprise sur Breda.

UnDimanche 25 Fevrier 1590le Capitaine Jean Logier prit 16 braves dela Compagnie Colonelle du Comte Filipe de Nassau. Le Capitaine Jeande Fernel en prit 16 de la garnison de Heusdendont le Seigneur deFamas etoit Gouverneur. Le Capitaine Matieu Helt Lieutenant duSeigneur de LiereGouverneur de l'Ile de Clunderten prit 12.Herauguiereconducteur principaldonna 24 de ses soldats au SieurDesprez Ecuier.

UnBatelier nommé Adrien vanden Berghenqui avoit ordre deconduire des Tourbes au Chateau de Bredase chargea d'i conduire lesEntrepreneurs; & en effetil les i conduisitmais avec bien dela peine: car ils furent sur l'eau depuis le Lundi jusqu'au Jeudiendurant mille incommoditezqui les obligerent de retourner au Fortde Noortdampour s'i rafrechir. A onze heures du soirils seremirent sur leur barqueau lieu nommé la Garenne à unquart de lieue de Breda.

Ilsdemeurerent cachez sous les Tourbesdepuis le Vendredi à 10heures du matinjusqu'à trois heures aprez midiauquel temsle bateau entra dans la derniere bariere de l'Eclusequi futincessamment ferméeaprez cette introduction. Un Caporal vintvisiter la retraite du Batelier que les Flamans nomment Roef&n'i aiant vu personneil i mit le guichetsans rien examinerdavantage.

Herauguiereeut bien de la peine à appaiser les complicesqui murmuroientqu'on alloit les conduire à la boucherie ; maiss'ils eussentoséil eussent eclaté bien davantage lorsqu'enatendant le retour de la maréele bateau s'assabla&qu'il puisa tellement l'eau que les Entreprenneurs en avoient jusqu'àmie jambe. Le Samedi à trois heures aprez midil'Ecluse futouverte& quelques soldats de la garnisonne songeant pasd'etre les instrumens de leur malheurtirerent le bateau dans laplace.

Ce bateaunommé l'Esperanceetant attiré au milieu du Chateaule Major commanda au Batelier de fournir de ses Tourbes àchaque corps de garde. On en leva une telle quantité qu'ils'en fallut bien peu que les Entreprenneurs ne fussent decouvertspar l'entredeux des planches qui soutenoient les Tourbes& souslesquelles ils etoient cachez.

LeMatelotqui etoit adroits'etant apperçu du dangerdonnaune piece pour boire au Crocheteurqui dechargeoit les Tourbes&il lui dit que c'etoit assez travailler pour un Samedi soir&qu'il dechargeroit le reste le Lundi.

Le Majorvoiant qu'on differoit la besogneordonna qu'il n'i eut qu'unBatelier qui resta au bateau&que tous les autres allassentreposer à la Ville.

LesEntreprenneurs demeurerent entre l'esperance & la craintejusqu'à onze heures de nuit. Pour rompre le bruitqu'ilsfaisoient en toussant& pour rompre celui qu'ils feroient ensortant du bateaule matelot pompoit incessamment. Cette pomperieparut si affectéeque les soldats lui demanderentpourquoion faisoit là tant de bruit ? Le Matelot s'etant excusésur la caducité du bateau qui l'obligeoit à pomperlessoldats en furent appaisez& ils ne lui en demanderent plusraison quoique cette pomperie durast bien lontems.

Herauguieresortit le premier& il donna à chacun les armes àmesure qu'ils sortoient de leur cachette . Tous etant armezlesCapitaines Lambert & Fernel menerent leur trouppe vers leCorps-de-Garde à coté du Havre de la ville au Sud-est.Herauguiere marcha vers le long de la grange des municionssous unefausseportetirant vers un autre Corps-de-gardeà la portevers la Ville. Il rencontra un soldat Italien. On lui demanda qui valà ? aiant reponduamigoon s'en saisit& on l'obligeaà se taire. On lui demanda ensuite combien il i avoit desoldats de garde ? il repondit qu'il i en avoit 300Herauguiere lefit arreter; il fit entendre à ses gensqu'il n'i en avoitque 50de peut de les debaucher& puisil marcha à sonexecucion.

Comme ils'approcha du Corps-de-gardela sentinelleaiant demandé quiva là ? Herauguierelui repondit par un coup de piquedontil le perça d'outre en outre. Alors l'alarme se donna detoutes partsle combat fut furieusement attaché. Un Enseignesortit l'epée à la main & il blessa Herauguiere aubras; ce Chefquoique blessémit bas son ennemiqui futensuite achevé. On tira sur les autres qui se defendoient deleur Corps-de-garde& quoi qu'ils demandassent cartieron ne ledonna à personne.

PaulAntoine Lancavecha fils du Gouverneurqui commandoit en l'absence deson Perese cantonna dans le Donjond'où il fit unevaillante sortieà la tete de 36 soldats. Lancavecha i futblessé& Fernel i reçut une arquebusade.Lancavecha etant relancé dans son DonjonHerauguiere defit 15ou 16 soldatsqui etoient en garde sur la platteforme.

Deuxheures aprezle Prince Maurice entra dans le Chateau avec beaucoupde Noblesse& de bonnes troupespar le meme endroit par oùle bateau etoit entré. Comme ils etoient sur le point desortir dans la Villeles Bourgmaitres & Lancavechaparlamenterent.

Lancavechasortit avec ses gensla vie sauve seulement. La Ville fut taxéeà paier deux mois de gage aux Vainqueurs.

LeSeigneur vander Noot Capitaine des Gardes du Prince Mauricesesaisit de l'hotel de Ville avec sa compagnie. Le Prince de Parmequicommandoit alors en la Belgiquefit trancher la tete àBrusselle aux Capitaines Italiens qui avoient pris la fuite danscette surpriseau lieu de se defendre avec Lancavecha& auCorporal qui avoit si negligemment visité le bateau deTourbes.

Ces lachesfurent Cesar GuittraJule Gratiano& Tarlatino Lieutenant duMarquis del Guast.

Il perit40 hommes de la garnison& les entreprenneurs n'en perdirentqu'un seul qui se noia dans l'obscurité.

Herauguierefut recompensé du Gouvernement de Bredad'un grand Vaisseaud'argent doré& de quantité de presens tresriches.Le Capitaine Lambert Charlequi passoit pour le deuxiemeEntreprenneurfut fait Sergeant Majoravec une compagnied'Infanterie. On donna des medailles de fin or à chaqueOfficier; & à chaque soldatde grosses sommes d'argent&la promesse de quelque avancementqu'on ne manca pas de leur garder.Ceux qu'on reconnut avoir trempé l'année precedentedans la trahison du mont S.Gertrudefurent tous pendus. L'on ne fitaucun outrage aux Eglises. Quoique ce coup de maitre dut mettre àl'epreuve la fidelité d'Herauguiereà l'egard de laHolandeneamoinscomme l'on se defie toujours d'un traitrelorsmeme qu'il nous est avantageuxil essaia de mettre le comble àsa fidelitépar l'entreprise sur Lire en Brabant.

Soit qu'eneffeten qualité de Cambresienil voulut se reconcilier avecson Prince legitime& reparer le tort qu'il lui avoit faitouqu'en effetil voulut etre double traitre& empaumer Mondragonqui etoit vieux & un peu credule; il est seurqu'il avoitentretenu communicacion avec ce Gouverneur d'Anvers& qu'il enavoit attrapé plus de 5000 ecus& quantité dejoiaux pour sa nouvelle Epouse.

LesHolandois avoient eu le vent de son intelligence& il avoit enpartie levé le soupçon par son entreprise sur Huimaiscomme il ne doutoit pas qu'il ne leur demeurat toujours une espece delevain de defianceamoins qu'il ne s'assurat leurs espritsparquelque nouvel exploitil entreprit la surprise de la ville de Lire.

Il eutpour instructeur un Transfuge de la garnison. Sous ce guidele 14Octobre 1595il ramassa 800 hommes de pié& 120 chevaux;il les cacha au voisinnage& au premier crepusculeil attaquala porte de Malines.

Quelques-unsdescendirent le long du pont dans le fosséqui etoitguaiable& ils accablerent la sentinellequ'ils obligerent ausilence. Le passage etant ouvert aux autresils accablerent lesBourgeoisqui gardoient leur porte; ils en tuerent quelquesuns&ils mirent le reste en fuite.

Lagarnison & les Bourgeois firent des merveilles l'espace de 4heures dans la grande place ; mais enfin ils furent obligez de cederà la multitude.

Alfonse deLuna qui etoit Gouverneur de la Villeaprez avoir donnébeaucoup de marques de sa prudence & de sa valeurgagna la portede Lisper. Il s'i fortifiadans le dessein d'i atendre lesextremitez. Au meme tems il donna avis à Anvers & àMalines de l'etat où il se trouvoit. Il arbora l'etandartEspagnol au faiste de la Portepour servir de signal aux troupesauxiliaires.

Les gens &l'imprudence d'Herauguiere donnerent bon loisir au secours. LesEntreprenneurs etant tirez de divers corpsne lui obeïrent pascomme ils auroient fait à leur legitime Capitained'ailleursles troupes du Roi etant occupées en Francesur le Rhin &en Picardiele tenoient dans une grande securité. Mais safaute capitale fut d'avoir differé l'attaque de la porte deLisper jusqu'au soir.

Il avoitenvoié un Trompette au Gouverneur de Luna avec l'offre descondicions& Luna lui avoit repondu fierement qu'il quitteroitplutot la vie que son poste. Herauguiere aiant examiné lasituacion du lieujugea qu'il seroit encore tems de le reduire surle soir; & cependant il donna la Ville au pillage à sessoldats.

C'etoitjustementle 11 Octobrejour auquel on commence l'octave deS.Gomerdont on fait la fete depuis 1000 ans. Le saint Corps de cetApotre des Liriens etoit exposé au milieu de l'EgliselesHolandois en souillerent leurs mains sacrileges. Mais Dieu vangea lacontumelie faite à son serviteur.

Anvers quiconsidere Lirecomme les Grecs consideroit leurs Termopilespritfeu& se determina au secours. De bonheurGaspar de Mondragonqui commandoit à la place de Cristofe de Mondragon son Cousins'offrit au Magistrat d'Anverspour l'expedicion. Au meme tems lesAnversois s'i porterent avec tant d'ardeurqu'en moins de rienonvid une petite armée assemblée à la Porte del'Empereur.

Mondragonmarcha à la tete de 200 soldats& Josse Robyns Capitainede la Bourgeoisie Anversoise& le Drossard de la juridictiond'Anversprirent la meme route.

L'ardeurfut si grandequ'on n'eut pas le tems de leur donner des ordres audepart& qu'on fut obligé de les leur envoier en chemin.

La Villeenvoia Jaque DasseAntoine Berchem& Gille de Meerequi depuisfurent creez Chevaliersavec quantité de piquierspourarreter la Cavalerie Holandoise& pour ne laisser pas accablerla multitudequi avoit plus de zele que d'experience.

Le sageMagistratpour ne pas degarnir la Ville& pour n'exposer passes Citoiens à la boucheriefit hausser le Pont-levis&par làil empecha que le reste n'i courut.

Le secoursetant arrivé à la vue de la Villele Drossard d'Anversmarcha à la tete de 200 des siens& d'environ 30 soldats.Mondragon le suivit avec ses gens& avec quelques troupesramassées. Alfonse de Luna leur alla audevant& aiantluimeme rompu la palissadequi le separoit de la Villeil alla detoutes ses forces contre l'ennemi.

LesMalinois qui ne cedoient en rien au zele des Anversois ne manquerentpas de donner l'assaut à l'autre Porte de la Ville. Nicolas &Jean vander Laen l'un Consul & l'autre Consulairelesconduisoient. Ils entrerent par la Porte d'Anversà la faveurde l'ouverture que ceux d'Anvers memequi i etoient entrez lespremiersleur donnerent.

Ilstrouverent les Holandois occupez à la bonne chere & aubutin& parsuite ils en eurent bon marché; ils n'i eutque ceux qui surent nager qui echaperent. Herauguiere fut du nombrede ces fortunez plongeons. Quatre Françoisqui servoient dansles troupes de Holandeavoient tué cinq Anversois & cinqEspagnols au premier effort du matinmais toute la nacion le paia.On tua 400 Françoisl'on en blessa beaucoup& l'on enfit plusieurs prisonniers.

Les 2000Anversoisqui etoient venus l'aprez midine perdirent pas un seulhommenon plus que les Malinois qui etoient venus au nombre de cinqcens.

Les deuxVilles retournerent chez elles le meme jour chargées dedepouilles & de lauriers. Le Roi remercia ces Villes zeléespar la bouche du Marquis d'Havréau premier renouvellement duMagistrat qui se fit& il temoigna d'avoir conçu plus dejoie de ce recouvrementqu'il n'en avoit eue de la conquete deCambrai.

Voilàl'etat où se trouvoit la Belgique immediatement avant quel'Archiduc Albert i vinten qualité de Gouverneur general.Nous l'i accompagnerons autant plus volontiers que tout son voiagen'est qu'une fete continuelle.




L'HISTOIREDE L'ARCHIDUC ALBERT
SOUVERAIN DE LA BELGIQUE.

LIVRESECOND


Le Roifut ravi de mettre entre les mains de son Neveu la Belgiqueque leComte de Fontaine laissoit en si bon etat. Aprez lui avoir donnéles preceptes de cet artoù il etoit consomméaprezlui avoir donné des instructions propres au genie des Belgesaprez lui avoir donné des marques de sa tendresse presquepaternelleil lui donna l'adieu à Madrit le 28 Aout 1595.

Afin qu'ilportat en la Belgique un illustre temoignage de sa clemenceil luidonna pour compagnon de voiage le Prince Filipe d'Orange que le Ducd'Alve avoit conduit en Espagne. Jamais retraite ne fut plusavantageuse que celle de ce Seigneur. Il i fut confirmé dansla vraie foiil reçut la Toison d'or & tous les honneursdes Gransil evita mille ecueilsoù il auroit peutetre brisés'il n'en eut pas eté eloigné.

Albertsortit de Madrit à trois heures du matin& il arriva àCoïmbre avant le midi; mais comme le Prince Filipe partit plustardil ne l'atteignit qu'à notre Dame de Montserrat. Albertarreta trois jours à Barceloneoù il s'embarca surl'Amirale de la Republique de Gennesqui etoit escortée de 17autres Navires& de 8 galeres Espagnoles. Il partit deVillefranche à Nisseà cheval ; trois compagniesd'Infanterie lui vinrent audevant. Le Magistrat lui presenta sesclefs. Le Prince André Doria vint le rencontrer& il leconduisit à Savone. Le Prince Filipe l'i avoit precedé& il avoit eté baiser les piez du Pape.

Albertendescendant de sa Galereentra dans un arc de triomfe qui lui avoiteté dressé tout exprez. Il arreta 18 jours àSavone& durant tout ce temsla Republique de Gennes le defraiamagnifiquement avec toute sa suite.

Le Duc deSavoie lui envoia audevant son frere le Prince Amedée. Il luifit lui-meme cet honneur un peu plus bas& il le conduisit entriomfe à Turinoù il le regala 9 jours entiers. Cefut là que le Prince Filipe d'Orange etant arrivé deRomeremporta le prix de la course des chevaux. Quatre Evequesvenus exprezlui montrerent le saint Suaire du Sauveur du Monde. LesSavoiards l'escorterent jusqu'à la Bourgogne.

Aprezavoir arreté trois jours à Besançonil passa enLoraine où le Prince de Vaudémont troisieme fils du Ducde Lorainele conduisit. C'etoit en Janvier& la saison setrouva si violenteque quelques Espagnols i moururent de froid. LeCardinal de Loraine& le Marquis du Pontqui etoient deux desFils du Duclui donnerent divers rafrechissemens.

FilipeComte de Solre-Croï& Jaque & Etienne Ibarravinrentle rencontrer au Duché de Bar avec quelques Regimens deCavaliere. Neuf autres Regimens vinrent le recevoir à sasortie de la Loraineà l'autre coté de la Moselle.

PierreErnest Comte de Mansfeldt Gouverneur du Luxembourgrangea enordonnance de bataille le long du rivagecinq compagnies deCuirassiers à cheval& mille lances ou bandesd'ordonnances.

Il arretaquatre jours à Luxembourgd'où il sortitenseignesdeploiéescomme etant sur les terres de son Gouvernement.

Le ComteFontaine alla avec toute la Noblesse Belgique & Espagnoledansune petite Ville du Liege nommée Siné ou Chinei païsdu Pere d'Astroi illustre Cordelierentre Hui & Dinantpourrecevoir son Successeur. Il alla le rencontrer à une demielieue de la Ville avec sa noble escorteà la tete de deuxRegimens de Cavalerie.

Troisjeunes Demoisellesqui representoient la FoiI'Esperance & laCharité le reçurent à Nivelle. Les feux de joiei furent si extraordinairesqu'il sembloit que cette Capitale duValon Brabant alloit etre toute en flammes.

Etantarrivé à Halleil voulut rendre ses hommages devant laStatue miraculeuseavant que de se rendre à son hotel.

Quoique lasaison fut extremement froide & pluvieuseon ne put jamaisl'induire à se servir de carrose ou de litiere; il voulutdonner la satisfaction à sa chere Belgiquede le voir tout àl'aise à chevaldurant tout le chemin qui regne entre Halle &Brusselle.

Enfin ilarriva dans cette Ville Roialele onzieme Fevrier 1596. Ce jour luifut de bon augurepuisque ce fut le meme jour qu'il se renditensuite le maitre de Calais & de quantité d'autres placesimportantes.

LaBourgeoisie Brusselloise lui alla audevantsur la plaine du cheminde Louvain. Il reçut les premiers complimens à laportepar Antoine de Goignies Gouverneur de Brussellepar Jeanvander Eequi en etoit le Preteur ou l'Aman& par HenriDonghelberg qui en etoit le Consul ou le Bourgmaitre. Le Pensionairele harangua au nom de la Ville & du Magistrat qui lui presentales clefs. Les curieux trouveront de quoi se repaitre dans Jean BochSecretaire de la ville d'Anversqui a poliment couché enlatin les recepcions qu'on fit par tout à cet illustreVoiageur.

Albert seressouvenant que les ennemis avoient profité de la recepcionRoiale qu'Anvers avoit faite à son Frere Ernestaianttemoigné le bon cOEuravec lequel il recevoit la magnificencedes Belgessongea serieusement aux affaires de son Etat. Il avoitdeux ennemis sur les brasla France & la Holande. Comme laHollande ne se soutenoit presque que des secours de la Franceilvoulut faire tarir la sourcepour mettre au sec les ruisseaux; &en effetil ebranla la France dez son arrivée par secourir laFereà la barbe de Henri IV Roi de Francepar lui enleverArdresGuinesCalais & Amiens& par obliger ce Roi àune paix honteuse.

Pourfaciliter l'intelligence de toutes ces chosesnous reprendrons lesaffaires d'un peu plus haut& nous irons les retrouver oùle Comte de Fontaine les a laissées aprez la reduxion de laville de Cambraioù l'Espagne etoit entrée le 9Octobre 1595c'estadire trois mois avant que notre Cardinal Archiducne vint prendre possession du Gouvernement de la Belgique.

Cambraiprisebranla toute la Franceparceque les Espagnols etoient par làtous les jours aux portes de Paris. Henri IV leva une puissante Arméeafin d'eloigner l'ennemi de ses frontieres. Biron & S.Luc luiconseillerent d'assieger la Fere Ville placée dans un marais& qui n'est accessible que de deux cotezce qu'il fit le 8Novembre 1595. Le Vicesenechal de Montelimarsur la vigilanceduquel le Duc de Maienne chef de la Liguese reposoitl'avoitrendue à l'Espagnes'en reservant seulement le revenu avec letitre de Comte de la Fere. Le vaillant Alvar Osorio en etoitGouverneur.

NotreAlbert qui succeda au Comte de Fuentearriva en la Belgique au temsque la Fere etoit assiegé. Sans s'arreter aux felicitationsdes Belgesil songea efficacement à son secours. Il trouvadeux puissans obstacles à sa resolutionsavoir le soulevementde son Armée qui se mutinoit faute de paiement& larigueur de l'hiver. En attendant que les pluies permissent d'i fairedriver un secours plus considerableil commanda à NicolasBasti General Albanois d'i faire entrer des munitions de boucheàla tete de ses chevaux legers. Basti le 6 Mars 1596à lafaveur d'un nuagetraversa le cartier de Henri IV & du Duc deBouillon. Il exposa au bord du marais ses munitionsqu'Osoriochargea sur de petites barques& il se retira impunémentdu coté de Cambrai. Ce secours donna beaucoup de gloire àBastimais peu de soulagement à la Fere. Notre Archiducvoiant qu'il ne lui etoit pas possible d'en faire lever le siege àmain arméesuivit le conseil de De Ronequi lui inspiroit defaire une puissante diversion& il alla assieger Calais:parceque Bidossan n'i avoit que 600 hommes de garnison&parceque la Noue & la Valiere Officiers Françoiss'etoient echapés de direque Calais ne seroit qu'un ouvragede 12 jours.

Calaissitué sur la mer Oceane aux extremitez d'un promontoireéloigné de l'ile d'Angleterre par un petit trajetestune des plus fortes places maritimes. Et ce fut celà qui causala trop grande securité des François. De Rone qui avoitla direction du siegeattaqua & prit sans resistance le pont deNieulai & du Risbanoù l'on mit de l'artillerie quieloigna la flote Holandoise qui venoit au secours& qui pourtout ravitaillement fit descendre 60 soldats au Faubourg. NotreArchiduc vint en personne au camp le Jeudi Saint onzieme Avril&il campa dans l'Eglise de S.Pierre une demie lieue de Calais. Il eutce qu'il avoit pretendu: car Henri IV aiant su le danger de Calaisquita la Fere & il i laissa le Connetable. Mais aprez avoiressaié de secourir la place par mer & par terreil trouvases mesures trop courtes. Il fut plus heureux en emploiant MatteletGouverneur de Foix: car cet intrepide traversa le cartier du Marquisde Trevie qui etoit negligemment gardé& il conduisit unbon secours dans la place. L'Archiduc redoubla ses efforts& le27 Mars il donna un rude assaut au boulevard de la Citadelle oùBidossan fut tué avec 400 des siens. Tout i passa par le filde l'epéehormis Campagnole ou Campagno ou Bertrand de Patras& fort peu d'autresqui trouverent leur azile dans une Eglise.Calais couta 200 morts à l'Archiduc dont le plus remarquableetoit le Comte Guidobalde Pacciote Ingenieur fort renomé. DonJean de Rivas i fut laissé pour Gouverneur. Cette conquete esttrop belle pour ne la pas dépeindre toute au long.

Calaisdonc est une Ville maritime de Picardie que Baudoin IV surnoméde belle BarbeComte de Flandre erigea en Port& Philipe Comtede Boulogne en Ville. Edouard III Roi d'Angleterre l'emporta l'an1347 sur les François aprez un siege de dix mois. Jean deVienne la rendit sous le Roi Philipe de Valois. Les Anglois eurentpendues à leur ceinturecomme ils disoientces clefs de laFrance 210 ansc'est à dire jusqu'à l'an 1558 auquelle Duc de Guise les reprit en dix jours. Outre sa Citadelle elle aneuf Bastions Roiaux& un double fossé où passe lariviere de Hamesqui coule le long des murailles avec diversruisseaux qui arrosent les marais d'alentour. On ne peut entrer dansla Ville que par le pont de Nieulai. Une partie de la riviere couledans la Ville. De l'autre coté il i a un canal. Calais donneson nom au detroit de 7 lieues qui est depuis la France jusqu'àDouvre en Angleterre; & c'est ce que nous appellons le pas deCalais. Notre Archiduc prit cette Ville en 1596. Elle fut rendue àla France deux ans aprezpar la paix de Vervins.

La chutede Calais ebranla Ham & Guine qui se rendirent àl'Archiduc à la seule sommation d'un trompette. Ham est dansle Vermandois sur la Somme entre Noion & Perone. Le Conestable deS. Paul i batit une citadelle en 1470. L'Espagne la prit en 1557durant la Ligue ; le Duc d'Aumale en donna le Gouvernement àMoui-Gomeron qui mourut en 1595. Dorvilliers frere uterin des troisfils de Gomeron la livra traitreusement aux François. Le Comtede Fuente Gouverneur de la Belgique fit trancher la tete àl'ainé des Gomeron qui proprement en etoit Gouverneurparcequ'il s'entendoit avec Dorvilliers. Guine est une Ville dePicardie avec titre de Comtéà deux lieues de la merdans des marais où l'on trouve des iles flotantes. Isabelle deHainaut etoit Comtesse de Guine& elle l'aporta pour dote àPhilipe Auguste Roi de France en 1180. Jean Roi de France la ceda àl'Angleterre par le Traité de Bretigni en 1360.

NotreArchiduc pour assurer ses conquetes prit Ardre en Picardie sur uncoteau à l'extremité du haut Boulonois. FrançoisI & Henri VIII Roi d'Angleterre en 1520 i eurent l'entrevuesurnomée le champ de drap d'or acause de sa pompe. Il ne fautpas la confondre avec Ardre Ville & Roiaume dans la Guinéeen Afrique.

Le Marquisde BelinLieutenant de PicardieAnnebourg Gouverneur d'Ardre &Montluc grand Capitainese trouvoient dans la place avec plus de3000 combatans& avec toutes les choses necessaires poursoutenir un long siege. Notre Albert se trouva devant Ardre le 7 Mai1596& en deux fois vingt quatre heures toute son Annéefut commodément campée. Montluc etant dechiréd'une volée de canon qu'Albert lui tirarabatit de l'ardeurdes François. En échange la Berlot & Messie furentgrievement blessez. Enfin Albert fit chanter les Assiegez; le Marquisde Belin capitula nonobstant les oppositions d'Annebourg & deMainserme& il en sortit avec sa garnison le 23 Mai 1596.

Tandis quel'Archiduc prennoit quatre bonnes placesHenri IV se morfondoitdevant la Fere. Les braves defenseurs aprez avoir epuisétoutes leurs provisionssans jamais rien perdre de leur courageserendirent le 22 Mai a des conditions si honorablesqu'on doute s'ilne leur a point eté glorieux d'etre obligez de se rendre.Montlimar & Osorio en sortirent avec leurs armesavec leurbagageenseignes deploiéestambour battantballe en bouche& meche alluméeavec un canon aux armes d'Espagne&avec de la poudre pour tirer dix coups. Montlimar Comte de la Fereeut en particulier des conditions avantageuses.

Henri IVne voulut pas voir le Marquis de Belinil fut relegué pourtoute sa vie sur ses terres& sans l'intercession de la belleGabriele maitresse de Henri IVil auroit eté mis àmort. Si Henri IV eut du deplaisirque Belin lui eut laisséperdre Ardreil en eut bien davantage que Portocarero lui enlevatAmiens. Cette ville sur la Sommeest Capitale de PicardieEvechésuffragant de RimsGeneralitéPresidial & Baillage.

Walon deSarton Gentilhomme Picardse trouva à la prise deConstantinople en 1204où il trouva le Chef de S.Jean qu'ildonna à la Catedrale d'Amiensoù il avoit un frereChanoine. La maison d'Alli-Pequigni a eu les Vidames d'Amiens. Leursuccession est passée dans la maison d'Albert Luines. Isabellede Baviere Reine de Francei etablit un Parlement. Cette Ville contecinq Eveques saintssavoir S.Firmin son premier Prelatun autreS.FirminS.HonoréS.Salvius & S.Godefroi; & 8Cardinauxsavoirla GrangeRolandBoissile JeuneHemardLonguiPellevé & Crequi. C'est la patrie de Pierrel'Hermite qui est la tige des Seigneurs l'Hermitequi ont annobli leConseil de Maline; & qui repose dans les Chanoines Reguliers deNeumoustier aux portes de Hui. Le petit païs d'Amienois renfermeCorbieDourlensPequigniComti & Poix. Or voici comment notreArchiduc se rendit maitre d'Amiens.

Portocarreronom si glorieux à Madrit & à Romeetoit Gouverneurde Dourlens. C'etoit une grande ame dans un petit corps. Comme ilfaisoit sa cour à une riche Veuvequi demeuroit à lacampagnesa maitresse lui avoit fait entendre qu'il n'avoit rien àespereramoins que Dourlens ne fut à la Franceou qu'Amiensne fut à l'Espagne. Dourlens à la France choquoit lafidelité de Portocarreromais Amiens à l'Espagneluidonna du courage. Il se representa au meme tems la grandeur duservice qu'il rendroit au Roi par cette conquete& l'avantage del'alliance qui lui en reviendroit.

Lebannissement est un supplice cruel pour ceux qui aiment leur Patriemais je doute si les juges ne se font pas plus de mal qu'ils n'enfont aux coupablespuisqu'ils arment autant de vindicatifs qu'ilschassent de gens. Temoin la France qui void revenir les Huguenotsl'epée à la main. Temoin un nommé du Moulin quifut un instrument funeste à Amiensd'où il avoit etébanni. Soit que Portocarrero ou que du Moulin fit les avancesunTransfuge decouvrit au Gouverneurqui muguetoit Amiens pour possedersa maitresseque la Ville avoit refusé garnison; que lesBourgeois faisoient bonne garde la nuitmais qu'ils la negligeoientde jour. Ces decouvertes firent esperer Portocarreromais il pensadesesperer à la vue de 15000 Bourgeois resolus qu'il i avoitdans la place. Il rabatit encore plus de ses esperancesquand ilapprit que les 3000 Suisses envoiez de Henri IV pour conduire àAmiens une grande quantité d'artillerie& de munitionss'etoient logez aux Villages d'alentour. Il revint neanmoins àson premier desseinlorsqu'il sut que pour satisfaire aux instancesopiniatres des Amienoisle Comte de S.Paul avoit fait retirer plusloin les Suisses qui menoient ce Convoi.

Portocarreroenvoia le Sergeant François de l'Arc dans la Ville; cet adroitrapporta que les portes en etoient fort negligemment gardées.Le Sergeant alla decouvrir l'entreprise à notre Archiduc . quii donna les mains sans balancer; & conformément àcette resolutionil donna ordre aux garnisons de Cambraide Calaisde Bapaume & du Cateletde se tenir pretes pour obeïr aucommandement du Gouverneur de Dourlens. Elles le firent&ensuite des ordres de Portocarrero; les Entreprenneurs se trouverentle 10 Mars sur le soir à Orville village à une lieue deDourlens. Ils etoient conduits par Jerome Caraffa Marquis deMontenegro. Ils consistoient en 600 Chevaux & en 2000 FantassinsValonsEspagnols & Italiens. Portocarrero qui ne leur avoit ditautre chose sinonqu'ils n'avoient qu'à se rendre versAmiensmarcha toute la nuit avec ses troupesconduites par le Cadetde Panure brave Vallon& par Ignace d'Ollana Capitaine Espagnolqui etoient du secret.

Portocarreroarriva prez d'Amiens avant qu'il fut jour. Il se mit à couvertde quelques haïes& il fut incontinent suivi du CapitaineFernand Dezza qui conduisoit 100 Espagnols& du Capitaine Bastocqui conduisoit des Irlandois. Tandis que Le Cadet veille àl'ouverture des portes d'AmiensPortocarrero se tient en grandsilence avec ses gens dans l'Abaie de S.Madelene qui en est eloignéed'un quart de lieue. Le Cadet etoit monté sur un arbred'oùil pouvoit aisément decouvrir tout ce qui se passoit àla porte d'Amiens: en effetil la vid ouvriril en vid sortir &il i vid entrer la premiere foule des Ouvriers qui venoient de lacampagne pour travailler dans la Ville& qui sortoient de laVille pour travailler aux champs. Dez que ces allées & cesvenues furent faitesle Cadetdu sommet de son arbredonna àPortocarrero le signal dont ils etoient convenus. Aussitot que ceGouverneur l'eut vuil envoia le Capitaine Jean Batiste DugnanoMilanois& le meme Sergeant de l'Arc pour executer le dessein.Ces deux Chefs de l'entreprise & leurs complices etoient deguisezen païsans Picards. Les uns etoient couverts de longues saies dedrap& les autres de toilesous lesquelles ils tenoient cachezdeux pistolets & un poignard. Ils menoient un chariot àtrois chevauxqui de la façon qu'ils tenoient au limonseseparoient dez qu'on avoit levé un certain fer& qui sedetachoient du chariot. Ce chariot chargé de gros pieuxcouverts de paileetoit envoié devant pour s'arreter sous laherse& pour empecher qu'elle ne descendit jusqu'à terre.Derriere ces premiers marchoient quatre autres pareillement deguisezen paisans Picardsqui portoient sur leurs epaules des sacs pleinsde pommes & de noixsix de leurs camarades les suivoient àla file. Le Sergeant Dugnano Frere du Capitaine de ce nometoit ledernier& il portoit un grand pieu. C'etoit le Careme& ledevot peuple d'Amiens etoit au Sermon. Cette devotion etoit causequ'on avoit laissé peu de gens à la garde des Portes.

Lespremiers Entreprenneurs profitant de cette negligenceconduisirentimpunément leur chariot. Aiant passé la premierebarriereils s'arreterent tout droit sous la porte. Alors un desautresqui suivoitfit semblant de tomber. Cette chute volontairelui secoua le sac de pommes & de noix dont il s'etoit chargé.Il avoit eu soin de ne pas lier son sac& comme il etoit fortpleinles fruits en sortirent avec impetuosité. Le peu degardes qui etoient à la Porteprennant celà pour unpresent de la fortunese jetterent à corps perdus sur lesfruits. Le païsan travesti fit le mauvais garçon de cequ'on lui ramassoit ses pommes & ses noix; mais il n'en reçutqu'une huée. Tandis que les soldats croquent les noix&qu'ils se moquent du Païsanqui dans son cOEur se moquoitencore bien plus d'euxle chariot avancé passoit outre&il etoit dejà arrivé sous la herse. Les chevaux enfurent aussitot detachezde peur qu'épouvantez du bruitilsn'entrainassent le chariot plus avant& qu'ainsi la herse netombat toutafait. Tandis que le chariot demeure immobile & qu'ilattend de recevoir la herse sur ses pieuxceux qui suivoient lesderniersarriverent à la premiere Porteoù d'abordils tuerent les sentinelles. Alors les autres aiant mis la main auxarmes qu'ils tenoient cachées sous leurs souquenilless'enservirent contre les soldats qui ramassoient les pommes & lesnoix. Ils le firent avec tant de resolutionqu'ils mirent àmort les uns& qu'ils relancerent les autres dans lecorps-de-garde où l'on se chaufoit. Ainsi ils donnerent lieuaux premieres files de l'Infanterie d'arriver jusqu'à laPorte.

Cependantcelui que les Amienois avoient mis en sentinelle sur le Donjonaiantoui le bruit d'enbascoupa promptement les cordes de la hersequipour n'etre pas toute d'une pieceeut divers effets: car il n'i eutque deux de ses dens qui tomberent& qui enfoncerent le chariotde dessous& les autres demeurerent suspendues. Cet intervaledes dens suspendues laissoit autant de place qu'il en falloit pourpasser deux soldats de front. Aussi futce par ce vide que les 200soldats armez s'avancerent.

La choses'executa si promptement que ceux d'Amiens n'eurent pas le tems devenir au secours avant que les Entreprenneurs se postassentavantageusement. On i accourut enfin avec furie. La premiere victimefut Dugnano qui reçut un grand coup à la tete. Sescompagnons alloient succomberlorsque le Cadet de Panure & leCapitaine Bastoc vinrent les soutenir avec leurs Valons& avecleurs Irlandois. Le Cadet & Bastoc rompirent les trois dents dela herse qui faisoient obstacle& aiant fait passer leurs gensils mirent en fuite la multitude qui etoit accourue à la Portesans conduite. La mort de 80 Bourgeois qui furent couchez sur lecarreaudonna l'epouvante au reste.

Le Comtede S.Paul se voiant sans garnisonau lieu de passer son tems àreprocher leur temerité aux Bourgeois qui n'en avoient pasvoulu recevoirsongea à relancer les ennemis. Dans cedesseinil sortit par la porte de Bauvais pour aller prendre les3000 Suisses qui etoient campez aux environs& pour revenir dansla place à main armée.

FernandDezza se jetta dans la Ville incontinent aprez les premiers venus&Portocarrero i vint en persone avec le gros de ses gens. La premierechose qu'il fitfut d'empecher le pillage. Cette prudence fitechouer l'esperance que le Comte de S.Paul avoit conçued'accabler les Espagnols acharnez au pillage de cette grande &riche Ville. Il est vrai que la Cavalerie Françoise s'avançajusques prez des muraillesmais aiant trouvé Carafe enposture de la bien recevoirelle etoit retournée dans sonlogementsans oser rien entreprendre. Les Amienois mirent bas lesarmes& ils preterent serment à notre Archiduc. Henri IVfut si affligé de cette perteque negligeant les remedes oùil s'etoit misil vint en Picardie pour empecher les progrez desVainqueurs.

LesFrançois honteux de cette surprise ont bouché la Portepar où les fruit funestes entrerent. Un bel esprit a peint laville d'Amiens en Eveil lui mis la pomme entre les dens avec cettedivise. J'en ai taté; & c'est mon malheur. Gustavi &ecce morior. La servante d'une Auberge où j'etois logéà Amiensnous apportant au dessert un plat de noixdit àla compagnie agreablementen posant son plat sur la tabletenezMessieursvoilà les clefs de la Ville. Il n'i a pas bienlongtems que j'allois me divertir à la campagne au païsd'Artois. Nous etions belle compagnie. Un Amienois nomé Canaiun de ces foux François qui tuent les honetes Françoisde l'importunité de leurs gasconadesnous avoit lassez dessiennes. Je songeois à me vanger plaisamment de ce fanfaronquand il m'en donna une belle occasion. Nous passions par les Landesnommées les Rieux-de-Lo entre Lens & Betune oùs'est donné la bataille de Lens. Le grand carnage s'est faitdans un fond& c'etoit là que les laboureurs trouventquantité de tetes de mortsqu'ils rangent le long du grandchemin pour inspirer aux Passans quelque tendresse pour ces mortsvaleureux. Canai les vid& il prit de là occasion de nousinsulteren disant que quoi les François eussent gagnéla bataille de Lenson etoit obligé d'avouer qu'il i etoitdemeuré bien de braves François& parsuite qu'ilne s'etoneroit pas qu'il i eut quelquesunes de leurs tetes parmicelles qui bordoient le chemin roial; qu'au reste on seroit bien sagesi l'on pouvoit discerner celles des François de celles desEspagnols. Moi qui minutois ma vangeance innocenteje sentis que cedoute m'en fournissoit une belle carriere. J'entrepris de lui fairevoir ce discernement. Canai paria une collation que quelquesDemoiselles Artesienes qui avoient encore le cOEur Espagnolsechargerent de paier. Pour dompter Canaije lui soutins que les tetesdes Espagnols avoient encore toutes leurs densau lieu que cellesdes François n'en avoient plus. Canai s'indigna & il jouama reponse ; je continuai à lui soutenir qu'il n'etoit rien deplus incontestable. Cet Amienois insolent me pressa d'en dire laraison; je la lui disvoiezlui fis-jeil ne faut pas s'etonnerque les François n'aient plus de dens; c'est qu'ils se lessont cassées en croquant des noix. Mon Amienois m'entenditincontinent; & ce fut cette boutade qui l'abima dans un siprofond silence qu'il ne fut pas possiblede tout le cheminde luiarracher la moindre parole agreable.

QuoiqueHenri IV fut venu jusqu'à Corbie pour empecher le degast de cenouveau torrentil ne put empecher qu'on n'attribuast cette perte àses amours qui lui faisoient oublier Mars pour Venus; en effet ce bonPrince affolé de la belle Gabrielevenoit de faire batiseravec une pompe roiale & à la face de l'Assemblée deRouenune fille qu'il avoit eue de cette maitresse avec laquelle ils'etoit retiréà S.Germainà S.Maur & dansquelques autres maisons de plaisance. Ce grand cOEur fut si piquéde ce reprochequ'il fit resolution d'assieger Amiensquoiqu'iln'eut que 4000 Fantassins& que 1000 Chevaux. Il partit deCorbieil passa la Somme& il vint camper entre Dourlens &Amiens. Il donna à Biron la charge du siege& il alla aParis pour recueillir des forces capables de le soutenir. Amiens ad'un coté le Chateau de Pequigni& Corbie de l'autre.Elle est beaucoup mieux fortifiée & batie delà quedeçà la Riviere de Somme qui la baigne. C'etoit par làque Biron l'assiegeoit pour empecher le comerce de Dourlens&pour oter à notre Archiduc le moien de la secourir.

Portocarreron'emploia pas moins d'industrie pour conserver sa conquete qu'il enavoit aportée pour la faire. Il envoia le brave Sergeant del'Arc à Brusselle pour solliciter son secours& luicependant s'aquita de toutes les fonctions d'un parfait Gouverneur.Pour eloigner Biron qui s'etoit venu loger dans l'Abaïe deS.Madelenele matin du 30 Mars 1597il i envoia Carafe avec 50gens-d'armes Valons& avec 200 chevaux. Carafe i donna d'une sigrande furie qu'aiant renversé le Corps de garde& aiantfait quelques prisonniersil s'enfonça jusqu'au cartier desFrançoisqui etant sortis au nombre de 400 chevauxdonnerentnaissance à une rude & longue escarmouche. Enfin Carafefit semblant de fuir afin de faire tomber les François dansune embuscade de 200 Fantassins Espagnols conduits par le CapitaineIgnace d'Ollona. Montigni qui conduisoit les Françoiss'endoutant bientint bride en main quand il arriva aux brossaillesoùl'embuscade etoit cachée& il se retira dans son camp. Lelendemain Carafe sortit avec 300 chevaux legersmais les Françoisn'oserent s'avancer; Portocarrero voiant que les sorties ne pouvoientpas debusquer Biron de son Abaïela rendit inhabitable àcoups de coulevrines& il obligea les François àaller se loger dans un Village un peu plus eloigné. Ceteloignement soulagea beaucoup les Assiegez.

Cependantnotre Archiduc songea à leur secours avant que l'ArméeFrançoise fut grossie. Il envoia Jean Gusman avec quatrecompagnies d'Arquebusiersqu'on avoit tous montez& avec 300chevaux-legers. Cet Espagnol determiné eut le bonheur depasser à la faveur d'un brouillard. Mais comme il eut lavanité de faire sonner les trompettes avant que d'entrer en laVilleil s'attira les François qui lui auroient tailléen piece tout son secours si le vaillant Fernand Dezza n'eut sacrifiésa vie pour le degager& si Carafe meme ne fut sorti& s'iln'eut poursuivi l'ennemi jusqu'à la Madelene. Robert Tacon futblessé. Gusman ne vid diminué son secours que de 40soldats. Cette perte fut compensée de Frideric Pacciotiexcellent Ingenieur qui fut de grande utilité durant le siege& sur tout par l'argent qui entra avec ce convoi. Biron essaia dese dedomager du peu de profit qu'il faisoit devant Amiensparsurprendre Dourlens; mais ses echeles s'etant trouvées tropcourtesl'escalade s'en alla en fumée. Cet echec & un motpiquant de Henri IV qui avoit dit que les choses ne reussissoient pasquand sa persone Roiale ne s'i trouvoit pas& quatre milleAnglois qu'Elisabeth Reine d'Angleterre lui envoial'animerent àfaire voir devant Amiensqu'il pouvoit vaincre sans le Roi.Portocarrero tenoit incessamment les travaux des Assiegeans ensuspens par les sorties qu'il faisoit le jour & la nuit. La plusrude escarmouche se donna le 24 Mai. CarafeDurandod'Arc&Falma Irlandois i reçurent beaucoup de gloire du cotédes Assiegez ; & le Commandeur de Chartre du coté desAssiegeans.

Henri IVarriva au camp le 7 Juin. Biron en fut indigné& marquantla belle Gabriele qui accompagnoit ce Princeil dit d'un accentgoguenard; voilà le bonheur que le Roi apporte avec lui. Sonarmée se trouva de 18000 combatans. Portocarrero devoit aumeme tems combatre 15000 Bourgeois qui tout desarmez qu'ils etoientne laissoient pas d'etre redoutablesla maladie contagieuse quiruinoit sa garnison& la presence d'un Roisi brave qu'unevolée de canon aiant donne vers une galerie au dessous delaquelle il etoit logéle couvrit de poudre; si la muraillen'eut pas eté epaisse ç'eut eté fait de lui &de toute sa Cour qui etoit auprez de sa Majesté. La forceavançant fort peu; les Assiegeans recoururent à laruse; un Capitaine Bourguignon-François entra à Amienstraveti en Augustin& il corrompit quantité de Religieux& de soldatsqui n'echapperent pas à la vigilance dePortocarrero qui les traita plus doucement qu'ils ne meritoient.

Bironretourna à la force. Le 28 Juin jour fort obscuril fitdecendre dans le fossé deux Capitainessuivis de quelquesFantassinsqui jetterent dans les canonieres & dans lescasemates quantité de saucissons où ils mirent le feu.Amiens en prit une alarmequi se termina par la mort de troissentinelles. Les Assiegez retirerent quantité de cessaucissons ou longs sacs de cuire qui n'avoient pas pris feu; &ils s'en servirent contre leurs propres inventeurs. La contrescarpefut fortifiée aprez ce danger& le Colonel du Regiment deNavare i etant revenu avec ces nouvelles mines portativespassa fortmal son tems. Biron le passa encore plus mal le 29 Juin lorsqueCarafe sorti à la tete de 400 chevauxsoutenus de 200Italienschargea furieusement l'hermitage où Biron sefortifioit& où sans le secours du Comte d'Auvergneilseroit demeuré. Les Assiegeans i perdirent 200 hommes&les Assiegez n'en perdirent que dix. La nuit suivante Biron fittomber Carafe dans une embuscade parmi les masures de l'Eglise deS.Jean au Faubourg. Sans Portocarreroqui sortit avec sa CavalerieCarafe i seroit peri. On combatit lontems en desesperez jusqu'àce qu'enfin les Anglois venus au secours des Françoisrelancerent les Assiegez dans leur contrescarpe. Jean Gusman i laissala vie avec 70 des Assiegezqui ne discontinuerent pas leurs sortiesavec avantagejusqu'au 5 Juillet auquel la compagnie de Benavidestomba dans une embuscade. Et ce fut cet echec qui ralentit l'ardeurdes Assiegez& qui donna lieu à Biron de dresser àl'hermitage une baterie d'onze pieces de canon. Cette baterie ralumale courage de Portocarreroqui le 18 Juillet à l'heure dumidi disposa Durando& François de l'Arc qui etoit faitCapitaineSangreTaconla Font & Latroà l'ataque dela baterie. Le canon aiant donné le signalDurando & del'Arc entrerent dans la trenchée. Ils tuerent les CapitainesFlessanla Viete& Fouquerolle& ils menerent battant toutle Regiment de Picardie jusqu'aux redoutes de l'hermitage. LesEspagnols ataquans & les François fuiars mirent endésordre le Regiment de Champagne. Durant ce trouble il se fitun horrible carnage dans les trenchées. Biron & Benzipresenterent la pique aux Espagnols; mais ils seroientinfailliblement perissi le Prince de Joinville ne fut accouru àleur secours. Joinville auroit pareillement succombé si HenriIV meme accompagné des Comtes de S.Paul & d'Auvergnenefut decendu de cheval & ne fut venu la pique à la mainpour defendre la baterie. Le Roi Henri avec sa Noblesse auroit etéperdusi le Duc de Maienne & encore plus la chaleur excessiven'eussent obligez les Assiegez à songer à la retraite.Cette attaque couta presque mille combatans à la France&les Assiegez en furent quitte pour 80. Le Prince de Joinville aprezavoir eté quelque tems perduparut tout chargé deblessures. Henri Davila historien incomparablei eut le genou percéd'un coup de pertuisane& plusieurs autres Gentilshommes quiservoient sous Henri IVfurent grievement blessez dans cetteoccasion qui fut l'une des plus chaudes.

Le premierd'Aout la trenchée etant sur le point d'etre ouvertelesAssiegez i planterent deux petards& ils mirent le feu àune mine qui en fit sauter une centaine. Mais celà n'empechapoint que les François n'ouvrissent hardiment la trenchée.Il i eut bien du sang repandu avant qu'ils avançassent leursgaleries jusques sous la muraille. Le Sieur de S.Luc dressa unebaterie de huit canons contre le Ravelin qui defendoit le pont &la Porte. Il fut emporte au 24 Juillet. Mais le lendemain à lapointe du jouril fut repris par les Capitaines Durando &d'Ollona; le Regiment de Cambrai le regagna& s'i logea le memesoir.

Portocarreropour defendre sa muraillefit faire sur le bord du terrepleinparle Capitaine Galliegoune petite demielune. Le 28 Aout lesAssaillans firent jouer une mine entre le Bastion & la Portequisepara le Bastion d'avec la Ville. Ollona neanmoins i tint fermelontems avec un Alfier. Les Irlandois deboucherent le Bastion &ils releverent les defenseurs extremement fatiguezmais il fut prisau bout de quatre jours. Tandis qu'on monte jusqu'au terreplein deGalliegoHenri IV aiant apris que le Comissaire Contrera etoit partide Douai pour reconnoitre l'Armée Françoiselaissa lacharge du camp au Duc de Maienne& il partit lui-meme le soir du29 Aout. Le dernier jour du mois il decouvrit les Coureurs del'Archiduc. Aiant au meme tems baissé la visiereil prit lepetit galop pour les aller combatre. Ces Coureurs croiant d'avoirtoute l'Armée Françoise sur les brasse retirerent àBapaume.

Ce n'etoitqu'un jeu de l'Archiduc qui par là donna le tems àBellejoieuse & à Vega de reconnoitre tout le camp desFrançoisqui le 4 Septembre essaierent inutilement de serendre maitres des demies-lunes de Galliego & de Paccioti. Maisils firent plus: parcequ'ils tuerent Portocarrero en lui tirant unearquebusade au coté gauche du defaut de la cuirace. Quatrejours aprez le meme arriva au brave S.Luc. Le 12 Septembre lesdefenses furent ataquées depuis le lever du Soleil jusqu'àdeux heures aprez midi sans effet. Le Marquis de Montenegro succeda àPortocarrero au Gouvernement d'Amiens.

L'Archiducaiant ramassé 4000 chevaux& 20000 hommes de piéavec des difficultez insurmontables à un tout autre courageque le siense trouva à la tete de ses gens à Douaisur la fin d'Aout. Puis il se rendit à Arras. Le 12 Septembreil marcha vers Dourlens. Le 14 il marcha vers l'ennemi. Le meme soiril prit logement dans l'Abaïe de Betricourt d'où il fitdecharger toute son artilleriepour donner à Carafe avis deson arrivée. Le 15 en plein jour l'Archiduc passa le guai dela Somme à deux lieues d'Amiens& il prit à gauchela route de Longpré. Les François en furent siepouvantez que la pluspart d'eux prit à pleine course la routede la riviere vers Abeville. L'Archiduc auroit ataqué lestrenchéessi le Duc d'Arschot & l'Amiral d'Aragon quietoient ses principaux Conseillersne le lui eussent dissuadé.Il aima mieux n'etre pas victorieux en suivant le conseil des autresque de l'etre en suivant son propre panchant. Il essaia de recouvrerl'occasion perdue& Carafe s'etoit deja avancé pour luipreter la mainmais son Conseil l'en detourna en lui remontrantl'impossibilité de forcer un camp fortifié d'unemaniere qui ne s'etoit pas pratiquée jusques lors. Ce grandcOEur neanmoins pour ne pas retourner sans rien fairele 17Septembrecommanda au Comte de Bucquoi de tenter le passage de laRiviere avec des barques chargées sur des chariots; mais leDuc de Maiene resista invinciblement un jour entier à la furiedes Valons. L'Archiduc s'epargne si peu dans l'escarmouchequ'ildonna pour faciliter le passage de Bucquoique les coulevrines desFrançois donnerent diverses fois bien prez des mulets quietoient attelez à sa litiere. Nonobstant les granseclaircissemens que cette foudroiante artillerie faisoit au traversde ses gensil se tint constamment à cheval.

Henri IVrendit les efforts des lances Belgesinutiles en laissant du videdans ses escadrons. Ce fut cette prevoiance qui affermit le camp desFrançois& qui arreta la furie Belgique &Bourguignonne. La retraite de l'Archiduc vers Dourlens parut siredoutable au Roi Henri IVqu'il n'osa sortir de son camp pour lepoursuivre. L'envi prit à Montigni de se hasardermais lesEspagnols aiant fait volte facele relancerent jusqu'aux escadronsdu Roi Henri IV. Ce fut alors que Coquinvilier reçut unemousquetade au bras droit& que 40 chevaux-legers Françoisperdirent la vie. Le prodigieux fut le passage de la riviere quecette armée invaincue fit impunément à la barbed'un grand Roi qui ne put s'empecher d'exclamer; je ne crois pasqu'il i ait au monde des soldats pareils à ceux de l'Archiduc;& avec eux je ne douterois pas d'entreprendre la conquete del'Univers.

Voicicomme notre Archiduc conduisit cette retraitequi aiant eul'admiration d'un des plus grans Capitaines de ce sieclepeutdisputer de la primatie avec celle de Xenefon. Les provisions debouche començant à manquer à l'Archiducleseizieme Septembre de bon matin il fit assez remarquer aux Françoisle dessein de sa retraite par faire prendre les devans au bagageauxGoujats & aux autres gens de service sur le chemin de Dourlens.L'Armée Archiducale fut bientot aprez en marche. Henri IV fittenir prets des escadrons de Cavalerie soutenus par deux autres deCarabinspour charger l'Armée ennemie en queue. Mais il iremarqua un si bon ordrequ'il changea de dessein & qu'il fitretirer ses gens. En effet l'Archiduc n'avoit rien moins que l'imaged'une retraiteson Armée etant partagée en trois corpscomme si elle eut eté rangée en ordonnance de bataille& qu'elle eut eu l'ennemi en front. Alphonse de Mendoce Amirald'Arragon menoit l'avantgarde; les Piquiers & les Mousquetairesdivisez en deux grandes ailes en forme de croissant faisoient labataille. L'escadron volant formoit l'arrieregarde. Landriano &Melzi avoient en flanc les Carabins de la bataille. Les piquiersmarchoient au petit pas la pique sur l'epaule gauche; & ilstournoient face au moindre coup de tambour. Ils se retirerent avectant de securité qu'en deux grosses heuresils ne firentpresque pas un quart de lieue. Henri IV se presenta avec toute saCavalerie pour charger cette admirable Armée au passage del'eau. Aussitot l'escadron volant de l'Archiduc fit volte faceilsse rangea au beau milieu du chemin pret à se bien batre sil'envi prennoit à Henri IV de le venir charger. Tandis que cetescadron tenoit Henri IV sur cul'Armée Archiducale passa lariviere impunément; aprés quoi l'escadron victorieux àla barbe de ce grand Monarquepassa la riviere à son tour&quoiqu'il eut de l'eau jusqu'au genouxil parut si formidable àHenri IV quil n'osa l'incommoder en son passage. Voiez aprez celàsi l'admiration de ce Roi fut mal fondée.

Ceux quiblament mon Prince d'avoir negligé l'occasion d'une bellevictoiredoivent reflechir qu'il etoit encore Cardinalqu'il avoitordre du Roi de deferer à l'opinion de ses premiers Ministresqu'il n'etoit pas encore Souverain de la Belgiqueque les vivres luimanquoientque l'Armée Holandoise exigeoit promptement sapresence en Brabant & que l'Armée Françoise etoitretranchée audessus de la tete.

L'Archiduccontent du brave Carafe lui envoia dire par un Goujatqu'il pouvoitfaire ce qu'il trouveroit bon. Nonobstant celà Carafe eut lecourage de ne pas repondre d'abord à la sommation du Roi HenriIV; aprez avoir consulté ses Capitainesil depecha àl'ArchiducFrederic Pacciotiqui lui rapporta le pouvoir detraitter avec Henri IV qui lui avoit donné un saufconduit.Carafe forma la plus glorieuse des capitulationsqu'un SergeantMajor porta à l'Archiduc & que ce Prince ratifia. Ensuitedequoi le 25 Septembre il sortit d'Amiens avec 2200 combatans. Carafemarchoit à leur tete couvert de ses riches Armes& montésur un beau cheval. Ces genereux defenseurs qui avoient combatu tantde divers ennemis durant un si long siegeetant arrivez devant leRoi Henri IV qui l'atendoit rangé en batailleCarafe posa sonbaton de Generalil mit pié à terre & il baisa legenou à sa Majesté& il lui dit tout hautje rensAmiens à un Roi soldatpuisque le Roi mon Maitre n'a pastrouvé bon de le faire secourir par des Capitaines soldats.Henri IV lui reponditqu'il devoit lui suffire de l'avoir defendu ensoldat. Il lui ajouta quantité d'autres choses obligeantes&il le fit escorter jusqu'à Dourlens.

Tandisquesuivant la Capitulationl'on batit un superbe monument au bravePortocarreroj'en dois dresser un à la memoire du Marquis deMontenegro qui n'en est pas indigne. Jerome Carafe etoit de cetteillustre maison de Naple originaire des Rois de Pologne qui se diviseen branches d'Arianode Montoriode Ruvode Montebellod'AnzadeMontenegro& de plusieurs autres. Elle a eu le Pape Paul IVneufCardinaux & un General des Jesuites. Un Chevalier Napolitain dela maison de Carracioli sauva la vie à l'Empereur Oton audixieme siecleau depens de la sienne. Oton vint le retrouver parmiles mortsil mit pié à terre& s'etant approchéde son corpsil lui mit la main à l'endroit du cOEur enprononçant ces paroles; O Cara fé! c'est àdireô chere fidelité. Les Caraccioli trouverent ce nomtrop beau pour ne pas s'en orner. Oton voiant la cuirace de sonSauveur toute couverte de sangpassa trois doigts par dessus en luidisantCara fé m'è la vostra; ces trois doigtsaiant lavé le sanglaisserent trois fasces blanchesqui sontmaintenant l'Armoirie des Carafescomme leur nom vient de Carafe. Decette maison roiale de Pologne notre Jerome Carafe naquit àNaple en 1564. Il etoit fils de Renaud Carafe & Neveu du CardinalAntoinepetit Neveu de Paul IV& creature de Pie Ven 1566. CePrelat fit elever Jerome à Rome dans les belles lettres &dans l'intelligence des langues qu'il parloit avec facilité.Il servit le grand Alexandre de Parme en la Belgique dez l'année1587avec beaucoup de reputation. Il se trouva à l'ataque deLagni en 1590; & au secours de Rouen en 1592. Aprez avoirvaillamment defendu Amiensil servit fidellement sous notreArchiduc. Il se fit admirer en Boheme en 1620; dans le Milanez &en Sicile en qualité de General de Cavalerieen 1621.L'Empereur le demanda au Roi Filipe IV& il l'obtint au grandmalheur des Rebelles & des Turcs dont il fut la terreurenBohemeen Alsaceen Silesie & en Hongrie. Etant revenu enEspagne tout chargé de Lauriersle Roi le recompensa de laViceroiauté d'Arragon en 1628. Le Prince Cardinal Gouverneurde la Belgique souhaitoit ardemment de l'avoir auprez de lui; mais ceHeros mourut à Gene au mois d'Avril 1633 agé de 69 anssi ce nom immortel peut mourir; la Turquie sait tresbien qu'il revitdans la personne du General Carafe que le Croissant regarde commel'une des plus grandes causes de son eclipse.

Tel fut lafin de la grande entreprise d'Amiens qui eut l'amour pour origine&pour fin. Le chaste amour qu'eut Portocarrero pour la Dame Veuve luiinspira la pensée de faire Amiens Espagnol afin que son Epousefut sujete de cette Monarchie. L'amour irregulier que Henri IVportoit à la belle Gabriele& les murmures qu'on faisoità ce sujetinspirerent à ce Prince le courage dereprendre Amiens. Un bel esprit representa ces effets divers del'amour en mettant un cupidon à la porte d'une Villeavec unclef sous cette deviseje l'ouvre & je la ferme. Pour marquerque l'amour de Portocarrero pour la Veuve Amienoise& l'amour deHenri IV pour sa belle Gabriele avoient ouvert & fermé auxEspagnols les portes d'Amiens.

Enfin lapaix laissa les François en repos; par la bonté del'Archiducelle se conclut à Vervin le 2 Mai 1598.

LaBelgique & l'Espagne se plaignirent de cette paix quoiqu'elle futavantageuseparcequ'ils croioient les choses dans une situacion àobliger le Roi de Franceà la faire plus honteuse; & toutle monde se païa par direque le grand desir que Filipe IIavoit de laisser des Etats paisibles à sa tres chere FilleIsabellel'avoit emu à tant relacher dans une conjoncture quine paroissoit pas l'i obliger.

Nous avonslaissé l'Archiduc Cardinal en la Belgiquepour n'interromprepas les affaires de Franceallons-le retrouver& voions-le leVainqueur des Holandois aprez l'avoir vu le Vainqueur des François.

CommeAlbert entendoit fort bien le stratageme il fit mine d'en vouloir àBergopzom ou à Breda. Dans ce desseinil fit passer parAnvers De Ronequi etoit son Lieutenant generalaprez avoir etécelui du Duc de Maienne durant la ligueavec 5000 combatans. Albertavoit eu l'adresse de faire paroitre quelques troupes vers Hulst enla Flandre Orientale& le Prince Maurice croiant qu'on envouloit à cette placei etoit marché avec des forces.Mais dez qu'il aprit que c'etoit a Bergopzomil i tourna àtoutes brides.

De Ronemarchoit cependant& quand le Prince Maurice fut entierementaffermi dans BergopzomAlbert envoia un Gentilhomme à De Roneavec une lettreoù il lui ordonnoitqu'à la vue decette lettre il eut à tourner bride. Cet ordre fut intiméà De Rone prez d'HoogstratenVille qui apartient au Ringravecomme heritier de la maison de Lalainde la part de sa Merequi estla Fille unique du dernier Comte d'Hoogstraten.

De Roneobeït ponctuellement; il rebroussa cheminil passa par Anvers& il prit la route du Païs de Waes pour s'aprocher de Hulst.

Cependantle Colonel la Berlotqui accomplissoit parfaitement sa parfaiteanagramme de Bellatorfit passer à ses troupesle Canalentre le Fort de la Fleurbati par les Espagnols& entre celuide la Rapebati par les Holandois. Ces derniers commirent lapremiere faute par laisser passer impunément la Berlotquoique le Prince Maurice leur eut bien recommandé de veillerà ce passage.

Mauricevid trop tard qu'il avoit à faire avec un plus fin que lui.Neanmoinscomme il etoit resolu dans les occasions le moins prevuesil partit aussitot de Bergopzompour soutenir la Ville de Hulst. Laseconde faute fut commise par les Hulstoisqui pouvant rompre laBerlot dez l'abords'ils avoient voulu faire quelque sortielelaisserent camper à son aise.

Maurice nenegligea rien. Il recomanda la place à son Cousin GeorgeErrard Comte de Solms& il vint se poster à Santbergdans le dessein de faire driver de tems en tems du secours auxAssiegez. La Ville fit des sortiesmais trop tard; la Berlot s'etoitdeja mis en si bonne posturequ'il relança ceux qui eurent lahardiesse de se faire voir& qu'il en defit une bonne partieparmi lesquels etoient les Capitaines Neivelt & Pottei.

Avant quele canon fut en batterieil se passa quelques escarmouches. Du cotédes Holandoisdemeurerent principalement BrovisanHaeve &Berchemtous Officiers. Du coté des EspagnolsSteelandtDiego & Doion.

Le 18Juilletles Capitaines RoixDu Bois & Donck conduisirent deBergopzom dans le territoire de Hulstquatre compagniesquisurprirent 300 Espagnols Fourageurs& qui brulerent troismoulins.

LesEspagnolsle lendemaingagnerent le terreinqui regnoit entre leFort de Mourvart & la Ville& puis ils se rendirent lesmaitres du Fort memedont les defenseurspour la pluspart Frisonsne firent pas leur devoir. Ils sortirent avec armes & bagage le19 Juillet. Beuvriqui en etoit le Commandantles conduisit àSpitsenburg pour de là les faire embarquer.

Le Comtede Solmsaiant eté mis hors de combat d'une arquebusadeleColonel Piron lui fut substitué& il commanda les quatreautres Colonelsqui etoient EgmondTackBettine& l'Amiral deZiriczée.

Mais ilfut dez le dernier de Juillet hors de combat d'une mousquetade quilui fut tirée à la joue.

Le 2 Aoutfut fatal aux Espagnolsà l'ataque du Ravelin surnoméle trou-du-diable. La principale perte fut celle du General de Ronequi i fut emporté d'un coup de canon.

Le siegedura avec beaucoup de bravoure & de sang repandude part &d'autrejusqu'au 16 jour du mois d'Aout 1596 auquel les Assiegezparlamenterent. Les articles furent signez le 18. Ils portoient quela garnison sortiroitavec toutes les marques d'honneur; comme eneffet elle les avoit bien meritées. Le Marquis de Tervico&le Comte de Solre furent donnez en otages au Comte de Solms. Cettepetite Ville resista un mois entier: parcequ'elle etoit bienfortifiéeparceque son Gouverneur etoit braveparcequ'elleavoit une garnison resolue & nombreusepuisqu'elle se montoit à3000 combatans.

Le restede l'année se passa en escarmouchesqui se donnerent enArtois. Le 1 Septembrele Marechal de Biron s'empara du fort Chateaud'Imbercourt. Le Marquis de VaranbonGouverneur d'Artoisvoulant lesecourirfut pris prisonnier. Ainsi ce commandement fut donnéau Duc d'Arschot; quiquelques semaines aprezreprit Imbercourt

Mais leCardinal Albert ne voulut pas finir l'année sans faire voirses forces au Prince Maurice. En Decembreil mit en pié unetresbelle arméequ'il fit camper à Tournhout bourg duBrabantsous la conduite du Comte de Varax Baron de BalansonFrerede Varanbon Gouverneur d'Artois. Le Prince Maurice se piquad'honneur; & croiant de faire plus surement son coup sans eclatil fit passer 6000 combatans sur 150 batteaux au mont S.Gertrudeleplus secretement qu'il putle 21 Janvier 1597dans le desseind'aller combatre le Comte de Varax. Le Comte de Hohenloo qui etoitsur son departpour l'Allemagnesentant une occasion de sesignalerdiffera son voiage& il voulut se trouver à lajournée de Tournhout.

Le PrinceMaurice arriva de nuit au village de Ravelsune lieue de Tournhoutoù il fit reposer ses gens. Varax au lieu de charger l'ennemitout recru de sa marchese retira vers Herentals à quatrelieues de Tournhout. Mais Maurice ne lui en donna pas le tems&il l'atteignit à une lieue de Tournhout dans une plaine. Varaxmarchoit regiment pour regiment à cent pas l'un de l'autre.Les Alemans etoient au premierHachicourt au deuxiemela Berlot autroisiemeles Napolitains au quatrieme. Le bagage avoit pris lesdevans. La Cavalerie marchoit à la droite. Elle etoit en troisescadrons& elle avoit une forest à la gauche.

Le Comtede Hohenloo & le Comte de Solmsqui commandoient la moitiéde la Cavalerie Holandoisechargerent l'Espagnol en flanc; leChevalier François VeerColonel Anglois& le ChevalierRobert CidneiGouverneur de Flessinguele chargerent en queue. LePrince Maurice demeura ferme pour soutenir ses gensau cas qu'ilsfussent poussez.

Mais iln'en eut pas l'occasion ; l'Armée Espagnole fut rompued'abord2000 demeurerent sur la place& parmi eux le GeneralVarax meme; celui qui le tuale voiant simplement habillél'avoit pris pour un simple soldat Italien. Un jeune Comte deMansfeldt fut entre les 500 prisonniers qu'on i fit. On prit 37drapeaux & une Cornette. Les Holandois disent qu'ils n'iperdirent que 9 hommes& qu'entre ces neufil n'i eut personnede remarquable que le Capitaine Dounk& Cabillau GentilhommeFlamand. Varax est le Pere de Claude de Rie Baron de Balansonmorten odeur de sainteté en son Gouvernement de Namur.

L'Espagnese dedommagea par la prise d'Amiensqui arriva le 9 Mars ensuivant& sept jours aprez par la tentative qu'elle fit sur la Ville deSteenvvicau païs d'Overisselmais qui lui reussit tresmal. LePrince Maurice ne fut pas plus heureux sur celle qu'il fit sur Venloen Gueldrepour donner le change à l'Espagne. Il l'entrepriten Mai de la meme année& la honte lui fut autant plusgrandequ'il i echoua en propre persone. L'exploit se devoit faire àla faveur de deux bateaux à l'ouverture de la porte de laVillequi donne sur la Meuse.

Les Chefsde l'entreprise etoient au petit bateau. Le Capitaine Matieu Helt&son Lieutenantavec 50 soldats firent fort bien leur devoir. Ils sesaisirent heureusement du Kai & de la porte de la Meuse; mais legrand bateau ne put s'avancerparce qu'il ne pouvoit pas etre sibien gouvernéacause de la roideur de l'eauacause du grandmonde qui le chargeoitacause enfin du grand embarras des autresbateaux qui etoient à l'ancre.

Ainsitandis que le grand bateau luttoit avec les flotsceux de Venloeurent bon loisir de se ramasser & de charger le Capitaine Helt.Il fut fort maltraité par devant de ceux de Venlo& parderriere des bateliers Liegeoisqui sortis de leurs batteauxcanardoient ces miserables Holandois à coups surs. Helt iperdit la vie aussi bien qu'un autre Capitaine nommé Scalck.Le Lieutenant de Helt fut blessé& raporté sur despiques par quelques soldats Anglois.

L'année1598 est remarquable par la paix de Verdun qui rendit la tranquillitéà la France & à la Belgique le 2 Maipar la prisedu Fort de Pacience en Flandrequi fut faite sur les Hollandoisparla trahison de quelques François qui i etoient de garnison&par une Baleine de 70 piez de longueuril avoit 15 piez depuis lesyeux jusqu'au bout du mufle. Elle avoit un aileron durquatre piezaudessous des yeux. La machoire d'enbas etoit assez etroite selon lagrandeur du monstrecependant elle etoit de 7 piez& elle etoitbordée de 42 dens blanches comme de l'ivoirequi se rendoientau palais en 42 trous bien durs. Le bout de la queue etoit de 14piez. Son sexe masculin avoit 6 piez. On ne put mesurer la grosseurde cette Baleineparce qu'elle etoit trop enfoncée dans lesableoù les paisans l'avoient trainée à forcede cables. On fit grand profit de l'huile qu'on en tira. JeanFrançois le petit Greffier de Betune & Secretaire deGuillaume Prince d'Orange au second tome de son histoire page 703assure d'avoir vu cette Baleine& d'avoir eté en dangerde crever de la puanteur qu'elle exhaloit.

Ce fut aumois de Mars de la meme année que l'Archiduc Maximilien frerede notre Cardinal Albertprit Raab en Hongrie par la conduite duComte de Suartsenbourg autrefois Gouverneur de Bonne& alorsGeneral de l'Empereurpar le petard du Baron de Vaubecour Lorrain ouChampenois & par les halebardes des Valonsqui avoientempoisonné les chiens qui etoient en garde. La Ville avoit unegarnison de 13000 hommes. Les Turcs n'i perdirent que 1600 hommes&les Chretiens ne s'en rendirent les maitres qu'aprez la perte de 4000des leurs.

Mais ceque ce rendit cette année 1598 plus celebre fut la cession quele Roi d'Espagne fit de sa Belgique & de sa Bourgogne en faveurde sa chere Fille Isabelle Claire Eugenieà qui il donnoitces beaux Etats pour doteen conformité de son mariage avecnotre Cardinal Albert.

Cettetransaction se fit le 6 jour de Mai 1598jour heureux à lamaison d'Austriche: puisque ce fut le 6 Mai 1622 que le General Tilliremporta la fameuse victoire de Vintemoù l'on se battitdepuis la pointe du jour jusqu'à 8 heures du soir. Cettecession qui avoit eté passée à Madriten lapresence de Filipe III Prince Roial& de son Grand-maitre leMarquis de Velladadu Comte CastelrodrigoCommandeur d'Alcantarade Don Idiacques Commandeur de Leonde Nicolas Damant President &Chancelier de Brabant& de Laloo Secretaire de la Belgique. LePrince Filipe IIIalors agé de 20 ansratifia cettetransaction par un acte du 30 Mai de la meme année 1598. Lacession & sa ratificacion arriverent à Brusselle au moisde Juillet de la meme année.

Tous lesEtats de la Belgique s'etant assemblez le 16 du mois d'Aoutil i futlontems disputésur tout par ceux du Brabantqui faisoientquelques difficultez d'admettre pour Souverain quelque autre que lapropre persone du Roi; enfin le tout fut accommodé sous 17condicions.

Ensuitedequoi l'Archiduc Albert suffisamment muni des dispensesàl'egard de son mariage& de ses Benefices Ecclesiastiquessetransporta à Notre Dame de Halletrois lieues de Brusselle;pour prendre le baudriersous les auspices de celle que l'Egliseregarde comme une Armée rangée en ordonnance debataille. Il mit sa pourpre sur le grand Auteld'où il pritpareillement l'epée. Il resigna son Archeveché deTolede en faveur de Garcie de Louisa Precepteur de Filipe III connupar les notes savantes qu'il a faites sur les anciens Conciles qui sesont tenus en Espagne& il ne retint que 50000 ecus de pensionde ce Benefice qui en raporte plus de trois cent mille.

Albert nefit ce depouillement qu'à regret& qu'aprez avoir exposéses peines à Clement VIIIqui etoit le Pape qui l'obligeoit àmettre bas la Pourprepour le bien public. Voici la copie de salettre.



TRES-SAINTPERE

J'exposeaux piez de votre Sainteté ce qui me travaille dansl'abdicacion du Cardinalat. Il i a plus de 20 ans que je mene une vieEcclesiastiquele saint Siege meme a bien voulu m'orner de laPourpre. J'i ai toujours vecu bien content& parceque cet etatrevient à mon genie& parceque j'etois pourvu d'unBenefice qui pouvoit me faire soutenir honorablement ce genre de vie.Cependant voilà qu'on m'en arrache& qu'on m'engage dansune vied'où j'avois détourné mon esprit.J'exposerai brevement à votre Sainteté les raisonsqu'on a de ce changement. Elles ne regardent pas seulement la maisond'Austrichemais encore le bien & la tranquillitépublique.

Le Roid'Espagne Catolique de nom & d'effetmon Freremon Cousin&mon Seigneura fait resolucion de me faire epouser son ainéela Serenissime Infante. Je sai que cette alliance m'est honnorable&qu'elle est avantageuse à toute notre maison; cependant jeproteste à votre Saintetéque je ne m'i laisseentrainer que par la consideracion du bien publicqui peut enrevenirainsi que la prudence de votre Sainteté peut leconsiderer. Cette alliance ne contribuera pas seulement àl'etablissement des choses& à la pacificacion desdifferensmais de pluselle sera profitable à l'Eglise; surtout si par la liberalité du ciel& par la benediction devotre Sainteté; il en nait quelque posterité. VotreSainteté sait & sent que la maison d'Autriche est touteconsacrée au saint Siegequ'elle lui a toujours etéobeïssante& qu'elle n'a rien epargné pour ensoutenir & pour en augmenter la Majestémais je prens laliberté de lui dire en particulierque si Dieu benit monmariagele saint Siege n'en aura jamais eu de plus attachez àses interets que moi & les miens. La Religion que je professe&les faveurs dont j'ai eté comblé du S.Siegem'obligentà cette reconnoissance. Je lui suis redevable de tout ce quej'ai. Pourrois-je jamais m'oublier de cette pourpredont elle m'ahonnoré& de tant d'autres graces dont il a prevenu mesdesirs & mes souhaits ? je vous suis obligéTres saintPere& dans quelque genre de vie que je soisje vous seraieternellement attaché. Je prie votre Sainteté devouloir bien recevoir la pourpre que je lui remets entre les mainsàregret& contre ma volonté. L'Empereur mon Frere&plusieurs grans Rois mes Cousins& le bien public m'obligeant àle faire; je me sens contraint de deferer aux conseils de ceux qui medevancent en ageen prudence& en dignité& de merendre au nombre & à la force des raisons qu'ils enalleguent.

Je priedonc votre Sainteté de consentir à ma demande& devouloir donner son audiance à Ferdinand de Rie Archeveque deBesançonque je lui ai envoié pour ce sujet. Enquitant la pourpre je ne quiterai pas le desir sincere que j'ai deservir constamment le saint Siege& de lui obeïr àjamaisen reconnoissance de l'honneur qu'il m'a fait en me donnant &en voulant bien recevoir ma pourpre. Dans cette promesseje baisetres-humblement les piez de votre Sainteté& je prie Dieuqu'il la conserve lontems pour le bien de son Eglise.

Albertecrivit de meme stileau College des Cardinaux. L'Archeveque deBesançon porta toutes ces lettres à Rome. Clement VIIIne reçut pas seulement le Chapeau rougeque le CardinalAlbert lui remettoit respectueusement entre les mainsmais de plusil voulut assister à son mariage& en faire la ceremoniedans la Ville de Ferare. Grace qu'on ne sache pas avoir etéaccordée à aucun Prince.

Celàfait Albert songea à son voiage d'Espagnepour en ramener sonEpouse. Avant tout il donna le Gouvernement de la Belgiqueen sonabsenceà son Cousin Germain le Cardinal Andréd'AustricheFils de l'Archiduc Ferdinandqui fut Frere del'Empereur Maximilien II& il lui joignit le Conseil d'Etat. Ilfit Generaux de ses Armées François MendoçeAmiral d'Aragon& le Comte Herman de Bergh.

Toute laNoblesse se fit un honneur extraordinaire d'accompagner son Altessedans ce voiage. Les personnes les plus distinguées furentFilipe de Nassau Prince d'Orange. La Comtesse de Hohenloo sa sOEurlui fournit une grande sommepour lui faire faire magnifiquement cevoiage. Il fut aussi escorté du Comte de Barlemont& duComte de Solre. La Comtesse Douariere de Mansfeldt Heninhoostratenvoulut etre du voiage. Albert fit prendre les devans à sonescorte& il ne voulut pas quitter la Belgiquequ'aprez avoirsalué la sainte Vierge en la ville de Halle. La Belgiqueordonna au Comte de Solre de remercier le Roi de lui avoir donnéun Prince si achevé& de prier l'Infante de ne pasretarder lontems les vOEux de ses Sujets.

L'Archiducpartit de Brusselle le 14 Septembreil prit son chemin par Nivellepar Luxembourgpar Treves& par le Palatinat où il futregalé du Princequi defraia toute sa suitequi consistoiten 2000 hommes& en mille chevaux. Les Ducs de Baviere & deVirtemberg lui firent le meme honneur par toute leur juridiction. Ilalla à Inspruc visiter le tombeau de l'Empereur Maximilienpremierqui par son mariage avec Marie de Bourgogneavoit conduitla Belgiquela Bourgogne& une infinité d'autres Etatsdans la maison d'Austriche. A quelques mille pas de làilrencontra l'Epouse de Filipe III Roi d'Espagnebien prez d'unmonument de pierreoù l'on void la memoire de la rencontre &des embrassades de Charlequint & de son Frere Ferdinand premier.

CetteEpouse roiale etoit Marguerite d'Austriche Fille de l'ArchiducCharle. On etoit convenu qu'Albert conduiroit Marguerite-Gregoire-Maximiliene à Filipe III& qu'il rameneroit en laBelgique son Epouse Isabelle.

La ReineMarguerite escortée de 1000 chevaux se fit de ce voiage. Ilsentrerent à Trente le 19 Octobred'où ils entrerentdans les terres de la Republique de Venise. Sa Serenité avoitenvoié deux Senateurs pour faire accueil aux personnesaugustes. Ils s'aquiterent glorieusement de leur commissiontant parles arcs de triomfe& par les obelisques qu'ils erigerent quepar les salves roiales qu'ils firent fairemais sur tout par labelle depense qu'ils firent en entretenant magnifiquement l'espace dedix jours trois mille cinq cens personnes& plus de deux millechevaux.

Le Duc deMantoue Vincent de Gonzague ne fut pas moins magnifique dans larecepcion qu'il fit aux Personnes roialesen les recevant dans sesterres. Il vint luimeme les recevoir à Ostieà la tetede sa Noblesse& de 4 Regimens de Cavalerieil les conduisitdans le Vaisseauoù le diner & la musiquele tout àla roialereçurent ces hotes augustes sur la riviere du Po.

Le plusbeau de tous les spectacles fut celui qui se donna à Ferrare.Le Pape Clement VIII i etoit l'occasion de l'investiture qu'ilprennoit de ce Marquisatqui etoit devolu à l'Eglisepar lamort du Duc Alfonse. Sachant que les Persones roiales i arrivoient deRovereil leur envoia les Cardinaux Aldobrandin & de S.Clementavec un grand nombre de Prelats & de Noblessequicomplimenterent leurs Altesses à 300 pas de la Ville&qui leur presenterent un carrosse tout doréattelé de6 chevaux blancs & conduit de deux cochers. A la portele Duc deSesse comme Ambassadeur d'Espagnepresenta à la Reineau nomdu Roi son Epouxune litiere extraordinairement riche & curieuseportée de deux mules blanches& un carrosse atteléde six chevaux pies& conduit de deux cochersle tout chargéd'or.

La Reineetant arrivée à la porte des Angesfut conduite sousle daiz roial qui lui avoit eté dressé dans un palaisd'improvistepar les Cardinaux Sforsa & Montalto. Ce fut làque Sa Majesté reçut les complimens de 18 Cardinauxqui i vinrent en habit de parade. La Reine & sa Mere qui etoitBavaroise& qui tenoit compagnie à sa Fillemonterentsur des haquenées couvertes de drap d'or dont le Pape leurfaisoit present. La porte des Anges etoit richement &ingenieusement embellie en faveur de ces nouveaux hotes& surtout de la Reine d'Espagne.

Voicil'ordre qui fut gardé dans l'entrée en la Ville. Uneinfinité de carrosses prenoient les devans. Puis il paroissoitdeux Regimens de Cavalerie habillez de deuil acause de la mort du RoiFilipe II. La Cour etoit partagée en deux troupes àcheval. On voioit ensuite les Domestiques des Cardinaux& puisleurs Massiers montez sur des mules richement couvertes. Le Collegedes Cardinaux etoit en violetqui est le deuil de ces Eminences.Voici leur marche & leur ordre. Ils marchoient deux deuxlespremiers etoient les Cardinauxde Florence & d'AscolsipuisMontelpar & BorroméeCamerin & JustinienBandin &de S.ClementBaronius & AvilaBlanchette & GuevarraArragon & Farneze; le Sacré College etoit terminédes Cardinaux des Quatresaintsd'Aldobrandin & de Cesius. Iletoit epaulé de la garde Suisse du Pape. La Reine marchoitentre les Cardinaux Sforsa & Montalte. Elle etoit entouréede sa Garde Alemande. Sa Mere & l'Archiduc Albert la suivoient.Ils etoient suivis de la garde à cheval & d'une infinitéde carrosses.

Ce fut encet ordre qu'on marcha à l'hotel de l'Ambassadeur del'Empereuroù sa Sainteté attendoit les personesAugustes. Elles vinrent baiser les piez du Papequi leur donna sabenediction Apostolique. Le lendemainsa Sainteté les traitasomptueusement.

LeDimanche 15 Novembretoute la Cour mit bas le deuil& elle pritles ornemens de joie. L'eclat en fut si admirableque Ferrareprotesta de n'avoit jamais rien vu de pareil; & qu'il desesperoitde voir jamais une magnificence pareilledans son enceinte. On nesache pas que cette Ville tressage se soit trompée.

Le Papevint en persone à la grande Eglisepour chanter la Messesolennelle. Les personnes roiales i furent conduites par deuxCardinaux. Lorsque chacune fut sous son daizle Pape commençala Messe. Aprez le Credo chantéelles furent presentéesau saint Pere. Alors le Pape celebra le mariage de la ReineMarguerite avec le Roi Filipe III. L'Archiduc Albert tint la place duRoi dans ce mariage de procuracion& le Duc de Sesse tint laplace de l'Infante Isabelle.

Aprez laMessele Pape donna à la Reine la Rose-d'or benite. Le Comtede Barlemont Chevalier de la Toison d'orla reçut des mainsde la Reine& il la porta devant elle jusqu'au Palais. La Villefit des rejouissances inouiespour solenniser ces deux mariagesdont il s'en trouvera peu de pareilssoit qu'on considere lespersonnes qui le contractentsoit qu'on regarde le Papequi en faitla ceremonie ou enfin qu'on pese l'apparat avec lequel ils se font.

Lelendemainla Reine alla reverer les goutes du Sang adorable qu'ongarde dans l'Eglise du guai. Le jour d'apreztrente femmes masquéesde Comelui donnerent le divertissement du combat naval sur lariviere. Elles etoient partagées en six barquesl'adresse desrameuses& les concerts qui felicitoient les victorieusesfaisoient le plus charmant de la fete. Le soirla Reine alla prendrele divertissement de la comediechez les Jesuitesquirepresenterent Judith sur leur teatre.

Je seroistrop long si je pretendois de raconter simplement l'accueil que lereste des Villes d'ltalie fit à nos augustes. Je dis seulementque MantoueCremone& sur tout Milanne cederent en rien aFerrares'ils ne le surpasserent pas. Pavie& Gennessedistinguerent glorieusement. Aprez avoir reçu sur la terre lesavantgouts du ciel. Ils arriverent dans le Roiaume de Valence. LaReine mit pié à terre au Port de Binarosd'oùle fils du Prince Doria alla donner part au Roi de l'arrivéede son Epouse& de sa compagnie roiale.

Le 29 jourde Fevrier on se rendit par terre à la Ville de S.Matieuoùle Marquis de Deniavint complimenter la Reine de la part du Roi. LaReine prit le chemin de Morredre où sont les decombres del'ancienne & redoutable Ville de Sagonce. L'Archiduc courut encaleche audevant du Roiil l'embrassa& au meme tems il eut laconsolacion de saluer pour la premiere fois l'Infante Isabelle sachere Epouse. Aprez les premieres marques de tendresseil allaincessamment rendre ses respects à Notre Dame d'Atocha àMadrit. Il satisfit à la pieté l'espace de quatrejoursaprez quoi il se rendit à Valence. Le Roi prit l'habitd'un simple Seigneur& il alla complimenter la Reine au nom desa Majesté. Quelques Dames le reconnurent& elles endonnerent delicatement part à la Reine ; & ce fut àcette agreable agnicion qu'il se fit des cris de joie inexprimables.

NosAugustes firent leur entrée trionfante à Valencele 28Mai 1599. La multitude qui composa le cortege fut si nombreusequ'elle put passer pour une armée; la magnificence i fut siadmirableque les plus grans admirateurs de l'antiquitéreconnurent que Valence effaçoit la Ville de Rome trionfante.

Cinqtroupes de cavalerie marchoient à la tete. 30 timbaliers &tous les trompetes du Roimarchoient ensuite. Ils etoient suivisd'une infinité de Noblesse à chevalquelquesuns d'euxavoient plus de 24 laquais& nul n'en avoit pas moins que six.500 portoient les couleurs de la Reinequi etoient un melange dejaunede rouge & de blanc. Aprez suivoient les Officiers de lamaison de la Reine& 16 Grans d'Espagne.

La Reineetoit montée sur une haquenée blanche. Son daiz etoitsoutenu de 20 Gentilshommes Valençois; 20 autres lui tenoientla bride. La Mere de la Reine& l'Archiduc Albert la suivoientimmediatement ; & puis on voioit les Dames & les Demoisellesde la Reine. Un grand nombre de carrossesqui conduisoient des Damesde toutes sortes de qualitéfermoient la pompe.

Vousestimerez la grandeur de cette fetesi je vous declare que sadepense monta à la valeur de trois cens mille pistoles.

La Reinefut conduite à l'Eglise; etant montée sur un teatre deneuf piezqui occupoit la nefelle baisa la croixque l'Archevequede Valence lui presenta. Le Roi & l'Infante Isabellei etantdecendus par un escalier derobéle Nonce Apostolique haranguaainsi sa Majesté; Roi Catolique & trespuissantVotreMajesté sacréeapprouve-t-elle & ratifie-t'elle lemariage que l'Archiduc Albert a contracté en son nom avecMarguerite Reine Catolique & trespuissantequi est ici presentemariage que notre saint Pere le Pape Clement a celebrésolennellement ? le Roi aiant reponduje l'aprouve & je leratifie; le Nonce Apostoliquefit la meme demande à la Reine& elle lui aiant repondu qu'ouile Nonceajouta& moi aunom de l'Eglise tressainteRomaine & Apostoliqueje reçoiscette approbacion & cette ratification du mariagequi a etécontracté & celebré entre vos Majestez icipresentespar notre saint Pere le Pape Clement. Le Nonce fit lesmemes demandes à l'Archiduc Albert & à l'InfanteIsabelle; ils se mirent tous à genoux devant l'Autel&parmi les prieres & les chanson leur donna la benedictionnupciale.

Onretourna ensuite à la Cour. La fete dura huit jours de suiteavec la derniere des magnificences. On i dressa un amfiteatre capablede recevoir 60000 personnespour voir les combats de taureaux&les autres spectacles d'Espagne. Le huitieme jourle Roi donna lecollier de la Toison d'or à l'Archiduc Albert& àdeux autres Princes. Quatre jours aprezc'estadire le 14 MailaCour passa à Barcelonne.

L'entréetrionfante s'i etant passée avec beaucoup d'eclatl'on songeaà la separacion. Elle se fit avec des demonstracionsindicibles d'amitié de part & d'autre le 7 jour de Juinauquel les Souverains de la Belgique s'embarquerent pour satisfaireleurs Sujetsqui bruloient d'impacience de leur sacrifier leurscOEurs.

Suivonsl'Archiduc & son Epouse qui vont prendre possession de leursdomaines. Albert prit terre au port de Gennes& il logea auPalais du Prince Doria. Cette genereuse Republique n'omit rien de ceque put lui inspirer l'attachement immemorial & cordial qu'elle apour l'auguste maison d'Austriche; affection qui lui couta si cherdepuis quelques annéesquand la France fit venir infamementson Doge Imperiale à Parisaprez avoir presque reduit toutecette belle Ville en cendres. Ce fut le jour de S.Jean Batistequ'Albert & Isabelle i firent leur entrée triomfante&qu'ils entendirent la Messe dans l'Eglise de S.Laurens. Tout lechemin etoit richement parémais la statue de ces deuxaugustes personnes faisoit le plus bel objet de toute la celebrité.

Au sortirdu territoire de Gennesils furent accueillis du Viceroi de Milanàla tete de sept troupes de cavalerie bien equipéesqui lesconduisirent à la capitale de cet Etat.

Pavie leurfit une recepcionoù il donna des convictions de son espritde son affection& de sa magnificence. Ce fut là queRainuce Duc de Parmevint faire la reverence à leurs AltessesImpériales & Roiales. Le 5 Juillet ils entrerent àMilan. Le Connestable de Castille les i reçut sous un arc detriomfequi representoit la fete nupciale de Valence. Le CardinalDieterstein Legat du Papeaprez la Messepresenta au nom de saSaintetéla Rose benite à l'Infante& l'epéeà l'Archiduccomme au Defenseur de la foi. La veille de leurdepartils eurent le divertissement d'une agreable comedie.

Ilspartirent de Milan le jour de S.Madelene d'où ils passerent àSerone pour saluer la S.Vierge qui i est eclatante en miracles.

LesSuisses ne cederent à personne dans l'accueil qu'ils firent àleurs Altesses& ils s'etudierent sur toutqu'elles fussentpourvues de tout dans leur dangereux passage des Alpes. Ils monterentle mont S.Godart le dernier jour de Juillet. Ceux de la Valléede Lucerne se distinguerent par presenter à ces illustresVoiageursselon la façon du païsle beuf gras couvertde drap& conduit par quatre Silvains. Ils passerent trois joursdans ces Vallées ; aprez quoi ils decendirent à Baleoù ils furent saluez de toute l'artillerie& où àla façon de cette Republiqueils furent regalez de deux beufsgras& de l'avoine qu'on donna à tous leurs chevaux.

Ilsavoient resolu de prendre leur route par la Bourgognemais l'aimableimpacience des Belges fit qu'ils changerent de resolucion&qu'ils prirent leur chemin par la Lorraine. Le Duc retournoitjustement des eaux de Spa. Il alla rencontrer leurs Altesses avec leCardinal de Lorraine son fils ; vers Pontamousson& il lesregala d'un festin somptueux. Le Gouverneur de Mets leur presental'entrée de La Villemais ils l'en remercierent& ils secontenterent d'accepter son escorte jusqu'aux frontieres duLuxembourg. Ce fut là qu'Albert reçut mille chevaux deses bandes d'ordonnance.

Tionvillefut la premiere Ville de la Belgiquequi eut l'honneur de recevoirleurs Souverains. Le Comte de Mansfeldt Gouverneur du Duché deLuxembourgaccompagné de toute la Noblesse conduisit leursAltesses dans sa Capitalele 21 d'Aout. On chanta le Te Deum auxCordeliers. Le lendemainon fut au beau Parc de Mansfeldt. Ce Duchéquoiqu'epuisé de guerresne laissa pas de faire à leurSouveraine un present de plusieurs mille pistoles.

Ilsentrerent à Namurqui etoit la seconde Province de leurjuridiction& la seconde des trois qui ont demeuréfidelles au Roidurant les troubles de la Belgiquele 28 Aout.

Le ComteFlorent de Barlemontqui en etoit Gouverneurleur fut audevant avectoute la Noblesse en tresbel equipage& il leur donna troisspectacles agreables; le premier fut la Bourgeoisie & la jeunessesous les armes qui charmoient par leurs habits aussi recreatifs quebisars & variezmais qui charmoient bien plus par leur adresse àmanier & à decharger le mousquet. De tout tems immorialNamur a passé pour une Province où naissent lessoldats& ceux qui les ont vus dans cet exercicedonnent dansce sentiment universellement applaudi. Le deuxieme spectacle futcelui de deux compagnies montées sur des echasses d'unehauteur enorme. On m'en a tant dit de ce jeu d'echasses que lacuriosité m'a pris d'en etre le temoin oculaire. La renoméem'en a moins raconté que je n'en ai vu.

CesEchasseurs sont partagez en deux compagniescelle du dehors del'ancienne Ville se nomme Havressecelle du dedans se nomme Melan.Il regne une animosité hereditaire entre ces deux partis&c'est sur tout au Carnaval & aux entrées des Princes queleurs combatsentre ciel & terre se renouvellent. Il est surqu'il est infiniment plus plaisant d'i assister qu'à desbatailles rangées; puisqu'il i a du danger aux bataillesrangées du coté du spectacle & des spectateursaulieu qu'il n'i en a pointou qu'il i en a fort peu aux combats deseschasses& que toute la plainte se terminetout au plusàun bras cassé ou deboité. Encore s'en donne-t'il uneinfinité qui n'ont rien de ces accidens. Les Namurois i sontinstruits dez leur enfance. Celà fait qu'ils i sont bientotconsommez. Ce furent ces compagniesqui ne sont ni à chevalni à batteauni à piéni à chariot&meme qui ne volent pasqui vinrent accueillir & qui charmerentl'Archiduc. On vient de me dire qu'un Gentilhomme Namurois vient dedecrire ce jeu d'echasses en quelques chans qui ont fait honte auxSatires de Boileau & à l'art de precher & d'aimer deDe Viliers.

Letroisieme spectacle des Namurois fut un combat Naval qui se donna surla Sambre dans un lieu qui regne entre la prodigieuse citadelle deNamur& entre l'Abbaïe Bernardine de Salsine. On avoitconstruit une loge qui tenoit d'un petit Palais sur le rampart quiregne entre le Joghi & la Tour sur Sambre& qui est derrierela maison du Gouverneur de la Province. La necessité oùla France a jetté toutes les Villes de la Belgique de sefortifiera fait demolir cette maison roialequi meritoit plusd'etre conservée que la chaumiere de Romule.

Ce fut delà que leurs Altesses & toute la Noblesse contemplerent lecombat naval des Jouteurs aquatiques qu'il est impossible de biendecrire& qui doit etre vu pour etre bien raconté. Jel'ai vu& je vous avoue que je n'ai rien vu de plus charmant entoute ma vie.

Laissonstomber en l'eau les Jouteurssouffrons que les acclamacions desVainqueurs facent retentir le rivage de la Sambre& qu'ellesfacent parler toutes les Eco du rocher admirable où est situéela premiere citadelle du mondequi a gemi en 1692& suivonsleurs Altesses qui vont entrer dans la troisieme Province de leurDomainequi est le Brabant.

Le Brabanta deux capitalesl'une est la capitale du Brabant Flamand&c'est Louvainl'autre est la capitale du Brabant Valon& c'estNivelle. Le Brabant fit resolucion de rencontrer son Prince àNivelle. Ensuite de cette resolucionon s'assembla au Palais du Ducd'Arschot à Brusselle le 30 Aout; & voici l'ordre qu'ongarda. Les trompettesles pages & la maison du Duc marchoient àla tete. Suivoient Richard de Pulle Consul de Louvain&Guillaume Guillelmi Pensionaire de la meme Ville. Puis HenriDonghelberg Consul de Brusselle& Gille Martini Pensionaire decette Ville roiale. De làBlaise de Bejar ChevalierConsuld'Anvers& Henri Schotti Pensionaire de la meme Ville; ce rangetoit fermé de Guillaume Reys Pensionaire de BoileducdeFilipe Maes Secretaire d'Etat& de Theodoric vander BekenReceveur general.

L'Egliseavoit le rang suivant. On i voioit Matias Hovius Archeveque deMalines& Guillaume de Bergh Eveque d'Anvers. Le Duc d'Arschotmarchoit au milieu. On trouva bon de lui donner ce rang en vue desfrais immenses qu'il faisoit dans cette solemnité. Ils etoientsuivis de Robert Henrion Abbé de Villers& de Filipe deRoubergen Abbé de Grimberghe.

SuivoientGerard de Hornes Baron de BassigniesJaque de Berghe Baron deGrimbergheLancelot Schetz Grobendonc Baron de Vesemale.

Tout etoitfermé de 80 Cavaliers. Le Comte de Solre aiant donnéavis aux Brabançons de l'arrivée de leurs Altessesilstraverserent la Ville de Nivelle& ils leur furent à larencontre à la porte de Namur. Le Secretaire Maes prit laparole au nom de tout le Brabant.

Lespersones Roiales passerent à Halleoù le CardinalAndré remit entre les mains de l'Archiducles resnes qu'illui avoit commises provisionellement. Le Duc de Mantoue s'i renditaussi. La Cour arreta deux jours à Halle; & puis elle allaloger à la Cambrebelle Abbaïe de Bernardines àdeux pas des Fauxbourgs de Brusselle.

Lecinquieme Septembreun Dimanche à une heure aprez midileMagistrat de Brusselle parut à chevaldans la belle plainequi s'etend à la porte de Louvain. Il etoit en habit deceremonie. 2000 Bourgeois etoient sous les armes dans la memecampagnetous en habits de fete ; on i voioit aussi les cinqcompagnies de Serment avec les couleurs de l'Infantequi etoit unmelange de roux & de blanc.

Vers lestrois heures leurs Altesses parurent en carrosse. Ceux qui etoient enarmes firent trois salves roiales; aprez quoi le Pensionaire GilleMartini harangua les Souverainsau nom de tout le Brabant.

LePresident Richardot prit la parole& il remercia le Brabant aunom de leurs Altesses. Laman offrit sa baguette rouge àl'Infante& le Consul lui presenta les clefs de la Ville.

Ilfaudroit un gros volume pour raconter simplement l'aparat que cetteVille roiale fit à ses Souverains. Le sixieme Septembre lescinq compagnies de Serment monterent en parade à la Cour.Quelques jours suivans se passerent en audiences qu'on donna auxfelicitateurs qui etoient venus de tous les cotez pour faire labienvenue à leurs Altesses. On donna quantité despectacles ausquels le Duc de Mantoue donna beaucoup de chaleur.

Le 29Octobre le Comte de Solrequi avoit accompagné l'Archiducdans son voiage d'Espagne& qui avoit diverses commissions desEtatsleur en rendit raison& les remercia de l'honeur qu'ilslui avoient fait.

Le 24Novembre leurs Altesses firent leur entrée triomfante dansLouvain qui ne ceda en rien à Brusselle& qui selonquelquesunsle surpasse. Le Docteur Jaque de Bai neveu de Michel deBai fameux par la condemnation du Baianismeles harangua forteloquemment à la fin de l'Evangile de la Messe qui se chantoità S.Pierrepar l'Abbé du Parc comme Chapelainhereditaire des Ducs de Brabant. Aprez la Messe leurs Altessesallerent preter leur serment dans la maison de ville. Aprez quoiFilippe Maes Secretaire d'Etatharangua leurs Altesses. Le lendemainle Docteur de Frenequi etoit Recteur magnifiquevint lescomplimenter au nom de toute l'Université. Elles se donnerentla pacience d'entendre la Tragedie d'Andromede que la jeunesse duCollege du Faucon representa. L'aprés midi elles assisterent àla Dispute du fils du President Richardotqui prenoit le degréde Bachelier en Theologie& elles eurent la bonté derecevoir les Gans qu'on a coutume de distribuer dans de pareillesactions publiques. Et pour montrer leur affexion envers les belleslettreselles firent l'honeur au savant Juste Lipse de venirentendre sa Leçon historique. Il expliquoit le troisiemeChapitre du premier Livre de Seneque& à la vue de leursAltesses il fit une belle oraison d'improviste qui se void dansBochius page 159. Ils visiterent la belle maison d'Heverleoùle Duc d'Arscot les regala magnifiquement. Le 28 Novembre la Courretourna à Brusselle& leurs Altesses confirmerent lesprivileges de l'Eglise de S.Guduledans le chOEur de la meme Eglise.

Ils firentleur entrée solennelle le 3 Decembre à Malines quitemoigna son cOEur & sa magnificence; & le 8 à Anversqui sembla effacer tout ce qu'on avoit fait jusques alors. Sa pompedura jusqu'au 27 Janvier de l'an 1600auquel jour leurs Altessesentrerent à Termonde& le 28 à Gand qui leur fitun accueil roialque Maximilien de Vrient a tresbien descrit. Ellesentrerent à Courtrai le 3 Fevrierle 5 à Lillele 8 aTournaile 10 à Douaile 13 à Arrasle 15 àCambraile 19 à Valenciennes. Henri d'Outreman en a decrit laPompe; le 25 ils furent à Mons& le 26 à Binche;je ne marque pas les solennitez des autres villes de la Belgique&de la Bourgogneparceque les memoires me manquent; je sai en generalque leurs Altesses furent reçues par toutcomme des divinitezdescendues du ciel. Il auroit eté bien agreable à decertaines villes que je fisse la description de leurs magnificencesmais il ne seroit point agreable aux lecteurs curieux que jedifferasse plus lontems l'histoire de l'Archiducoutre qu'on faitqu'une trop longue table quelque exquise qu'elle futn'est pas moinsennuiante qu'une autre qui n'est pas bien garnie.

Tandis quel'Archiduc va & vient pour aller querir& pour amener sonEpousevoions ce qui se passe en la Belgiqueoù il a laisséle Cardinal André son Cousin germain & l'Amiral d'ArragonFrançois de Mendoçe Marquis de Guadaleste CapitaineGeneral de ses armées& le Comte Herman de Bergh pour sonLieutenant General.

Sur la find'Aout 1598 Mendoza prit devant Venloo un vaisseau Holandois montépar Jean de Raert; six furent faits prisoniers& le reste sesauva à la nage. Au comencement de Septembreil passa laMeuse prez de Ruremonde à la tete de 30000 hommes. La Berlotpassa le Rhin à Kerkraet entre Cologne & Bonne. L'Arméene fut pas lontems sans l'i suivre. Ils investirent la ville d'Orsoi.Orsoi est au Duché de Clevespetitemais importante place.Elle n'est pas minable: à cause que ses rampars sont pratiquezde troncs d'arbres & de terre si bien melezqu'on n'i sauroitfaire ouverture. La Hollande la prit en 1634& la France en1672. Le Duc Guillaume avoit commencé à la fermer deravelinsà la façon de là Citadelle d'Anversmais il ne put achever l'ouvrageà cause de sa depense.

L'AmiralMendoçe demanda d'en avoir l'entrée pour passer leRhin. Mais Horst Marechal & Secretaire du Duché de Clevesla lui refusantil se mit à se disposer à l'escaladeà la faveur des eschelons des grands chariots de Brabant. Laville intimidéelui ouvrit ses portes. Il somma le chateauqui voiant trois Capucins& un boureau le licou à lamainse rendit sans coup ferir. Mendoçe s'i fortifiaincessammentavant le 8 Septembre & par suite avant quel'Archiduc ne partit de Brusselle; puis il se rendit maitre d'Alpen.

Comme ilne se fera rien d'eclatant de part ni d'autre jusqu'au 16 Septembrepassons en Espagne& contemplons la mort de Filipe II qui i rendl'esprit le 13 de ce mois.

L'an 1598Henri IV Roi de France aprez une infinité de guerres & defatigues desiroit ardemment de jouir du repos. Il apprehendoit quedans la continuation de la guerre avec l'Espagnela fortune ne luifit un coup pareil à celui d'Amiens pris par des noix&qu'il n'eclatat quelque nouvelle faction des Grands de Franceou desHuguenotsou de sa maison meme parcequ'il n'avoit point d'enfansilemploia Villeroi pour venir à bout de cette negociation quilui tenoit si fort au cOEur. Ce Ministre traita heureusement avecRichardot ; Richardot inclina le Roi à accorder la paix àla France desolée. Mais ce Monarque ne fut pas peu pousséà cet accord par le desir qu'il avoit de laisser à sachere fille Isabelle Claire Eugenieune dotte paisible. Richardot &Villeroi s'aboucheront sur les frontieres de Picardie & d'Artois& ils convinrent que les deux Rois enverroient leurs Deputez àVervins où le Legat du Pape devoit se trouver en qualitéde Mediateur. Henri IV ravi de cette resolucionnomma pour cet effetPompone de BelievreConseiller d'Etat & Nicolas Brulard deSilleri President au Parlement. L'Archiduc Albert autoriséd'Espagnei envoia le President Jean Richardotle Seigneur de laTour-Tassis Chevalier de S.Jaque ancetre du Prince de ce nom&Louis Verreiken Audiencierpremier Secretaire & Tresorier duConseil d'Etat.

Comme laFrance aspiroit aprés la Paixelle hasta ses Deputez quiarriverent à Vervins dez le 7 Fevrier. Ceux de l'Archiducàqui cette Paix etoit indifferentei arriverent plus tard. LesFrançois allerent les premiers visiter les Deputez del'Archiduc. Le Legat prit le boutil mit son Nonce à sadroite; les Deputez de l'Archiduc se mirent au plus honorable quietoit au dessous du Nonce& les François se mirentvis-à-vis.

LesDeputez convinrent d'abord d'une cessation d'armes à quatrelieues aux environs de Vervins& des saufconduits pour leursCouriers qui iroient à Brusselle & à Paris. LesDeputez de l'Archiduc qui trenchoient du maitre exclurent lesHollandois du traitéparcequ'ils pretendoient qu'ilsrestoient encore sujets du Roi& ils ne voulurent pas comprendreles Angloisamoins que la Religion Catholique ne fut retablie partoute l'Angleterre.

LesAnglois presserent tant Henri IV pour pouvoir entrer dans cette paixqu'il fut obligé de leur accorder 40 jours. Quoique la ReineElizabet demandat encore une mois au-delà des 40 joursaccordezHenri IV n'i voulut pas entendre& dez le 12 Juin quietoit le terme des 40 joursil pressa les Deputez de l'Archiduc avectant d'instanceque la Paix fut publiée à Vervins dezle meme jour. Charle de Croï Duc d'ArschotFrançoisMendoçe Amiral d'ArragonCharle de Ligne Comte d'ArembergChevalier de la Toison d'or& Louis de Velasco Grandmaitre del'Artillerie servant d'Ambassadeurs avec Richardot & Verreikenapporterent la ratification à Henri IV; & ils vinrent luijurer le Traité de Vervins dans Notre-Dame de Parisle 21Juin. Le Marechal de BironBelievre& Sillerivinrent le jurerà Brusselle le vingt-sixieme du meme mois. Le Roiqui avoitpermis cette Paix en faveur du mariage de sa chere fille Isabellen'eut pas le plaisir de le voir comme etant mort deux mois aprez laPaixsavoir le 13 de Septembre fatal à la maison d'Autrichetandis que notre Albert destiné pour epoux à cetteincomparable Princesse etoit encore en chemin.

Le Roiavoit fait son Testament deux ans avant sa mort; par où illaissoit à sa fille la Belgique & la Franchecomté;à condition que ces Provinces retourneroient à laCouronne d'Espagne au defaut d'hoirs males ou femelles. Que si ellestomboient en filleelle ne pouroit pas se marier sans leconsentement du Roique toutes les fois qu'il i auroit mutationlenouveau Successeur preteroit nouveau serment de conserver la ReligionCatoliqueApostolique & Romaine& que s'il s'en departoitil seroit dechu de tout droit sur ces Provinces; qu'elle n'auroitpoint commerce aux Indes Orientales; que le Roi se reservoit d'etrele Chef de l'Ordre de la Toison-d'or& de mettre des Gouverneurs& des garnisons à sa solde dans les Citadelles d'Anvers;de Gand & de Cambraiqui auroient preté serment àlui & aux Princes de la Belgique.

Il i avoitplus de quinze mois qu'une fievre hectique consumoit ce grand Roiquand les goutes le prirent fort cruellement la veille de la S.Jean.Ces humeurs acres engendrerent des abscez qui creverent au genou &en diverses parties du corps d'où il sortoit des fourmillieresde vermines qu'on ne pouvoit tarir. Il se joignit à celàune satiriasme perpetuel qui faisoit ecouler ses forces & sonsang avec un pus effroiable. La puanteur insuportable qui sortoit deses ulceres& ces vilains insectes qui le mangeoint jusqu'auxosfaisoient faillir le cOEur à ceux qui l'approchoientmaisil ne lui manqua jamais. Il soutint tous ses maux avec une paciencesi merveilleuse& il maintint son esprit dans une assiete siferme jusqu'au dernier soupirque sa Cour ne savoit si elle voioiten la persone du Roi un plus grand exemple ou de la misere humaineou d'une constance heroïque. Un Mardi dernier jour de Juin del'an 1595 il passa de Madrit à l'Escurial contre l'avis de sesMedecins. I etant arrivé il tomba dans une fievre tierce quilui dura sept jours. Aprés quoi il alla un peu mieux; mais leMecredi 26 Juillet vers le minuit il tomba dans une double tierce. Onattribua cette fievre à un exercice trop violent qu'il prittant dehors que dans le Monastere de S.Laurens trois jours avant detenir le lit. Ce fut au septieme jour de sa fievre qu'il lui vint unabscez mortel au genou. Le trentieme jourà l'occasion d'unemedecine assez legere il eut une disenterie de plus de quarantedecharges en un jour. L'hidropisie lui fit enfler tout le corps&la goute l'extenua jusqu'aux os. Durant les 53 jours de sa maladieil fut impossible de le remuer. Supplice insupportable à cecOEur qui aimoit la netteté & la propreté en toutjusqu'à la superstition. Ce vrai portrait de Jobne donnajamais aucun signe d'impatience. Deux heures avant mourir il demandaà Dieu de pouvoir etre quitte de ses douleurs afin de pouvoirse disposer pour aller au devant de l'Epoux celeste. Il tomba ensuitedans un ravissement que persone ne prit pour une defaillance&il en revint avec l'accomplissement de sa requete. Ce fut ensuitequ'il fit mille caresses au Crucifix de son Pere Charlequint& àl'image de Montserrat qui etoit dans le cierge beni. Le jour deS.Dominique il se fit apporter avec pompe le bras de S.Vincentlegenou de S.Sebastien& les Reliques de S.Aubain patron de Namurque le Pape Clement VIII lui avoit envoiées avec IndulgencePleniereil se les fit appliquer & il s'adressa tendrement auxSaints qui les avoient animées durant leur vie. Jamais il necouchoit sans prendre de l'eau benite; dans sa maladie il redoublal'usage de cette pratique salutaire. Sa chere fille Isabelle venoitlui lire de tems en tems les OEuvres spirituelles de Louis de BloisAbbé de Liessies en Hainaut. Son Confesseur Jaque Yepez &Loaysa Archeveque de Tolede le consoloient par la lecture del'Evangile où il est fait mention du bon larronde Madeleinedu Paralitique& des autres chefd'euvres de la grace. Sa prierefamiliere etoit celle qui est couchée dans le Cimelarchiumde Blosius & qui commence. Heu bone Jesuomni tempore vitaemea & etc. à l'Archeveque de Tolede seul il donna àdistribuer en OEuvres pies 20000 Ducatsà son Confesseurautant avec mille autres de rente pour la decoration de Notre-Dame deGuadaloupe. Il fonda un Couvent d'Augustins à Huesca enArragon. Par les mains du Comte de Cinchonil en envoia 10000 àMontserrat. Il en donna 6000 aux Jacobins de Valence& 3000 auxBenedictins de Vailladolid. Il en assigna 6000 pour la canonizationde S.Raimond. Je passe une infinité de saintes largesses qu'ilfit durant sa maladie.

Avantmourir il fit la solennelle profession de foi qui se lit dans lechap. 2. livre 2. de l'Enchiridion de Blosius. Il fit une confessiongenerale de toute sa vie le premier d'Aout& il enjoignit àson Confesseurpar modestiede n'en rien dire. Il ne l'acheva qu'aubout de trois jours. Il communia quatre fois durant les 53 jours desa derniere maladiedeux fois aprés avoir reçul'Extreme-Onction& le jour de la Naissance de la Vierge. Ledouzieme Septembre veille de sa mort son Confesseur dit la Messe ensa Chambre. Il se plaignit amoureusement de ce qu'il ne lui avoit pasdonné la Communion& il demanda au moins qu'il luimontrat le Saint Ciboire. Le 12 Aout 1598 le Roi avoit fait venir ensa Chambre Camille Cajetan Patriarche d'Alexandrie & Nonce duPapequi etoit venu en Espagne pour le Sacre de Garcie LoaysaArcheveque de Tolede& il lui demanda humblement la benediction& les Indulgences Papales. Il faut remarquer que le Nonce enavoit ecrit au Pape& que la reponse de Sa Sainteté vintavant la mort du Roi. Il reçut l'Extreme-Onction 20 joursavant mourir. Il se fit lire de son Confesseur toute la ceremonie dece dernier Sacrement. Il se fit rogner les ongles & il lava lesmains quoique celà dut rengreger les plaies que la goute luiavoit causées. S'etant confesséil reçut ceSacrement des mains de l'Archeveque de Tolede le premier jour deSeptembre à neuf heures du soir& il voulut que son filsPhilippe III i assistatà qui il voulut parler tout seul.J'ai voulumon filsque vous assistassiez à cette Ceremonieafin que vous vissiez où aboutissent toutes les grandeurs dela terre; je vous recommende la Religion Catholique & la justice.Et vivez si bien que vous n'aiez pas de scrupule quand vous voustrouvérez où je suis. Il lui donna ensuite par ecrit desa propre main quantité de beaux principes pour regnerchretiennement. Il donna de plus à son confesseur les derniersavis que S.Louis donna à son fils& il lui ordonna de leslire à Philippe III dez qu'il auroit fermé les yeux.Deux jours avant sa mort il avoit dit à son fils qu'il devroits'adresser à son Confesseur pour avoir la lecture de cepapier. Philippe III n'i manqua point le propre jour des obseques deson Pere. Je trouve bon de mettre tout au long cette derniere volontépour faire honneur au S.Fils de la Reine Blanche & au RoiCatoliquerien n'empechant qu'un meme ruisseau ne vienne de deuxsources.

Al'imitation de S.Louis Filipe II recommanda à son Fils d'aimerDieu de toutes les forces de son ameparceque sans celà nulhomme ne doit pretendre au ciel; de craindre plus que tous les mauximaginables de lui deplaire ; d'en recevoir les adversitez comme lesaiant bien meritées& comme des instrumens de son salut;& de sentir dans la prosperité une humble & profondereconnoissanceau lieu de s'en elever & d'emploier les dons deDieu à lui faire la guerre. Qu'il assistat aux offices del'Eglise& particulierement aux Sacrifice du corps deJesus-Christ avec le respect qu'il merite& dans une entiereapplication de cOEur & d'esprit: Qu'il exposat souvent l'etat desa consiencemais à des Confesseurs choisisqui sussent luimontrer en toutes choses& ce qu'il devoit faire & ce qu'ildevoit eviter: & qu'enfin il fut fait de telle sorteque nonseulement ses Confesseursmais encore ses amisne hesitassent pointà l'avertir& de ce qu'il feroit mal& de ce qu'ilpourroit faire mieux. Aprez il regloit le choix de ses amisdont ilvouloit que la vertu & le desinteressement fissent le caractere;il en excluoit tout homme capable de corrompre les autres par sonexemple ou par ses discours; il bannissoit de ses conversations toutce qui pouvoit blesser le respect dû à Dieuoul'honneur du prochain; en un mot il le conjuroit d'aimer tout bien&de haïr tout mal en quoi que ce fut. Il lui conseilloit d'avoirle cOEur tendre & sensible pour tous ceux qui souffriroient&de les soulager en toutes les manieres qu'il le pourroit. Mais quandil s'agiroit de faire justiceil vouloit qu'il i fut inflexible sansvarier en rien ni pour le riche ni pour le pauvre; qu'il appuiatpourtant le plus foible tant que les choses ne seroient pointeclaircies; & que dans ses affaires propres il se declarat contrelui-meme jusqu'à ce que la verité parut. Car il pretendque cette verité soit l'unique regle de Filipe; qu'il n'oublierien pour la decouvrir en tout; qu'il la fasse par là aimer àses officiers; & que quand elle le condamnerail ne demeure pasun moment sans i satisfaire. Qu'il eut grand soin de procurer lerepos aux Ecclesiastiques& de leur conserver ce qu'ils tenoientde ses peressans oublier jamais le mot de Filipe son Bisaieulquipressé de reprimer leurs entreprisesreponditqu'il recevoitassez de bienfaits de Dieupour souffrir quelque chose de sesMinistres. Qu'il honorat sur tout parmi les gens de l'Eglise ceux parqui Dieu seroit le plus honoré & la foi plus exaltée;qu'il ne donnat les benefices que par le conseil de gens capables&qu'à ceux qui pourroient les remplir dignement& qui n'enauroient point encore. Qu'au reste il veillat sans cesseà latranquillité de ses sujetsà les faire vivre enfreresà ne les charger de subsides que dans l'extremebesoin& pour la defense de l'Etat ; qu'il conservatinviolablement leurs franchises& leurs privilegess'assurantainsi de leur cOEur& comptant que ce seroit la richesse &la puissance de ses sujets& sur tout des bonnes villesqui lemettroient à couvert des entreprises etrangeres oudomestiques. Mais pour oter de grands pretextes à violer cesderniers conseilsil lui recommandoit de retrancher tout excésdans la depense de sa maison& de n'entreprendre jamais deguerre en païs Chretienqu'avec une serieuse deliberation &aprez avoir tout tenté pour l'eviter; auquel cas il veut qu'ons'applique à garentir les Eglises& ceux qui n'auront depart à la guerre que par leur malheur. Enfinil l'avertissoitde veiller sur les jugesde bannir de l'Etat toute sorte descandalede rendre incessamment graces à Dieu de sesbienfaits pour en meriter de nouveaux. Puis le conjurant de ne luipas refuser le secours dont les morts ont besoinil lui donnoittoute la benediction qu'un fils peut attendre d'un père; illui souhaitoit la grace de ne faire jamais que ce qui seroit agreableà Dieu; & il demandoit qu'ils pussent se retrouver un jourensemble pour le louer& pour le benir à jamais. Voilàle Testament de Louis IX & de Filipe II.

Le Roiaiant reçu l'extreme Onctionprotesta de n'avoir jamais de savie eté plus consolé. Vendredi onzieme Septembre FilipeIII & Isabelle Claire Eugenie vinrent recevoir la benediction deleur Pere. Nous avons dit ce qu'il recommanda à son Fils. Ildit à sa chere Isabellema fillepuisque Dieu ne veut pas medonner la consolation de vous voir mariéeje vous recommandede toujours vous comporter comme vous avez fait jusqu'ici&d'avoir soin de la foi Catolique en la Belgiquepuisque c'est pourcelà que je vous la donne en dote. Recommandez le meme en monnom à votre Epoux l'Archiduc Albertdu moment que vous leverrez.

Un moisavant sa mortil envoia deux moines de l'Escurial au tombeau de sonPerepour en prendre les mesures& pour examiner dans quellesituation il etoit; ensuite il recommanda à Christophe deMoura Castelrodrigod'avoir soin de sa sepulturetout seul sans quepersonne l'assistat. Je ne veux pasdit-ilqu'on m'ouvre ou qu'onme decouvrevous me mettrez une nouvelle camisolependez-moi uncrucifix au cou& puis vous me couvrirez d'un Suaire. Mettez-moidans un cercueil de plomb bien bouché afin que je n'infectepersonne. Quatre jours avant sa mort il dit au Duc d'Alve oùil trouveroit son crucifix hereditaire & des cierges de NotreDame de Montserrat& il lui ordonna de les lui presenter en sontems. Il i avoit six ans qu'il avoit preparé ces cierges benispour les tenir en mourant. Il recommanda à son Fils de seservir de ce meme crucifix qui venoit de Charlequint. Le Duc d'Alvelui presenta un des cierges benis le jour de sa mort à minuit.Il n'est pas encore temsdit le Roi. Il l'accepta à troisenlevant les yeux au ciel & en disant; il est presentement tems. Ala derniere heureil protesta qu'il vouloit mourir en fidelle enfantde l'Eglise Catolique & en Fils respectueux du S.SiegeApostolique & Romain. Il se fit lire la Passion de Notre Seigneurecrite par S.Jean. Jean Gomez de Sanabria le pria de reposer. Le Roirepondit qu'il n'en etoit pas tems. Voici ses dernieres paroles: jemeurs dans la foi Catolique& dans l'obeissance de l'Eglise.Romaine. Aprez un soupir où deuxil expira comme un enfantle Dimanche 13 Septembre 1598 à cinc heures du matin àla pointe du jouragé de 72 ans dont il en avoit regné42 & neuf mois depuis l'abdication de son Pere CharlequintFilipe III n'etant agé que de 20 ans. Il avoit ordonnéune infinité de Messes de la S.Croix & de Notre Dame. Ileut le bonheur de mourir la veille de l'exaltation de la S.Croix&dans l'octave de la naissance de la Vierge. Clement VIII dit en pleinConsistoire que l'Eglise ne pouvoit faire de plus grande perte qu'àla mort de ce Prince. Il mourut à la meme heure que les enfansdu Seminaire de l'Escurial chantoient la Messe de l'aurore qu'ilavoit fondée pour obtenir une bonne mort& bientot leParadisaprez sa mort. Le lendemain 14 Septembreon fit sesobsequesainsi qu'il l'avoit ordonné. Aprez la MesseFilipeIII & la Cour conduisirent le corps au tombeau qui etoit auprezde celui de la Reine Anne sa derniere Epouse au pié del'Autel. L'Archeveque de Tolede officiamais avec larmes. Le PereAntoine de Leon Predicateur de S.Laurens de l'Escurialfit l'Oraisonfunebre. Le Docteur Terronés Predicateur du Roifit celle desobseques magnifiquesque le Roi fit faire à Madrit le Mecredi26 Septembre.

Je mefelicite d'avoir recouvré les circonstances inouiespour lapluspartde la mort de ce grand Roid'un ecrit autentique quel'Archeveque de Tolede donna ordre de dresser immediatement aprezsavoir le 20 Septembreau Licentié Cervera de la TourChapelain du Roide l'Ordre de Calatravequi a eté le temoinauriculaire & oculaire de ce qu'il raconte & de ce que j'aicopié de son Espagnol.

L'ArchiducAlbert n'etoit qu'à Nuremberghquand un Courier lui apportala triste nouvelle de la mort de ce Beaupere qu'il aimoit aussitendrement que son propre Pere.

Tandisqu'il essuie ses larmes& qu'il continue son voiageretournonsen la Belgique pour voir ce que les Hollandois i font. Le 16Septembrec'est à dire deux jours aprez la mort du RoilesHollandois essaierent de rompre un grand convoi qui venoit de Gueldreà l'armée Espagnole& dans ce desseinils avoientdeja passé la riviere de Walhalpour l'attaquer entre Venlo &Orsoimais l'adresse des Espagnolsleur fit manquer cette occasion.Les Espagnols pour donner le change à leur ennemiluienleverent un navire le 20 Septembrepar le stratageme de quelquesmatelots de Bommel & de Tielqui s'etoient venus rendre àeux.

Cesmatelots gagnezlaisserent couler leur barque à Val-eau&ils ne laisserent qu'un homme au gouvernail. Les Holandois prennantcelà pour une nonchalance veritablene s'en donnerent pas degarde. La barque Espagnole heurta contre la proue de la galereHolandoisequi faisoit la priere avant le dejeuné. LesEspagnolsqui i etoient cachezse jetterent sur leurs ennemisquine s'attendoient à rien moins. Les Hollandois furent tous tuezou blessez à la reserve du Capitaine Simon Janson d'Eedam quise sauva lui onzieme à la faveur de sa chaloupe. Ainsil'Espagnol demeura le maitre de cette galere sur le Rhin visavis dela ville de Rées; en aiant dechargé l'equipageils labrulerent.

C'est parlà que Mendoçe s'inicioit à une conquete plusimportante. Il vint mettre le siege devant la forte Ville deRhinberg& il i avoit grande apparence qu'elle alloit lui couterbeaucoup de sangsi le feu qui se prit au magasinne lui en eutepargné la peine; Alfonse Davalos s'en rendit maitre le 15Octobre& il fit beaucoup de courtoisie à la garnisonHolandoisepour reconnoitre celle qu'il avoit reçue du PrinceMaurice en la Betuve. L'amiral conquit quantité d'autresplacesmais la Hollande se dedommagea par la prise du Fort S.André.Le Cardinal André d'Autriche lui avoit donné son nom:parcequ'il l'avoit construit durant son administration& tandisque notre Archiduc etoit dans ses voiages. Il etoit assis dans unlieu avantageux de l'ile de Bommel au village de Rossem. Ce fort futsurnommé la Clef & la Lunette de la Hollandeparcequ'eneffetpar là on entroit dans le cOEur des Provinces Unies&parceque les Belges fidelles i etoientcomme sur un observatoirepour decouvrir tout ce qui se passoit parmi leurs voisins. Le PrinceMaurice qui n'aimoit pas qu'aucun autre que lui eut entre les mainsles clefs de la Hollande& qui regardoit cette lunetted'approche comme une espionne incommodetrouva des traitresmarchands qui lui vendirent le Fort de S.André au prix de cent& vingt cinc mille francs. Il prit possession de son emplette leonzieme jour de Mai de l'an 1600. La pluspart des Vendeurs seretirerent dans Ostende qui tenoit alors pour les Hollandois&qui etoit un azile assuré pour des gens craintifs à quiun rampart ordinaire ne suffit pas.

LesHollandois & les François temoignerent une joie excessivede cette lache conquete achetée à beaux denierscontansmais cette joie fut rabatue par une avanture qui merited'etre à la tete du siecle seizieme surnommé avecjustice le siecle prodigieux. Ce fut un duel pareil à celuides trois Horace Romains contre trois Curiace Albanois qui renditmemorable le regne de Tullus Hostilius.

Il sedonna le cinquieme Fevrier mil six cent entre la ville duMont-S.Gertrude& celle de Boisleduc. Gertruydenbergh d'oùsortirent les champions François-Hollandoisest sur la rivegauche de la riviere de Merweà trois lieues de Dort & deBreda. Elle est batie en forme de Croissant& elle est fortifiéeregulierement vers les frontieres du Brabant. Elle tire son nom deGertrude Fille de Pepin Maire du Palais de Franceou de S.Gertrudequi vivoit à Delft au siecle quatorzieme. Ce domaine du Princed'Orange Roi d'Angleterre est renommé par la pesche desSaumonsdes Esturgeons & des Aloses. Les Hollandois lasurprirent en 1573. Boisleducd'où sortirent les championsBelges-Archiducauxest une ville de Brabant avec Evechésuffragant de Malinessur le Domelequi y reçoit l'Aade&la Diese& qui à deux lieues de làse jette dansla Meusedans l'endroit où elle forme l'ile de Bommel.Godefroi Duc de Brabantd'un bois où il se plaisoit àla chasseen fit une Ville l'an 1184 comme cette Cronique le marque:Godefridus Dux è silva fecit oppidum. La Catedrale avecsa belle horloge est dediée à S.Jean. Le Comte deHohenlo pensant surprendre Boisleduc en 1585i fut lui-memehonteusement surpris. Frideric Henri Prince d'Orange la prit en 1629.Pierre Borri decrit ce siege. Le Pape Paul IV i fonda un Evechél'an 1559. François Sonnius en fut le premier Prelat. LesHollandois en aiant banni la Religion Catoliqueles Eveques setinrent à Goldorp. Le Pape i cree des Vicaires Generaux quiadministrent cette Eglise. C'est de ce Vicariat que MonseigneurBasseri Brusselois est monté dignement sur le trone Episcopalde Bruge; Monsieur Steyart Docteur de Louvain lui a succedé&les fideles aux Papes souhaitent qu'il n'en demeure pas là.

Le champde bataille qui fut choisi du commun consentement des champions estune plaine qui regne entre Boisleduc & le Mont-S.Gertrude. Lesujet de la querelle furent les gasconades & les insultesinsolentes que les Hollandois-François faisoient aux Belgesfideles que le malheur de la guerre retenoit prisoniers auMont-S.Gertrude. Le plus insolent de tous etoit un Capitaine Normandnommé Briauté qui servoit la Hollande& qui etoitde garnison au Mont-S.Gertrude en qualité de Capitaine deCavalerie. Bien loin de consoler & d'honnorer ses prisonnierscomme font les honnetes Vainqueursil leur reprochoit incessammentqu'ils n'etoient que des laches & que des coquins. La contumelieregardoit sur tout le Comte de Grobendonc qui etoit Gouverneur deBoisleduc Ancestre du digne Eveque de Namur & de Gand & duComte de Grobendonc d'aujourd'huiqui fait beaucoup d'honneur àses Aieulx par sa pietépar sa modestiepar sa fidelitépar sa prudence& par sa bravoure. Cependant comme les grandesames meprisent les fanfaronsil se mit fort peu en peine desgasconades de Briauté; son Lieutenant i fut plus sensible.C'etoit un de ces martiaux enfans de Boisleducquià cequ'on ditnaissent tous soldats. Il se nommoit Gerard Abrahamfamille connue à Boisleducmais son nom de guerre etoit celuide Friand Morceau ou Lekerbetjen. Il s'etoit signalé en 1589pour faire rentrer le Mont S.Gertrude sous la domination Catholique;& il avoit un frere nommé Antoine qui ne lui cedoit pas enbravoure. Gerard fit entendre à Briauté qu'il avoitgrand tort de traitter les gens du Roi de laches coquins& qu'ilne tiendroit qu'à lui de peser la pesanteur de leurs bras. LeGentilhomme Normand qui ne manquoit pas de courage ni de hardiesselui fit repondre qu'il admettoit l'eclaircissement. On convint depart & d'autre du champ de bataille & du nombre deschampions. Pour faire les choses dans les formesBriauté allaprier humblement Maurice Prince d'Orange d'approuver ce combatMaurice qui connoissoit la boutade Françoise& la valeurdes Belges fidellesn'i voulut point entendre au commencement; maisenfin flechi par les importunitez de Briautéqui malgréses Chefscouroit à son malheuril i conniva. Je crois qu'ilen arriva de meme à l'egard du Lieutenant du Comte deGrobendonc. Quoiqu'il en soitil fut determiné qu'on sebattroit dixneuf contre dixneuf. Briauté fit croire auSeigneur de Wingaerde son Gouverneur du Mont S.Gertrude qu'il avoitle consentement du Prince Maurice& qu'au cas qu'il demeurat auchamp de batailleil lui legueoit ses armes qui etoient dignes d'unRoi. Il sortit du Mont-S.Gertrude le 5 Fevrier à la tete dedixneuf Cavaliers presque tous François qui portoient leplumet blanc au haut de leur morionpour faire voir qu'ils alloientsoutenir l'honneur de la France. Quoique le mi-chemin entre le MontS.Gertrude & Boisleduc fut designé pour etre le champ debataillel'ardeur martiale neanmoins emporta plus avant Briautéqui s'avança jusqu'à une demie lieue de Boisleduc. Cefut là qu'il rencontra le Lieutenant de Grobendonc à latete de dixneuf Belgesqui par leur pannache rouge marquoient qu'ilsalloient defendre la gloire Espagnole. Aussitot chacun se rangea enordonnance de bataille. Dez que les trompettes eurent donné lesignal du combatBriauté courut avec furie sur le Lieutenantde Grobendonc& il le tua d'un coup de pistolet qu'il lui tiradans la visiere. Au meme instant le frere de ce Lieutenant nomméAntoine qui s'etoit fait de la partie& trois autres Belgestomberent roides morts. La chute de ces deux illustres Brabansonsdeconcerta un peu les Belges fidelesmais enfinà la façondes Elefans que la pourpre rend plus furieuxils se jetterent surles François avec tant d'impétuosité qu'ils lesdefirent entierement à la reserve de Briautéd'unautre Gentilhomme Normand qui lui etoit parent& de deuxFrançois qu'ils firent prisonniers& qu'ils conduisirenten triomphe vers Boisleduc.

Le grandcOEur de Briauté n'apprehendoit rien tant que de servir detrophée dans une Ville & devant une garnison qu'il avoitsi insolemment meprisée. On lui epargna cette confusion&on lui brula la tete avant qu'il mit le pié dans la Ville.
Cefut ainsi que le laurier couronna la tete des Belges fidelles&que les François aprirent à moderer leurs fanfaronades.La Ville de Boisleduc pour honorer ses vaillants citoiens fit erigerun monument à Gerard un monument à Gerard & àAntoine Abraham au jubé de l'Eglise des Dominicains deBoisleduc.

LaBelgique triompha quelque tems au sujet de l'avantage de sa nationmais le Prince Maurice detrempa ses allegressesen se servant fort àpropos de la mutinerie des soldats Belges qui se plaignoient de lapaie. Mauricepour pescher en eau troublefit passer devant laville de Dort deux cens & quatre vingt voiles. Ce beau spectaclerecrea les yeux de cette Ville un jour tout entier; mais ce ne futqu'une ostentation: car ces forces navales se rendirent soudain enZelande dans l'Ile de Valkeren audessus du chateau de RamekenouZeeburchqui leur etoit assigné pour leur Rendezvous general& où elles devoient attendre un vent favorable. Ellesfirent voile le 22 Juin 1600 & elles vinrent mouiller àBiervliet. prez du Sas-de Gand qui est l'Ecluse qui mene de Gand àla mer.

Le PrinceMaurice fit prendre les devans à son Cousin le Prince Ernestde Nassauqui se rendit maitre du Fort de Filipe. Il en partit le23& il prit aussi aisément celui d'Asnede.

Le 24l'armée Holandoise vint loger au bourg d'Ercloo; ils lebrulerent ensuite: on dit que ce fut pour vanger la mort de quelquessoldats Hollandois qu'on trouva pendus tout bottez & eperonez. Lememe jour le Prince Maurice arriva à Malefameux par le ComteLouis de Flandre qui en prit le surnom. C'est un Village a une lieude Bruges. Le meme jour les quarante naviresqu'on avoit laissez àRamekenen attendant le ventl'eurent favorable& ils semirent à la voile vers Ostendequi tenoit encore pour lesHolandois; mais les Espagnols etant sortis de l'Ecluseenattraperent vingt. La bravoure du Capitaine Blankart est bienmemorable. Il n'avoit que 50 hommes dans son bord& neamoins ilfit des miraclesen aiant perdu 22& le reste etant blesséhormis 8jamais il ne voulut se rendrequoique son vaisseau futtout percéil eut le courage de le ramener àFlessingueoù il mourut de ses blessuresquelques joursaprez.

L'Espagnefit par cette prise un tresgrand butin: car elle eut les bagages duComte Ernest de Nassaudu Baron de Sedenischi Sergeant Major duPrince Mauricede Robert Cidnei Gouverneur de FlessingueduCapitaine Bernard du Boisdu Docteur StrabanMedecin du Prince&de ses deux Chirurgiens; & elle s'enrichit d'une infinitéde municions de bouche que les Vivandiers avoient chargées.

Cependantle Prince Maurice vint le 26 Juin à Jabeque& il passa àla vue de Brugesqui le salua de quelques volées de canonqui ne firent aucun mal. Son armée observa bonne diciplinemais elle souffrit beaucoup. Aiant vainement solicité lafidelité des Brugeois & des Gantoisil envoia de ses genspour s'emparer des FortsAlbertIsabelle & Grotendorst ; pourrendre libre le passage d'Ostende à Neuportqu'il avoit envid'assieger.

Le 28JuinDuivenvorde Amiral de Holandeetant parti de la rade deRameken avec 10 navires de guerre& avec 150 batteaux communsbrava ceux de l'Eclusequi etant venus les attaquerfurent relancezavec perte. Un de leurs batimens manqua de couler à fond. Jene puis omettre ce qui arriva a un forçat Turc en ce demelé.Ce galerien etant à la rameeut sa cadene emportéed'un coup de canonde maniere qu'il ne lui resta aux jambes que sesjartieres & un bout de sa chaine. Comme le boulet ne lui avoitfait aucun malil se jetta dans la merpour gagner sa libertéà la nage. Les Holandois ne sachant pas qui il futluidechargerent quelques arquebusadesmais le Galerien s'etant faitconnoitreon cessa de tirer; il fut reçu dans un navire&on lui fit un bon traitement comme etant un objet fort extraordinairede la divine Providence.

Le memejour 28 Juinle Prince Maurice passa avec le gros de son Arméeaudessous des Forts Isabelle & Grotendorstil gagna un pont quiregne entre ces Forts & la ville de Neuport& il alla camperprez des Dunes. Le premier Juilletaiant passé le Havre deNeuportil campa du coté de Dunkerketandis que le PrinceErnest de Nassau etoit campé du coté d'Ostende.

L'Archiducne fit pas moins de diligence de son cotécontre touteapparence& au grand etonnement des Holandoisil calma lesesprits des soldats qui se soulevoient en Flandre& il se mitaux champs à la tete de douze mille hommes de pié&de mille & cinc cens chevaux. Il tint sa placed'armes prez deGand.

Ce fut unspectacle ravissant que de voir l'Infante Isabellecomme une autreAgripinetenir compagnie à son cher Germanicparmi lestamboursles fifres & les fanfares. Cette Amazone montéesur une haquenée blanchetoute brillante de pierreriesencore plus de sa bonne minetraversoit les bataillons & lesescadrons; elle passoit de rang en rang& elle leur remontroiteloquemment qu'ils alloient combatre pour la foi& pourleur patrie. On ne peut pas exprimer l'alegresse & le desir decombatre que cette heroïne inspira aux gens de guerre.L'Archiduc content de ce qu'elle leur avoit laissé son espritmarcialla renvoia à Gand. Il marcha lui-meme à latete de son armée le premier jour de Juillet. Dans l'abordilforça les forteresses d'Oudenbourg & de Snaeskerke quipouvoient lui faire obstaclepour aborder l'ennemi.

Le ColonelPrionqui venoit de rendre Oudenbourgarrivant à Ostendesurprit bien le Prince Maurice quand il lui ditque l'Archiduc etoiten personne& qu'il lui montra la capitulacion signéeAlbert. Le Prince Ernest de Nassau essaia d'arreter l'Archiduc aupont de Leffingue qui regne entre les Forts d'Isabelle & deGrotendorst& Neuport; mais il fut fort maltraité: illaissa prez de mille morts sur le champ de bataille& deuxpieces de canon. Les plus notables qui i demeurerent furentlesCapitaines EcossoisArtus SteuwartRobert BarclaiAndréMurraiJean KilparicJean MichelJean Strachen& HugueNiesbet; du coté des Holandois perirentles CapitainesTurquaula GrappeValdraven& Ghistel. Le Comte Ernest deNassau & le Colonel Emond se sauverent au fort d'Albert. On lespoursuivit l'epée aux reins jusques dans la palissadeoùl'on massacra ce qui etoit resté de la deffaite du pont deLeffingue. Cette bataille donna le tems au Prince Maurice de decamper& de venir du coté de l'Archiducqui animé de savictoiremarcha droit à l'ennemià la tete de sonarméele long de la mer.

Il avoit 8pieces de campagne9 compagnies de lances5 cornetes d'Arquebusiersà cheval5 de Cuirassiers600 chevaux Espagnols &Italiens de ceux qui s'etoient mutinez à Diest faute de paie3 Regimens d'infanterie Espagnole2 d'Italiens5 de Valons2 deBourguignons4 d'Alemans& quelques compagnies du Regiment duComte Frederic de Bergh. Le Prince Maurice rangea son armée encette ordonnance. Louis Frere du Comte Ernest de Nassau eutl'avangarde. Elle renfermoit sa compagnie de CavalerielesCuirassiers du Prince Maurice commandez par Gend Fils du Seigneurd'Oienla compagnie du Comte Henri Frederic de Nassau frere duPrince Mauriceconduite par le Capitaine Bernard& celle deGodart de Bertenborchau premier escadron de l'aile droite. A l'ailegauchele second escadron etoit conduit par les deux Freres Bacxpar la Salepar Pierre Panier. A la tete du premier bataillon etoitla compagnie des Gardes du Prince Maurice commandée par VanderAa& celle du Comte de Hoohenlo commandée par Spitdorst &le Regiment Anglois du Chevalier Veer; au second bataillon etoit leColonel Horace Veer frere du Chevalier François Veer avec sonRegiment& avec les compagnies de Souttonde KnoullisdePirtonde Cicilde Morgande Meerkerkede Schorde Vavasseurd'Harteviscon& de Dexberi. Au 3 bataillon commandoit Hottingaavec les compagnies de Sidenischid'Hagede Gronsteind'Ofstierade Vriesde Zagemande Blauwde Groenesteinde Kiefde Hreningde Hosteind'Assuitede Schau le Jeuned'Arnsma& de Riperda.Ces 3 bataillons d'Infanterie se montoient à 4 compagnies. Ilsetoient epaulez des deux escadrons de Cavalerie& ilscomposoient l'avangarde. Le Comte George Everard de Solms menoit labataille avec sa compagnie& celles de Frederic de SolmsdeVeric Clout& de Bacxqui formoient l'aile droite; l'ailegauche etoit composée des compagnies de van BalenduLieutenant de Veerde Marquettede Du Toutde Sancide MarlideMarechalde Laloude Nemmeride Durantde Nouvellequi etoittransfuge du Fort S.André. Au 2 bataillon furent les Suissesde Balichond'Undevaldende Meyerde Du Puis; & les Françoisde la Nouede Domervilledes 2 du Saultde la Roquede Marescotide Hameletde Brussede le Fortde Formentiere de Verneuil&de Pontaubert. Ces 4 bataillons portoient 25 compagnies d'Infanterie& 2 escadrons de Cavallerie. Au milieu de cette bataille setrouvoit le Prince Maurice avec son frere Henri Frederic agéde 17 ans. L'arieregarde fut commandée par Timpel-Corbekeoùse trouvoient les Capitaines Du BoisHamilton& Conteler; il yavoit pareillement 3 bataillons d'Infanterie. Le Comte de Hoohenlooetoit demeuré en Gueldre avec 24 companies d'Infanterie&avec 6 de Cavaleriepour empecher que l'Espagne n'agit de cecoté-làou vers l'ile de Bommel.

Les arméesetant pretes à se choquerle Ministre Vitenbogard fit lapriere à la gueusedans la Chambre du Conseil d'Etat desHolandois.

Le Conseilde l'Archiduc etoit qu'il ne falloit pas donner bataillemais qu'ilfalloit affamer les Holandois entre Neuport & le Fort Albert.Mais Albert etoit trop leurré de son premier avantage au pontde Leffinguepour ecouter ce bon avis de ses Conseillers& ilauroit cru faire tort à sa reputacion que de ne pas poursuivresa victoire.

LesCapitaines Du Mortier & de Frenel raporterent au Prince Mauriceque l'Armée Archiducale etoit sous la portée des 6pieces de campagne qu'ils avoient avancées. Maurice representaà ses soldats ou qu'il falloit qu'ils bussent toute l'eau dela merqu'ils avoient devant les yeuxou qu'ils remportassent lavictoire. Cette remontrance desesperée fit un grand effet.Aprez celà Maurice fit sa priere à la Huguenotte&sur les deux heures aprez midiil marcha vers l'ennemi avec laderniere des resolucions.

L'ArtillerieArchiducale fit un grand eclaircissement dans l'escadron des Anglois; mais l'artillerie Holandoise n'en fit pas un moindre dans laCavalerie Archiducale. Cette artillerie & celle du Viceamiral deHolandequi voltigeoit à la radeincomoderent fortl'Archiduc& elles l'obligerent à gagner les Dunes. Ons'i batit lontems douteusement& à peu prez comme l'onfit depuis à la bataille de Senef; la hauteur des Dunesderobant la gloire aux braves qui ne pouvoient avoir ni la vue ni lacommunicacion les uns des autres.

Cependantla marée reprit ses accroissemens. Quelques Frizons voiantplier la Cavalerie Holandoiseprirent la fuite& ils senoierent; mais le combat fut retabli par les Chevaliers de Veeràla tete des Anglois & par le Seigneur de Domerville à latete des François; & sur tout deux pieces de demis canonsetant adroitement pointées sur les plus hautes des Dunesmirent en desordre l'Infanterie Archiducale. Les mutins de Diestvoulant reparer leur fautefirent des miracles en cette journée.Tant il est qu'une faute passée donne souvent aux grandscOEurs une occasion de faire ce qu'ils n'auroient pas faits'ils nefussent pas tombez.

Albert iperdit 3000 hommes & 700 prisonniersLe principal fut l'Amirald'Aragonqui fut conduit à Ostende. Les Holandois enperdirent tout autantsi l'on conte la defaite du Comte Ernest deNassau. Les principaux des Holandois furent trois Capitaines deCavalerie& 20 d'Infanterie. Les morts du coté del'Archiduc furentSaumeMontelimarde la FerePimereulOttigniSapenaTorrésLoiazaSpinolaPardoToledoCapataCarcanoFaccardoVelascoDoteloaVerdugoBouttevilleCasanovaAlmés. Les prisonniers furent MendoçeVilleneuveRicquelSpinosaMontenegrode la Tour-TassisVelascoLensinaReziGusmanMortier& Montemajor. Les Holandois prirent 106drapeaux& 5 cornettes. Maurice coucha sur le champ de bataille.

J'aidecris la batailleaprez les Gueuxpour eviter toute ombre deparcialité. Si j'avois voulu la decrire aprez les Catoliqueselle auroit eu une toute autre face. Tout ce qu'on peut direest queMaurice fut vainqueur sans le savoir& qu'il fut lui-meme endanger de perir. Ce qui fut assez marqué par l'anagramme quelui firent les Holandoisquand ils aprirent qu'il n'etoit pasdemeuré dans les DunesMauritius. Mars vivit. Lafoiblesse de sa victoire parut en ce qu'il ne la poursuivit pas&que bien loin de prendre Neuportil en leva honteusement le siegequoiqu'il fut revenu dans ses lignes cinc jours aprez la bataille.

Sil'Archiduc perdit l'honneur du champ de batailleil gagna celui deses desseinsqui etoit de faire lever le siege à son ennemi.On doit la gloire au Colonel la Berlot d'avoir infiniment contribuéà rompre les vains efforts des Holandoisen renforsant lesdefences de la ville de Neuport; on n'en doit pas moins aux bravesdefenseurs de la Villequi le 12 & le 13 du mois de Juilletfirent deux sorties qui decontenancerent les Assiegeans.

Ceux quine sont pas flateursdoutentsi la journée de Neuport futplus glorieuse à Maurice qu'à Albert: & il est surqu'Albert i remplit tous les devoirs d'un grand soldat& d'uninvincible Capitaine. A la façon de Germaniqueil i combatità visage decouvert sans habiller le casque. Il se melatellement parmi les ennemisqu'il i reçut un coup de piquequi lui effleuroit le visage & l'oreille. S'il se retira àBruge avec le reste de ses troupesce ne fut que pour aquiescer auxinstances de ses gensqui l'en conjurerent unanimement.

Mauricecontribua beaucoup du cOEur & de la main à sa victoire;mais il dut ses plus beaux lauriers au vent & au soleilqu'ileut soin d'avoir à dos& de tourner aux yeux de sonennemi. Enfin la bataille de Neuport ressembla à celle deCadméeoù les vainqueurs & les victorieux eurent àse plaindre.

Laprincipale perte que l'Archiduc fitfut celle du Colonel Claude dela Berlotqui aiant conduit mille hommes de secours dans Neuport&en defendant valeureusement le Fort Isabellemourut au lieud'honneur& eut la consolacion d'empecher que les Holandois neprofitassent du prix de leur victoire.

Tandis queMaurice plioit bagage devant le Fort Isabellela Berlot fut tuéd'une mousquetade à la tete pour etre sorti de sesretranchemens. La Berlot qui avoit apporté la bravoure ennaissantla Berlot Bellatordevoit sa fortune à savaleur & à son bonheur qui l'accompagnerent par tout ; samort glorieuse arriva le 25 jour du mois de Juillet de l'an 1600.

LeViceadmiral de l'Archiduc sacrifia aux manes de ses gensqui avoientglorieusement peris à Neuport16 navires Holandoisqu'ilcoula à fond avec tout l'equipageà la hauteur deDunkerke. Mais la vangeance capitale fut la prise d'Ostendede cettenouvelle Troiedont nous donnerons une simple idée pour lesespritsqui vont vitepour en donner une plus ample à ceuxqui ne se contentent pas d'une superficie.

Ostendeest un fameux Port de Mer en Flandreeloigné 4 lieues deBruges& 3 de Neuport. Ce n'etoit au commencement qu'uneretraite de pescheurs. Les Holandois en firent une Ville imprenable;c'est ainsi que Veniseavant Attila n'etoit qu'une Ile bien etroite.Ostende est environnée de deux canaux profons dans lesquelsles plus gros vaisseaux entrent par le moien du flux & du refluxde la mer. Il i a 8 Boulvartsun large fossé& diversBastions. La mer la lave d'un coté& la marée del'autre.

Le 5Juillet de l'an 1601le Comte Frederic de Bergh& Augustin deMexia Gouverneur d'Anvers s'aprocherent du coté des Dunes àl'Occidentavec 10 compagnies d'Infanterie. Le canon les fit bientotreculer. Charle vander Noot i commandoit avec une garnison de 21compagnies. Le 15 du meme mois le Chevalier François de Veer iconduisit 4000 de sa nacion Angloisece qui faisoit une garnison de7000 combatans. Les Assiegeans se signalerent par forcer un ouvrageavancé& par i massacrer 50 hommes& le Capitainequi les commandoit. L'Archiduc pour fermer le Porti fit flotter uneespece de Saucissesqui avoient 20 piez de longueur; le vieux Portetant ferméles Assiegeans donnerent du coté de lamer. Mais le 15 d'Aout cette machine fut rendue inutile.

Le GeneralCatriz tourna l'ataque au couchantmais il i fut bientot tuéd'une mousquetade& il i laissa un bon nombre de ses gens.Quatre mois se passerent en prises & reprises& enescarmouchesoù la fortune favorisoit tantot l'untantotl'autre des partis. Ni l'autonne ni l'hiver ne debaucherentl'Archiduc& aprez avoir fait lever le siege de Boileduc auPrince Mauriceil revint au siege d'Ostende avec plus d'ardeur quejamais. Les fatigues& les maladies avoient emportez plus de5000 de la garnison. Albert fit attaquer la vieille Ville. LeChevalier de Veer se defiant de la foiblesse des siens demande unetreve comme pour capituler. Il propose des conditions insolentes&tandis qu'il gagne du tems par ses chicaneriescinc VaisseauxZelandois chargez d'hommes & d'argententrent secretement dansle port d'Ostende. De Veer aiant vu ce renfort dit froidement auxotages de l'Archiducque la necessité l'avoit obligé àparlamentermais que se voiant hors de dangerils n'avoient qu'às'en retourner à leur camp.

L'Archiducindigné de cette fourberie fit breche à la vieilleVille avec 18 pieces de batterie& le 9 Janvier 1602il fitdonner l'assautsur le crepuscule du soir au tems de la marée.Les Assiegez tirerent à cartouches& ils firent de granseclaircissements parmi les Assaillantsqui sans se soucier de lamort de leurs compagnonsse firent une echelle de leurs proprescorpsgagnerent la breche& s'i logerent intrepidemment. Lecombat i fut fort echauffé l'espace de deux heures. Enfin leseaux le refroidirent : car les Assiegeans aiant laché deux deleurs exclusesfirent perir ou retirer les Assaillansqui danscette chaude & froide occasion perdirent 800 des leurs. Le plusgrand des malheurs fut un nouveau secours de Zelande qui entra encoreimpunément au port d'Ostende.

Tout lemonde conseilloit de lever le siegeil n'i eut que la fermetéde l'Archiduc qui s'opposa à ce torrent. Il fit batir deuxmolesde l'un il empechoit que les secours n'entrassent au portdel'autre du cotéde la maréeil batoit la Ville qui enetoit extremement decouverte & infestée. Mais tout celàn'empecha point qu'il ne vint de tems en tems de nouveaux secours auxAssiegez.

L'Archiducn'eut pas seulement à combatre contre un ennemi interieurmais encore contre un ennemi exterieur. Le Prince Maurice assiegeaGrave & VactendoncHoogstraten& Boileduc; ses soldats semutinerent& ils se jetterent sur le païs de Liegelieucommun des mecontens. Rien de tout celà n'ebranla l'espritd'Albertil continua le siege d'Ostende avec une nouvelle ardeur.

Comme cen'etoit qu'une allée & qu'une venue des flotes Angloises &Holandoisesqui entroient impunément au Port d'Ostende&qui rafrechissoient les defenseurs en toutes sortes de manieresAlbert voulut efficacement remedier à cet inconvenientbienpersuadé que sa peine seroit inutileaussi lontems que cepassage ne seroit pas fermé aux Assiegez. Dans ce dessein ilmit à la voile la flottesur la fin de Mai. Elle consistoiten mille & cinq cens hommes choisis montez sur huit galeres; &elle etoit commandée par Frederic Spinola insigne Amiral.Spinola etant sorti de l'Ecluseà la pointe du jour rencontracinc Vaisseaux Holandoisqu'il ataqua avec beaucoup de furie. Lecombat fut attaché& acharné lontems avec uneextreme effusion de sang de part & d'autre.

L'AmiralSpinola qui etoit des plus ardans au combatdemeura dans la meléed'un coup d'epée qui lui fut porté aux flancs&d'un boulet de canon qui lui emporta le bras droit. Les Italiens quietoient la pluspart de ces bravesvoiant leur Amiral mort&craignant raisonnablement que les Holandois ne reçussent durenfort de la Zelandese retirerent au port de l'Ecluseaprez avoirperdu 300 des leurs.

Dieuenvoia à l'Archiducun second bras droit dans la personned'Ambroise SpinolaMarquis de Vanafre. Ce General bien penetréque le point de toute l'affaire consistoit à empecher lessecours etrangersfit monter & affermir jusqu'à 20coudées le Mole qui avoit eté commencé pourempecher l'abord des navires. Cette machine n'avoit pu empecher qu'iln'entrat de tems en tems du secours dans la Villenon seulement denuitmais encore en plein jour. Cependant cette lunette etoitextremement incommode aux Assiegezc'est pourquoi ils firentresolucion de s'en defaire à quelque prix que ce fut. Ilsl'ataquerent avec beaucoup de courage& dans la premiere ardeurils en taillerent en pieces 400; le reste aiant pris la fuitelesHolandois se logerent dans la hauteur. Mais le Marquis Spinola ne lesi laissa guere; il ataqua furieusement les Holandoisqui de leurcoté combatirent fort genereusement. La victoire aiant lontemsbalancés'inclina enfin du coté de l'Archiduc; &ceux qui s'etoient emparez du Mole& ceux qu'on avoit de tems entems envoiez à leur secoursi demeurerent tous. Le nombre desmorts i fut si effroiableque sans exageracionil s'en fit un molenouveau& que la mer inondée d'un petit deluge de sangporta bien avant cette couleur sanglante. Ce fut ce coup de massuequi ralentit la vigueur des Holandois& qui leur fit perdre toutl'envi de retourner au Mole. Le Marquis Spinola fit dresser unnouveau Mole de la largeur de 60 piez& haut àproporcion. De làil decouvroit les habitans jusqu'aux piez;de maniere que persone ne paroissoit impunément en public. LesAssiegez obstinez à se defendrese defendirent en taupes&ils se creuserent des antres pour se mettre à couvert de lafoudrequi partoit incessamment de cette nouvelle batterie. De plusils pratiquerent une galerie à la faveur de laquelleils secreuserent trois doubles de fossezque l'ennemi devoit franchiravant que de venir à eux. Ils brulerent le Mole à forcede bombes; mais la diligence des Assiegeans le retablit bientot.

Le PrinceMaurice crut de ralentir le feu des Assiegeans par une diversion surCasandasur Isendique& meme sur l'Eclusemais il vid qu'il nefaisoit par là que l'attiser. Ce n'etoit pas assez que dedetruire les Assiegeans qui paroissoientil falloit enfins'approcher des rampars pour les forcer dans leurs cachots& cesapproches etoient impossibles aussi lontems qu'on ne trouvéroitpas le moien de se mettre à l'abri de la marée. LeMarquis Spinolaqui avoit la tete aussi bonne que la maintrouva cemoien par un pont qu'il fit construire. Les Assiegez virent aussitotque cette machine leur alloit etre fatale; c'est pourquoiilsn'omirent rien pour incommoder les travailleurs. Nonobstant leurmousqueterie continuellel'ouvrage fut achevé& lesAssiegeanspar ce ponts'approcherent impunément desramparsau tems meme de la marée. On creusa des mineson lesfit jouerl'on fit sauter de grans pans de muraille& l'onmonta la breche avec une impetuosite & avec une intrepiditéincroiables. Les Assiegez s'i defendirent lontems; mais enfinilsdurent ceder à la force& chercher leur salut dans leursretranchemens. Cependant le Marquis Spinola fit planter 40 pieces decanon sur la breche; & ce furent ces bouches de feu qui firentenfin chanter les braves defenseurs d'Ostende.

Spinola sesouvenant de la fourberie du Chevalier de Veerfit entendre auxAssiegezqu'il n'i avoit rien à parlamenteramoins qu'avanttoutils ne lui livrassent le vieux port pour caucion. Le 20 deSeptembre 1604mois fameux par mille evenemens prosperes &favorables à la maison d'Autricheon reçut des otagesde part & d'autre. Les Colonels Guelder& Actonen passerentau camp de l'Archiduc; le Metredecamp de Touricourt& leSergeant Major Otannez passerent à la ville. Leur capitulacionrenferme neuf articles. Le premier donne la liberté auxEcclesiastiques. Le second permet que les gens de guerre sortent avectoutes les marques d'honneur & qu'ils soient transportez àFlessingue. Le troisieme leur accorde quatre pieces de canon. Lequatrieme donne la liberté aux Commissaires. Le cinquiemedonne l'elargissement aux Capitaines Holandois Lanscroon &Ghistelle & aux autres prisonniers. Le sixieme donne la libertéaux Bourgeois d'Ostende. Le septieme livre au Marquis Spinola toutela vieille Villela platteforme ou table de Moïse& deuxotages. Le huitieme donne la liberté de prendre la route parterre au cas de vent contraire. Le neuvieme enfin conclut que lesdefenseurs sortiront d'Ostende le 22 Septembre 1604.

LeGouverneur de Marquette sortit en trois troupes à la vue del'armée Archiducalequi etoit en grand front. Ces defenseursfaisoient le nombre de 4000& de 500 hommes de piésous107 drapeaux. Le Marquis Spinola les traita magnifiquement&joieusement sous ses tentes. Puis il les fit conduire àl'Ecluse sur des voitures. On trouva dans la place 30 piecesd'artillerie22000 livres de poudre9000 de plombune prodigieusequantité de toutes sortes de municions de guerre & debouche& 37000 boulets de canon.

Le 23Septembre on chanta le Te Deum dans la grande Eglise; & le culteCatolique i fut entierement retabli. Le 24 l'Archiduc se rendit dansla place& le 3 Octobre il i conduisit à cheval l'InfanteIsabelle. Le Marquis Spinola i traita roialement leurs Altesses.

Voilàune ebauche du siege d'Ostendedonnons-en la description totale.




L'HISTOIREDE L'ARCHIDUC ALBERT SOUVERAIN DE LA BELGIQUE.

LIVRETROISIEME


Je nesai si Troie n'est pas une fablemais je sai qu'Ostende est uneverité. Le siecle seizieme est surnommé le prodigieuxles revolucions prodigieuses qui se sont passées l'espace de93 ans qu'il a durezlui maintiendroient ce surnomquand bien il nedevroit rien se faire de considerable durant les sept ans qu'il aencore à couler.

Il etoitbien raisonnable qu'un siecle prodigieuxcommençat par unprodige& ce prodige est le siege d'Ostende qui a presquecommencé avec le siecle& qui n'a fini que le 20Septembre de la quatrieme année du meme siecle seizieme. Avantd'entrer dans ce teatre où l'on massacre plus de cent &cinquante mille ames en trois anstrois moistrois semainestroisjours & trois heuresconsiderons ce teatre meme& voions cequ'a eté & ce qu'est cette nouvelle Troie admirable &veritable.

Ostendeest presentement une ville de Flandre& un celebre port de Mersitué entre Bruges qui en est eloigné de quatre lieuesentre Nieuport qui l'est de trois& entre Dunkerke qui l'est dequatre. Sa situacion Orientale lui a donné son nom. Gobert deSteenlande fils de Gobert & d'Ertrudeprennant l'habit deS.Benoit dans l'Abbaïe de S.Omer consacrée àS.Bertin en l'an de Notre Seigneur 814apporta à ce fameuxMonastere pour doteOstende qui n'etoit alors qu'un petit Villageavec 38 autres dont les principaux sont GroenenbergSteenlandeLampernesseSquerde & Sempie. Ostende devint Bourgade en 1072auquel tems Robert de Frise i fit batir une Eglise au Chef desApotres saint Pierre. Comme il n'etoit considerable que par son Port& par sa pecheon ne nommoit pas autrement les Pescheurs &les Mariniers de cette coteque les gens d'Ostende. Et c'est de ceterme que se sert la Princesse Marguerite en leur donnant saprotection& en leur prescrivant certaines loix qui regardent lapeche des Herans.

Du tems deFilipe d'Alsace on i prit un poisson prodigieux de la longueur de 40piezaiant une espece de bec aquilin& une crete en formed'epéetriste presage & avancoureur des inondacions quiabsorberent le village de Terstrepen prez d'Ostendel'an 1334&qui causerent de grans maux à toute la coste Flandre. Ce petitdeluge avoit envelopé l'Eglise de notre-Dame qui fut retabliepar la pieté de Louis Comte de Flandreen 1330. Ostendejouissoit des memes privileges que la ville de Dam. Le Comte deFlandre i envoioit tous les ans ses Commissaires pour i renouvellerle Magistrat. Le Comte Robert lui Þt l'honneur & l'utilitéde la Foire. Les Brugeois un peu aprez l'inondacionla formerent enRepublique. En 1372 les Mariniers & les Pescheurs l'entourerentd'un simple rampart. Les Bourgeois i fonderent un Hopital àqui le Pape donna des Indulgences en 1402. Ce fut l'annéed'aprez qu'on i fit la merveilleuse pesche de huit baleines. Ellesetoient longues de 70 piez. On i montoit par des echeles& on encoupoit à grans coups de haches. Elles etoient si grassesqu'on tira de chacune plus de 200 pots de graisses.

Quinze ansaprezc'estadire l'an 1418on prit à Ostende un Porc de Merlong de cinc aunes. Il fut porté tout vif & vendu dans laville de Tournai. Filipe le Bon environna Ostende d'une nouvellemurailleil lui fit construire trois portes & il fit elargir &embellir son Port.

Charle leHardi fut le premier qui preta le serment aux Bourgeois en 1470. LaVille lui fit present d'un Esturgeon d'une grandeur admirable; cettecote est fertile en cette sorte de peche. Le Curé est aussiblamable que ce Prince est louablele Curé d'avoir presentéau Prince le Saint Sacrement à baiserle Prince de l'avoirrefusé par modestie& de s'etre contenté de baiserles Reliques de S.Blaise Il faut avouer que la lache complaisance desEcclesiastiques est souvent scandaleuse. Ostende souffrit un peudurant les troubles qui s'exciterent sous Maximilien Imais il futretabli dans la suite& il gagna infiniment au change. ostenDenobIs paCeMest la Cronique de 1601 auquel le siege commença;ostenDaM InItIa paCIsest la Cronique de 1604au quel la Ville futprise. Lideric Foretier de Flandre a donné son nom àLeffinguequi est un Village prez d'Ostende& le principal deceux dont l'Ambact ou le territoire de Leffingue est composé.Une sainte & noble Demoisellenommée Gelaa fondévers là une Abbaïe de l'Ordre de Citeauxqu'Innocent IIIa confirmée le 4 Aout& à qui il a donné lenom de Terreneuve. Mais acause de l'intemperie de l'air cette Abbaïea eté transferée au lieu nommé de SiceleOn ivoid aussi la Commanderie de Slipqui a passé des Templiersaux Chevaliers de Malte. Le Commandeur Templier qui regnoit en 1182se nommoit Amien de Ans.

Dez lecommencement de l'entreprise du Prince Guillaume de NassaulesHolandois sentirent l'importance de ce posteils s'en rendirent lesmaitres& ils le mirent en etat de soutenir un siege de troisans. Le Duc de Parme l'observa lontemsmais comme il etoit fortprudent il ne voulut jamais se hazarder d'attaquer une place qu'iljugeoit imprenableaprez l'avoir luimeme reconnue de bien prez. LaFrance qui s'est raillée de la fermeté de l'Archiducl'approuva& elle se condamna ellememequand elle fit jouertant de ressors pour la surprendre. La plus fameuse machine&qui merite une histoire singulierefut celle qu'elle practica sousle Cardinal Mazarinqui fut 1e jouet de toute l'Europepar lespersonages que Spintelet & Ognati jouerent sur ce teatremaritime.

Ostendeest presentement une des plus fortes& des plus regulieresFortifications de l'Europe. Fuensaldagne avoit coutume de direquepourvu qu'il put i fixer le piéil pourroit toujours regagnerla Belgique toute perdue. Ce fin Espagnol avoit raison : carl'Espagne pourroit toujours se servir de ce Port pour faire entrerdes armées Navalescapables de faire cette conquete. Lapremiere Eglise est occupée des Pretres de l'Oratoire fondéedu Cardinal de BerulleDevot de S.Filipe de Neri. Les Capucins i ontun Couvent ; les Carmelites de S.Terese& les religieuses deS.Augustin i ont un Cloitre. Venons au fameux siege qui fait toute lareputacion & toute la gloire d'Ostende.

Tandis quela Flandre pressoit l'Archiduc d'assieger Ostende en Autonne de l'an1601un Caporal François nommé la Planchequi avoittué son Lieutenantse sauva au Fort d'Albert; &parcequ'il etoit Catoliqueil fut reçu en la compagnie duBaron de Balanson. Le meme jourdeux Anglois& quatre Ecossoisetant sortis de la Ville d'Ostendeaffirmerent que la mer avoit fortebreché le boulvart Santhil. Joretqui etoit l'un de cesEcossoisaffirmoit que la Ville ne pourroit pas durer six mois. Unnommé Haviernatif de Guinesvint à Ipre; il avoiteté neuf mois en garnison à Ostende; & unGentilhomme de Courtrainommé Hoeulel'aiant oui discourirdes intelligences qu'il avoit dans la Villele mena à Bruge àDon Jean de Ribasque l'Archiduc avoit commis pour prendre lesmesures du siege; & qui avoit le commandement des troupesArchiducales en Flandre.

Havieraiant conferé avec Ribasalla querir le plan d'Ostende&il le porta à l'Archiduc. Ribassous couleur de changement degarnisonfit couler en Flandre mille cinq cens hommesquiavec cequ'il i avoit dejà de troupesfirent environ 6000 hommes.CatrizColonel Valonse montroit fort ardant pour une camisademais le Comte de Frezin Commandant des Forts de S.ClairedeS.Elisabetde S.Albertde S.Michel & de Bredenétrouvoit de grans obstacles à la surprise.

LesHolandois aiant eu le vent de ce qui se tramoitpublierent quantitéde peintures ignominieusespour se moquer du dessein de l'Archiduc;& ils inventerent mille pratiquespour debaucher les garnisonsdes Fortsqui environnoient Ostende; ce qui leur reussit: car le 10Juinun Dimanchela garnison du Fort S.Elisabet se mutina; elle tuale Lieutenant Colonel vander Lane& plusieurs bravesGentilshommesqui avoient voulu soutenir l'honneur de leur Officier;un vilainque vander Lane avoit autrefois punilui passa l'epéeau travers du corpsun quart d'heure aprez sa mort. Ils se rendirentles maitres du Fort; ils pointerent leur canon contre les autresForts& ils le menacerent de les ruineramoins qu'ils nesuivissent leur exemple. Ces rebelles choisirent pour leur Chefmilitaire del SasFourier de la compagnie de Batelle du Comtéde Namurqui neamoins n'a pas coutume de produire de pareilsmonstres. Vilemar& la Mouchequi furent depuis pendussoldatsValonsfurent les auteurs de cette emocion militairequi sesurnomma l'Escadron.

Le PrinceMauriceprofitant de cette rebellionalla mettre le siege devantRhinberg. L'Archiduc se trouva obligé de capituler avec lesmutinspour eviter un plus grand mal; il leur donna Berg-S.Vinocpour lieu de sureté; & pour cautionil leur nomma lesBarons de Barbansonde Pallant & d'Achicourt; & puis il mitle siege devant Ostendeun Lundi 3 Juillet 1601. Le soirlagarnison fit trois salvesou par ostentacionou pour celebrerl'anniversaire d'une victoire. On pendit quelques espions François.Une Liegeoise debauchée que ces espions entretenoient lesdecouvrit. Le principal se nommoit Vecerolle. C'etoit un mercierProvençal.

Avantqu'on ne face les approches d'Ostendej'en donnerai le plan enpetit. Ostende est sur le bord de la mer Oceanepas bien loin dugrand canal qui regne entre l'Angleterre & la Flandre. Sur unememe ligne avec la Zelande. La mer lave en toute saison les rempartsde la Ville du coté du Septentrion. Elle a Bruges àl'Orientl'Ecluse entre l'Orient & le Septentrion& Neuportà l'Occident. Elle est presque d'egale distance de ces troisVilles. Elle a Leffingue au midi& elle en est eloigné dedeux lieues. Des foretsdes inondacionsdes prairiesdes Chateauxdes deserts sont entre OstendeDixmude & Nortdam. Le fortd'Albert est à la portée du canonsur une forte Dune àl'Occident à la garde d'une exclusequi se vide dans la merau pié de son rampart. Le fort Isabelle est en la prairieunpeu approchant de la Ville du coté du midi. Le fort Claire estdans une pareille distancenon pas sur une meme ligneentre le midi& l'Orient. Ceux de S.Michel & de Bredené sont àl'Orient. Celui de Snaskerke est au midi. Celui d'Oudenbourg àl'Orient ; celui de Blankenberghest au Septentrion. Tous d'uneegale distance.

Le circuitd'Ostende est d'une demie heure. On i conta autrefois3800pescheurs; qui depuis ont diminué à 600. Elle ne futregulierement fortifiée qu'en 1572; auparavantelle n'avoitqu'une simple palissade & que des portes de bois. Elle est defigure oblongue tirant au paralellograme ; hormis la ligne droite ducoté Meridional. Elle prend sa principale longueur de l'Orientau Septentrion. Elle est divisée en vieille & en nouvelleVille. Ses principales Fortificacions sont en la nouvelle Ville&elles sont composées de 8 Boulvarts qu'on nommede Nortoostde la Porte d'Ost ou Pekeld'Espagnede Nassaude l'EglisedeSudou de Midide West ou d'Occidentde Helmond ou de Gueuled'Enfer. Son fossé est large & profond& le canal lerenouvelle & le remplit incessamment. Le fond est d'une terreglutineuse qui ne boit pasqui ne produit aucune herbequi n'exhaleaucun mauvais air& qui conserve toujours son eau. Sacontrescarpe est epaisse& flanquée de bons ravelins àl'epreuve des flots. La vieille Ville est la partie qui s'etend enfront de la neuvede l'Orient au Septentrion du coté de lamer; elle est unie à l'autre& elle a une porte àl'Orient. Une grande eau forme une espece de Lacqui fait le Portcommun des deux Villes ; elle a six boulvartsqui regardent la mer;savoirSanthil ou Talon de Sable à l'Occidentle MenteurEngelbourgVlamenbourgTable de Moïse& la petitePlateforme. A l'endroit où la vieille Ville s'unit à laneuve à l'Occidentse pousse un ravelin ou un esperonsurnommé Porc-espic. Delà commence une digue contre lesmarées.

Quandl'Archiduc i vint mettre le siegele Colonel Charle vander Noot icommandoit pour les Holandoisla garnison n'etoit que de 21compagnies. La premiere chose qu'il fitfut d'embarquer pourDeventer & pour Zutfen les mutins Valons surnommez les nouveauxGueuxqui avoient vendu & rendu les Forts de S.André &de CrevecOEur ; de peur d'avoir un ennemi interieur dans Ostendetandis qu'il en auroit un exterieur ; ensuitevander Noot fit toutesles preparations qui contribuerent infiniment au siege Triennal. Le 4Juin un Anglois de 20 ansaiant suivi le bagage Espagnolsous unhabit de fillepassa en caleçons dans Ostende& ilspecifia à vander Noot toutes les forces des Assiegeansqu'ilavoit observées l'espace de 10 joursqu'il s'etoit tenu aucampsous le titre d'une debauchée. L'Anglois travesti aprezavoir donné ses instructions repassa le maraisil allarequerir ses habits de fillequ'il avoit laissez parmi les roseaux;assez prez du fort S.Michel& il continua ses perfidespratiques.

Le memejour 4 Juinvander Nootqui signoit aussi Gerrit CoorneenvoiaTillet ; & il ecrivit luimeme à la garnison du FortIsabellepour la seduiremais il eut le deplaisir d'aprendre que salettre avoit eté publiquement brulée. La Ville futinvestie le 5 Juillet. Vander Noot fit saluer les Assiegeans de 17volées de canonqui firent un fort petit effet: acause du peud'adresse des Canoniers. Les balles etoient de 35 livres ; mais lestrois grosses pieces qui jouerent le lendemaincinc heures de suiteau cartier du Fort S.Alberten tuerent ou en blesserent unecentaine. Quelques espionsqui passerent au camp& quireconnurent la portée du canon de la Ville. firent grand malaux Assiegeans: acause des instructions qu'ils donnerent auxcanoniers d'Ostende. L'on en attrapa& l'on en pendit trois.L'artillerie Holandoise pointée du coté de Bredenéfaisoit beaucoup de dommage aux Assiegeans; quoique les boulets nevinssent que par bonds dans leur campqui etoit derriere les Dunes.Le Comte Frederic de Berg ne leur en causa pas moins de son cartierde Bredené.

Le 13Juillet les Assiegez firent une sortie. Monroi i eut la tete emportéed'un boulet de canon Simon Antunez fut créé Generald'artillerie à sa place& il acheva le retranchement queMonroi avoit commencé du coté de S.Albertqui futsurnommé de Valdés.

Le 15Juillet le Prince Maurice envoia de son camp de RhinbergFrançoisde Veer Chevalier Angloisavec 4000 hommespour commander àOstende. Le lendemain de Veer voulut se signaler par une sortiemaisil fut relancé aprez une perte considerable. Le 5 Juillet1601l'Archiduc prit son cartier du coté du Fort Albertaccompagné de peu de gensil s'avança à piépar les Dunesà la portée du fauconneaupour voir sile plan etoit conforme à celui qu'on venoit de lui en donner.Quelques arquebusieurs Espagnolsqui etoient pour la suretéde sa personnes'avancerent jusqu'à l'ouverturequi estentre la Ville& la derniere Dunepour decouvrir si ces vallonssablonneux ne cachoient pas d'embuscade. Cela faitl'armée secampa en cet ordre. Trois Regimens Espagnolsqui faisoientl'avangardeoccuperent les Dunes; les Regimens Bourguignons&Valonsqui faisoient la batailleles suivirent. Enfinl'arrieregardecomposée du Regiment du Comte de Barlemont&des compagnies librestant Valones qu'Alemandescontinuerent surune meme file. L'artillerieavec ses dependancesjoignit la queuedu dernier rang de l'Infanterie. Prez de là etoit la Chapelledes Jesuites. L'equipage de la Marine se rangea sur l'Eclusequiregnoit entre l'artillerie & le Fort Albertoù l'Archiducse logeaquoiqu'il fut incommodepour avoir eté brulél'année d'auparavant. Le cartier de la Cavalerie fut levillage de Neerentre Neuport & le Fort Albertà demielieue de l'Infanterie. Les Assiegez debuterent par tirer sur lecartier du Marquis de Varanbonoù ils ne firent pas de grandseffets. Leurs balles etoient de 35 livres. Le lendemain matin leurartillerie joua avec plus de succez sur les Vivandiers du cartier duFort Albert.

Un coup decanon porté sur les Dunestua un Sergeantsept soldats&il en blessa trois du Regiment de Louis del Villar. La seule matinéele canon en fit perir plus de 100au cartier du Fort Albert. Celafut cause qu'on quita la Dune& qu'on fit descendre plus avantdans la prairie les Regimens de Barlemontde Fresin& quelquescompagnies particulieres. Avant de se mettre à couvert dans cenouveau logementils essuierent la furie de quatre piecesqui de lacourtine Occidentale leur fit beaucoup de dommagel'espace de troisheures.

En dixheures les Archiducaux eleverent un epaulement de 18 piez de hauteur& de 15 d'epaisseurqui les mit à l'abri du canon. Celàfut cause que le reste du camp en fit de meme& qu'en effetlelendemain chaque Regiment eut un epaulement qui le defendit des 30piecesqui jouoient incessamment de la Ville. Le Comte de Berghquietoit du coté de Bredenéeleva une batterie sur lesDunespour ruiner celle qui infestoit fort son cartier ; mais avantque cet ouvrage fut achevéil essuia trois mille cent &quarante trois coups de canon. Une coulevrine portant 500 pas au delàdu Fort Alberti tua un cavalierune lavandiereun valetdeuxenfans& elle en blessa plusieurs. Le cartier d'Albert futrenforcé de 800 hommesde deux Cornettes & d'unecompagnie de Carabins ; & celui de Bredené d'environ 1000hommesqui venoient du Hainau& de l'Artois. Mais d'ailleurs ilentra dans Ostendepar la Gueule-d'Enferun renfort de naviresZelandois escortez de sept vaisseaux de guerre . Il consistoit enmille trois cens hommes ; en neuf pieces de canon& en beaucoupde municions. Tout ce que l'Amiral Frideric Spinola put fairefut deprendre quatre de ces batteaux à leur retour& deuxautres qui faisoient voile à Ostende. Il mit les passagers àla cadene. L'Archiduc avoit un dessein du coté du Fort Claire;mais il avorta par l'adresse de vander Nootqui le pressentantfitrelever sa contrescarpe de ce coté. Cependant le Marquis deVaranbon remplaça les places vacantesde maniere que l'arméeArchiducalese montoit encore à 23000 hommes de pié.

L'Archiduccommandant en personnele 10 Juilletfit ouvrir la tranchéeau Mestre-de-camp Don Jerome de Monroià la premiere bruneà300 pas de la contrescarpe à l'Occidenttirant vers la Dunede la prairie. Tandis que le Baron de Balanson epauloit lestravailleursMonroiMotaIdiaquezHernandezMerci &d'Esclaibesavancerent avec beaucoup d'ardeur. D'ailleurs le ColonelCatrizavec ses 300 Valonsalla decouvrir le boulvart Zantil. A dixheures du matin du 11 Juilletl'ouvrage parut capable de couvrir unhomme à genou. 500 Alemans de Barlemont vinrent soutenir cetouvrage avancé ; & mille autres furent rangez derriereeuxà l'abri d'une montagne de sable. Un gros de CavalerieArchiducale se cacha dans une profondeur qui approchoit la Ville. Aucartieron commanda 2000 hommes prets à marcher au premierbruit. La Ville tira 2000 coups de canonen quatre jours sur cettetrenchée qui s'avançoit incessamment.

Tandis queMonroi etoit infatigable de son cotéCatriz ne l'etoit pasmoins du sien& il donnoit droit au Porc-epic. La bonne biere &le vin de Gascogne donnoient beaucoup de courage aux soldats&ils leur faisoit mepriser les 40 pieces de canon& lamousqueterie d'Ostendequi jouoient le jour & la nuit. Les sixpremiers jours de trenchéecouterent à l'Archiduc 700morts & plus de blessez. Sans conter quelques etrangers quipaierent la peine de leur curiosité; les plus distinguésde ces infortunez curieux furentun Seigneur Italien de la maisondes Ursinsle Baron de Crieux& le Sieur de Loval GentilshommesPicards. Les plus distinguez du campfurent Aminval GentilhommeValonqui fut emporté d'un coup de canonBolfel GentilhommeAlemandqui en descendant de cheval eut la tete ecarbouilléeDiego Mendez Capitaine Espagnolqui perit du seul vent d'une balleAdolf Boren Gentilhomme Clevoisqui en mangeant fut assomméd'un eclat de bois& cinc Enseignes Espagnolsdont l'un senommoit Cristofe Ortenaqui furent tuez de la mousqueterie.

Cependantle Comte de Bergh avoit achevé sa batterie& il avoit eule bonheur de demonter deux pieces ennemies& de tuer quelquescanoniers. Comme cette batterie etoit fort elevéeelledecouvroit ceux d'Ostende jusqu'aux piez& elle causoit beaucoupde degat. Albert reconnut par un espion qu'il avoit envoié enZelande par Calaisqu'Ostende manquoit de balles; & en effet ondonnoit un teston à qui en apportoit au magazin d'Ostendeunede celles qu'on tiroit du camp Archiducal; 25 batteaux parurent enmer pour ravitailler la ville. Frideric Spinola les chargea avec sesgaleres; mais le vent ne lui permit que de se saisir de cinclereste entra dans Ostende par la Gueule-d'Enfer. On sentit bientot aucamp que l'ennemi avoit reçu des boulets de canon. On eutpourtant cet avantagedurant quatre joursque le manque de ballesralentit l'ardeur des Assiegez; qu'on reduisit en platteformel'ouvrage avancé sur la Dunequi decouvroit la ville jusqu'aufond& qui ne permettoit à qui que ce fut de paroitreimpunément. Nid-d'Agace fut le premier nom qu'on donna àcette plateformemais celui de Monthullin fut celui qu'elle conservajusqu'à la fin du siege. Le Mestre-de-Camp Don Louis deVelascoessaia de demonter les pieces qui jouoient du cotéd'Orient & d'Occident; mais il ne fit qu'un effet mediocre acausede la diligence des Assiegez.

VanderNootdans la resolucion de continuer sa defencese dechargea desbouches inutiles& de 300 blessez ; & par la meme voieildemanda de l'eau à brasser de la biere; celle qui est propre acet effeten la vallée des Dunes Occidentalesetant occupéedes Archiducaux. Monroien deux jours & en deux nuitseleva unebatterie surnommée les douze Apotresqui causoit tant deperte aux Assiegezqu'un seul boulet en tua quatorze& enblessa un grand nombre. Catriz avançoit egallement & àla faveur de deux pieces de canon adroitement pointéesilnettoioit le boulvart Zantil& le Porc-epic. Le camp souffroitegallement. On conta un seul soirneuf chariots de mortsqu'onconduisoit au cimetiere des Decombres de l'Eglise de S.Marie. Monroi& Catriz ces deux bravesfirent bien du mal à l'ennemipar une nouvelle batterie qu'ils dresserent sur la digue verte:parcequ'elle donnoit dans le port d'Ostende. Vander Nootpour s'otercette incommoditéfait une sortie de 112 hommesen pleinjour. Les Capitaines GrenuTrelonla Contiere & Hautain eneurent la conduitemais MonroiPedrazaLosadala Rochelesreçurent vaillamment& ils en firent tomber un grandnombre. Alonse Ladron de Guerrera Enseigne de Monroiheurta rudementle Capitaine Bruxautqui alla voir du coté de Catriz s'iltrouveroit moins de resistance. Il i alla plus resolument en levoiant renforcé de l'Enseigne du Frene & de quelquesGentilshommes François qui servoient la Hollande. Mais leCapitaine Rouville& les Enseignes Nardin & Arandel'obligerent à la retraite. Bruxaut i laissa du Frene&50 autres des siens. Comme leur retraite fut confusecelà fitnaitre l'envi à Manfroià des Ardillesà duTour& à de la Maillorque Gentilshommes Françoisqui etoient au service de l'Archiducde pousser leurs compatriotes.Ils en tuerent 20& ils en blesserent plusieurssans qu'il encoutat qu'une coup de pique à Maillorque.

GrenuTrelon & la Contiere avoient plus de succez du coté deMonroi. Ce cartier alloit etre forcési Monroi meme ni futvenu en persones'il n'eut relancé l'ennemi qui etoit dejàbien avancé. La pluspart de ces braves Agresseurs etoientFrançois. Il i demeura deux GentilshommesDu Perier& laBardequi i expirerent entre les mains d'un Pretre Espagnol ; cincde la meme nacion moururent de leurs blessures. Celui quiaprezMonroicontribua le plus à la victoire fut PatignoLieutenant des Gardes-lances de l'Archiduc; il fit des miracles avecsix Gentilshommes Françoisdont je n'ai su aprendre les noms.Les conducteurs de la sortie d'Ostende voiant qu'il i faisoit tropchaudsongerent à se retirer sous leur affut. Ils i perdirent150 hommessans conter le Lieutenant BlocmanPeel & ProtemaGentilshommes Frizons& la Feuille enseigne François. Lesblessez furent les Capitaines GrenuTrelon& la Contiere; lesEnseignesBartel& Pekers ; deux Sergeans ; NogeranVesoleBrignac & Nolan Gentilshommes François. PicKocHelDanderzil & GrootHolandois& 60 soldats.

LesArchiducaux perdirent Pin Enseigne de BalansonGamadel Losa&Viertas Enseignes Espagnols Reformez ; Velez Sergeant EspagnollaBoulée Sergeant Valonde Pontaude Mirol& de LocereGentilshommes FrançoisMontirot Gentilhomme BourguignonDumain & Collart Gentilshommes Valons& 80 soldats. Lesblessez furent Pedraça CapitaineMorillas & la PennaEnseignes Espagnols Reformez; Tevenot Sergeant Bourguignon; deMontagnes& de Chemont Gentilshommes François; HaraucourtGentilhomme Lorain& Halvil Gentilhomme Alemand. Il est surqu'on doit la premiere gloire de cette journée à labravoure de Monroi. Le ciel ne differa pas sa recompense. Il sereposoit dans sa tenteaprez midi au bout Meridional de sa trenchéelorsque la Gueule-d'Enferenvoia un boulet de canonqui aiantfrappé le pié de cette trenchéevint rebondirsur ce brave ; il lui ecarbouilla la tete& il faillitd'assommer Don Guillaume de Verdugoqui etoit assis dans la memetente. L'Archiduc le regreta beaucoup. Son nom a revecu dans Don Jeande Monroi qui revit dans son Epouse de Rantre & dans ses enfanstous dignes de leur Ancetre. Son Terce fut donné à DonSimon Antunez Portugaisde servicede valeur& de meritequiaccordoit son grand age avec une humeur gaie& une vielaborieuse.

ElisabetReine d'Angleterreenviant Ostende à l'Archiduc&craignant que cette forteresse ne lui fut une bridesongea ài envoier un habile Gouverneur& un renfortcapables d'amuserles Assiegeans& meme de les debaucher. Dans cette vueelle ienvoia le Chevalier François de Veerqui avoit toutes lesqualitez requises à un si vaste dessein. De Veer entra dansOstende avec 12 Enseignes de sa nacion& il fut bientot suivi desept autres. Dez lors vander Nootqui assurément avoit dumeritene fut considere que comme Lieutenant; & de Veer futreconnu pour Gouverneur. De Veer ne manca pas d'en exercer lesfonctions& pour signaler son avenement au ministereil fit uneentreprise sur le cartier de Catrizqui lui paroissoit le plusfacheux.

RatiLieutenant Angloisconduit ses Arquebusiers le long d'un fossépour donner lieu à l'artillerie d'Ostende de donner sur lesArchiducauxqui oseroient paroitre. Cependant George Picton BaronAngloishabillé comme dans un jour de Fetes'avance avec lesCapitaines Nerri & Freier & avec 40 Gentilshommesàla tete de 300 mousquetaires. Le jeune de Veer & FosterCapitainesconduisent une troupe de piqueurs. Il viennent de concertfondrepar la cote de la mersur les aproches de Catrizoùles Capitaines de Fontaine & de Gesan etoient en garde.

GrudleicependantCapitaine Angloisavec 150 hommestient en haleine labaterie des 12 Apotres. On s'entresalue de part & d'autre avecperte egale. Picton essaie de franchir le retranchement; mais il estrenversé sur le sablesans blessures. Secondé de 12Gentilshommes Angloisil fit une tentative sur un autre endroit duretranchement; mais les Valons l'i reçurent pour le moinsaussi bien; ce qui le debaucha & qui lui fit faire une troisiemetentativeà l'endroit qui regardoit le Porc-epic. Catriz ivint en persone avec quelques Gentilshommes François. Ils sepresenterent sur la hauteur& quoique decouverts àdemi-corpsils presenterent la pique aux Angloisavec un peu degasconade. Ce fut cette bravade meme qui anima les Anglois. Picton &Foster les affronterent& ils ne lacherent le pié qu'envoiant tomber six de leurs compagnons& qu'en se sentant blessezau visage & au cou. Comme Grudlei entretenoit l'escarmouche deson cotéles Anglois s'i transporterent ; mais il n'ireçurent pas de meilleur accueil. Les Capitaines ValdezEspagnold'Esclaibes Bourguignon& Baur Alemands'opposerent àces intrepides avec la derniere des bravoures.

Un malheurarrivé parmi les Archiducaux rehaussa le courage des Anglois.Un mousquet crevant entre les mains d'un soldat Bourguignonen tuasept ou huit; celà causa du desordre& ce desordre donnalieu aux Anglois de r'animer l'attaque. Foster occupe le videavec40 des siens& le poste alloit leur demeurersi d'Esclaibes n'ifut arrivé fort à proposavec l'Enseigne S.Maurice&25 piques. Ces braves relancerent les Anglois& les obligerent adescendre avec plus de precipitacion qu'ils n'etoient montez.

Un secondaccident ralentit autant le courage des defenseurs qu'il raluma celuides agresseurs. Le feu se prit à la poudre qui etoit au milieude la trenchée& elle deconcerta les Archiducaux. LesAgresseurs s'en aperçurent& à la faveur de cetteperturbacionils firent avancer les 500 hommes de reservequireposoient en la contrescarpe. Le combat i fut des plus opiniatrez:mais enfin les Gardes de l'Archiduc etant survenus avec le Comte deBel-Joieuse& Don Ferdinand de Guevarradonnerent la chasse auxAgresseursqui ne firent leur retraite qu'aprez une grande perte. Ili avoit dans Ostende douze Gentilshommes François fort bravesque les Archiducaux surnommoient les douze Pairs de France. Ces Pairsse signalerent beaucoup en cette journée. Les plusremarquables furent le Baron de la ClangeBois-d'Ilequi eut uncheval tué sous lui& qui courut grand risquePrealardblessé d'une mousquetadeMaistrailVaugrainde Hames&deux autres qui furent blessez. Le combat dura une demie heuredurant laquelle les Assiegez tirerent plus de 300 coups de canon surla Cavaleriequi en fut incommodée. Un coup de canon tiréde la tranchée en abatit quatre occupez à rapporterdans la Ville un illustre Anglois sur des piques couplées. Ilsen perdirent plus de 400 tant de blessez que de tuez. L'honneur de laretraite fut due à Fosterqui quoique blessé autravers du corpsn'omit jamais le devoir de soldat & deCapitaine tresvaillant.

CorbisserCapitaine Angloisqui avoit amené les 500 hommes de lacontrescarpei demeura. Il i perit aussi Contlei& BerriLieutenans; Baquin EnseigneErquamMund & FloesmanGentilshommes & Tidel Sergeant. Les blessez furent PictonGrudlei& Foster CapitaineDublez LieutenantGantaiOrgansMorVallis & Parmezan Gentilshommes. Les plus distinguez desArchiducaux qui i demeurerent furentMorton Enseigne Espagnol&des Planques Enseigne Valon ; Haltzbandt Lieutenant Alemandla ValéeSergeantCoquigni & des Landes Gentilshommes François&la Rochementon Gentilhomme Savoiard. Les blessez furent le Capitained'EsclaibesAubri Enseigne Valonqui mourut trois heures aprez;Arlen de Pinaidu Terrail depuis decapité à GeneveMon-Juste& du Mar Gentilshommes François; Mombre &Vauville Gentilshommes Bourguignons; d'Arcenoi Gentilhomme Valon;Marbourg Gentilhomme Alemand; trois Enseignes Espagnolsdont l'un senommoit Francasfurent percez d'une seule mousquetade; le CapitaineBonours i reçut un coup de pique à la jambe droite.

Cettesortie fut cause que les Assiegeans rehausserent leurs trenchées& que Velasco fit dresser trois bateries pour empecher qu'aucunsecours n'entrat dans le Port. Plus de 500 furent les victimes de cesfoudres nouvelles. Tandis que les Assiegez se couvrenttrois caquesde poudrevenant à prendre feujettent une grande alarme;mais 1000 hommes tirez des Prisons d'Angleterrequi vinrent au memetems les renforcerleur oterent leur crainte& leurr'assurerent le courage. De Veer enhardi de ce secourscontre l'avisde ses Lieutenansse rendit maitre de la maison Rouge qui n'etoitplus qu'une masure ; & il s'i fortifia: parceque delàilpouvoit decouvrir les embuscades que l'Archiduc cachoit derriere lesDunes. Ceux du Fort Isabelle rompirent d'abord son dessein; maisetant venu en plus grand nombreil l'executa; Balanson ne lui enlaissa guere la jouissance . On admira ici l'adresse &l'intrepidité d'un Espagnolqui tua l'Ingenieur George Henri& qui alla le desarmer & le depouiller à la vue desAssiegez. On trouva sur cet Ingenieur le projet de la maison Rouge.George Henri avoit autrefois servi l'Espagne& il fut bienregreté des Holandois. Les batteries de Velascoavoientcependant tout l'effet qu'on en attendoit. Elles coulerent àfond beaucoup de batteaux dans le Port. Un seul coup porté duMonthullintua 15 personesparmi lesquelles etoit Boglei Enseignedu Jeune Veer. On conta jusqu'à 21 Officiers peris par cescanonades. Le 23 Juillet Don Augustin Messia etant allévisiter le cartier de Bredenéle Comte de Bergh fit avancervers le Canal de la Ville quelques Arquebusiersl'escarmouche i futrude. Les Assiegez perdirent environ 30 hommesles Assiegeans enperdirent plus; mais il n'i eut persone de consideré queScorto Sergeant Italien.

Messia fitdresser une nouvelle batterie surnommée le Faubourg; maisl'adresse des ingénieurs & des canoniers Holandois ne lalaisserent pas de long usage. Celle des 12 Apotres souffrit aussibeaucoupnonobstant l'applicacion & l'industrie du Commissairenommé Canon. Les Assiegez furent bien surpris le 24 matindevoir la maison Rouge convertie en Fort. L'Archiducaprez avoirsolemnisé militairement la fete de S.Jaquevint au FortAlbert& il fit attaquer la maison Rouge. QuenoiGentilhomme del'Artilleriefit dresser une baterie devant S.Caterineau milieu dela prairie pour incommoder les travailleurs de la maison Rouge. Le 26se passa en canonadesque ces deux nouvelles batteriess'entredonnerent.

L'Archiducavoit fait cacher 1000 hommes pour donner à la maison Rougeau premier signal. L'ennemi ne s'en fut pas plutot aperçuqu'il quitta son poste & qu'il gagna la Ville à toutesjambes; mais ils ne firent pas telle diligence que plusieurs nefussent coupez. Les Espagnols les taillerent en pieces sans vouloirdonner aucun cartier non pas meme aux goujats. Le peu qui se sauvadut son salut au canon de la Villequi favorisa sa retraite. Un coupfut fatal au Baron de Balanson qui paroissoit à la tete de ses400 Bourguignons pour soutenir les Espagnolsau cas qu'ils fussentpoussez. Un Boulet lui fracassa la jambe gauche& il blessa leCapitaine le Grand& le Sieur Gatelqui etoit venu servir enqualité de Volontaire. Bonours fut accablé de la terreque cette canonade remua. Balanson en fut quitte pour porter unejambe de boisqui lui fut encore emportée dans une autreoccasion. Comme on lui remontroit qu'il se hazardoit tropilrepondit froidement qu'il avoit encore une jambe de bois de reserve& d'attente dans son carrosse.

Ce Claudede Rie a eté General d'Artillerie& il est mortGouverneur de Namur avec la reputacion d'un Saint. J'ai eu le bonheurde le voir passant par cette Ville etant encore enfant. Il laissa unefille qui fut la favorite de l'Infante Isabelle& qui mourut aBrusselle fort agée il i a quelque douze ans. 200 Angloisfurent sacrifiez à la perte de cette jambe precieuse. Comme ceposte fut gagnéle jour S.Anneil en prit le nom& illaissa depuis celui de maison Rouge. Villaverde Espagnol autrefoisGouverneur de Dourlensen fut fait Commandant. On trouva parmi lesmorts une espece de Geant. On le fit porter & panser au camp.Quoique son corps ne fut qu'une plaie& qu'il dut plutot songerà prier qu'à maudireil se dechainoit incessammentcontre sa nacion Angloise& sur tout contre le Sieur de Veer del'avoir abandonné; il n'epargnoit pas meme les Espagnols&il les menaçoit s'il venoit à survivre. On ne laissapas de lui faire bon traitement. A la façon des gensd'Outre-merqui savent bien qu'on n'ira pas s'enquerir de leurextractionil se disoit grand Seigneur& que son nom etoitLeyers. L'Infante Isabellequi faisoit l'office d'hospitaliere àBrugesfit tant par ses soins qu'il guerit entierement. Elle luidonna une bonne somme d'argent& des lettres de recommandacion àson Resident à Rome. Mais le grand vilain au lieu de prendresa route vers Romer'entra dans Ostende& bien loin dereconnoitre sa bienfactriceil n'en fit que des railleries. MaisDieu punit son ingratitude par lui faire sauter la cervelle d'unboulet de canon qui fut tiré de la baterie du Comte de Berghdez le 2 jour de son arrivée. Une ame si ingrate ne meritoitpas de vivre plus longtems.

Le canond'Ostende incommoda bien le Fort S.Anne. Un seul coup tua onzepersonnesdu nombre desquels furent les deux freres de Clevanges. Cefut aussi dans ce Fort que perirent du canond'Arsonai GentilhommeLorain& de Loiset Gentilhomme Bourguignon. Don Jean deBracamonte vint fort à propos au camp avec un bon renfortqu'il amenoit d'Italie. Une partie passa au secours de Rhinberg.Bracamonte avec son Regiment Espagnolresta au campoùl'Archiduc lui donna celui de Ribasqui avoit quelque autrecommandement. Les Assiegez tiroient avec tant de furieque l'espacequi regne entre le Fort Isabelle & la Villeressembloit àune terre fraichement labourée les balles faisant office decoutre. Elles i etoient si nombreusesqu'on en rencontroit àchaque pas& que la plaine etoit presque inpraticable dans lestenebres. Ceux d'Ostende qui au commencement donnoient un teston pourchaque ballene prennoient pas la peine de les recevoir de ceux quiles leur aportoient: tant la Zelande leur en fournissoit.

Catrizavançoit plus que personnejusqu'à donner de lajalousie aux Espagnols& bien de la crainte à vanderNootqui commandoit à l'endroit que Catriz attaquoit. UnValonpeutetre pour se vangerde ce que la jalousie traversoit lesbons desseins de son Colonelsur la fin de Juillet de bon matinàla faveur de la marée basses'avança jusqu'à laGueule-d'enfer& il arracha une lourde lanternequi etoitattachée au bout d'un pilotis. Les Assiegez lui tirerent centcanonades & une infinité de mousquetades ; la lanterneetoit fort elevée& elle etoit d'une extreme pesanteur.Il s'en moqua. Il chargea cette machine sur ses epaules& ill'apporta en triomfe à la tranché de Catriz. Il cruts'etre suffisamment vangé de la jalousie qu'on avoit contreson Colonelpuisque pour un tel exploitil ne demanda d'autrerecompense sinon qu'on le fit bien boire. Aprez celàqu'onnie que les Valons soient bravesqu'on nie qu'ils soient bonsbuveurs! Antunezencherissant sur son Predecesseur de Monroifitconstruire une redoute surnommée de Valdezacause que ValdezCapitaine de son Regimentfut le premier qui i commanda& qu'ili tailla bien de la besogne au Sieur de Veer. Par tout où latrenchée etoit discontinuéel'on avoit dressédes toilesà la faveur desquelles les Assiegeans passoientd'un cartier à l'autresans etre aperçus de la Ville ;mais ces toiles furent bientot converties en cribres par la multitudedes coups que les Assiegeans i tirerent. Pour obvier à cetinconvenienton fit une espece de haie soutenue de fourchesentrelassées de branchesau travers desquelles les ballespassoient sans que les feuilles en fussent beaucoup interessées.On surnomma cette haieblinde parcequ'elle deroboit les Assiegeans àla vue des Assiegez. Valdez cependant se fortifioit de plus en plusdans sa redoute. De Veerconsiderant que ce Fort le reduisoit àl'etroit& à une espece de prisonmit 600 Anglois sousla conduite de son Frere Horace Veer& il lui donna ordre des'en emparer par derriere. Les Capitaines Holcraft & Borganàla tete de 300 Angloisattaquent le Fort à la gaucheau memetems que luimemesecondé des Capitaines VilfortGorrei &Stanetonl'attaqua à la droite.

Valdez lesreçut avec beaucoup de resolucion Pendant la chaleur ducombatde Faves Capitaine Françoisavec 300 de sa nacionattaque brusquement une foible trenchée du cotéd'Antunez. Ce Colonel avoit donné ordre de l'abandonneraucas qu'on vint l'attaquer un peu brusquementmais ses gens ne surentfaire la retraite si à propos qu'il n'i demeurat 30. De Favesenflé de ce succezdonna furieusement jusqu'à lagrande trenchée. Antunez s'i trouva en personne. Quelquesunsfurent sacrifiez à la premiere boutade Françoise&le reste alloit prendre la fuitesi Antunez ne les eut arretezl'epée menaçante à la main. Les Archiducauxreprirent du cOEur& ils repousserent vaillamment l'ennemi.

Valdezcependant fait des miracles dans son retranchement; & ses soldatsà son exemplese defendent en desesperez. OneltonLieutenantAngloispensa les forcer par la violence de ses grenades; maisValdez se mit à couvert de ses feuxpar les cuirs de beufscruds & trempezdont il s'etoit precautioné. Faves netrouvant pas son conte vers Antunez& se voiant renforcéde 100 hommes qu'un Lieutenant lui avoit amenezattaque une trenchéequi lui paroissoit negligéeoù Sailli Enseigne Valoncommandoit 40 hommes. Faves pretendoitaprez avoir forcécette trenchéed'attaquer Valdez à dos& d'allerdonner la main aux Anglois qui le pressoient chaudement; mais sondessein fut rompu par les Capitaines Don RodrigueFlorés&la Peirequi sortant de leur embuscadefirent bientot tourner teteà Faves.

Quoiqueles Anglois & les François disputassent autant pour lagloire de leur nacion que pour la conquete du Fort de Valdezlesdefenseurs les soutinrent si vigoureusementqu'ils furent enfinobligez de se retirer. Mais leur retraite n'eut rien de honteux. Ilsla firent regulierementen combattant& & meme en morgantles Espagnols à qui ils montroient les casaques de leurscamarades qu'ils emportoient à Ostende. Cette attaque coutaaux Assiegez 160 hommes tuez sur la place. Les plus notables furentDu Har Lieutenant FrançoisVari Enseigne AngloislaLoudiziere Sergeant Françoisde Cordesla Glandare&Morillac Gentilhommes avanturiers François. NuictonSamesfortJomés & Gavard notables Anglois. Entre lesblessez furent les Capitaines de Faves & du Mortier François; Vilfort & Borgan Anglois; Onelton Lieutenant; & le jeuneBaron de Dei. Valdez perdit 28 des siens. Les plus aparens etoientRiberaOrtizMiredaIdiaquezCortezaUlloa& Rovillerez.Antunez perdit Louero& Montenegro Enseignes Reformez EspagnolsGrignies & Pontaubin Volontaires François. LoroiGentilhomme Bourguignon& 30 soldats. La Ville tira ensuite surla redoute de Valdez plus de 6000 coups de canonen 20 jours.

De Veervid bien de là qu'il devoit plus songer à la defensivequ'à l'offensive. Dans cette Vueil acheva ses quatre Fortsqu'il nommoit Polderqui veut dire carré. Il i fit passer lesAnglois; mais ils i reçurent un tresmechant accueil. Le feus'etant pris au plus grand de ces carrez40 Anglois furentmiserablement brulez tout vifs& plusieurs en furent incommodeztoute leur vie. Cette amertume fut adoucie à la nouvelle de laprise de Rhinberg par les armes du Comte Maurice de Nassau.

Antunezaiant mis la derniere main à la Redoute de Valdezen designaune autrequ'on surnomma de S.Augustinen consideracion de DonAugustin de Messiaqui en etoit le principal auteur mais qui depuisfut surnommée Fariasdu Capitaine qui i commanda le premier.Le Marquis de Varanbon & le Comte de Fresin en construisirent unedans la prairie. A la mi-Aout il vint à Ostende un renfort de1000 Anglois débarquez à Sandvic. Rien de plus insolentque les Anglois dans cette Ville. Vander Noot envoia le Capitaine deLeur pour se plaindre aux Etats du peu de discipline que de Veerobservoit& des outrages que les Bourgeois souffroient tous lesjours de sa nacion. Un boulet de canon sembla vouloir lui en epargnerla peine. De Veer considerant les approches de Catrizfut blesséà la tete d'un coup de canon. Mais son courage supplia àsa foiblesse& sa blessure n'empecha point qu'il ne s'aquita desfonctions d'un grand Gouverneur. Aprez avoir donné les ordrespar toutil se fit transporter à Flessingue pour s'i fairepanser plus commodément.

VanderNootpour signaler son Gouvernement devenu absolu par la retraite dede Veermedita une entreprise qui lui reussit en partie. Du SartLieutenant François conduit 100 hommes à la faveur destenebres& il les fait mettre sur le ventre devant la Redoute deValdez. Ils font semblant d'attaquer subitement le Fortmais dans laveritéils donnent vers la Redoute de Fariasoù lesautres Entrepreneurs s'etoient rendus. On trouve ce Fort negligemmentgardé. On passe par le fil de l'epée les premieresresistances; ceux qui se sauventtombent entre les mains deMortondelqui les attend avec ses Anglois& qui ne leur faitpas de meilleur traittement qu'aux autres.

Fariass'etoit retiré au cartieracause de la fievre ; ses ennemisen apportent une autre cause. Il se leve en sursautil ramasse cequ'il i a d'Espagnols echapez. Il entre dans sa redoute l'epéeà la main; il combat en Lion; il fait sauter le parapet auxuns; il tue le reste ; enfinaprez en avoir massacré 30ilse rend le maitre de son poste. BrusquinEnseigne du Comte Frezinn'eut ni sa bravoure ni son bonheur: dez qu'il vid Mortondel entrerdans sa Redoute avec 25 Françoisil l'abandonna honteusement.Denis Aubrisset Sergeant Bourguignontint ferme avec 18 de sanacion& il fut cause que l'ennemi regagna la Ville avec lejour.

Ce braveAubrisset eut la tete enfoncée. Albert lui envoia S.Jeanl'unde ses Chirurgiens& il lui fit distribuer une bonne sommed'argent ; mais la profondeur de sa plaie& son grand age ne luidonnerent pas lieu de jouir lontems de ces faveurs. Brusquinnonobstant la remontrance de ses services passezfut decapité;sort qu'il avoit vu en songeimmediatement avant que l'ennemi vintle debusquer de son poste. L'Archiduc pour reconnoitre la fidelitédes Bourguignonsvoulut que cette Redoute fut gardée par leCapitaine Louis de Villequi n'en sortit qu'etant percé d'unemousquetade. Elle fut nommée tantot la Redoute de S.Jaquetantot la redoute des Bourguignons. Ostende reçut un nouveausecours. Celà joint a ce que 58 pieces de baterie du campn'avoient fait aucune breche aux ramparsdesola bien les Assiegeansqui en 66 jours de siege avoient perdu 14 Capitaines36 Enseignes27 Sergeans45 Gentilshommes Volontaires de toute nacion; 68 engagezau service10 Gentilshommes d'Artillerie& 4773 soldats. Un desplus grands malheurs fut la blessure du brave Colonel Catrizquiallant reconnoitre de trop prez la contrescarpereçut unemousquetade à la tete. Il fut transferé à Furnesoù le trepan pensa l'envoier à l'autre monde. LeMarquis de Varanbon le releva dans ses entreprises.

LesAssiegez ne faisoient pas de moindres pertes puisqu'on sut alors queles Anglois seuls avoient perdu 40 Officiers & 2000 soldatssansconter 300 estropiez qu'on pretendoit d'embarquer avec le corps duBaron de Kenebrot Anglois& avec celui du Baron de StretonEcossoisqu'on avoit embaumez. Mais ces vides furent remplacez parle secours qui entra dans Ostende aprez la prise de Rhinberg.Chatillon General des François qui servoient la Holandel'iconduisit au commencement de Septembre 1601. Il i fut reçucomme un petit Dieu decendu du ciel: Chatillon pour se signalermachina une entreprise qui sembloit tendre à la desolacionentiere des Assiegeans. Il s'entretenoit au Zantil sur ses conquetesprochaines quand un boulet de canon porté de Monthullin fitavorter tous ses vastes desseins. Il discouroit de l'apartement qu'ildestinoit à l'Archiduc aprez l'avoir fait prisonnierassissur un affutquand un coup de canon lui enleva la cervelle&ses pensées presomtueuses. Les Colonels Octenbroc &Broghe& de Peuplieres Gentilhomme du Languedoc quil'environnoienteurent part à son coup& ils s'enressentirent toute leur vie. Cette infortune deconcerta sur tout lesFrançoisqui se voiant sans chef notableavoient de la peineà obéir à vander Nootqui n'en avoit pas moinsà souffrir leurs gasconades.

Uneseconde infortune acheva d'alarmer la Ville. Ce fut le feu qui seprit à la maison d'un Boulanger& qui faillit àreduire en cendre la Neuve-Ville. Les Angloisau lieu d'i remediers'en servirent pour piller les boutiques. Les Assiegeans profiterentde ces desordres& leur artillerie tua 130 persones parmilesquelles on contoit un Lieutenant Frizon nommé Klot. VanderNootpour empecher les desercionsdonna charge à NauvincLieutenant Angloisde visiter soigneusement tous les vaisseaux&Nauvinc s'en aquita ponctuellement. Les Assiegeansà lafaveur de la basse maréearreterent un vaisseau qui sortoitd'Ostende pour la Holande. Ils i trouverent 50 estropiats & 15morts. Les Assiegez vinrent à la recousse. L'escarmouche i futfort chaude. Enfin les Assiegez aimerent mieux de voir perir cevaisseau que de le voir entre les mains de leurs ennemis& àforce de coups de canonils le detruisirent entierement& ilsacheverent les miserables estropiats qui n'eurent pas la peine detrainer plus lontems leur vie incommode; les Valons & lesBourguignonsnacions qui se distinguent par leur chariténedouterent pas d'exposer leur vie pour la sauver à cesinfortunez. Ils en retirerent 20 la pluspart Françoisnotables. Le plus considerable se nommoit la Farge. Lui & quatrede ses compagnonsguerirent par la charité des Archiducaux&des François qui croient au service de l'Archiduc. Pourdetester la cruauté des Holandois& pour reconnoitrel'honneteté des Archiducauxils demeurerent au camp&ils servirent fort courageusement jusqu'à la fin du siege.

Cependantvoici revenir le General de Veer; il debuta par faire sortir quelquesFrançois quidepuis la mort de Chatillonse rendoient dedifficile obeissancesous couleur que la place etoit trop etroitepour une si grosse garnison. Puis il fit une sortie sur Don Alfonsed'Avalosà dessein de bruler la gabionade qui regnoit devantla redoute de S.Alexandre. Mais comme cet ouvrage etoit trop vertpour prendre feules Entrepreneurs furent contraints de retourneraprez i avoir laissez 30 des leurs. Les Defenseurs i eurent deuxmorts & cinc blessezdu nombre desquels etoient l'EnseigneRéformé Ramirez& Bonafesta Gentilhomme Italien.On dut sur tout la conservacion de ce poste à un jeune soldatMurcien de 18 ansnommé Gaspar Gilroba. Il etoit ensentinellequand les Assiegez vinrent l'attaquer. Il mit bas d'abordd'une mousquetade le Chef de l'entreprise& puis il courutdonner l'alarme au cartier. Il se mela parmi eux courageusement&les balles lui manquantil se saisit d'une piqueil alla desceindrel'epée au Chef qu'il avoit tué& il la rapporta entriomfe. Son Mestre-de-camp Bracamonte le produisit àl'Archiducquiaprez lui avoir donné mille louangesaugmenta sa solde& lui promit de l'avancement. Mais ce jeunebrave n'en jouit pasetant mort bientot aprez des blessures que sabravoure lui avoit attirées.

Il entraau meme tems du secours dans la Ville. Frideric Spinola n'en putattraper que trois navires avec 60 prisonniers. Cet avantage desAssiegez fut contrebalancé de la chutte de vander Noot quienvisitant un nouvel ouvrage de la Vieille- Villefut abattu d'un coupde canon qui lui vint des Dunes Orientales. Il en fut si etourdiqu'on le tint pour mort l'espace d'un quart d'heure. Un autre couptua trois Capitainessavoir PomeradeFrançois; KoniaFrizon; Vorning Alemand; & le Baron Norri VolontaireAngloistres-riche.

Le ColonelOctenbrouc etant dans les trenchées des Anglois hors de lacontrescarpefut tué d'un coup de mousquet. Un fenomene enforme de boule de feu passant sur la Ville au commencement d'Octobreacheva de decontenancer les Angloisnacion assez supersticieuse.Elle savoit que depuis le 25 Juilletelle avoit perdu plus de 60Officiers& des soldats à proporcion. Celà futcause qu'elle s'emutina& qu'elle cria tout hautqu'ellen'entendoit pas d'etre sacrifiée à l'ambicion d'un seulhomme; par oùelle denotoit le Chevalier de Veer. Mais Horacede Veer son frerequi acause de sa douceur etoit mieux venu dessoldatsappaisa cette emocion; le secours que le Colonel Loon amenafit plus d'effet qu'aucune autre chose. Cet Officier venant succederà Octenbroucamena une bonne sommecinc pieces de canon&25 mineurs Liegeoisnacion à toute main pourvu qu'elle gagnemais qui est devenue plus sage sous le regne du sage & du prudentPrince d'Elderen.

La Villerenvoia au meme tems plusieurs batteaux chargez de malades & deblessez. Le canon du camp les aiant rendus presque inutileslesMatelots Holandoisjetterent dans la mer ces miserables passagersdont les corps vinrent floter vers le Fort Albert. Une femme deTournai reconnut le corps de son frere. Elle debanda la jambe quietoit tronçonnée& entre les premiers linges elletrouva quelques pieces d'or & quelque apparence de sortilege. Lapieté de l'Archiduc voulut qu'on peschat ces corps&qu'on leur donnat la sepulture sur le bord de la mer.

Bracamontecommandant la trenchéesans consulter personneeleva unouvrage entre les Forts S.Augustin & S.Jaque. Les 200 Espagnols &Italiens qu'il i mitinsulterent tant les François quietoient en garde vis à visqu'il prit envi au Capitaine de laRoque de se vanger de ces fanfarons. Il obtint du Gouverneur lapermission de conduire 200 François contre l'ennemi. A lapointe du jour il attaqua ce nouvel ouvrage qui temoigna autant defoiblesse à se defendrequ'il avoit montré de vanitéà provoquer. On fit passer par le fil de l'epée ce quine put pas s'en sauver. La Roque ne profita point de son avantageparcequ'au meme temsles Anglois attaquerent le Fort S.Jaque; &dans la croiance que cette alarme le regardoitil songea plus àla retraite qu'à la poursuite& il se vangea par erigerune espece de trofée composé du butin qu'il avoitremporté dans cette occasion. Cet ouvrage de Bracamonte futjugé inutile& il fut razé la meme nuit.

LesFrançois eurent un second sujet de rejouissance de la nouvellequ'il leur vint de la naissance d'un Daufin. Ils crurent ne pouvoirmieux temoigner leur alegresse que par une brusque sortie qu'ilsfirent sur le cartier d'Avalos. Ils i tuerent 25 hommes& ils enemmenerent neuf prisonniers. La Cavalerie Archiducale fut à larecoussemais la mort du Lieutenant qui la conduisoit& qui futtué d'un coup de piqueavec deux autres soldatsrendit lapoursuite inutile. Les neuf prisonniers furent renvoiez deux joursaprezà la faveur de deux mois de gage qu'on donna pour leurrançon; au grand deplaisir des Anglois qui enrageoient qu'ondonnat cartier aux Catoliquesqu'ils traitoient de diciples del'Antechrist.

Cet echecn'etoit rien en comparaison du bruit qui se repandit de la proximitédu Roi de France. Henri IV etoit venu à Calais. L'Archiduc luienvoia le Comte de Solre pour apprendre si Sa Majesté venoitrompre la paix & ses desseins. Henri qui etoit d'humeur gaietourna tout en plaisanterie. Il dit qu'il venoit etre le spectateur &non pas le perturbateur des desseins de Son Alteze. Il se mit ensuiteà plaisanter sur la bravoure de l'Infante Isabelle ClaireEugenie qu'il traita de Zenobie. Et pour convaincre que ses approchesetoient pacifiquesil envoia au camp d'Ostende le Duc d'Aiguillonqui admira tout& qui par la bonne correspondance ferma labouche à une infinité de medisans& sur tout mitde l'eau dans le vin des Holandois & des Anglois qui esperoientque les aproches de ce Roi ne tendoient qu'à une rupture avecl'Archiduc.

Ladeclaracion favorable du Roi de France fut suivie d'une autrenouvelle agreable; TrivulceGambaloita& le Comte de Buquoiconduisirent un grand renfort au camp. Buquoi passa à Bredenéqui depuis lors prit le surnom de Buquoi. Ce Comte dez le troisiemejour de son arrivée entreprit de detruire un pont de barquesque les Assiegez avoient etendu sur le Canal Oriental& un Fortqu'ils levoient contre les boulvarts d'Espagne & de Pekel. Il mitGulsin à la tete de 400 hommes de son Regiment. Ce vaillantArdenois força l'ouvrageil fit passer 60 des ennemis par lefil de l'epéeil en blessa trente& il fit fuir lerestequi se noia pour la pluspart. Le Capitaine Gulsin ne perditque 14 des siens tant tuez que blessezdu canon de Villequi fut degrand usage aux Assiegez. Le Sergeant Ouaille fut un des blessez.Gulsin se retira en bel ordre aprez avoir rendu presque inutile lepont des ennemis.

LesAssiegezconnoissant l'importance de ce postele rajusterentincessamment. Buquoi i envoia son Capitaine de Coin; mais il n'eutpas le succez que Gulsin venoit d'avoir; puisqu'il revint sans effetaiant perdu Corceville Gentilhomme Flamanddu Mont GentilhommeValondes Halles & Ducar Bourguignons; les principaux blessezfurentdu Perier & d'Aubri Gentilshommes FrançoisValigneau Enseigne Reformé Valon& des MarlesSergeant.

LesAssiegezqui depuis lontems n'avoient pu rien aprendre de l'etat desAssiegeansenleverentà la pointe du jourdeux sentinellesValons d'auprez du Fort S.Augustinpar qui ils prirent langue.Antunezqui commandoit la trenchées'en revenga parcommander treize Espagnols & Bourguignonsde rendre le change àl'ennemi. Ces Avanturiers se jetterent dans un fossé quiregnoit devant un des Polders ou carrez& là ilsattendirent leur proie. Elle parut dans un Sergeant Anglois nomméCauvelei qui alloit changer les sentinelles. L'embuscade en tuatrois& elle en emena bon nombre au campd'où le canontiroit furieusement sur les Assiegezqui dans la crainte d'unecamisade s'atroupoient sur les defences. Un seul coup de Monthullinen abatit trente. Cauvelei qui etoit un des prisonniersdeclaraquedepuis un moisla milice etoit diminuée du tiersqu'il imanquoit de l'eau douce& qu'Horace de Veer avoit reçuune mousquetade à la poitrine. La meme nuitle feu prit aucartier de S. Claire& il n'i eut que la diligence du Comte deBergh qui le sauva d'un entier embrasement. Le Comte de Buquoi pourinfester le Ponton qui passoit les Gardes d'Ostende à laRedoute du bord du Canalsurnommé le nid de Cignedressa leFort Filipe& un autre petit Fort surnommé la Beurréeou Boteram. Les Assiegez voiant que plus de 200 coups de canon portezdes boulvarts d'Espagne & de Pekel contre cette Beurréene profitoient de riensubornerent un Angloisqui muni d'unemixtion malignequ'il avoit aprise d'un Ingenieur Thuringiense fitenroller parmi les canoniers du camp. Il epioit l'occasion de fourrerson ingredient dans la coulevrine fatale au Ponton des Assiegezàdessein de la faire crever. L'aiant enfin trouvée favorableainsi qu'il croioitil coula sa mixtion dans le fougon. Comme dezson abord on en eut de l'ombrageon le veilla. Il ne sut faire soncoup si adroitement qu'un Sergeant ne s'aperçut de safourberie. On le surprit au flagrant delicton lui fit avouer satrahison& ses complices qui furent quelques canoniers Flamandsqu'il avoit debauchez. Ils se tinrent tous compagnie au gibet.

Tandisqu'on deliberoit au camp sur la maniere des aprochesles Assiegezpercerent la digue Vertequi venant à recevoir l'eaucausaun grand detriment aux Assiegeans. Les trenchées qui avoientcouté trois mois de travailen furent noiées. 25soldats Bourguignons & Valons gagnerent une petite hauteuraumilieu des eaux. La Ville les abandonnant à la faim & aunaufrage ne tira pas sur eux. Les François qui etoient logezvis à visleur parlerent familierement sans qu'aucun Officierles fit taireainsi qu'ils avoient coutume de faire. La mer etantretiréeils se sauverent tousun de ces soldats nomméMartin le Grand etoit de la compagnie de Bonours. A la faveur decette retraite des eauxon retira l'artillerie& ce qu'on putdes trenchées submergées; mais il en couta la vie à200 hommes qui furent les victimes du Porc-epic& du Zantilquidonnoient en droite mire sur ce deluge. Entre les tuez furent la MineCapitaine ValonCarignuola Enseigne ItalienChatelet EnseigneValonBeurries Gentilhomme d'ArtillerieGrimoir SergeantBourguignon& Louvet Sergeant Valon. Les blessez furent leCapitaine Narbonl'Enseigne Vaugrides Meules & PrionGentilshommes François Volontaires& le PrinceSergeant.

LesHolandois se nuisirent presque autant qu'aux Assiegeans: car cetteinondacion pensa renverser le Porc-epicle Zantil& laGueule-d'enfer. La Vieille & la neuve Ville se ressentirent de cedelugeen sorteque les habitans furent obligez d'aller neuf àdix jours par les ruesen barquetes. Ce qui desola fort lesAssiegezqui apprehendoient qu'ils ne dussent avoir cetteincommodité durant tout l'hiver. L'Archiduc fit incessammenttravailler à la reparacion de cette digue percéepourque les trenchées fussent à sec. La Ville tira sansrelache dix grosses pieces sur l'ouvragemais les balles qui semeloient parmi les facines ne servoient qu'à l'affermir. Lestravailleurs en furent ensuite si cruellement traitezqu'on nepouvoit plus trouver personne qui voulut preter la mainnonobstantle grand salaire qu'on offroit. Un Gentilhomme François nomméPinceval servoit sous Pouilli Capitaine du Regiment de Catriz. Acausequ'il etoit grand homme de bien & fort retirésescamarades le surnommoient l'Hermite. Il etoit extremement pauvre &à moitié nu. Cette extremité lui fit faire uncoup hardi. Il se presenta lui seiziemede travailler huit nuits àl'ouvrage dangereux; on l'accepta & l'on convint du salaire. Lebon Pinceval conduisit ses compagnons à la chapelle desJesuites du campoù ils se confesserent et communierent tous.Il tint sa parole& žl ne perdit que cinq de ses hommes.Les echappezcomme ils etoient convenus entre euxse firent faireun bel habitils s'acheterent une epée dorée&une echarpe rouge. L'Archiduc haussa la solde de Pinceval quatre ecuspar mois. Celà fut cause que plusieurs s'enhardirent&que l'ouvrage fut achevé nonobstant toute la furie du canonennemi. On donnoit un ecu par joursans conter les gages ordinaires.Messia & Velasco contribuerent beaucoup à la diligence desouvrierspar leur presencepar leurs promesses& par leursliberalitez. L'ouvrage fut trouvé de defence contrel'impetuosité des flots. Les Assiegez firent plusieurstentatives pour le brulermais elles furent toutes inutiles. Ils iperdirent le Capitaine Freibac Alemand& un espion Anglois quifut pendu. Cette digue ne mit pas seulement les trenchées desAssiegeans à secmais de pluselle empecha que le secoursn'entrat au havresi impunément qu'auparavantparl'artillerie qui i etoit pointée.

Celàfut cause que l'Archiduc se consola sur ce qu'elle lui avoit couté:en effet cette digue lui etoit bien precieuse; puisqu'elle lui avoitcouté quatre cens mille francs d'argent & 500 hommesparmi lesquels il i avoit 32 Officiers. Les principaux furent leMestre-de-Camp Bracamontele Gouverneur VillaverdeScipionGaribaldisept Capitainesdix Enseignes& trois commisd'artillerie. La mesintelligence qui regnoit entre de Veer &vander Noot fut cause que le Comte Maurice rappella vander Nootquiaccompagné de quelques Capitaines ses Adheransfit voile enZelande. Ainsi toute la place demeura sous le commandement absolu deDe Veer. Cet Anglois pour signaler sa dominacion absoluefit sortirde nuit 600 hommes pour donner sur les trenchées d'Occidentqui au rapport des espionsn'etoient pas assez diligemment gardées.En effet ils surprirent une redoute gardée des Italiensmaisla bravoure du Capitaine Maini les fit rebrousser chemin. LaFavardiere Capitaine François à la tete de quelquesunsde sa nacion& de quelques Ecossoisforcerent une petitetrenchéeoù ils passerent au fil de l'epée unEnseigne Espagnol & quelque trente soldats. Mais la CavalerieArchiducale les relança. Report Capitaine Anglois quita laRedoute des Italiens de Maini& alla mourir de ses blessures àOstende. La Favardiere se sauva avec bien de la peineaiant sacrifiéà sa suite trente des siens. La Cavalerie Archiducale blessaComblans Gentilhomme FrançoisCauduel Lieutenant Ecossois&quinze soldats François. La Cavalerie n'eut de blesséremarquable que Zopirello Sergeant Italien& un Gentilhomme dela meme nacion nommé Sambuzzi. Mais la trenchéeArchiducale souffrit davantage. Il i eut de blesséle Vicomted'Aussignile Baron de Briancourtla Fertenonainde Sauges &de Bruieres Gentilshommes François ; Texede Mestre-de- CampReforméles Lieutenans-Colonels de Buquoi & de Catriz.

Tandis quel'Archiduc se rend à Neuport pour visiter l'Infantequi ietoit venuele feu consume le Fort Albert par la negligence de lafemme d'un Hallebardier de Son Alteze. Albert neamoins ne laissoitpas de revenir au camp de deux en deux jours& en attendant queson cartier fut retabliil se rendoit à la cabane du Comte deSolrele froid otant l'usage des tentes. Tandis qu'il sejournoit àNeuportil aprit que le Comte Maurice avoit mis le siege devantBoisleduc. Nonobstant la saison tempestueuseil se mit en chemin&comme un Soleil il dissipa les brouillards qui menaçoientcette belle Mairie.

La maréeaiant fait une breche capable de recevoir dix hommes au boulvart deZantilla pointillequi regna parmi les Espagnolsau sujet de lapreseancedonna du loisir à De Veer de la reparer&d'eluder les desseins de ses ennemis. Mais l'adresse & lavigilance du Comte de Buquoi repara bientot le dommage que cetteambition avoit causé: par le moien des bateries de la digueverteil empecha l'entrée d'un secours venu de Zelande&aiant remarqué qu'entre le Canal& la Table-de-Moïseil regnoit une ouverture considerableil crut que l'ennemi etoitinsultable par cet endroit; & aiant reçu les ordres del'Archiducil s'i prit de cette maniere.

Millehommes se trouverent à trois heures du matin sur la greveSeptentrionale. Le Capitaine le Coin en envoia cent& il fitmarcher à leur tete un François nommé de laPlanchequi etoit le premier qui s'etoit venu rendre au commencementdu siege& qui depuis lors etoit entretenu dans la compagnie deBalanson. Le Coin ne pouvoit faire de meilleur choix: parcequ'ilsavoit le terrein& parcequ'il etoit bien determiné &hazardeux. Tandis que la Planche va decouvrir avec dix hommesleCoin & Kessel Enseigne Brabansonpassent le Canal. Comme chacunvouloit etre du nombre des dix avanturiersil fallut que le Coin endecidat; il nomma donc HerselMiraumont& VolmalGentilshommesValonsMenilporrot Gentilhomme François VolontaireCarrelEnseigne Reformé Bourguignonle Capitaine Goi vieux Lorainqui avoit commandé en Hongriela Troussiere SergeantFrançoisBelin & Bonours Capitaines Valons.

CesAvanturiers passerent le Canal aiant l'eau jusqu'aux aiselles. Ilstrouverent l'ouverture en question assez negligemment bouchée& une sentinelle Holandoisequi chantoit pour bercer ses ennuis.La Planche l'aiant percé de sa pique au travers du corpslegros s'avança vers un Lieutenant Holandoisqui etoit en gardeavec quarante hommes. Comme il fut d'abord accabléil laissaprendre sa pertuisanedont il fut percé deux fois au traversdu corps; on fit main basse sur le restesans epargner meme letambour: acause qu'il vouloit battre sa caisse pour donner l'alarme.Au meme tems le Coin & Kessel s'avancent& en se joignantaux dix premiersils defont 60 Holandois accourus en confusion.

Au memetems Don François Martinez Enseigne Espagnolà la tetede 50 de sa nacionsort des trenchées Occidentales& ilva mettre le feu aux fassinesqui etoient au pié du boulevardZantil. Le Coin depecha Troubletpour donner avis au Comte de Buquoide leurs avances; mais on ne sait ce que ce Troublet est devenu. LeCoin tint le passage& il ordonna à la Planche dereconnoitreavec ses dix hommesla Courtine tirant du Septentrion àl'Occident. Les autres poursuivirent vingtqui paroissoient etre desSuisses; & dans l'esperance que les mille commandez viendroientles secouririls avancerent bien avant audelà de l'ouverturequi neanmoins etoit le terme de leur entreprise. Une troupe d'Angloisse presentamais les Aggresseurs les enfoncerent à coups depiquessans avoir que trois blessez des leurs& encore assezlegerement. Bien en prit a le Coin de garder l'ouverture: car sanscelà les Avanturiers etoient perduspuisque les Holandoiss'etant aperçus de cette garden'oserent rien hazarder. Untimide gata touten criantque la Planche etoit traitre; la Plancheaiant dechargé un grand coup d'estramason sur ce calomniateurse presenta au Capitaine. La marée revenanton fut obligéde regagner le camp.

L'eauetoit dejà si hauteque les moindres statures en avoientjusqu'aux dens. Il s'en noia trois& ce fut tout ce que coutacette entreprisequi la donna bien chaude aux Assiegez. Le canon ducampdurant cette alarmetua Malton Lieutenant EcossoisStolpaEnseigne Frizon& Brucman commis d'Artillerie; mais par malheurun coup qui venoit de Monthullin& qui passa audessus de laVilledonna sur les Archiducauxqui regnoient sur la plageOrientale& il emporta la tete à Antoine GentilhommeBourguignon Enseigne de la compagnie de Merci.

Le Generalde Veer manqua d'etre pris: car la Planche le vid de loin precedéd'une lanterne accompagné de trois hommes seulement; il nes'en approcha pas: parcequ'il ne le reconnut pas. Tant il est vrai.Si l'ennemi savoit ce que l'ennemi saitbientot auroit l'ennemison ennemi defait ! cette camisade fut donnée le 21Decembre 1601jour S.Tomas& le sixieme mois du siege. Lesprisonniers que la Planche ramenadecouvrirent que la garnison etoitfort debauchée.

AnselmeDavid Capitaine Bourguignon empecha les effets de l'artillerieHolandoisepar un grand chemin qu'il avoit creusé à laprofondeur d'un Cavalierdepuis S.Albert jusqu'à Monthullin.Le cartier de Buquoi n'avoit pas cet avantagemais il ne laissa pasde poursuivre vigoureusement sa pointe.

L'Archiducchoisit l'avantveille de Noel pour livrer un rude assaut à laVillequi n'etoit pas encore bien remise de son alarme& quisouffroit beaucoup dedans & dehors. Son Alteze parut àcheval vers les quatre heures sur la place-d'armespour donnerluimeme le signal. Il tint conseil de guerre dans la Hutte d'Antunez& il distribua les ordres. Pendant cette assemblée unebombe tombant à quelques pas de là tua 15 personneselle fit un grand fracas parmi les loges des Vivandiers& ellen'epargna qu'un enfant au berceauqui fut trouvé sain entretant de morts & d'estropiez. Le signal etoit deux voléesde canon de Monthullin.

De Veersavoit ce qui se brassoit& connoissant la foiblesse de saplaceil fit battre la chamade au Porc-epic; un Sergeant Espagnolsorti de sa trenchéedemanda ce qu'on vouloit; mais il luifut dit de se retirer& qu'on demandoit un Pourparler de la partde l'Archiduc. Son Alteze i envoia aussitot le Mestre-de-Camp Ribas &le Capitaine Don Diego de Moralvas. Le Capitaine la ContiereFrançoisSergeant Major d'Ostende s'elevant jusqu'à laceinturecria que si l'Archiduc envoioit un Sauf-conduitle GeneralVeer feroit des proposicions agreables à Son Alteze. Toutehostilité cessant de part & d'autreFocheron GentilhommeFrançois qui savoit l'Espagnolfut introduit vers Son Alteze.Il lui fit une profonde reverence& il demanda de quelle langueon desiroit qu'il parlat? il lui fut repondu qu'il parlat sa languenaturellemais succintement& qu'il lui seroit repondu enEspagnol. Il demanda courtoisement une cessacion d'armes pourquelques heures. L'Archiducsans repondrele fit reconduire d'oùil etoit venu. De Veer battit la deuxieme fois la chamade. Focheronrevint avec un Officier Anglois& comme il parla de composicionl'Archiduc promit d'envoier & de recevoir des otages. De Veerenvoia Forfax & Oglei Capitaines Anglois& l'Archiduc MatieuSerrano Lieutenant d'Artillerie& Otanez Sergeant Majord'Antunez. L'Archiduc reçut fidellement les Anglois& illes fit loger chez Don Messia. Mais de Veer en usa en tresmal-honnetehomme avec les Archiducaux. Il fit luimeme donner l'alarme vers lavieille-Ville; & puis se plaignant de l'infidelité desAssiegeansil commanda qu'on eut à reconduire les otages. Leretour de la marée les en empechantil leur accorda comme unefaveurqu'ils marchassent parmi la boue jusqu'au boulevardd'Espagne. Ce fut là que Houtem & Carpentier CapitainesHolandoiscontre le droit des gensqui respecte les otagesleurpresenterent la pipe à fumer & un pot de biered'Angleterrece qu'ils refuserent avec indignacion. Il survint unCapitaine François nommé S.Hilairequi excusant labetise des Holandoisconduisit les otages à la demieluned'Orientpour etre mis sur le sable& pour etre consignez auxsentinelles du Fort de Bredené. S.Hilaire leur offrit lacollacion à la demielunemais ils l'en remercierenthonetement. Surquoi ils furent consignez au Comte de Buquoi.L'Archiduc les renvoia le lendemain; de Veer les fit introduire parla Contiere. De Veer les reçut& il les traitamaisd'une maniere indigne d'un Chevalier & d'un Cretien. La table sepassa en railleriescontre les Assiegeans & contre le PapedeVeer fut meme si infame que de les railler au sujet du jeune qu'ilsobservoient à l'honneur de la naissance de leur communSauveurdont ils etoient à la veille. Tout ce qu'il leur fitd'honnetetéfut de les conduire à leur hotel& demettre des gardes à leur porte sans parler de composicion.

L'inhumainne pretendoit que de gagner du temsen effet le jour de Noëlle secours de Zelande parut à la rade d'Ostende. L'Archiducrenouvella le commandement de l'assaut; mais il ne voulut jamais rienfaire contre sa parole& il traita les otages Anglois avecbeaucoup d'honneur. De Veer fit faire ses excuses& il essaia detirer en longueur jusqu'à ce que tout son secours fut arrivé:car il n'avoit encore reçu que 150 personnes de marine.C'etoit un plaisir que de voir les Assiegez & les Assiegeanss'entrecaresser durant la cessacion d'armes. Les François s'iprirent à leur ordinaireavec beaucoup d'honneteté;les Officiers de part & d'autre apportoient leurs plats &leurs flaccons& ils s'entrefestinoient en bons amis. Il n'i eutque les Holandois qui manquerent à la bienseance qui n'est pastrop grande; on ne peut pas leur faire ce reproche à l'heurequ'il est. Un nommé Coenle se dechainant avec trop d'impudencecontre la Religion Catolique & contre l'Archiducpensa s'attirerune brusquerie; le Capitaine la Rochelle Bourguignon eut la mainlevée pour lui couvrir la joue& il n'i eut que le droitd'hospitalité & la presence des autres plus civils que cebrutal Coenlequi la lui fit suspendre. L'Archiducquoique bienavisé du mauvais traitement qu'on avoit fait à sesotagesne souffrit jamais qu'on fit le moindre outrage à ceuxde De Veer. Il savoit trop bien que l'honneur reside dans celui quile rend& non pas dans celui qui le reçoit. Bien loinilles fit traiter somptueusement& joieusement. Il les invita aujeu. Oglei i aiant perdu quelques nobles-à-la-rose& n'enaiant pluson lui en presenta 200 pour continuer le jeu.

La Treven'etant que par terre& nullement par eauVelasco pointa degrand matin ses bateriespour accueillir le secours de Zelande. DeVeer amusa le tapis aussi lontems qu'il sut que le secours n'etoitpas entré; mais dez qu'il aprit qu'il i etoit entréilcongedia ses otagesen leur avouant franchement que tout ce qu'ilavoit fait n'avoit eté que pour gagner du tems& qu'ilcroioit que ce stratageme ne lui etoit pas defendu. Serrano futrenvoié& Otanez fut retenu pour assurance des otagesAngloisqui etoient encore au camp& qui furent tous reconduisrespectueusement. Les Holandoisà leur coutumechargerentles Assiegeans de brocardssans grace & sans sel. Mais Buquoiles eclaircit bientot de son canon. La premiere volée emportale Capitaine Jostei& onze soldats.

Lelendemain jour S.Etiennesur les huit heures matinles Assiegez serevangerent par tirer au beau milieu du cartier d'Antunez. Ilstuerent Don Diego Mendez de Ribera Espagnol Reformé qui disoitbien devotement son Chapelet& une vieille qui allumoit le feu.Tout ce qu'il i a de gens d'honneur condamnerent la supercherieMachiaveliste de De Veer& louerent le procedé del'Archiduc& sur tout sa moderacion au milieu d'une infinitéde gens qui se dechainoient contre cette fourberie. FocheronGentilhomme Françoisqui avoit eté emploié àla ruseen fit ses excuses à l'Archiducil protesta de sonignorance& il querella depuis de Veer de l'avoir ainsi sacrifiéà sa malhonneteté. Les mauvais tems& les dangersextremes avoient debandez quelques Archiducaux du coté deLille & de Courtrai& ils etoient sur le point de s'emparerde quelque placepour se mettre à couvert de la justice; maisla prudence du Comte de Solreque l'Archiduc i envoiales remitdans leur devoir.

Buquoiconnoissant bien qu'on assiegeroit vainement la Ville aussi lontemsque le passage seroit ouvert au secoursbatit un Fort pour endefendre l'entréenonobstant la jalousie de quelquesEspagnolsqui crioientà l'assaut general& quipretendoientque pour vanger leur nacionon pendit Veer au plushaut du rampart. Cet ouvrage couta la vie à 100 personnesavant d'etre mis en sa perfection. Comme c'etoit l'invencion del'esprit du Comte Charle de Buquoi& le fruit de ses veillesillui donna son nom de Charle. Le premier exploit de ce Fort furent 12Batteaux qu'il coula à fondou qu'il rendit inutiles. De Veerfit entendre en Holandequesi la mer ne demolissoit ce FortOstende alloit se perdre& il ne se trompa point dans sonpresage.

Nous voicien l'an 1602. Cette année eclata par des vens aussi nuisiblesaux Assiegez qu'aux Assiegeans. Etant portez de l'Occidentilsremplirent la Ville d'eau& les trenchées desArchiducaux. Le boulevard de Zantil fut le plus ebreché. LesAssiegeans en prirent beaucoup de courage& l'Archiducaprezles avoir animez avec eloquence designa le septieme Janvier pourl'assaut general. De Veerqui s'i attendoitn'en fit pas moins deson coté. Les trente volées de canon etant finies aucamples Archiducaux marcherent avec une extreme resolucion versl'ennemi. Nonobstant les tenebres de la nuitqui regnoient&qui ont coutume d'inspirer de la fraieurle Comte de Fresin donnal'alarme aux Quarrez ou Poldersavec DurangoValterraNavarroLimon& Villalobos qui commandoient sous ses ordres. De Veer fitallumer tant de fallots sur les ramparsque la nuit sembloit etreconvertie en un plein jour; ce qui rendit l'artillerie des Assiegezfort fatale aux Aggresseurs.

LesCapitaines Pelousei & de Haionsavec leurs 300 Bourguignons &Valons trouvent l'ouvertureoù ils doivent donner de forcebouchée d'une demielune& à la defencelesCapitaines de Roulle & Otenhovenqui abatent trente de leursmeilleurs hommes. Durango donna furieusement sur le Zantil; mais il itrouva une forte resistance du Chevalier de Veerqui i etoit postéavec douze compagnies. Le Chevalier Gambaloita attaque lavieille-Villemais il trouve sous les armes le Colonel Loon avec lesCapitaines Hafton & Pitan. Brusadoro tira sur la gauchemais iln'i trouva pas moins d'obstacle. On se battit à outrance danschaque endroitmais le plus grand feu fut au Zantil. Ce qui troublale plus l'entreprisefut que les Capitaines GesanCoin & Prellene purent passer le canal acause de la profondeur des eaux.

Le plusheureux & le plus brave fut le Chevalier Gambaloitaqui avec sesItalienspassa au travers des piques ennemies& qui gagna lehaut du Boulevard Scotembourg; il alloit entrer par là dans laVillequand de Roque voiant que Gesan & les autres ne pouvoientpas passer le Canal& parsuite que sa presence n'etoit pasnecessaire à la Table-de-Moïsequi en etoit defendueaccourut avec ses François à Scotembourg; Gambaloita ifut tué de plusieurs coups. Les Capitaines Pelousei &Haions & l'Enseigne Nardinqui escaladoient dejà laCourtinefurent renversez par ces nouveaux venus. Haions eut le brascassé d'une mousquetade.

Pendantqu'on se battoit au Zantil& à la vieille VilleBuquoiqui couroit par tout à chevalenvoia le Capitaine Gantoiepour donner sur le Nid-de-Cigne. Gantoie en cotoiant le canalpourattaquer le Fortperdit un Sergeant& quelque douze de ses 150Bourguignons & Valons. A 200 pas du Fortun Irlandois vint serendre ; mais comme il avoit buon ne put rien aprendre de positifde lui. Gantoie monta le Fortmais il fut renversé àgrands coups de piques. Parmi ces piquiers se trouvoit un Françoisnommé l'Etang. Il etoit un de ceux que les Holandois avoientmieux aimé de faire euxmemes perir de leur canonque de lesvoir entre les mains des Archiducaux. Pour reconnoitre le bontraitement que les Bourguignons & les Valons lui avoient faitils'ecria: par la porteMessieurspar la porte. Fournai & ChalaiGentilshommes Françoisles Capitaines Belin & BonoursleSergeant Martin& cinc Valons accepterent l'offre que l'Etangleur faisoit. Il les conduisit à une petite porte joignant lecanal qui coule vers Bredené ; un coup d'epaule en fit laraison. Huit soldats i accoururent; mais ils prirent aussitot lafuite. Un soldat mettant le feu à une vieille piece quidefendoit cette portetua trois Valonsbrisa la jambe àl'Etang& blessa mortellement le Sergeant Martin. Bonours eut sapique tronçonnée rez du poing& la garde de sonepée toute froissée. Ce coup deconcerta le reste.Bonours & Belin trainant l'Etangfaillirent d'etre pris. Gantoien'etant pas plus heureux de son coté: acause des acroches despallissades & de la profondeur du fossé: fut pareillementobligé à la retraite. A peine remenat'il vingt hommes àS.Charleoù le Comte de Buquoi leur ordonna de se rendre.

Cependantle combat s'echaufoit au Zantil. La presence du General Veercontribua beaucoup à la resistance des siens. Il n'i eut quele commandement de l'Archiduc qui arracha les siens du carnage&qui leur fit repasser le canal. Les plus remarquables d'entre lesEspagnols qui demeurerent en cette attaque furentGamarraNavarro.Villaloboslos GoviosAndré de MoraltaFrion& Ximenezfraichement venus d'Espagne. Quinze Enseignes ReformezPeñaVeraLunaQuiñonesMartinezMoriaLosadaOrnoquezunautre MoriaFernandez&c. Sous Durangoperirent ou furentblessezdu Sautde Marde Pentald'Aionvillede MaureoldePeautacde Fouvergede Abrignesde Polignon de Neuville& deVerdales Gentilshommes François. ProuvainMerodeBelOEilFontaineLonginBeillart de WitzGentilshommes Belges Volontairesi furent pareillement ou blessez ou tuez. Peinberg Baron Alemandifut tué. Verdatiere & Real Gentilshommes Savoiardsifurent blessez. De la Cavalerie furent blessezVerdugoCoradinolaVolaineRemond& AntoineCapitaines qui se melerent parmi lesgens de pié. Les blessez d'entre les Espagnols furentDurangoZavallosCardenezFonsecaRuizAguilaVelésSalazarZapataVillarealMendezUrtenasMendoçaAlbornosPeraltaBenacasarDiez & Alvarez. Des Italiensmoururent GambaloitaPepoli dont l'ennemi refusa de rendre le corpsCusanoFranconelliMalatestaPulciniMiniatiLavagni Schalatous Gentilshommes. Les blessez de la meme nacion furentle Comte deS.AngeMorelliSalviatiUrsinoScipionCoraliLavagieraBonorsiAlaniCapaniCrivelli. SangroSimonetiGranGigara&Vercellino. Du Regiment de Varanbon furent tuezNardinS.AudrindeJoume& de Gerimont Gentilhomme Ardenois de Monpleinchamp prezde Neufchateau. Les blessez furent MalazanS.Maurizdu FourdeLaveidu Pontde Liambois& Aubichet.

Des Valonsfurent tuez sur la placele Capitaine Mougard. les Enseignes Petit &Mandieules Sergeans la Gourme & Petitval. De diverses nacionsmoururentS.MartinGenoiePipemontVillersAubincourtHandoieCourieres-d'Aflize; PopelinMarillainedu BreuApelghemAvesbainNonainvilleMarliezTotincourttous Gentilshommes. Les blessezfurentHaionsBourvilleGlaicourCourtauAssenaidu HarPierrepoixSalmierHautebroied'Ava1MolLiranciSalemalGoursei& Putrainci.

LesAssiegez perdirent leur General d'artillerieles Capitaines Kol &Hafton; les Lieutenans Hafton& Motmans; Spelt Enseigne; Pima &Grivet Commis d'artillerie; LavalPetitpont & Belghem Sergeans.PerautHercourt& Brueil Gentilshommes François bienestimez. MortingamBeldelGrei & Barquam notables Anglois.Grita Gentilhomme Frizon. Enfin ils eurent 230 tuez& 300blessez selon le rapport d'un soldat qui le lendemain vint se rendreau camp. Ce rendu decouvrit aussi qu'un homme du camppar sonintelligence avoit eté cause qu'on n'avoit su passer le canalcar ils avoient retenu la marée& puis ils l'avoientlachéeau tems que les gens de Buquoi furent sur le point depasserce qui en moins d'un quart d'heureavoit extremement grossile canal& l'avoit rendu ingaiable. L'Archiduc fit chanter unmagnifique service à Neuport pour les morts& il ordonnades remedes pour les blessez avec la derniere charité. LesHolandois firent fort valoir cet avantage; mais leurs mensonges &leurs insolences les decrediterent auprez de la posteritéquien rabatit plus d'un tiers.

De Veeranimé du passé pour l'avenirprofita de la desolaciondu camp ennemi& connoissant trop que la digue verte empechantl'entrée au secourslui seroit enfin desastreuseil n'omitrien pour la detruire. Il trouva un François nomméGuerin de Boissefavorable à son dessein. Guerin convint pourune Lieutenances'il echapoit& pour une recompense à lajeune femme qu'il venoit d'epousers'il i demeuroit. A dix heuresd'une nuit obscureil decend avec deux barquetes; l'une etoitremplie de feux d'artifice propres à bruler la diguel'autren'avoit que deux rames& quelques crochetspropres à sesintencions. Il avoit une epée courte en echarpeune dague auxreins& deux pistolets de pocheil n'etoit accompagnéque de deux bateliers adroits. A la faveur de la haute marée& d'un bon ventil arrive à la digue. Les sentinelles sereposant sur la hauteur de la maréese promenoient àpas redoublez pour s'echaufer. Etant à deux piques du lieuqu'il avoit desseinéil demeure dans une des barquetes&il fait avancer celle où etoient les matelotsau bout desgrans pilotis. Abandonnant sa barquete aux vensil arrive selon sessouhaits. Le premier sentinelle s'amusoit à chanter. Quand cechanteur negligeant & promenant lui eut tourné le dosilacrocha sa barquette artificielle à la digue. Le sentinellesentit le bruitil s'abaissa pour en voir la cause& au memetems de Boisse lui brula la tete d'un de ses pistolets de poche.

Tandis quel'alarme se donne aux cartiersde Boisse met le feu à sonbateau artificiel; & malgré cent mousquetadesil regagneà la nage la barquete des bateliers qui l'attendoit; il passeà Ostende& il contemple à loisir le feu qu'ilvient d'excitermais il n'eut pas toute la joie qu'il en esperoit.Le Mestre-de-Camp Suarez qui commandoit la trenchéeacourutau dangeril essaia de detacher la barquete incendiairede ladigue; mais il en perit tant dans cet effortque personne n'osoits'i hazarder. Neanmoins un Jean vanden Bergh entreprit de faire cedetachement difficile & dangereux. Il se depouillail se jettadans l'eau& en se moquant de cent canonades& de millemousquetadesil arracha l'ancre assez legerequi affermissoit labarquete& qui la tenoit attachée à la digue. Desgens apostezà force de chainestrainerent la barquete surla greve. On retrancha à coups de haches ce qui etoit dejàembrasé& par ce moienl'on empecha les progrez del'embrasement. La barque etant au bordjouamais inutilement.Cependant comme il en sortoit un petit enferon conclud le bonheurqu'on avoit de l'avoir arrachée de la diguequiinfailliblement auroit eté reduite en cendres par lamultitude& par la malignité de ces feux infernaux. Nousavons vu l'image de cet enfer flotant dans la machine que la Franceemploia pour bruler le pont de Filisbourg assiegée de CharleDuc de Lorainecinquieme du nom& qu'elle eut le deplaisir devoir inutilement s'evaporer au bord du Rhin. Felicitons cependantceux qui ont l'honneur de porter le nom de vanden Bergh àBrusselle.

Le feuavoit dejà tellement gagnéqu'on fut trois jours sanspouvoir l'eteindre; cette action couta aux Archiducaux 80 morts&136 blessezdont les plus notables furentles Espagnols SerronOliveraUrqueras & ValdemarPusterla & Papi GentilshommesItaliensmanquerent d'etre suffoquez de la fumée.

Si cetteentreprise ne donna pas tout le plaisir esperé aux Assiegezils eurent dequoi se consoler du secours que le Colonel de Marquetteleur conduisit. On crut que de Marquette etoit envoié pourcontrebalancer l'arrogance de Veer. Ce Marquette au reste est fameux:parceque c'est lui qui a rendu la ville d'Ostende àl'Archiduc. Il ne perdit que trente hommes en entrantparmi lesquelson contoit le Lieutenant Bertol& l'Enseigne le Roiàqui un coup de canon arracha le drapeau des mains. De Veer enfléde ce renfortfit passer sa garnison en revue; & elle se trouvaforte de 5825 soldats effectifs. Il fit sortir trois bateaux debouches inutilesqui etant tombez dans la puissance du Comte deBuquoien experimenterent la courtoisie. Ce fut ce qui acheva de luigagner tous les cOEurs.

A lami-Fevrier deux François sortis d'Ostendese rendirent auCapitaine de Mortagne; & pour se vanger d'un Lieutenant Angloisqui les avoit maltraitezils s'offrirent de l'accabler. Mortagneaprez avoir pris ses assurancesde l'aveu de Don Messialeur donna50 Bourguignons sous l'Enseigne la Pierre. Vertierl'un de cesTransfugesavec cinc Bourguignonsentre au quatrieme carréou Polder; le reste le suit. On fait main basse sur toutà lareserve d'un Sergeantqu'on garda pour en prendre des instructions;mais il mourut de ses blessures en chemin; & les Archiducauxrevinrent de leur expedicionsans avoir perdu un seul homme.

De Veerconspirant avec les tempetespensa detruire le Fort S.Charlequilui etoit le plus incommode de tous. Tandis que Buquoi racomode ceFortle Colonel Emond conduit un puissant secours à Ostende;& il fut bientot aprez suivi du Colonel Dorpqui i entra sur lafin du mois de Fevrier.

Le Comtede Buquoipour aprendre à fond l'etat des Assiegezsubornason Trompette. Ce Normandsous couleur de prendre les ecos le longdu canalattiroit de ses compatriotes; il en vint le lendemainjusqu'à 60. Buquoipour oter aux Assiegez toute sorted'ombragefit passer le canal à quelque Cavaleriequi tua &qui dissipa ces bons amis. Cependant le Trompette observa laprofondeur & le bord du canalpour favoriser le dessein de sonmaitre; ce dessein etoit suggeré d'un galerien Turc. Ilconsistoit à imiter ceux de Malte& à attacher àl'ancre de gros cablesenfilez de tonneaux videsqui venant àfloter avec la maréeempecheroient le passage des batteaux.Mais les vens & les flots de cette merbien differens de ceux dela Mediterranéeemporterent cette machinequi servit derisée & de triomphe aux Assiegez.

Ilsn'avoient pas cependant tout le sujet du monde de s'en glorifier:puisque si ces tonneaux n'empecherent pas entierement l'entréedu secoursau moins en rendirent-ils l'accez fort difficile; &jamais secours ne fut plus mal-mené que celui qui se hazardale premier. De quinze batteauxil n'en entra que trois. Le reste futou coulé à fondou prisou rendu inutile. Ce malheurleur arriva au commencement de Mars; & comme les maux sontenchainezil fut suivi d'un second: car un Transfuge aiant donnéavis à Buquoique de Veer faisoit travailler auprez duFlamenbourgil i fit pointer son canonqui tua le Lieutenant Korbl'Ingenieur Colin& deux Charpentiersque Veer auroit vouluracheter pour 2000 ecus. Tant ils lui etoient necessaires; cesdisgraces furent adoucies d'un puissant secours que les Assiegeans nepurent arreter. Il vint au meme tems un ordre à de Veerde lapart du Comte Mauricequ'il eut à partir incessamment. LeGouvernement fut donné au Colonel Dorpqui fut rejoui de deuxbons secours qui lui firent la bienvenueavant que le mois de Marsne fut ecoulé. Le Comte Maurice fit relever Colin parl'Ingenieur Vautier Brulé Gentilhomme treshabile. SnuitJarniz & quelques autres Angloisfaisant les doubles traitresmanquerent de faire donner les Assiegeans dans le panneaumais laprudence de l'Archiduc eluda leurs impostures& le bonheurvoulut qu'une lettre interceptée de Calaisdecouvrit &dissapat toutes leurs perfidies.

Albertsachant que le Comte Maurice tenoit la campagnelaissa la conduitedu siege d'Ostende au Mestre-de-Camp Ribas& il se tint àGandpour veiller aux operacions. La Garnison d'Ostende se montoit à7086 hommes. Albert bien loin de fortifier son campfut obligéd'en faire un detachement& d'en faire un camp-volant dans leBrabant sous la conduite de Mendoçe Amiral d'Arragonquiaiant eté pris à la bataille de Neuportne venoit qued'etre elargi. Ribas n'eut qu'onze mille hommes pour continuer lesiege. Trois cens hommes de Recruesqui vinrent aux Valons& unRegiment de Liegeoisque le brave Comte de Tilli i conduisitrelevale cOEur des Assiegeans.

Lesdeserteurs Archiducaux alloient desoler la Flandremais la prudencedu Comte d'lsenghien Majordome de l'Archiducles remit tans ledevoir: cet Isenghien est l'Ancetre du Prince de Mamine & de Gandd'aujourd'hui. Un Ingenieur nommé Prevostqui jusques alorsne s'etoit pas aquis bien de la reputacion au campse rendit fameuxpar l'invencion de certains rouleauxqui servirent à couvrirles travailleurs& à former des ouvrages. Il fitcharpenter comme des jantes de roue de moulinqui par le moien desmortaisesfaisoient un cercle de 15 piez de diametre. Trois de cescercles separezsix piez l'un de l'autreetoient remplis desaucisses longues de 23 piez; ces saucisses etoient coignéesde bons plançons de jeunes chenes ; de maniere que toutn'etoit qu'une masse. Les ouvriers rouloient ces machinesquitenoient du tonneausans peine& ils travailloient derriereentoute securitésans que le canon leur nuisit.

RenaudvilleIngenieur François animé du succez de Prevostoffritl'invencion de certaines balles qui etant dans des ramparts de terreferoient de prodigieux effets. On en fit l'epreuve; mais on vid queces ballespour la pluspartcrevoient avant que d'arriver au terme.Celà n'empecha point que l'Archiducqui se trouvoit indisposéà Gandne fit conter 300 ecus à l'lnventeur.

Le 25 Juinil entra dans Ostende un puissant secours. Cette mechante nouvellepour les Assiegeans. fut suivie d'une autrequi n'etoit guere moinsfacheusesavoir celle du siege de Grave. Le Gouverneur Dorp seservit de deux grans fripons pour surprendre les ouvrages les plusavancez des Assiegeans; l'un se nommoit Jean Landouillené àLille& l'autre etoit un Irlandois nommé Cublin. Ribas seservit de leurs doubles trahisons pour jetter les Assiegez dans lepiege. La precaucion que les Assiegez eurent d'envoier reconnoitre &de sacrifier le Lieutenant le Queneavec 30 hommesempecha un grandmassacre. Outre une infinité d'instrumens de surpriselesAssiegez i perdirent 200 hommessans conter un grand nombre deblessez. L'expedicion manquée & finieRibas fit pendre àune grande & double potence les deux friponsle Lillois &l'Irlandois. Dorpqui s'etoit dejà vanté aux Etats deHolandede son entreprisecomme d'une chose faiteen fut siindignéqu'il demeura deux jours sans manger. Et pour s'enrevancheril fit pendre trois innocens soldats du Regiment du Comtede Fresinque ses sauteurs avoient pris depuis peu. Il passa lereste de son chagrin par un secours de 40 vaisseaux qui lui vinrentle 26 Aout. Le Colonel Brienen Conducteur de ce secourseut lemalheur d'avoir la tete emportée d'un coup de canonqui luifut tiré du Fort S.Charle.

Le ColonelCatrizgueri de sa blessurerevint au camp& il commençad'abord à faire sentir sa presence par suborner un de sessoldatsLorain de nacionnommé Fourbier. Cet adroit trouvamoien d'examiner le Fort & le foible de la Ville d'Ostende&il eut le bonheur de faire son rapport à Catriz. Il seroitsans doute venu à bout des carrezou des Poldersqui etoientnegligemment gardez& dont Fourbier avoit examiné lesavenuessi quelques Espagnols jalouxqui traitoient Catriz desecond La Berlotn'eussent traversé son entreprise. Si lesparticuliers sont blamablesle Chef merite une gloire eternelle.Ribas pourvut si bien au campque nonobstant la peste portéed'Ostendenonobstant l'hiver& toutes les fatigues d'un siegeaussi rude que celui-làil avoit plutot la forme d'une Foirede Francfort ou de S.Germain que d'un camp.

La digueOrientale de Buquoi n'aiant pu s'acheveravant le mois de Novembrefacilita le passage à de nouveaux secoursqui aborderent àOstende. Quelques soldats ennuiez du siege& aprehendantl'aspreté de l'hiverse mutinerent& firent des coursesentre Aix & Duren. La prudence de Ribas mit obstacle auxdesertions& aux mutineries. Ce fut en ce meme tems qu'on penditau camp trois francs espionsqui avoient fort contribué ausoulevemen des soldats rebellesl'un fut Martin Faland Artezienlesecond fut Fremin le Moine de Mons-en-Hainaut& le troisieme futEloi de Montfort d'un Vilage prez de Douai. On decouvrit d'autrestrahisons plus importantesqui ne tendoient à rien moins qu'àla ruine totale du camp ; ces decouvertes convainquirent qu'un OEilextraordinaire veilloit & favorisoit les entreprises del'Archiduc.

LesAssiegeznonobstant leurs secoursetoient extremement reduits parla peste. En trois moiselle emporta 160 Officiersentre lesquelson contoit 27 Capitaines. Dorp ne cessa pas de se servir de la ruse;à cet effetil emploia un Anglois nommé Fevansquimanqua de perdre Ribas& ce fut alors qu'on reconnut combien lesdefiances de Catriz etoient bien fondées. L'intention de cedouble Traitre etoit d'attirer une bonne partie du camp vers lescarrez& de l'i faire perir; & il n'i eut que le Sergeant deCatrizqui s'avança sans en avoir aucun ordre& memecontre la volonté de Ribasqui eventa tout& qui empéchaque mille hommes ne fussent egorgez. On reconnut dez le lendemain quece Fevans etoit un Chartreux ApostatFaux-monoieur&hapelourdes'il en fut jamaisqui avoit dupé plus de 20persones au campà qui il faisoit passer des morceaux deverre pour des pierreries. Qui croiroit qu'on put aprendre toutes cesfilouteries dans une sainte Chartreuse. Ribasqui avoit lieu de sedefier de toutaprez tant de perfidieshazarda sur un Ardenoisnommé Gerard Hubertqui s'etant enrolé dans la villepratiqua la desercion de quantité de Soldats. Ce Gerard luitint parole jusqu'à la mortmais un Espion alla decouvrir sonprojetau Gouverneur d'Ostende; & il fut cause que l'entreprisetresbien concertée ne sortit pas son effet. Les heritiers deGerard furent liberalement recompensez.

Dorppouravoir des nouvelles du campsuborna trois grands friponsunLilloisun Flamand& un Anglois. Ils avertissoient la ville detout ce qui se passoit au campmais un vieux Sergeant Valon nomméle Hurleuxles surprit& Ribas les fit pendre avec leurreceleurqui etoit un Vivandier Tournizien. Gilson eut le mememalheur. Il avoit eté de ces mutins qui avoient rendu le FortS.André. Il exerçoit l'office de Sergeant Major Generaldans Ostende. Comme il essaia de passer en Zelande pour se marierilepousa la corde: car un Soldatqui avoit eté autrefois sonSergeant& qui en avoit eté maltraité; lereconnutil le decouvrit& il le fit pendre. Sa charge futdonnée à Selidos François de nation.

On laissapasser l'hiver sans rien faire de bien considerable de part &d'autre; mais le Dimanche aprez Paque13 Avril 1603Ribas fitresolucion de donner un assaut general. Comme l'on regardoit cetteguerre ainsi qu'une guerre de Religionle Pape avoit envoiéau camp des Indulgencesqui furent reverées & embrasséesdes Archiducauxautant qu'elles furent jouées dans Ostendesur tout par un Ministre nommé Dalerqui etant venu dePomeranie avec deux jeunes Baronsy trenchoit bien du Patriarche:voici l'ordre de l'ataque.

Le Baronde Balanson etant à S.Andréfit avancer le CapitaineErard Gendron & son Enseigne Colonel de Motonneau-delàde la gabionadepour avoir l'honeur de voir les premiers l'ennemi.La Malaise Lieutenant Colonel du Comte de Tilli donna le meme ordreau Capitaine de Brand avec ses Liegeois. Ces troupes marcherentseparées l'une de l'autreenviron 200 pas. Gendron etoitprecedé de Gibomede Clevanges& de Du ValGentilshommes Lorains; de Morandde Tallaide Duchataude Horel&de Bretonier Gentilshommes François; de Belin& deBonours Gentilshommes Bourguignons. Ces dix avanturiers armez depiquesavoient ordre de surprendre les sentinelles du Fort surnoméle Fer-à-Chevalqu'on alloit ataquer. Mais une lueurquisortit du Porc-epic decouvrant les aggresseursles sentinellesprirent la fuite& donnerent l'alarme. Trois sentinelles sejetterent au Canal. MorandBelin & Benours les poursuivirent àcoups de piquesmais ils ne purent empecher leur passage: unepalissade basse & ferée acrochant leurs habits. Morand ireçut une mousquetade à l'épaule. Gendronresolut d'ataquer le Fer-à-Chevalqui etoit defendu par desSuissespar des Anglois & par des François. Tandis queGendron range ses mousquetaires le long de la contrescarpepourfaire feu sur ce qui paroissoit au-dessus du parapetl'EnseigneMotonneavec ses piquierscherche passage au pié du rampart.Les dix avancoureurs se coulerent le long d'une palissade plantéesur une petite diguequi conservoit l'eau du fossé. LesFrançois essaierent de la rompre ou de l'aracher ; lesBourguignons passerent au-dessus avec l'assistance de quelquesSoldats. Cependant le Capitaine Brand donnoit avec ses Liegeoiscourageusement sur la droite. Une pluie le favorisoit: parcequ'elleempéchoit que les mousquets ennemis ne prissent feu& iln'avoit que des piques à essuier. Gendron & Motonneavecle gros des mousquetaires & des piquiersessaierent de joindreles braves qui avoient franchi la palissade ; quelques-uns d'eux senoierenten voulant passer le fossé; Gendron tacha defranchir la palissademais il ne le put: à cause de ses armesfortes& que deux de ses Soldatsqui le soulevoientfurenttuez à ses cotez. De bonheurTibau Bouletson Sergeanttrouva une porte derobéequi leur donna l'entrée. Labanquete etant large de dix piezGendron avec ses gensse mit endevoir de monter dans le Fortoù il lui deplaisoit que lesLiegeois l'eussent precedé.

Brand &Vatelet surnoméNette-bouchegagnerent une petite levéede terre attachée au rampart& làsecourus dequelques braves Gentilshommesils tinrent ferme contre toute lafureur des Suissesles Gentilshommes à qui l'on dut laconservacion de ce poste& la conquete du Fortetoient pour lapluspart des BelgessavoirGlimeBerloFarisonCupisautrementCamargoHautemSalmirBonnesVillartBologneHartiesNouvillePileghem & Roudes. Il s'i trouva trois Françoisvolontaires nouvellement arrivez au siegenommez FranqueretClairmont& Mortignac; & trois vieux soldats Valons fortbravesde FabertValentiz & Morogne. Ils avoient en tete troisSergeansTimotée Sail SuisseIsaac Leri AngloisLa LandreFrançois. Les autres Officiers faisoient bonne chere àOstende. Gendron s'impatientoit de son coté: parceque le lieuetoit inaccessible. Enfin deux eschelles lui aiant eté passéesau travers du fosséil en prit une& Bonours pritl'autre. La Landre vint avec 12 de ses Françoispour empécherl'escalade& Leri avec quelques Anglois. La Landre distinguéd'un pourpoint blancs'attira bien des coups pendant la nuitsansabandonner le haut. Le bonheur des Assaillansfut que les armes àfeu des défenseurs ne leur firent presque pas de malacausequ'etant obligez de tirer en bas& ne prenant ou n'aiant pas letems de bourrerles balles descendoient du canon. Par une raisontoute contraireles Attaquans qui montoienttiroient à coupssurs. Timotée avec ses Suisses tenoit tete valeureusement deson coté; & Brand commençoit à souhaiter lesecours des Bourguignonsquand un plaisant Liegeois dit un mot quideconcerta autant les Aggressezqu'il encouragea les Agresseurs.Gendron n'etoit pas encore en terme de passerneamoins le Liegeoiscomme s'il 1'eut vuse prit à criercourage MessieurslesBourguignons ont forcé l'autre coté& ils viennentà nous. A ce motBrand fait de nouveaux efforts& lacrainte du renfort amollit les Suisses. Un Bourguignon fit àpeu prez le meme effet du coté de Gendron: car ce Bourguignonaiant dit à Gendron que les Liegeois alloient etre vainqueursGendron s'elança sur le parapet& il s'i tint àgenoux. Au meme tems deux coups de piques le renverserent de haut enbas. Motonne prit sa place& il donna le tems aux braves degagner la hauteur. Bonours montoit sur la 2 echelle quoique blesséau brasau couà la joue& à la tete d'un coupde marteau ; mais son echelle fut renversée. La bravoure de LaLandre fut admirable; ses gens etoient presque tous tuez&neamoins il persistoit à se defendre en lion; & il n'i eutque le mousquet de Gradion Bourguignonqui mit fin à savaleuren lui brizant la cervelle de deux balles. Sa mort decourageale reste. CependantBoulet Sergeant de Gendronà la tete de12 bravesattaqua Leri Sergeant Angloisqui combatoit à ladroite& il le renversa de trois coups. Cette chutte fit tomberle courage aux autres Anglois. Celà faitMotonneBonours &15 autres allerent donner la main aux Liegeoisqui avoient toute laforce des Suisses sur les bras. Mais comme on ne se reconoissoit pascelà fut cause qu'on se donna quelques coups de part &d'autre. Il n'i eut que le mot du combat qui etoitFilippe&l'accent Liegeois & Bourguignonque les discernerent& quifirent cesser les coups aveugles. On ne prit aucun drapeau parcequeles plus habiles aiant passé le pont du canals'etoientsauvez dans la contrescarpe d'Ostende. Les trois braves Sergeans ilaisserent la vie avec deux Gentilshommes Angloisnommez Goband &Trei& avec cent Soldats. les Archiducaux perdirent LessanGentilhomme BourguignonMonchier Sergeant& I'ApointéAvisé. Les blessez furentDu Chateaudeux BelletombeGentilshommes SavoiardsMorelGlun & Oreillardqui servoientdans Balanson. Les Liegeois perdirentHartiesBologne&Velbart. Il i perit Roart Gentilhomme Flamand& la Foret Lorainvolontaire. Les blessez Liegeois furentde Brand& Vatelet. Lesblessez Belges furentde GlimeVillartFansonHautemVilletteCamargoLe QueuxBellegarde& trois Françoisvolontaires.

Ce Fort entoutne couta à l'Archiduc que 30 hommes noiez ou tuez.Pendant que les Bourguignons & les Liegeois de Tilli se rendoientles maitres du Fer-à-chevalle Capitaine de Villeavec sesBourguignonsle Capitaine Rouville & le Baron de Lietrebeaufrere du Colonel Catrizavec leurs Valonsalloient attaquer lePolder carré. Aprez avoir erré quelque temsils virentenfin venir à eux le Plessiz entrepreneur Françoisquil'epée blanche à la mainles conduisit le long d'unepetite digue entre les fossez à la porte du coté de laVille. La compagnie de Pascal le Ducsurnommé les nouveauxGueuxi etoit en garde. Pascal faisoit bonne chere en la Ville&il i avoit laissé Prichet son Lieutenant. Ce Prichet fut tuéavec dix soldatsdez qu'on entra dans le Fort. L'Enseigne sauta dehaut en bas avec son drapeau; mais Renaud Hollet Gasconqui servoitdans le Baron de Lietre le poursuivitle perça d'uneestocade& rapporta son drapeau. On en tuaà la chaude60& l'on en blessa 18qui furent faits prisonniers. L'Archiduci perdit Beaujeu & Montaubri Gentilshommes FrançoisVolontaires; BlaigneauCoras & LouvilleGentilshommes Valons &20 soldats. Les blessez furent le Sergeant la Minedu Roc & laPoterie Gentilshommes François; Bonain&Mortai-Blaincourt.

Tandis queles Valons & les Bourguignons se rendent les maitres du Poldercarréceux du Regiment de Frezin ataquent le grand carrégardé par Cobbé& par BorghCapitaines Anglois.Les Capitaines Neron & Batelle& Tarsiz Enseigne de Catrizen taillerent en pieces environ 200dans l'abord. De ce nombre etoitle Capitaine Borgh & Jorel Lieutenant de CobbéFroiman &Stalberi Enseignes; PretonMés & Jounai Sergeants; Gribel& Teiton Gentilshommes. Dorp fut extremement surpris d'aprendrela perte de ces trois carrez importans; & la Ville en fut sialarméeque 2000 soldats bien conduits & bien resolusl'auroient emportée d'assaut. En effet un Sergeant Liegeoisnommé Poncelet Leronl'un de ceux qui avoient pris leFer-à-chevalen etant sorti lui onziemeà lapoursuite de ceux qui se sauvoient avec les drapeauxentra bienavant dans la contrescarpe de la Villesans i trouver de laresistance ; & il i entra si avant qu'il se trouva bienembarrassé de son retour.

Dorp unpeu revenu de sa surpriseenvoie le Capitaine Rosdorf avec 200hommespour regagner le Fer-à-cheval; mais Rosdorf n'i revintpas& ses gens ne retournerent qu'en confusion. Cette attaquecouta la vie au Sergeant Bonte& à sept soldats; vingtfurent blessez. Aprez Rosdorfdeux troupes Françoises duRegiment de Betune vinrent renouveller Patraque. Il i avoit si peuqu'on s'etoit rendu les maitres de ce Fortque les deux echellespar où l'on i etoit entréetoient encore dressées.Le Capitaine du Boisqui conduisit la premiere troupe Françoises'en servit& le Lieutenant Locheresqui conduisoit l'autreientra par l'ouverture des palissades. Vateletquoique blesséfit tete à Locheres; & Bonoursavec trente autresresista à du Bois. Ce fut alors qu'ils se servirent bien àpropos des marteaux à longs manchesqu'ils i trouverent&dont les Hollandois s'etoient servis à la premiere ataque. LeCapitaine de Maisau du Regiment de Balanson& le Capitaine deVille de celui de Tillivinrent au secours bien à-tems: carLocheres renforcé de vingt hommesque le Sergeant Louffin luiavoit conduitsetoit dejà dans le Fort; mais la vue des deuxCapitaines l'en delogea. Au meme temsle Sergeant Nicaise; qui avoitservi d'espionvint à toutes jambes de la Ville& il sesauva dans le Fer-à-cheval. Les principaux blessez dans cetteseconde attaquefurentS.Bar Volontaire François ; la Merapointé François ; & la Maille FlouinLorain.

Le ColonelJohnpour reparer sa fautedemanda l'ataque du Fer-à-chevalque Dorp lui accorda comme une grace. Gouvarnet Baron François& quelques Anglois demanderent de le joindrepour vangerl'honneur de Delandre & de Leri que John avoit blamezquoiqu'ilsse fussent comportez fort valeureusement& qu'ils i eussentsacrifié leur vie. Dorp esperant quelque chose de bon de cetteemulacionle leur accorda. Le coup de canonqui etoit le signal del'attaqueaiant eté tiréles Entreprenneurs sortirentde la contrescarpe en plein midi; & au meme tems les Assiegeansde la Platteformequi decouvroient toutdonnerent l'alarmeafinque chacun fut sur ses gardes.

LeCapitaine de Roque à la tete de 100 François quiservoient dans Ostendepasse le canalil se rend au pié dufort de Fer-à-cheval sur la droite& il occupe toute labanquete. Les Suisses du Capitaine Eliab Hornstain en font de memeàla gauche. Le Colonel John fut bien surprisquand il trouva le pontrompu; & plus encorequand il se sentit salué d'une grelede mousquetadesqui abatit bien de ses gens. Gouvarnet passa àla nage avec ses François; Johnhonteux de s'en voirsurpasséen fait de meme. Les François & lesAnglois s'entretuerent pour avoir la preseance du passage. De Roque àla tete de trente hommes attaqua le Capitaine Pocobel& il etoiten passe de le forcersi le Capitaine de Ville n'i fut venu avec 40piquiers Liegeois qui pousserent de Roque du haut en bas du rampart.Cette chute pensa le faire crever acause qu'il portoit ses armesfortes.

John &Gouvarnet attaquerent le Capitaine Masiau dans son bas retranchement;mais Masiau secondé du Capitaine de Ville& desBourguignons melez parmi les Liegeoisleur fit tete genereusement.Gouvarnet fut renversé de haut en bas ; le poid de ses armes& six hommes qui tomberent sur luil'accablerent. John enblasfemantse jetta en desesperé au milieu du peril. Liberetsoldat Savoiardle blessa à la gorge d'un coup de pique; Johnreçut au meme tems deux mousquetadesqui le firent tomberroide mort au pié du retranchement. Gouvarnet animé dela mort de son Rivalretourne à l'assaut avec ses François;mais il reçoit un coup de mousquet au defaut du corcelet&un coup de pique au visage. Deux Gentilshommes ses domestiquessemettant en devoir de le retireril le leur defenden disant qu'ilne veut pas manquer de parole au Colonel suisse Johnà qui ilavoit promis d'entrer au Fort vif ou mort; & puisque sa plaieetoit mortelleil les prioit de jetter au Fort son corps vif oumort. Tandis qu'on le desarmeun second coup de mousquet lui ote lavie. La gloire & la vangeance peuvent-elles monter plus haut ? LeCapitaine Hornstainaiant pareillement eté repousséle reste songea à la retraite. Mais la boucherie fut grande aupassage du canaltant de la mousqueterie du Fer-à-chevalquede l'artillerie des Ports voisins qui etoient occupez desArchiducaux. Il en demeura 160& 20 furent faits prisonniers.Outre John & Gouvarneton tua Guichet Lieutenant Françoisle Vereux Sergeant Françoisdu Harlaides Portes &Tovard Gentilshommes François. les Anglois perdirent HocanauLieutenant; Jossei Gentilhomme tres-riche& Lordei SergeantEcossois. Les Suisses perdirent leur Colonel JohnIsac CorbsSergeantPaul MullerJaque Costniz& Daniel Maan. Les blessezfurent le Capitaine de Roquela PlancheVilonson SergeantDupré& Boismignon Gentilshommes François VolontairesdesMarésla LouvierePousselin& DutourFrançoisnotables. Les Anglois blessez furentAmelFrohinGhernerGentilshommes Volontaires; Homans & Tomas Officiers apointez. LesSuisses blessez furentle Capitaine EliabPintz & Brennenlibres apointez.

L'Archiducperdit S.Maurice Gentilhomme BourguignonLurois ou petit PierreSergeant Bourguignon& neuf de la meme nacion. Les LiegeoisperdirentRivet EnseigneLessart Gentilhomme Volontaireun Flamandnommé Baffelghem& cinc soldats. Les blessez furent leCapitaine Commandant de Maiseaule Sergeant Bouletdes Sorbes &Lavei Gentilshommes François & Bourguignonsla Lormevieux apointé. La Huraie Gentilhomme Liegeois& VarlotinSergeant Liegeoisqui mourut deux heures aprezde ses blessures.

Dorp audesespoir demanda une cessacion de trois heurespour retirer sesmorts; ce qui lui fut accordé; l'on emploia soigneusement cetems à reparer le Fer-à-cheval. On rendit le corps duColonel Johnnon pas l'equipage; le Savoiardqui le tualui pritson epéequi etoit tres-riche & travaillée àla Suisse & une echarpe verte d'où pendoit une petitemontre d'or. Ribas le recompensa& il lui promit del'avancementPendant la trevele Capitaine Louis de Ville sedesarmail prit la halebarde de Sergeant & faisant semblant dechercher & de retirer des mortsil decouvrit les endroitsfavorables aux approches que Catriz meditoit.

L'Archiducpour donner chaleur à ses gensnonobstant toutes lesremontrancesvoulut voir le Fer-à-cheval en persone; sur sarouteil fut arreté d'un soldat Bourguignon nomméPierre le Gros& surnommé le Papequi lui presenta unefascineen disantqu'il la devoit porter au Fortcelà etantainsi etabli des Officiers. Don Gaston Spinola premier Ecuier de SonAltessegronda ce soldat & il lui fit signe que c'etoitl'Archiduc. Mais le soldat ne voulut rien demordre; & tenant lameche au serpentinil ajouta intrepidemmentque son Caporal en lepostantn'avoit excepté persone de cette petite corvéefut-il Empereur ou Roi; & puis il ajouta en riant& enalludant à son nom de guerreque le Pape commandoit àtout.

Le bonPrince troussa la fascine sur son epaule& il blama Spinolad'avoir trouvé à dire que le sentinelle s'aquitat deson devoir. Tous les grans Seigneurs qui etoient de sa suiteenfirent de meme. Ils allerent tous mettre leur fascine au fortoùl'on dressoit une nouvelle baterie. On méla confusémentcelle des Seigneursmais celle de l'Archiduc fut mise à part& elle servit de monument eternel à la posteritéqui la nomma la fascine de Son Altesse. Le Prince complaisantdonna quelques bonnes pieces au sentinelle& il prit unsingulier plaisir au bon mot de Papedont ce bon Bourguignon s'etoitservi si à propos.

L'Archiducvisita le Fort& comme Don Roderigo Lasso son Sommelier-de-corpslui eut voulu mettre Pot-en-teteil le refusa; il voulut queBalanson i commandat& pour le respect de son Epouse roialeilchangea le nom de Fer-à-cheval en celui d'Eugenie. Aprez avoirfait ses largesses aux soldatsil passa au Polder Carréqu'il nomma de saint Jeanil nomma le grand Carréle fort S.Filipe& il i laissa le Comte de Frezin pour Commandant. Lessoldats se ressentirent également de ses liberalitez. Ils'enquit singulierement de ceux qui s'i etoient distinguez& deceux qui i avoient eté blessez. Son Altesse voiant leCapitaine Bonours le bras en echarpe& la tete bandéelui donna des temoignages de sa tendresse & de sa magnificence.

Le 25 Mai1603 Frederic Spinola etant sorti de l'Ecluse& croizant sur lamerpour empecher que le secours n'entrat dans Ostendeattaqua laflote Holandoisequi etoit le double plus forte que la sienne. Aprezun rude combat de deux heuresil eut le bras droit & l'epéenue emportée d'un boulet de Canon. Son Confesseur lui aiantdemandé s'il n'avoit rien à lui recommanderil ditjerecomandeà mon Freremes affaires & celles de mon Roi& mon ame à Jesus-Christpour la querelle de qui jemeurs; aprez avoir eté administréil mourut au port del'Ecluse. L'Archiduc perdit 300 braves dans ce combat naval. Cristofede Valenzuola fut fait Amiral à sa place. Le Marquis AmbroiseSpinola aiant appris la mort de ce cher Frereeut besoin de toute saforcepour se soutenir contre la douleur; mais il se consola de ceque Dieu l'avoir enlevé du milieu de la victoire& de lagloirecomblé de toutes les vertus Cretienes &militaires& que le Ciel lui laissoit ses deux bras pour vangersa mort& pour executer ses dernieres volontez.

Dorple 5Juin 1603commanda 2000 hommes de sa garnison dans la contrescarped'Orient; & à deux heures du matin il les fit marchercontre la grande digue qui etoit de tous les ouvrages celui quil'incommodoit le plus: parceque le secours devoit passer à lamerci du canon de cette batteriequi n'i laissoit entrer quoique cefut impunément. Le mot du Guet etoit Flessingue& lamarque pour se reconoitre etoit une blancheur au chapeau. Le ColonelHusemanqui etoit comme le Chefpassa la canal du havreil defit150 Valons & Alemansen moins de rien& il tourna le canonde la digue vers le cartier qui sembloit plus le menacer. AussitotCoinSchore& Icarde Capitaines du regiment de Torrésqui etoient au Fort S.Charlese mirent en bonne defence; & ilsrepousserent vigoureusement Codtuits Capitaine Anglois& laMarche Capitaine Françoisqui à la tete de 200 hommesetoient venus les attaquer assez brusquement. Le Comte de Buquois'opposa vaillamment à ceux qui mettoient dejà le feu àsa digue; & aiant d'abord couché sur le carreau troisGentilshommes François volontairesqui paroissoient les plusresolussavoir SanciPrat & Verdinil fit perdre l'envi auxautres de cette nacion de passer plus outre& meme de s'arretersur la digue. Un Anglois crianttrahisonfut cause que la retraitede ceux d'Ostendequi se faisoit assez en bon ordre au commencementne se fit ensuite qu'en grande confusion. La Cavalerie Archiducalequi y survinten tua beaucoupsans qu'ils songeassent àtourner une seule fois tete; tant la fanfare les avoit epouvantez. Ili en avoit qui se rendoient prisoniers sans savoir à qui;quelquesuns meme se noierent dans des endroits où il n'i avoitque 3 ou 4 piez d'eauà force de chercher azile. Mais le pontqui rompitacheva de mettre ces miserables dans le dernier desordre.Dorp perdit en cette occasion 230 des siens. Sans conter lesprisoniers& les blessez qui etoient en grand nombre& bienqualifiez. Les Gentilshommes MasuresPetimaKraei & Bret furentles principauxde ceux dont on retrouva les corps: car les Assiegezeurent soinpour cacher leur infamied'en retirer quantitéqui ne tomberent pas entre les mains des Archiducaux. Buquoidans lapoursuitene perdit que 30 hommes dont les plus notables etoientMori Enseigne Valon& Norbant Gentilhomme Françoisvolontaire. Le meilleur de tout futque le feu de la digue futeteint& que son Artillerie fut remise en son premier etat. Dorpaiant demandé cessacion d'armesBuquoi la lui acorda; cethonete Comte leur envoia 18 chariots d'Artilleriedont il etoitGeneral en la place de Velascopour conduire leurs morts jusqu'auCanal. A son ordinaire il traita courtoisement les prisonniers &il les renvoia bientot aprezensuite de leur rançon. Dorpcroiant d'avoir eté trahi ensuite de l'alarme de l'Anglois quiavoit criétrahison trahisonpar l'espion Flamand&parle Sergeant Valon transfugequi lui avoient inspiré cetteentrepriseles fit pendre à la vue des Assiegeansqui enfurent vangez sans qu'il leur en coutat la corde. Dorp pour serevancher de l'afront qu'il venoit de recevoirdez le 13 du mememois de Juin vers le minuitenvoia 25 mousquetairessous unSergeantcomme pour enlever les sentinelles du Fort S.Jean. Dez quel'alarme i futsix soldats François qui servoient dansOstendepassant le canald'une extreme vitessejetterent desbarrils artificiels au Fort S.Eugenie. Ce feu d'enfer ne tarda guereà eclater. Les Assiegez cependant tirerent effroiablement àla faveur de cet horrible luminairequ'aucune industrie ne pouvoiteteindre ; & en moins de rienon vid tomber plus de 50 hommes dece Fort. Balansonquoiqu'à jambe de boismonta sur leparapet& il rendit mille devoirs pour etoufer ce nouveau gibel;parmi la grele ennemieil marchoit l'epée blanche à lamain il animoit les siens à bien faire. Le feu etoit si malinque tout le monde crioit à l'abandon; mais le courage deBalanson tint ferme au milieu de ce petit enferdont on n'avoit pasencore vu d'exemple.

La machinediabolique etant de l'invencion Françoiseles FrançoisVolontairesqui se trouvoient au Fortjugerent qu'il i avoit deleur honneur de s'appliquer extraordinairement à l'etouffer.Ceux qui s'i signalerent le plusfurent de Burieuxd'ArvilleduMoutierde Franges& d'Omerol. Les deux derniers i furentdangereusement blessez. Oursé Enseigne Liegeoisle Sergeantde la Quillede Mars & de Fours Gentilshommesqui servoientparmi les Bourguignonsi furent tuez. 200 Espagnols se presenterentau secoursmais Balanson les remercia& il ne voulut avoir àla conservacion de ce Fortque ceux qui avoient contribué àsa conquetesavoir les Valons les Bourguignons & les Liegeois.Malaiseavec 200 Liegeoisi fit des merveilles. Cependant Balansonqui etoit exposé au plus visible dangerreçut unemousquetade à l'epaule droite. Malaise commanda en sa place.La Maison de Malaisea sujet de se glorifier de la bravoure de sonAieul. Un Enseigne Liegeois nommé Everardarreta ce nouveauvesuvepar des canaux qu'il fit creuser & remplir d'eau. Le feurencontrant cette eaus'i mortifioit petit à petit. Ribas ienvoia des goutierespar où l'on faisoit couler l'eauimpunément. Dorp qui s'attendoit à un plus longembrasement& à moins d'ordre au secours qui i futconduitse disposoit à profiter de l'occasion; mais son feus'eteignit avec celui du Fort& il se retira en bel ordre. Cetenfer portatif couta 370 hommes à l'Archiducsans conter uneinfinité de blessez. Les principaux des mort furentde GaugiCalard& MonmarinFrançois De MijouxLorain; van ElpenFlamandL'Enseigne Beletles Sergeants Verget & Hubertin. DeLaveiDesprezde l'Ormele Carnide MoulinsLavans&l'EcarBourguignons & François. Les principaux Liegeoisqui i demeurerentfurentde VilleLimbertonMarquin& Aven.

Dorp aiantsi bien reussi en feuxen fit tirer sur le Fort S.Filipemais s'ilavoit trouvé un Balanson à S.Eugenieil trouva unFrezin à S.Filipe. Ce Comte remedia industrieusement &infatigablement à ces diables-volans& il ne perdit quel'Enseigne Moriles Sergeans Pallai & Ivongnesde Sarnes&Leval Gentilshommes. Les blessez furentNeronBernartla Pie&BoulenciOfficiers; la CoteDupuiLorderes. le Petitsars&MarennesGentilshommes. Le Fort de S.Jean eut aussi son tour; maisCatriz i etoit& c'est tout dire. Le soir suivantde la HaieCapitaine François dans Ostendes'avança vers le FortS.Jean avec des barrils infernaux semblables à ceux deS.Eugenie; mais aiant trouvé en chemin de bons obstaclesilse rabatit sur une trenchéepour aller à couvert versS.Filipe; un vent porta ce feu bien avant. Catriz craignant qu'il nevint à luialla en personne pour l'eteindre& ce fut làqu'il perdit 100 des siensdont les principaux furentde BrinAide-majorla Faille Sergeant. De VraiCopin& des AgneauxGentilshommes.

Dorpnonobstant qu'on traitat treshumainement ses prisonnierspourassouvir sa ragefit pendre à sang froid un vaillant soldatValon nommé Garrin qui avoit eté pris en bonne guerre.Le Comte de Buquoiqui aimoit ce soldatacause de sa bravoure &de sa vertufit pendre à la vue de la Villehuit mariniersHolandois qui venoient d'etre pris en mer. Il fit faire le memetraitement à quantité de Holandois qu'on prit en moinsde 15 jours. Ce qui fit perdre l'envi à Dorp de continuer sabarbarie.

Le ComteMaurice mecontent de Dorpje dis d'un homme qui savoit si peu lesbelles loix de la guerrele fit revenir au commencement de Juillet &il i renvoia vander Noot; qui pour signaler son retourdez le 31Juilletfit tirer de nouveaux feux-d'artifice de la façond'un Ingenieurque les Espagnols n'avoient pas voulu recevoir:parcequ'il etoit d'une nacion qu'ils n'aiment pas. Comme le temsetoit bien sec& que la matiere etoit combustiblele feu seprit opiniatrement à la Platteforme composée defascines seches.

Antunezqui i commandoiti accourut aussitot avec quelques Chefs; mais ilpassa plus de tems à consulter sur les remedesqu'à eni apporter. Un soldat Espagnol nommé Casanovaindignéde cette lenteurs'ecrie; quoi ? les ValonsLes Bourguignons&les Liegeois eteindront leurs feux& les Espagnols regarderontles leurs à bras croisez ? il n'en sera pas ainsi. Là-dessusavec une hardiesse incroiableil monte à l'endroit oùla balle artificielle faisoit plus d'operacionil l'arrache avec sadaguequoiqu'avec un travail inexprimable ; il essuia impunémenttoute la canonade & toute la mousquetade de la Ville; enfin etantpercé de cinc coups il descenditmais comme il n'avoit plusla force de gouverner son corpsil s'assomma de sa propre chuteaugrand regret des deux armées qui avoient eté lesadmiratrices d'un coup si hardi& qui souhaitoient qu'un cOEuraussi courageux que celui-làvecut plus lontems. Plusieursessaierent de l'imiter mais ils furent tuez avant de rien faire. DonAlvarcoula des cables du haut de la Platteformequi servirent àsoutenir ceux qui se hazardoient à arracher les ballesinfernales. La Ville tira en sept heures87 de ces balesqui furenttoutes arrachéesau grand etonnement de ceux qui enconnoissoient la malignité. Mais le 20 Aout l'IngenieurFrançoisaiant redoublé la mixtion& aiant prisle tems d'un vent contraire aux Assiegeanspensa reduire en cendrescette admirable machinequi paroissoit une Etna. On sauval'artilleriemais parmi 860 canonades& 3000 livres de poudrequ'on consumma en mousquetade. Les Espagnols i perdirent 400 hommes& ils eurent un grand nombre de blessez. Le feu dura 12 jours. Le13 Septembre un vent & une grosse pluie seconderent lesassiduitez d'Alvar Suarezà qui l'on dût laconservacion de cette Platteformeque les Holandois nommoient leChat: parceque personne d'Ostende ne pouvoit non plus tenir devantelleque la Souris devant le Chat. Le feu du Chat etant eteintontrouva que le degat n'etoit pas si grand qu'on se l'etoit imaginé.Vingart Lieutenant d'artilleriefit mettre incessamment àl'euvre ses gens& en peu de joursle Chat fut en etat dechasser aux Sourispuisqu'il fut monté d'autant de canonsqu'il en avoit portezavant son embrasement.

VanderNoots'etant si bien trouvé de ses melons artificiels auChaten fit tirer à la digue Orientalequi l'incommodoitextremement. Le Comte de Buquoi n'omit rien pour la conserver; maisce fut en vain . 400 hommes i furent tuez& un grand nombre ifut blessédurant les 25 jours que ce feu d'enfer brula. LeComte de Buquoiqui connoissoit l'importance de cette diguerompitmille obstacles& il essuia mille contradictions pour la faireretablir. Tous les elemens traverserent son dessein; mais soninvincible courage surmonta tout; & quand on vid la Ville prisepar le moien de cette digueon reconnut que son pressentimentn'avoit pas eté flateur. La mort de l'Ingenieur infernal donnade la relache aux Assiegeans. Il fut tué d'un canon qui creva& par bonheur pour les Assiegeansil n'avoit confié sonsecret à personne.

Ce fut ence tems qu'une pauvre femmequi gagnoit sa vie à blanchir lelinge des soldats du campdevant Ostendeaccoucha d'une fille quiavoit deux tetesquatre bras& quatres jambes. Son epoux hommesimpleen etoit inconsolable; sur tout quand des goguenardsau lieude lui remettre l'espritle lui deconcerterent par lui direquecette double enfant avoit deux peres. Il fallut l'industrie & lacharité des Jesuites du camppour lui oter cette folleimaginacion.

Ce fut aumeme tems qu'on vid & qu'on entendit des armées fanatiquesen l'airdu coté de l'Angleterre& sur la terreentreles Dunes où la bataille de Neuport s'etoit donnée. Lenombre & la qualité des personnes qui ont vu & qui ontoui cesspectressont tels qu'il i auroit de l'efronterie àleur refuser creance& à les prendre pour desvisionaires.

PompéeTargon Ingenieur Romain proposa quantité de machines pourreduire Ostende; la pluspart les prirent pour des speculacions; maisle Comte de Buquoiqui profitoit de toutmit utilement en usagecelle qui faisoit floter une espece de Chateaupour fortifier &pour agrandir la digue Orientale.

Mais onavançoit bien peu. Dieu avoit reservé cette grandeeuvre au Marquis Ambroise Spinolaqui en entreprit la reduction àses fraizmoiennant le rembourcement en son tems. On remercia de sesbons offices le Mestre-de-Camp Ribas. Le Marquis accompagnal'Archiduc jusqu'à Ruremondeoù il alloit observer lesHolandois; & il arriva au camp d'Ostende le 8 Octobre 1603. Ilcommença ses exploits par la digue de Buquoiqui luiparoissoit la plus plausible à la reduction de la Ville&il en donna la commission à Pompée Justinien SergeantMajor d'un Regiment qu'il avoit levé à ses fraiz enItalie& qu'il avoit amené en la Belgique.

Justinientrop entesté de ne se servir ici que de ses Italienspensarenverser l'ouvrage. En etant revenuil donna dix ecus par heure àquelques Valons& à quelques Alemansqui sont granscontemteurs de la viesur tout quand ils ont la recompense devantles yeux. Par ce moien Pompée vint à bout de toutmalgré la foudre de l'artillerie des Assiegez. Celà nese fit pas sans grande effusion de sang; entre les 130qui i furentsacrifiezse distinguoient Fabriani EnseignePinello Sergeant&trois Gentilshommes nommezMorabuzziStafino& Melli. Il n'ien eut que soixante Valons& Alemansqui furent tuezde ceuxqui aracherent les bales flambantes qu'on tiroit de la Ville contrela digue. Le Comte de Buquoi pour donner le change à l'ennemise servit de Gratier Ingenieur François; il tira des bouletsflambans au boulevard de la vieille Ville& il manqua de lereduire en cendres. La batterie de Bredené tua plus de 200gens de marineque vander Noot emploia à l'extinction de cetembrasement.

Balansonavec ses BourguignonsMalaise avec ses Liegeois& Catriz avecses Valonsetoient de tous les Assiegeansceux qui faisoient leplus de progrez. Catriz n'etoit qu'à quarante pas de laRedoutesurnommée la Foliemais il manqua d'etre etouffé:car comme il etoit appuié contre un tertreun boulet vintdonner contre cet amas de terre& quoiqu'il ne perçatpointil le poussa avec tant de roideurqu'on le rapporta pour mortsur des piques au cartier. Rouville faisant sa fonctioni fut tué;& ce second fut relevé du Baron de Lietre. Catriz en futquitte pour une grande abondance de sang qui lui coula du nez &de la bouche

Les Valonsanimerent les Espagnolsqui sous Alvar Suarez avancerentcourageusement jusqu'au Boulevard Zantille 24 Decembre veille deNoel. L'année 1604 commença par une grande tuerie quevan der Noot fit avec une batteriesi secretement pratiquéequ'on ne la vid que quand on la sentit le 3 Janvier. Mais le MarquisSpinola i remedia incessamment. Le 13 Janvier il fit jouer l'espacede deux heures40 pieces de canonqui incommoderent infiniment lesAssiegez. Vander Noot aiant eté redemandélesHolandois i envoierent à sa place le Seigneur de Ghistellesnom tresillustrequi n'avoit de la haine contre son Prince queparcequ'il en avoit contre sa religion.

Tandis queGhistelles prend conoissance de son Gouvernement& qu'il prendses mesures pour faire tete aux Assiegeansrespirons deux momens parune Liloise que je mets sur le teatrepour vous servir deTragicomedie. Quelque regulier que fut toujours le camp d'Ostendeonne put pas empécher qu'il ne s'i glissat quelque malice. Unefemme nommée Marie née à Lille en laFlandre-Belgiqueavoit quitté son epoux pour des raisons quine sont pas venues à ma connoissance. Elle vint au campd'Ostende& elle se logea au cartier de S.Albert : parcequ'etantle cartier de la Couril paroissoit le plus lucratif. Elle i fittrafique exterieur d'eau de viede pains d'epice& de pareillesfriandises; mais au meme temselle en fit un interieur de son corps.Elle etoit connue sous le nom de Marion la Liloise& de la belleMarion. Comme elle etoit entestée de sa beautéellepreferoit le second titre au premier& ceux qui la traitoient debelle Marionetoient les mieux venus.

Entre sesGalanselle en eut un qui lui fut extraordinairement assidu ouplutot importun. Il se nommoit André de Douai; il se piquoitde galanteriemais il n'en avoit aucun air. Marion au contrairequietoit bien spirituelle & faite au badinage delicatrebutoit cerustre: acause de ses manieres niaises. Le fou Douiziennonobstantses façons mausadespretendoit la primatie au cOEur de labellemais il en etoit bien eloigné. Cette place etoitoccupée d'un agréable Italien surnommé leVicentin homme vagabondsans parti& qui s'entretenoit decartes & de dez. André s'en voiant suplantémachina sa perte. Il en eut bientot l'occasion. La belle Marion souscouleur d'aller à la marchandisemais dans l'effetpour sedonner entierement à son Vicentinfit un voiage àNeuport en sa compagnieà piez. André le sut; il pritles devans& il alla se cacher parmi les ronces qui regnoientdans les Dunes. Aiant les Amans en belle mireil les tua tout deuxd'un coup d'arquebuse: joignant la brutalité à lacruautéil prit ses infames plaisirs sur le corps mort de lamiserableparcequ'il ne pouvoit pas aisément aracher unanneau qu'elle portoitil lui coupa le doigt avec un couteauquitenoit plus de la sie que du couteau. Il les depouillail les trainadans un ecart& puis il gagna un cabaret surnommé laMaison du Lombard.

Unjeune-hommequi servoit un Capitaine de Cavalerie& qui alorschassoit aux lapinsavoit eté temoin de ces horreursd'unlieu elevé & epineuxd'où il avoit tout decouvert.Il suivit le malheureux à la piste& l'aiant vu entrer aucabaretil raconta tout à quatre soldats Valons qu'ilrencontra. Ces Valons vinrent à l'Auberge& ils itrouverent l'infame assis au feusur les hardes de ses victimesquietoit dejà pris de boisson. Il se trouva que ces quatresoldats etoient des amis du meurtrier; ainsiils se contenterent dele tirer à part& de lui representer l'enormité deson crime. André colora si bien son fait& il fit si bienboire ses camaradesqu'ils aprouverent son action& qu'ilsretournerent ensemble vers le camp.

En cheminles Valons lui demanderent ce qu'il avoit trouvé d'argent surles corps qu'il avoit depouillez ? André leur avouantfranchement qu'il leur avoit trouvé 126 ecus;& qu'il etoitpret à les partager entre eux; on se mit à le faire;mais il s'i trouva tant de contestationsqu'ils en vinrent auxmains; un des quatre Valons fut tué& les trois autresfurent fort blessez.

Andréne trouvant pas de sureté dans le campalla se rendre àOstende. Tant il est vrai que les impies vont de precipice enprecipice. Ghistellesfut content de s'en servirmais de craintequ'il ne fut double traitreil le fit observer d'un de sesdomestiquesqui eut l'adresse de lui faire decouvrir tous sescrimesGhistelles l'aiant sûfut sur le point de l'envoier aucamp bien lié pour en faire bonne justice; mais le desir qu'ileut de se signaler dans le commencement de son administracionprevalut à ce bon sentimentqui fut bien lontems combattu:car il ne voioit qu'avec chagrin un detestablequi changeoit aussiaisément de religion que de lingequi au milieu del'abondancene faisoit que regreter la bonne biere d'Anvers & deS.Omer& qui se presentoit à sacrifier ses bienfacteurs.

Cetabominable Douizientout abominable qu'il etoitne laissa pas deservir Ghistelle& sans une providence particulierequi atoujours eu un OEil benin sur les Archiducauxil auroit excitéun terrible esclandre. Par la conduite de ce meurtrier les Assiegezenleverent Dudoni Sergeant Italien& cinc sentinelles du CampArchiducal. Le lendemain il manqua d'enlever le Seigneur d'Assigniesqui avoit eté autrefois son Capitaine. Le mechant Andrémanqua d'Assigniesmais il enleva Pressi Gentilhomme lorrain&le Sergeant la Fourbe. Continuant dans ses malicesil prit toutesles mesures possiblespour enlever le Colonel Catrizqui gueri deses blessuresexerçoit ses fonctionsà l'ordinaire;mais Dieu les eluda .

Catrizetoit d'ordinaire accompagné d'un petit chien blancquicouroit bien souvent dans la contrescarpe d'Ostendesans qu'on luifit aucun mal. Les Holandoisqui ne savoient pas de qui il etoitlenommoient d'ordinaire Papau. André de Douaiqui savoit quec'etoit la suite ordinaire du Colonel Catrizcarressa ce petitanimal& il le pritpour s'en servircontre son maitre. Cemiserable Douizien se vantoit qu'il vouloit recompenser Catriz par lefaire prendreparcequ'il l'avoit une fois delivré de lacorde. Heureux s'il eut eté alors pendu ! ce perfide sort denuità la tete de 100 hommespartagez en trois bandesaiantentre ses bras le petit Papaumais le baillon à la gueule.Catrizainsi que le traitre l'avoit prevune manqua pas de paroitreaux dehors. Il s'avança tellementque son petit chien lesentit. Ce fut d'abord de trepigner & de vouloir courir àtoute force. Si le baillon ne l'en eut empechéil auroitincessamment jappé. Le traitre Andrépar le moien decertaines cordeles qu'il avoit fait correspondre aux embuscadesavertit les Entrepreneurs. Catriz eut le bonheur de les sentir&à toutes jambesil regagna ses gens. Des herbes embarassantesavoient eté cause que Catriz n'avoit pu pousser plus outre&ce fut ce meme obstaclequi arreta l'embuscade& qui empechaqu'elle ne put poursuivre sa proie.

CependantCatriz fut sur le point d'etre pris. Dans cette conjoncturelessiens surviennent&Catriz de defenseur devenu Agresseurfaittete aux ennemis. Les plus avancez furent tuez& cinc blessezaux jambesfurent faits prisonniers. Les Assiegeans venant ausecourstuerent trente des Agresseurs; ils en blesserent plusieurs& ils en firent onze prisonniers. Les Assiegeans perdirent neufhommestant de tuez que de blessez.

La Villeen fut toute alarmée& Ghistelles qui n'avoit guere contésur le traitre Andrécrut certainement en etre la dupe. Sacroiance fut augmentéequand il entendit au meme tems que lefeu s'etoit pris à cinc barrils de poudreen la courtineOrientale. Cependant comme il n'avoit nulle conviction de safourberieil se contenta de le donner au Capitaine le Prince&de recommander à cet Officier de veiller André de Douaicomme un homme douteux.

Catriz sutque cette menée avoit eté conduite par André deDouai. Pour battre l'ennemi de ses armesil fit induire ce memeAndré à rendre un bon service aux Archiducaux. Andréindigné de ce que Ghistelles l'avoit privé dequoisatisfaire ses friponneriesdonna dans l'offrequi lui etoit faitepar un nommé Annibal; il gagna six complices tous semblables àlui& il se prit à executer ses trahisons. Le dessein dudouble traitre Andréfut de boucher le fougon des canonsdebruler le magazin& d'enlever Ghistelles. On tira à lacourte paillequi commenceroit. Le sort tomba sur un Valencienoisqui alla tout decouvrir à Ghistelles. Ce Valencienois etoit ungrand coquin lui-memequi avoit pris parti parmi les Holandois:parcequ'il avoit volé à son Capitaine Parmenteauunebourse& une chaine d'or.

Lescomplices surent qu'ils etoient decouverts; un se noia parprecipitationdeux furent tuez en se sauvant& un se sauva àgrand'peine. André de Douai eut le bonheur d'avoir la cuisseemportée d'un boulet de canon tiré de la batterie desItaliens. N'etoit-ce pas la vangeance de l'Italien Vicentin qu'ilavoit tué ? son abominable corps fut trouvé acroché& suspendu par le couà la pointe d'une palissade. On ditqu'il mourut en blasfemant. Telle vietelle mort. C'etoit un suplicetrop doux pour un aussi grand selerat qu'il l'etoit. Le funeste restede ce detestable fut arraché au gibet de la main du boureau àla vue du camp& de la Ville. C'est assez respirer.

Venons aunouveau Gouverneur Ghistellesqui malheureux dans ses commencemensva essaier de se dedommager dans la suite. Le plus grand exploit deGhistellefut un cercueil rempli de feu d'artificesque ses gensfirent enterrercomme si ç'eut eté d'une personnedistinguée. Les Archiducaux i vinrent& le cercueiljouant au meme temsen tua huit. Le faux mort fit de vrais morts.Les Assiegeans cependant gagnoient toujours du terrein. On doit lagloire au Baron de Balanson d'avoir eté le premierquienplein jourosa planter une gabionade à 25 pas de l'ennemipar la bravoure de Vacheret soldat Bourguignon.

Les Valonsn'en firent pas moins. Catriz s'aprochant de plus en plus de laFolieeut avis que les Assiegez alloient l'ataquer; au meme tems ils'i transporta avec un grand nombre de Gentilshommes Volontaires. Apeine i fut-ilque les Capitaines Bracton Ecossois& LuitardHolandoisà la tete de 300 hommesvinrent l'ataquerbrusquement. Catriz i soutint un rude combat. Les Agresseurs furentextremement malmenez du Comte de Suanqui accompagné de dixGentilshommes François aussi brillans de leur equipage que deleur courageils servoient l'Archiducfirent de granseclaircissemens dans l'ennemi. On s'i colleta& l'on s'i batitbras à bras avec une opiniatreté inouie. Un accidentralentit les Holandois. Le feu se prit à leur poudre; d'oùdeux soldatsun Capitaine & un Lieutenant furent fortincommodez. Bracton trouva bon de se retirer en laissant soixante deses soldats sur le carreausans conter le Baron Kreri EcossoisLucardTustei& Darei Gentilshommes AngloisMartinges &Flonpart Gentilshommes François& Kepelshaus GentilhommeAlemand. Les Archiducaux perdirent trente hommesles principauxfurentDorgemontBaucoral& Meuz Gentilshommes François;Mirolo Gentilhomme PiemontoisDracts Gentilhomme Alemand&CuranbonJumelet& Diou Gentilshommes Valons. Les blessezfurent le Comte de Suanle Viconte Dargepontde LorresdeMaillerid'Ossemontde Breuil & des Halles GentilshommesFrançois; Lureau Enseigne Valon; Prouin & le MaireSergeans.

LesAssiegez tirant aveuglémenttuerent quantité des leursà la retraite. La mer fit un grand interest aux Assiegezsurla fin de Mars. Balanson & Catriz en profiterentpar gagner unretranchement surnommé la forte bariereoù leCapitaine de Lest commandoit. Ghistelles l'i renvoia& Lests'aquita si bien de son devoirqu'il tua dez l'aborddix-huitsoldats Assiegeans. Mais le Capitaine d'Osme Bourguignon& leCapitaine Hache Valonsecondez des braves VolontairesrepousserentLest vigoureusement& ils se rendirent encore les maitres de ceposteaprez en avoir tué cinquante. Belleorme & Mouterelavanturiers Françoissautant avec precipitacion sur un boutde retranchement miné sauterent eux-memes en air. Et ce futtout ce que l'Archiduc perdit en cette occasion.

Ghistellesaiant eté renforcé de quinze compagniesfit une sortievigoureuse de 300 hommesmais aprez en avoir perdu quinzeil seretira; FochanesVrieuxFormageonMaigrinsVerderonneVardesFlabenasTuibeloinSouhaiCraudiereHelicourDelandre&Pui-Boisseaufurent ceux qui s'y signalerent le plus. Sur cesentrefaitesà la pointe du jourla desertion de six Alemandsdu Regiment de Bigliaqui sautant de haut en bas du Fort S.Andréallerent se rendre à la contrescarpe de la Villequi leuretoit opposéecausa une grande alarmede part & d'autrechacun croiant qu'on lui en vouloit. L'Ingenieur David d'Orléansmachinant au meme tems quelque nouvelle invencion fatale auxAssiegeansfut tué d'un coup de canon. Ghistelle le regretabeaucoupparcequ'il etoit habile & de grand usage. La digueOrientale de Buquoi etoit tellement avancéeque personnen'entroit plus impunément dans le havre. On avoit quantitéde matelots prisonniersau cartier de Bredené. Les Holandoiscraignoient ce risque: parcequ'on les envoioit de lààla chiorme de l'Ecluse.

Une jeunebeauté i avoit son epoux. L'amour la metamorfosa. Elle setravestit en jeune-homme& elle passa au camp Archiducaldansl'esperance au moins d'i voir son epoux. Sa modestie & sonincomparable beautéqui recevoit une nouvelle grace del'habit virilfirent que tout le monde jetta les yeux sur elle. Onla soupçonna d'abord& sous ce piéon laconduisit au Prevost d'un Regiment qui la tint etroitement. Sonmalheur voulut que sa prison fut differente de celle de son epoux&ce fut là sa plus grande affliction. Elle n'i fut pas lontemssans aprendre que le lendemain on devoit pendre sept mariniersenrepresailles de sept que les Assiegez avoient fait pendre& quele reste des 22devoit aller aux galeres. Elle craignit que le sortne tombat sur son epoux. Son amour alluma sa priere. Tandis qu'ellela faisoitun Jesuite entra en la prisonpour i visiter& pouri consoler les prisonniersselon sa louable coutume. Elle se nommoitCaterine Herman& comme elle etoit bonne Catoliqueelle seconfessa au Pereà qui au meme temselle decouvrit sonmistere. Le Jesuite obtint du Comte de Buquoi qu'on changea saprison: afin qu'elle fut auprez de son epoux. L'entrevue la fittomber en une longue sincope. En etant revenueelle lui protestaqu'elle venoit dans la resolucion de le suivre à la galerepour ramer à son tour; & pour mourir avec luis'il etoitdes sept condamnez& si la somme qu'elle avoit recueillie de lavente de tous ses effetsne pouvoit suffire à la rançon.Le Comte de Buquoila plus belle ame qui fut jamaisinforméde cette charitable Nort-Holandoiseleur donna la liberté àtous deux& il leur fit de grandes largesses. Ils furent fortredevables à la charité du Jesuitequi avoitrecommandé l'affaire au Comte de Buquoi& qui avoitfortement travaillé à leur elargissement. L'epouxjugeant qu'une religionoù l'on trouvoit cette chariténe pouvoit etre que la bonnepria le pere de l'instruire & ilabjura l'heresieoù jusques alors il avoit etéextremement opiniatre. J'espere que le teatre qui s'amuse tant àdes sujets frivolesse souviendra de cette Heroïne Holandoisequi fait honte à toutes celles que l'antiquité nous atant vantées.

Revenons àGhistelle. Ce Gouverneuretant sorti l'aprez-midi de son logisallaau franc-jardinpour voir les ouvriersqui se defendoient contreles aproches assidues de l'infatigable Catriz . S'etant fait voirassez à decouvertil fut reconnu d'un soldat Valon nomméGille de Bouchainqui avoit autrefois servi sous luiquandGhistelle servoit l'Espagne. Il le prit en si bonne mirequ'il luitira une balle au milieu du cOEur. Son corps fut envoié àUtrecht. Loon eut le gouvernement par interim.

Si laVille perdit en Ghistellele camp n'en fit pas moins en Catrizquideseignant un nouvel ouvragereçut une mousquetade au traversde l'epauledont il mourutpar la faute du Chirurgien. Chalon luisucceda. Sauve la volonté de DieuCatrizcet invincibleValonmeritoit d'entrer dans une Ville à l'ouverture delaquelle il avoit aporté tant d'applicacion. Mais le cieljugea qu'il n'i avoit pas assez de beaux lauriers sur la terre pourcette ame heroïque& il voulut lui en donner de sa façon.

La mort duvaillant Catriz fut vangée de celle de Loonqui mourut deuxjours aprezd'un coup de bale de canon qu'il avoit reçu àla jambeen donnant les ordres au Porc-epiccontre les aproches desEspagnols. Deux Lieutenans furent tuez du meme coup. Les Officiers nes'etant pu accorder pour le choix d'un nouveau Gouverneurdonnerenttoute l'administracion aux quatre principales nacions qui servoienten la Ville. Ensuite de quoil'on choisit Montesquieu de RoqueFrançoisBeuri ZelandoisDrak Anglois& vander BorctAlemand.

Cependantles aproches ValonnesBourguignonnes & Liegeoises de Tillietoient reduites en une& elles alloient attaquer le Ravelinvert. Balanson etoit dejà si prezque ses gens & lesHolandois s'arrachoient bien souvent les armes des mainsles uns auxautres; & quoiqu'il en tombat toujours quelquesuns de part &d'autreon ne laissoit pas de plaisanter & de se divertir deparoles. Lodai Capitaine Valon& Emericour Capitaine Liegeoisfurent blessez à mort; BelleforetDissorneChamplou &Premartin Gentilshommes François i furent tuez. GraziaFlorentinChevalier de S.Estiennequi ne faisoit que d'arriverfutassomméen mettant la tete audessus de la trenchéepar curiosité. Ce fut par une semblable curiosité quele fils du Marechal d'Humiere perit au dernier siege de Luxembourg.

Enfin lepremier Avril 1604 fut destiné par l'assaut. Balanson aiantfait sauter deux pans du Ravelinpar des fournauxdonnafurieusement avec ses Bourguignons& avec ses Valons; en uninstant il defit 120 des ennemis. On trouva entre les morts leLieutenant Aspleton qui avoit sur lui une lettre datée dudernier de Mars. Cette lettre contenoit une relacion des mortsdepuis le premier jour du siege. Elle se montoit à cinquantetrois mille six cens trente deux personnessans conter les femmesni les enfansni les gens de bagage. Les Assiegez n'omirent rienpour r'avoir ce Ravelin; & ce fut à cette occasion qu'ilstirerent de leurs magasins des feux d'artificedont on n'avoitencore rien ressenti de pareil. Je me contente de direqu'une bombei tombantla troisieme nuit aprez la prise du Ravelinen tuadix-sept& en blessa sixdont les principaux furent MoreauRiblet& le Mar Gentilshommes Valons.

BalansonChalonTouricourTorrés & Malaisenonobstant la fureurdu canon & de la mousqueteriepasserent au bord du fosséprincipal d'Ostende. Bevri l'un des quatre Gouverneursi fut hors decombat. Les trois autres pressoient le Comte Maurice d'etredechargez& ils alleguoient qu'en quinze joursils avoientperdu plus de 115 soldatssans conter les ravages que la peste &les autres maladies faisoient tous les jours.

LeChevalier Melzo Officier Archiducal avec ses Italiensetoit parvenujusqu'au bord du canalqui passe devant la contrescarpe. LesAssiegez sortirent de nuitavec 200 hommes; mais ils furentrelancezaprez avoir perdu le Capitainela Haiedix huit de sesFrançois& son Lieutenant Grand-champ qui i fut blesséà mort. Les Anglois rentrerent avec tant de confusionqu'ilsfaillirent d'étoufer leur propre Capitaine Practon. On trouvasept pots artificielsdont ils vouloient se servir pour brulerl'ouvrage avancé de Melzo.

LesHolandois dans l'esperance de trainer le siegeenvoierent trentecompagniesqui essuierent quatre cens soixante & six coups decanon. Ce fut à cette entrée qu'un jeune soldat de ceuxqui defendoient Ostendepoussé de la violence d'une balleportée de la digue Orientalevint tomber auprez du canal.Chacun crut qu'il etoit mort. L'amourqui a cent yeuxle decouvrità sa jeune epousequisans se soucier de tout le feu desAssiegeanspassa le canal à la nagealla trouver son epoux &lui sauva la vie. Il me fache que mes memoires m'aient cachéle nom de cette Amazone qui merite l'immortalité.

Il courutun bruit en Holandeque plus de la moitie de la derniere flote etoitperie ; & en effetelle fut extremement malheureuse par diversaccidens qui l'affligerentaprez meme qu'elle fut entrée auport. Cette nouvelle refroidit tellement les espritsque personne nevouloit plus risquer. Ce qui fit que quatre biberons se trouvant dansun cabaretformerent une espece de confraternité; ilss'engageoient par serment à courir toutes sortes de dangerpour secourir Ostende. Cette confraternité fut tellement envogueque qui ne vouloit pas s'i faire enrolerpassoit pourmalhonete. Les femmes meme se firent un honneur de s'inscrire. Quandon i etoit reçul'on prennoit à la main une chopined'eau de vie& aprez l'avoir buel'on prononçoit cetteformule: je suis content d'etre reputé Espagnol& meme depasser pour enfant du Duc d'Alve& de crever de la boisson queje viens de prendresi je manque d'accomplir un seul point de toutesles loix de la confraternité jusqu'à la mort. Que dehaine ! quelle erreur ! quel changement à l'heure qu'il est!

Le ColonelBerendrectqui avoit conduit le dernier secoursi fut reçupour Gouverneur& il s'apliqua d'abord à reculer lesaproches des Assiegeans. Le Chevalier Melzo etoit dejà àla sappe du Cancre-Marin; & meme il i avoit dejà creuséun fourneau capable de contenir neuf quintaux de poudre. Le 13 dumoisjour de PaqueMelzo donna l'assaut avec tant d'impetuositéque dez l'abord il en abatit 100. De toute la contrescarpeOccidentaleil ne restoit plus que le Porc-epic à prendre;mais Antunez & Suarez i trouvoient tant de difficultezqu'ilsfurent plus d'une fois sur le point d'en abandonner l'ataque;l'esprit de l'Ingenieur Targon aiant trouvé un nouveau remedeaux obstaclesils poursuivirent leur pointe.

Berendrectcependant faisoit incessamment travailler aux coupures des boulevards& du Porc-epic. Comme les Assiegez attendoient du secours&que pour en aprendre des nouvellesils avoient envoiez des sauteurson en prit un entre les autresqui aiant eté reconnutransfugefut condamné à etre pendu. Avant d'etresecouéil se vanta du Calvinismed'avoir tué sonpropre pereparcequ'il s'etoit remarié& d'avoir faitavorter sa belle-mere d'un coup de pié. Voilà commeDieu retrouve les crimes les plus cachez. Enfin il parut quarantedeux voiles à la rademais les Assiegeans les reçurentsi vertementque les Assiegez en profiterent fort peu. On remarquaquenonobstant l'horrible feuqui donnoit sur cette flotteil n'ieut pas un seul marinier qui se retira du cours ordinaire du canalquoique le vent le permit. Un pere qui conduisoit un de ces bateauxaiant su que son fils s'etoit caché au fondpour eviter cetteepouventable grele de fer & de plombvint tout en colere&il lui coupa le poingparcequ'il jugeoit que sa crainte le rendoitindigne de conduire jamais aucun bateau. C'etoit la le bel effet dela confraternité de la chopine. Aprez quoine peut-on pasdire que le siege d'Ostende est un theatre fecond en tragedies ?

Le MarquisSpinola qui aprez l'Archiduc etoit l'ame de toutes les entreprisesoù il se trouvoit en personne le jour & la nuitse trouvaen grande perplexitéd'aprendre que la garnison d'Ostendeetoit encore de 109 drapeaux& que le Comte Maurice etoit auxchampspour l'obliger à lever le siege. Maurice avoit dejàforcé Aurele Spinola& il avoit pris poste dans l'ile deMelpend'où il lui etoit aisé de passer vers Ostende.Mais le Marquis Spinola avoit envoié Justiniensur lesavenuespour lui faire tete.

Les Valons& les Espagnols mouraient d'ardeur de monter à l'assautmais le Marquis Spinola les arretoit: parcequ'il ne decouvroit pointassez le dessein du Comte Maurice& parcequ'il ne vouloit paslaisser la preseance aux autres nacions à l'exclusion del'Espagnole; outre que le Porc-epicoù se faisoit l'aprocheEspagnolen'etant pas prisles Valons seroient trop decouverts&exposez aux Assiegez. Le Comte Maurice de Nassau aiant pris quantitéde Fortsvenoit de batre Velasco General de la Cavalerie legerequilui avoit voulu disputer le passage d'un pont. On demeura cependantdix jours sans travailler aux aprochesmais on reprit la vigueurordinairedez qu'on aprit que le Comte Maurice avoit pris la routede l'Ecluse.

Le 27 Maiun Samedià cinc heures aprez midiTorrez attaqua leBoulevard surnommé le Grosbec; etant arrivé au piéon travailla ardamment à la sappe& l'on s'i logeamaisaprez un combat qui dura toute la nuit. Antunez & Suarezcependant aprez avoir rompu mille obstaclespasserent le canal&ils vinrent se loger sur le gravier. Ils arriverent aux terrassesexterieures du Porc-epicoù il i avoit quantité deretranchemensqu'il falloit sapper avant de pouvoir se servir de lapique. Le Capitaine Jean Gonzalez en facilita l'aprochepar fairesauter un grand pan de ce retranchement. Bracton s'opposa auxAssaillans avec 150 hommesmais Suarez l'aiant tuéde sapropre maindonna la chasse au reste.

Tandis queles Espagnols travailloient à la sappepour ouvrir le cheminaux aprochestrois soldats de cette nacion firent quelques traitsremarquables. Moreno s'attacha au parapet à deux mains&nonobstant la mousqueterie des Assiegezil ne lacha prise qu'aprezavoir emporté ce qu'il empoignoit. Formado ensuite d'unegageurealla arracher un des maillets qui etoient fichez au haut duparapet; mais aiant reçu un coup mortelil ne jouit qu'uneheure de la gloire de sa gageure. Riberos promit de decouvrir ce queles Assiegez faisoient dans le Ravelin; en effet il monta le haut durampart& il vint raporter qu'on eut à etre sur sesgardes: puisqu'il venoit de voir que l'ennemi se disposoit àune sortie; ce qui fut verifié à l'instant. C'est ainsique toutes les nations choisissent cet amphiteatre maritime pour idonner des marques de leur valeur.

Enfin l'onpermit aux Valons & aux Bourguignons de monter à l'assaut.Le Capitaine le Coin les conduisit; & à la faveur d'uneminequi avoit eu son effetles Assiegeans se trouverent sur lapointe du Boulevard de West. Ils furent accompagnez de quantitéde Volontaires& d'avanturiersdont les principaux furent leComte Vladislas de Furstemberg Alemand fidelle à la maisond'Autriche; les Barons de Morbin & de Crimail& onzeGentilshommes François. Suarezprofitant de cet avantagefitattaquer le Porc-epicqui fit fort peu de resistance. Ce fut danscette attaque que le Seigneur de Bietres eut la main percéed'une mousquetade. Ce jeune Seigneur quitta la milice Espagnole pouren suivre une plus glorieuse sous l'etandart d'Ignace. Il se fitJesuite& il fut connu sous le nom de Pere de Renesse.Fernonville-Bassompiereeut une jambe casséedont il mourut.HamelPilliersGentilshommesS.Sauveur & Marquigni VolontairesLorainsi furent fort blessez. Balanson & Malaise de leur cotépresserent tellement les travailleurs que leurs aproches se nommerentdejàle Boulevard des Bourguignons. Les Valons auroient donnél'attaque à la Ville dez le 4 Juinun Samedisi le MarquisSpinolapour eviter la jalousie& pour occuper l'ennemi dansplus d'un endroitn'eut arreté leur ardeur. Les Assiegezaiant enlevé subtilement deux sentinelles Valonsentreprirentde surprendre cette trenchée avec 300 soldats commandez par laGarde& par Reusner. Mais de Witz Enseigne Colonel de Chalon&quelques Volontairesles firent echoueraprez une perteconsiderable. Meurlai & Tannelet Gentilshommes Valons s'icomporterent vaillamment. Torrés & Touricour firent sauterla mine du Boulevard de West; mais elle fut plus avantageuse auxAssiegez qu'aux Assiegeans parcequ'elle les decouvrit. Celàn'empecha pas qu'une infinité de braves ne montassent àl'assautcomme si le fourneau leur eut eté avantageux. Enfort peu de temsles Assiegeans en furent tellement chassezqu'onne vid plus au haut du Boulevard que GlimesEnseigne dans leRegiment de Tilli. Glimes etant blessé de deux coups de piquefut obligé de ceder à la force. L'Archiduc i perditcent & quinze braves. Les plus specifiez furent; de BruaideMaudeDoienBrugge de Duras issu des Rois de Naplesparent du Baronde Roost grand Maieur de Liege & epoux de la Niece du Princed'ElderenEveque de Liege. L'ennemi fit une perte considerablemaisil conserva le poste.

Berendrectessaia d'en faire autant aux Italiens de Melzoqui aiant passéle fosséetoient arrachez au boulevard de la Porte. Ilssortirent à une heure de nuit; Melzo auroit eté prissi l'Enseigne Marni ne l'eut degagé avec 40 hommesquirelancerent rudement l'ennemi: les Italiens demeurez maitres dupostefirent sauter un pan du boulevard.

LesEspagnols d'autre part passerent du Porc-epic au boulevard de laGueule-d'enferà la faveur d'une galerie. Leur premierdessein avoit eté de penetrer en la vieille-Villepar leboulevard Zantilmais parcequ'ils auroient trop eu la Gueule-d'enferen flancils trouverent plus à propos de l'attaquer. UnValondes vieux mutinezpour moienner sa gracemit un billet entredeux briquesqui servit de beaucoup aux Assiegeans. Balansonunmatinà la fin du mois d'Aoutfit sauter la mine qu'il avoitpratiquée à son boulevardmais comme elle joua contreson attente& que la terre tomba de son cotéil changeason attaque& il ne permit qu'à Moreau Enseigne duRegiment de Tillid'aller reconnoitre la breche. Le Marquis Spinolaqui etoit venu à la trenchéevoiant l'ardeur desVolontaires pour suivre Moreauleur envoia direpar le ColonelFranceschiqu'ils n'eussent pas à le faire. On loua saprevoiancequand on vid Moreau blessé à mort d'unemousquetade& huit de ses quarantetuez sur la place.

L'EnseigneEvraud releva Moreau avec trente hommes; & ensuite des lumieresqu'il rapporta on fit resolucion de se fortifier le plus avant qu'onpourroit. BarteleminsEnseigne de Chalonchassa les Assiegez d'unelongueur de vingt pas du boulevard où ils s'etoientretranchezmais il lui en couta la vie& à quelquesbraves qui furent van DorpOuestNitieBelinCourieresBolDurasDaréCarraiede Morde Marguesdu Valde Pample&130 soldats. Les blessez furent GesanCoinGulsind'IcardeGosuin& d'Arque. Les Assiegez i perdirent deux de leursGouverneursBerendrect & vander Borct& plus de trenteOfficiers. Utenhoven fut mis à la place de Berendrect.

QuelquesBourguignonsValons & Liegeoispris de Boissonsans aucunaveumonterent les trenchées ennemiesqui leur etoientopposéesl'epée blanche à la main& ils seprirent à criera pleine tetetuetuesuivez compagnonsles canailles sont à nous. Les Assiegez sortirent en belordre& aiant repoussé ces ivrognesils alloient donnerjusqu'aux trenchées des Assiegeanssi de Torrés n'ifut accouru à tems. Ce fut là qu'il se donna un desplus furieux combats. Les Assiegez furent obligez à laretraiteaprez avoir laissez morts sur la placesept Officiers &150 soldats sans conter un grand nombre de blessez. Les AssiegeansperdirentRanciTolChainetdes ArmuresSarliesdu FortlaHaiePimpei & cinquante soldats. Les blessez furentVersVillartNoaillesPetitvalThouinFrenelGrand-pas. Les Assiegezeurent leur revanchepar une mine qui accabla un Sergeant Hutois &trente soldats Liegeois. Cependant les Assiegeans avançoientbeaucoup. Les Italiens etoient bien avant dans le boulevard de laPorte& les Espagnols alloient miner le boulevard de laGueule-d'enfer. Mais le monde que l'Archiduc prit du camppour fairetete au Comte Mauricefut cause que les aproches se ralentirent.

LesAssiegez au contraire reprirent du cOEur par dix compagnies derenfort qui leur vinrent. Ils mirent le feu aux aproches desItaliens& ils leur tuerent deux EnseignesquatreGentilshommes& cinquante soldats. Le Mestre-de-camp Justinienqui i avoit bien paié de sa personnei fut blessé aupié; & c'est à sa bravoure que les Italiens sontobligez d'avoir eté les secondsqui soient entrez dansOstende: car les Valons i etoient dejà& ils poussoientvigoureusement les derniers retranchemens des Assiegez. LesCapitaines Caraffa & Dianosous la conduite de Brancaccio quicommandoit la trenchéemonterent sur le boulevard de laPorte& aprez un rude combatils i arborerent l'etandart de lacroixpour faire entendre que c'etoit un siege de religion. Ils iperdirent dix Officiersmais peu de soldats. Les Assiegezavant dese retirer à la coupurei avoient fait une perte plusconsiderable. Comme il ne restoit de ce boulevard de la porte qu'unepointeoù les Assiegez etoient encore logezles Italiens lesfirent sauter toushormis cincqu'ils retirerent eux-memes desdecombres. Dix Angloissans aveuvinrent presenter la pique; autantd'Assiegeans parurent sur la breche ; insensiblementil s'i attachaune rude escarmouchede plus de 1000 combatans. Le jeu finit par laperte totale du reste du boulevardpar la mort du GouverneurUtenhovenpar celle de deux Lieutenans& par la perte le 160soldatssans conter les blessez. Les Assiegeans i perdirent 80soldats & cinc Officiers. Le Mestre-de- camp Brancaccio i futlegerement blessé.

LesAssiegeans se voiant attachez au corps de la placeminoient d'uncoté& les Assiegez contre minoient de l'autre. Il estarrivé souvent que se rencontrant sous terreils s'i soientbattus avec tant d'opiniatretéque personne n'en soit revenude part & d'autrepour rapporter des nouvelles du combat.Justiniendans ces combats souterrainsreçut un nouveau coupde mousquetqui lui fit perdre entierement le bras gauche.

Un soldatAssiegéde ces mutins qui avoient pris parti dans Ostendepour avoir sa gracedonna avis aux Assiegeans qu'ils se gardassentd'une mine entre la courtine du Boulevard de la Porte & de laGueule-d'enfer; on le negligea& cette negligence couta la vie àtrente hommes qui en furent accablez. On retira avec bien de la peineun Pretre Valonqui s'i etoit genereusement avancépourconfesser les soldats.

LesEspagnols penetrant à la Gueule-d'enferalloient presque dupair avec les autres nacions& il restoit bien peu de rampart àgagnerdepuis les Valons jusqu'au canalqui separe la Vieille-Villede la Neuve. Les Assiegezquoique privez de leur GouverneurUtenhovens'opiniatroient incroiablement à la defence&ils s'attachoient aussi resolument à la moindre motte deterrequ'à un boulevard entier. Le plus animé etoit deRoque Françoisqui etoit l'un des Gouverneurscharge dont ilpressoit d'etre delivréde peur d'avoir l'infamiede rendrela place. Le Comte Mauricepour acquiescer à sa demandeienvoia le Colonel de Marquette; & ce fut ce dernier Gouverneurqui eut l'honneur de capituler & de rendre Ostende àl'Archiduc Albert.

Comme lesValons etoient ceux qui incommodoient le plus Marquette par labatterie de huit piecesqu'ils avoient dressée sur le rampartd'Ostendece Gouverneur fit sur eux une furieuse sortie de 500hommes. Les Capitaines du BuissonFalloi & Gribeval sortirent detrois cotez ; ils renverserent d'abord vingt Valonsils donnerent lachasse à un corps-de-gardes entier& ils se prirent àmonter par les embrazures. Mais les Capitaines du Croquet & deVillart& Maisieres Enseigne de Balansoni etant accouruslesrelancerent vigoureusement. Chateau Rouillaud Enseigneen ramenaquinze prisonniers. Balanson & Malaisequi se trouverent enpersonne à cette chaude attaquene contribuerent pas peu àdissiper la confusion que les tenebres de la nuit avoient causéedans cette escarmouche. Les Assiegez i perdirent sept Officiers&cinquante soldats. Les Assiegeans i perdirent Fraizelon GentilhommeFrançois & 25 soldats.

Ce futalors que les Assiegeans decouvrirent pleinement la neuve Ostendeavec son fossé rempli d'eausa contrescarpe& sesdemies-lunesenfin une place regulierement fortifiée&aussi bonne que la premieresi vous en otez les canaux & lesmaraisqui la rendoient inaccessible. Cette vue etoit capable dedebaucher un tout autre courage que celui de l'Archiduc; mais elle nefit qu'animer ce grand cOEurqui se renouvella dans l'esperanced'une nouvelle conquete. Une mine aiant joué prez desEspagnolsfit une ouverturequi decouvrit quantitéd'Assiegez. On i accourut des deux cotez& l'escarmouche i futsi sanglantequ'en moins d'un quart d'heure il i mourut plus de 100hommes. Les Assiegeans eurent l'avantagemais ils en furent obligezà 10 Volontairesqui n'aiant que l'epée à lamainfirent des merveilles en attendant le secours. Ces dix genereuxsont Sipion Popoli& Jerome Gambari Italiensle Baron deGrossieux & de Marlieres FrançoisDemonpleinchampGentilhomme Ardenoisdu Pont & Vorgesqui furent tuez. Bonfort& de MaiGentilshommes Belges i furent blessez& Balsem ifut tué.

Un mutinéde dedans Ostende avertit les Italiens d'une minequi fut eventéepar la vigilance du Chevalier Melzo ; mais une autre qui joua àla droitefit sauter Beaufort Enseigne Valon& trente soldatsde la meme nacion. Mais ils reprirent leur revanche une heure aprezpar faire sauter quarante des Assiegezensuite d'une fausse alarme.Un soldat du camp s'etant allé rendre à Ostendedonnalieu au Gouverneur Marquette d'attaquer les Espagnolsd'uncorps-de-gardes; mais il n'i eut que de la confusion& que laperte de son Capitaine Froimau. Il n'en eut guere mieux en attaquantde petits retranchemens qu'il avoit abandonnez& que lesBourguignons avoient occupez. II est vrai que 1e Sergeant Perchet iperdit quelquesuns de ses trente hommes& qu'il i laissalui-meme la viemais il repoussa son ennemi& il en fit perirpour le moins autant qu'il en avoit perdusavant d'etre immolé.

Les VaIonsetoient prets à donner& ils n'attendoient plus sinon queles Espagnols le fussent. Ces braves le furent la veille de S.Jaqueleur Tutelaire. 53 pieces de canon saluerent les nouvellesfortifications des Assiegez. Mais ce feu se morfondit par la retraitede douze de ces 53 pieces & par la separation de mille cinq censhommesque l'Archiduc tira du camppour s'opposer aux entreprisesdu Comte Maurice à l'Ecluse.

Antuneznonobstant ce detachements'approcha d'une demielune au piédu vieux rampart; mais comme il s'avançoit vers une hauteuril sauta lui trenteunieme & l'on eut bien de la peine à lesauver avec trois soldats. Un soldat mutiné de dedans Ostendeaiant envoié un billetfut cause que les Italiens n'eurentpas un pareil echec.

TorrésChalonTouricourt& Mansfeld allerent à la sappe d'unedemielunequi s'oposoit à leur passageils s'en emparerentmais avec la perte des Capitaines GobrevilleMei & la Valléedu Major Goureide l'Enseigne Trinquet& du Sergeant laSaviere. Les Italienspar emulacions'emparerent de deux autres.Mais la Bonde Françoissortant avec 60 hommes les en chassa.Ce coup enhardit Marquetequi fit sortir sur le meme cartier600hommesqui se rendirent les maitres du canon des ItaliensAssiegeans. Mais ils n'en n'eurent qu'un quart d'heure la jouissance:car Melzo meme i venant en personnerelança rudement lesAssiegez. Mais cet intrepide en s'i fortifiantreçut unemousquetade à la jambe; Pompée Justinien prit sa placequoiqu'il portat encore le bras en echarpe. Nonobstant tout celàles Assiegez ne rabatoient rien de leur fiertépar lesnouveaux renforts qu'ils recevoient incessamment& ils elevoientde nouvelles demies-lunes à la barbe des Assiegeans.

LesEspagnols en etant indignezmepriserent le grand nombre de gensqu'ils perdoient& ils s'avancerent courageusement. Le 20 Aoutles Assiegez reçurent sur le soirtrois batteaux de secoursqui leur inspirerent autant d'insolencequ'ils donnerent de courageaux Espagnols. Ce secours apporta la nouvelle de la prise del'Ecluse; quoique les Assiegeans s'attendissent qu'ensuite le ComteMaurice viendroit pour les obliger à lever le siegeils neperdirent rien de leur constance: l'infatigabilité del'Archiduc & du Marquis Spinola suppleoit à tout. LesAssiegeans ne s'ebranlerent pas de trente deux Capitaines qu'ilsperdirent en neuf jourssachant qu'il en avoit couté ledouble aux Assiegez. L'Archiduc ordonna au Marquis Spinolapour oterenfin l'entrée au secoursde faire attaquer le Zantilpourpenetrer par làdans la vieille-Ville& pour boucher leport. Spinola en donna la commission à Lutzelburg & àBiglia. Ces braves presserent Marquette de si prezqu'il envoia auComte Maurice Brogghe & Geldrepour exposer l'extremitéoù il etoit reduit. Le meme jour les Espagnols ouvrirent laGueule-d'enferpar une mine& les Italiens ouvrirent leboulevard de West. Le 13 Septembre tout etant pret pour donnerl'assaut au Zantilles Valons i monterent intrepidemment. Enfin ilsen vinrent à boutaprez une perte de 200 hommesdont lesplus distinguez etoient des MottesValangedu Verger OfficiersValons& quelques Officiers Alemans. Ainsi les Valons & lesItaliens tenoient deux demies lunes de la nouvelle Ostende& lesEspagnols en tenoient unemais de tres-grande importance.

LesAssiegez perdirent 113 hommes en cinq jours. Aranci Sergeant Valonse trouva plus de cinquante pas de son posteaprez avoir lontemsvoltigé en l'airpar l'effort d'une mine. Les Assiegeztraitterent humainement quelques Assiegeansqui par la force desfourneauxfurent transportez dans leurs retranchemens. LesAssiegeans etant venus à bout de la seconde Ostendeentrouverent une troisiemequ'ils nommerent la petite Troie; elleetoit regulierement fortifiée.

LesAlemans de Lutzelburg entendant que Mauriceaprez la prise del'Ecluse s'approchoit d'Ostendesans consulter personneattaquerentle boulevard de Scotembourg& malgré la fiere resistancede Roque Françoisils l'emporterent l'epée à lamain& ils se rendirent maitres de la vieille-Ville. Nonobstantcelà16 bateaux de secours entrerent en la ville. Maurice fitdire aux Assiegez que s'ils pouvoient tenir jusqu'au huitiemeOctobreil ne manqueroit pas de venir les delivrer.

Marquetteetoit extremement pressé des Alemans de Bigliades gensd'Antunez& des Italiens de Menesés. La posteritédoit honnorer la belle action d'un Capitaine François nomméde la Casequi etant sur le point de faire jouer une minequin'auroit pas manqué de faire sauter Antunezen fit suspendrel'execucion sur cet unique piéqu'il ne falloit pas faireperir un si brave Officier d'une maniere si peu glorieuse. LesEspagnols alors etoient les plus avancez de toutes les nacions. Ledernier effort de Marquette fut une grosse sortie qu'il fit sur lesAlemans. Ils renverserent les premiersmais Biglia retablit lecombat& il relança l'ennemi. L'epouvante i etantrepandueun Lieutenant de Lutzelburg nommé Kernitzentrajusqu'au dernier retranchement des ennemis avec 30 hommes& ilcausa une telle fraieur par toutque les Assiegez crurent etre prisd'assaut. Marquete se tenoit si peu assuré des Valonsqu'onnommoit les mutinez des Forts de S.André & de CrevecOEurqu'il les fit embarquer de nuit. La meme nuit un Gentilhomme Alemandnommé Omelseuil sans en avoir aucun commandemententra luidixieme dans le dernier retranchement des Assiegez& il fit mainbasse sur tout ce qu'il rencontra.

EnfinMarquete se trouvant aux extremitez le 20 Septembre 1604fit battrela chamade par un tambour. Antunezqui commandoit la trenchéeaccorda une suspension d'armes& il en ecrivit incessamment àl'Archiduc & au Marquis Spinola. Les Colonels Gelder &Actonen vinrent au Camp comme otages d'Ostende& leMestre-de-camp Touricour & le Major Otannez vinrent àOstende comme otages du camp.

L'on neparlamenta pas beaucoup à la capitulation: parcequ'Albertdonna aux braves defenseurs presque tout ce qu'ils demanderent&que la Ville restant sans habitansil n'i avoit pas de conditions àleur donner. Ils sortirent avec toutes les marques d'honneurqu'on acoutume de donner aux gens de guerre qui ont fait une aussivaleureuse & une aussi longue defense qu'ils avoient fait. Lesspectateurs de la garnison qui sortoit& de l'arméeAssiegeante qui lui faisoit place rangée en haie laissoit endoute à qui apartenoit la premiere gloire: les defenseurs n'enaiant pas eu moins en soutenant Ostende l'espace de plus de troisansque les vainqueurs n'en avoient en forçant trois Villesde Troiebeaucoup plus difficiles à prendre que n'avoit etéla fabuleuse d'Homere & de Virgile: La capitulation etant signéede part & d'autrel'Archiduc prit possession d'Ostende le 20Septembre 1604.

Ostendefut Assiegée le 5 Juillet 1601. Charle Vander Noot i avoitalors une garnison de 21 drapeaux. François De Veer i vint deBergh-op-Zomavec 13 compagnies d'Anglois& Huctenbroec avec 7drapeaux. A la mi-Autonne les Assiegeans avoient tiré 35000coups de canon. Le 23 Aout la Zelande i fit entrer 20 drapeaux montezsur 30 navires. Huctenbroec visitant le cartier des Anglois fut tuéd'une mousquetade le 28 Septembre. Vander Noot lui succeda. Ostendeaiant demeuré 14 semaines sans convoireçut la flotede secours le onzieme Septembre. Le 13 le feu se prit au cartier deS.Albert où l'Archiduc fit une perte de 15000 francs; Le 3Decembre les Assiegeans firent une attaque malheureuse. De Veerfaisant mine de capitulerleva le masqueen voiant arriver le jourde Noel300 hommes de secours. Le 30 Decembre les Assiegeanslivrerent un cruel assaut. Le canon avoit emporté les deuxjambes à un Apoticaire; il en mourut; comme on le portoit enterrele canon lui emporta la tete sans blesser les porteurs. Ainsifinit l'an 1601.

Le 7 del'an 1602 les Assiegez donnerent une nouvelle attaque. Ils tirerent2000 coups de canon. Parmi les corps morts des Espagnols au boulevardde Zantilon trouva celui d'une femme habillée en homme. Ontrouva auprez d'elle un riche collier. A la mi-JanvierLantscroonHartain de Marquete introduisirent du secours à Ostende. DeVeer en la revuetrouva que sa garnison contoit 81 drapeaux. Le 15Fevrieril entra 15 drapeaux sous la conduite d'Emont. Le 25 Fevrierla mer fit de grans degats dehors & dans Ostende. Le 1 Mars lesEspagnols se servirent de tonneauxmais inutilementpour boucher lePort. Le 7 Mars De Veer sortit d'Ostende& il laissa leGouvernement à Frederic Dorp. Sur la fin de Marsil entra 36vaisseaux de secours. L'usage de l'horloge fut oté dansOstende.

Nous voicien l'année 1603jusqu'ici les Assiegeans ont tiré25000 coups de canon& les Assiegez cent mille. Les 13 Avril lesArchiducaux font une furieuse attaque. Le 14 les Assiegez font unegrosse sortie. Le 15 Dorp remet le Gouvernement entre les mains devander Noot. Le 22 les Assiegez mettent le feu au Luisbosch. Le 26les Assiegez tirerent 150 boulets artificiels; le feu dura troisjours. Le 29 Septembre Dorp repassa en Zelande. Le 7 Octobre lesAssiegez envoierent des boulets flambans au campde l'invencion deMaitre-Georgequi fut tué d'un canon crevé. Son valetfut poussé au port sans etre blessé. Le 30 Novembre lesAssiegeans envoient à Ostende des boulets flambans. Le 13Decembre Ghistelles vint commander à Ostendevander Noot enpartit le 23.

L'an 1604le Marquis Spinola succeda à Ribas Gouverneur de l'Ecluse.GhistelesJean LoonJaque Berendrect& Utenhove etant mortsDaniel Hartain Seigneur de Marquetearriva en qualité deGouverneur le 10 Juin& il le fut jusqu'à la prise de laVille. Spinola fit sauter le Zantil au mois d'Aout. Ce Marquisemporte le Polderwest& le Porc-epic aprez de sanglans combats.Les Alemans de Barlemont & de Biglia prennent le Sandtil. Le 22Aout une grosse tempete pensa noier les Assiegeans & lesAssiegez. Ostende se rend le 20 Septembre 1604. PompéeJustinien ecrit que ce siege emporta cent mille & quarante ames.On trouva sur les habits d'un Gentilhomme Alemand une listequiportoit que durant le siegeil etoit mort 7 Generaux15Mestres-de-camp19 Colonels165 Capitaines322 Enseignesmillecent & soixante Lieutenansneuf mille cent & soixante deuxSergeans& soixante six mille soldatsmille cent & nonantesix femmes & enfans. En tout 78046 personnes.




L'HISTOIREDE L'ARCHIDUC ALBERT SOUVERAIN DE LA BELGIQUE.

LIVREQUATRIEME.


Dez que la ville d'Ostende fut renduel'Archiduchesse Isabellequi avec l'admiration de Henri IV Roi deFranceavoit voulu participer aux dangers de son Epoux guerriers'avança vers une conquete à laquelle elle avoitcontribué de plus d'une maniere. Bien loin de se feliciter surce trophee; elle versa des larmes sur le grand nombre de Squeletsqu'elle rencontroit à chaque pas. Leurs Altesses firentbeaucoup d'honneur à la garnison qui sortoit comme en triomphed'une place qu'elle avoit defendue si lontems& sicourageusement. Le Marquis Spinola ensuite reçut sous sesTentes & traita magnifiquement l'Archiduc & l'Archiduchesseavec toute leur cour& avec les Generaux. La table fut suivied'un spectacle qui ne les rejouit pas moins. On mit toute l'Arméeen ordonance de bataille& puis on fit renouveller toutes lesataquescomme si l'ennemi eut encore eté dans la place. Cecombat divertissant fut terminé de trois salves roiales detoute l'artillerie. La joie fut diminuée de la mort d'unCanonier fort adroitqui avoit extremement bien servi durant tout lesiege sans etre blesséqui trouva sa triste findans cettefin joieuse de la guerre triennalle. Le Marquis Spinolacette grandeame qui ne regardoit jamais ses interetsconduisit leurs Altessesd'escadrons en escadronsde bataillons en bataillons& il leurspecifia les belles actions de ceux qui s'etoient valeureusementcomportez durant le siege. Cette recommendation leur valut de grandesrecompenses. Le Gouvernement d'Ostende fut donné au Sieur deGruson brave Colonel Valon qui avoit beaucoup contribué àla reduction de la ville; mais ce ne fut que par interim car leschoses etant un peu retabliesil fut donné à Eustached'Ognies pareillement Colonel Valon qui avoit merité cetterecompense par les brillantes actions qu'il avoit faites durant lesiege. Le Comte de Bucquoi fut recompensé de celui de Bruges.Toute la garnison & toute la bourgeoisie d'Ostende etoient siatachées à la Hollande qu'on n'y trouva qu'un homme &une veuvequi n'auroient pas manqué de suivre le restes'ilsn'eussent pas aprehendé d'etre traitez en justice en Zelandeoù leur nom n'etoit pas en bonne odeur. Mais ce fut celàmeme qui fit le bonheur d'Ostende; à la façon desvilles que l'Empereur Leopold prend sur les Turcs car trouvant lesplaces videsil y a moins à craindre que ces nouveauxconquisne cabalent& la Religion qu'on y veut etablirtriomphe & s'affermit sans obstacle. Aussi voions-nous quenonobstant les tentations de divers ennemisOstende àtoujours demeuré fidelle à son Souverain.

Ceux quisentent l'importance de cette placene regretent pas les septmillions que l'Archiduc sacrifia à cette conquete& jedoute fort si la France n'en emploieroit pas volontiers à lafaireautant que les Hollandois en emploierent à laconserverquoique la somme se montat à l'infini.

Le Comtede Bossu dans la famille duquel la Principauté de Chimai s'estvenue fondreeut le regiment du Colonel Gruson en recompense desexploits qui l'avoient rendu remarquable pendant le siege. Maisfaisons nous-memeà notre façonde glorieusesretributions aux Heros du siege d'Ostende.

La Maisonde Croï-Reux-Ligne-Aremberg-Arschot-Solre-Havré-Chimai-Barbansona tant de part dans l'Histoire de l'Archiduc& sur tout au sieged'Ostendeque c'est à juste titre que je la mets à lateste de ceux que je pretens de recompenser par la reconoissance quela plume d'un Ecrivain peut donner.

Marc filsdu Roi de Hongrie & neveu de S.Elizabet de Turinges'allia avecCaterine heritiere de Croï autrefois ville prez d'Amiens. Saposterité retint le nom de Croï& elle joignit lesarmes de Hongriequi sont une croixaux armes de Croï qui sontde gueules à 3 quintefeuilles percées d'or2.1. HenriIV erigea Croï en Duché en faveur de Charle de CroïDuc d'Arschot en 1598. Jaque premier vivoit au treizieme siecle.Jaque second epoux de Marie de Pequigni fut Pere de Guillaume epouxd'Isabelle Dame de Renti heritiere d'André & de Marie deBrimeu. Il en eut Jean Chambellan de Jean sans-peur & de Philippele Bon Ducs de Bourgogne. Il fut tué à la batailled'Azincourt en 1415. De son epouse Marie de Craon il eut Archambaudtué à Azincourt auprez de son Pere. Ce Jean premier dunom a fait les branches des Princes de Chimaides Comtes de Solredes Ducs d'Havré. Antoine qui aprez la mort de son frereArchembaud etoit devenu l'ainéfut Seigneur de Croï &de RentiComte de Porcien & de Guines & Chevalier de laToison-d'or& il mourut fort agé l'an 1475. Il avoitepousé Jeanne de Roubais fille de Jean Seigneur d'HerzelleAncetre du Chancelier de Brabant d'aujourd'hui& d'Agnez deLannoi. Il eut de ce mariage Marguerite Vicomtesse de Montfort enHolande. Antoine avoit pris une seconde alliance avec Marguerite deLoraineDame d'Arschot & de Burbeck fille puinéed'Antoine Comte de Vaudémont & de Marie de Harcourtdontil eut Philippe; Jean a fait la branche des Comtes de Reux & desSieurs de Cresques; Charle mort jeune; Jeanne epouse de Louis deBaviere-des-deux-ponts; Marie femme de Guillaume Louis de Los Comtede Blankenheim; Isabelle mariée à Guiond'Estouteville-Moyon; Jaquelinequi epousa Jean de Ligne; JeaneReligieuse de Moncel qui fut Abbesse des Cordelieres du FaubourgS.Marcel à Parisoù elle mourut l'an 1512. Philippefils ainé d'Antoine epousa Jaqueline fille du Comte de S.Paul& de Jeanne de Bar; il en eut Henri; Antoine Eveque de Terouanemort en l'Isle de Chipre en revenant de la Terre-sainte; GuillaumeGouverneur de Charlequintmort en 1521 sans avoir eu posteritéde Marie Madelene de Hamal Trazegnies. Philippe mourut en 1511. Sonainé Henri epousa Charlote de Chateaubriantdont il eutPhilippe second; Charle Comte de Porcienqui de Françoised'Amboise eut Guillaume Cardinal Archeveque de Tolede qui etant alléà la chasse le 6 Janvier tomba de cheval dont il mourut agéde 23 ans 1'an 1521 pendant la Diete de Vorme; Robert Eveque deCambrai; Charle Eveque de Tournai; Jaqueline Marquise de Berg surl'Ecaut; Charlotte Abesse de Gilenghien; Helene mariée àJaque de Luxembourg Sieur de FrennesComte de GraveChevalier de laToison-d'or. Philippe II fils ainé de Henri fut crééDuc d'Arschot par Charlequint. D'Anne de Croï Princesse deChimai il eut Charle mort en 1551. Philippe IIIAntoine & Louismorts en enfance; Guillaume Marquis de Renti qui d'Anne de Renesse safemme eutAnne femme d'Emmanuel de Lalain- Montigni Chevalier de laToison-d'Or. Philippe II prit une seconde alliance avec Anne deLoraine veuve de René de Nassau-Chalon Prince d'Orange&fille d'Antoine Duc de Loraine. De ce mariage vint Charle PhilippeChevalier de la Toison-d'orqui laissa posterité. PhilippeIII fils ainé de Philippe II & de Jeanned'Halluin-Comineseut Charle; Marguerite Comtesse de Bossu&Anne l'ainée qui porta ce riche heritage à Charle deLigne son epoux.

Charle deTrazegnies s'est distingué au siege d'Ostende & danstoutes les expedicions que l'Archiduc Albert a faites en la Belgiquecomme il conste par l'erection qu'il a faite de sa Baronnie deTrazegnies en Marquisatle 8 Fevrier 1614. Charle avoit epouséAdriene de Gavre fille ainée du Comte de Beaurieux. Le Cadetlegitime d'un Souverain de la Bourgogne eut pour appanage laFrancheville & terre de Trazegnies qui confine aux Provinces deBrabantde Hainaude Namur & de Liegeoù ils onttoujours exercé le droit de Souveraineté; & oùles Ducs de Brabant & de Hainau se sont quelquesfois trouvésaux tournois que les Seigneurs dudit lieu ont donnez. La tige decette maison est Gillion premierement Epoux de Marie Comtessed'Ostervant proche parente du Comte de Hainaut & puis de GratianeSultane de Babiloneses decendans vendirent la terre d'Ath au Comtede Hainau. pour s'aller signaler en la terre Sainte. Ils furent aussiConnetable de Francependant le Regne de S.Louis sous le nom deGille le Brundont le Pere etoit Connetable de Flandre; cettebranche conta jusques à sept generationsla derniere setermina en Agnés heritiere de Trazegnies qui epousa Eustache VSeigneur du ROEux Cadet du Comte d'Hainauqui prit le nom & lesarmes de Trazegnies&: qui les transmit à Otton Baron deTrazegnies & de SillyPair de Hainauqui continua aussi saposterité jusques à sept generations qui se termina àAnne heritiere de Trazegnies qui maria le dernier de Juillet 1414 àArnou de Looz-de-Chinidit de Hamal.

Arnousuivant l'exemple d'Eustache de Hainauquitta le nom & les armesde Looz-Chini-Hamalpour prendre celles de Trazegnies. Il transmitneamoins celles de Hamal à son Cadet. Un de ses fils epousaJeanne fille de Richard Baron de Merodeduquel il i eut une fillenommée Marie de Hamalqui epousa Guilleaume de Croy Marquisde Chevre Gouverneur & Favori de Charlequintsurnommé lagloire de la maison de Croyils sont enterrez aux Celestins deHeverle prez de Louvainqu'ils ont fondez. Un autre de ses filsepousa l'heritiere d'Armuyde qui est un Vicomté& un portde la Zelande. Son fils Jean qui epousa Michelle de Ligne fut grandChambellanConseillier d'Etat & Amiral de Philippe le Beau Roid'Espagne& Archiduc d'Autriche. Son fils Jean epousa Isabellede Werchin. Il fut grand Chambellan de l'Empereur CharlequintChevalier& Doien de la Toison d'orGeneral de ses arméesdans les Provinces de Luxembourgde Hainaude Namur & de Liege;il epousa au nom de l'Empereur Charlequint Isabelle de Portugal. Sonfils Charle epousa Marie de Palant de Culembourg. Il eut la mercedede la Toison d'ormais il n'en prit pas possessionaiant etéprevenu de la mort. Charle son filsqui est celui qui s'est trouvédans le siege d'Ostended'Adrienne de Gavre eut Gillion OttonMarquis de Trazegnies qui epousa Jaqueline de Lalain veuve du Comtede Middelbourg fille ainée du Comte d'HooghstratenChevalierde la Toison d'or & Gouverneur de la Province d'Artoisil futGouverneur de Philippeville& aprés Gouverneur &Capitaine General de la Province d'Artois. Par une confiance &par un honneur particulier il eut conjoinctement pendant plusieursannées de guerrele Gouvernement de deux Provincessavoircelui de Tournai & d'Artois il laissa une posterité dignede ses Ancestres. Deux de ses fils epouserent deux heritieres; Eugenel'ainé epousa Charlote de Merode; Comtesse de Villémont.Dame de Clermont & de plusieurs autres terres. Octave Josephsonquatrieme filsepousa l'heritiere de Willocq de Bomy ; son cinquiemefils Procope epousa Marie Louise d'Arragon Niece du Duc deTerra-nova; ses deux autres filsAlbertVicomte de BilsteinestPrevost du tres-illustre Chapitre de Nivelle & Somelier de laCourtine de la Chapelle Roiale & l'autre nommé Ferdinandest mort Prevost de Louvain. Sa fille ainée a etémariée à Charle de la Baume Marquis de S.Martin&la seconde à Ferdinand Comte de Hamal Baron de Vierue. Lespetites filles sont Madame la Comtesse d'Aubigny & Madame laChanceliere Marquise d'Herzelle d'aujourd'hui.

Un Princed'Arembergh fut envoié au secours de Charle IX Roi de Franceavec son armée Belgique & puis il contribua à lavictoire que Henri III remporta sur le Prince de Condé chefdes Huguenotsprez de Basac l'an 1568. Aremberg chargé delauriers François revint en son Gouvernement de Frise & ilsacrifia sa vie au service du Roi Filippe II devant Heyligherlée.Sa Veuve Comtesse de la Mark fut Gouvernante d'Elisabet Fille del'Empereur Maximilien epouse de Charle IX Roi de Francequi donna àla conductrice de son epouse un bijoux de 10000 francs dans la villede Maiziere. Aprez ses saints voiages elle se retira à Nanciprez de la Duchesse de Loraine Niece de Charlequintqui l'aimoitcomme sa propre Mere. Ce fut là qu'elle tint sur les fonds leDuc de Vaudémont. L'ainé de cette Dame qui se nommoitCharlefut toujours fidelle au Roi& il en reçut degrandes faveurs. Il presida au Traité de paix que l'Espagnefit avec l'Angleterre; il fut chef des FinancesColonel des AlemansAmiral & otage pour la paix de Vervins. Il se retira àEnghien que notre Archiduc lui permit d'acheter; il i batit lesCapucins& il i fut enterré le 18 Janvier 1616. Anne deCroi sa veuve i a doté le Cloitre de Nazaret. Son ainéa marché sur les traces de ses Ancetresson puinéAlexandre Prince de Chimai& Comte de Beaumont mourut jeuneletroisieme est le Pere Charle d'Aremberg Capucin & le cadet est lePere Desiré qui a suivi son frere dans l'ordre Seraphique.

Cettemaison d'Arembergh subsiste dans le fils de la Duchessed'Arschot-Arembergh-Grana. Cet enfant de benediction est le fils &le Neveu des deux heroiques Arembergh les victimes de la bataille deNeuheusel & de Salankemen contre les Ottomans. Je donnerai plusde jour à mon histoireen vous donnant la maison de la Marck& d'Aremberg. Mark est la Ville capitale du Comté de laMark dans la Vesfalie. Le Marquis de Brandebourg l'a eue del'heritage de la maison de Juliers. Elle est sur la Lippe au midi;elle a la Vesfalie au LevantMunster au Septentrionau midi &au couchant le Duché de Berg. C'est de là que la maisonde Marck tire son nom. Engelbert mourut en prison l'an 1277. DeCunegonde de Schasswembourgil eut Everard & Agnez epouse deHenri de Mont Seigneur de Vindeck. Everard combatit à labataille de Voring prez de Cologne pour Jean Duc de Brabant en 1288.Il mourut en 1308 laissant d'Ermengarde de MontEngelbert secondqui de Matilde Dame d'Aremberg fille unique de Jean d'ArembergeutEverard second qui epousa Marie de LosDame de Lumain & deNeuchateau en Ardenne prez de Monpleinchampdont il eut Everardtroisieme qui epousa Marie de Braquemont-Sedan-Florenville. Il en eutJean premierqui en 1443 d'Agnez de Vernembourgeut Everard qui afait la branche d'Arembergque Maximilien II a erigée enPrincipautéen faveur de la maison d'Arschot. Albertd'Aremberg Fils de Robert & de Claudine Comtesse du RhinepousaMarie fille & heritiere d'Everard Prince de Barbansondelaquelle il eut Octave & Isabelle d'Aremberg. Albert Prince deBarbanson etoit petit-fils de Jean de Lignequi prit le nomd'Aremberg en epousant Marguerite de La Marck heritiere du Comtéd'Aremberg.

Le DucOctave Prince de Barbansonqui a defendu Namur en 1692est frere dela Princesse Isabelle; il a deux filles de son Epouse de la maison deManriquez de Lara. Isabelled'Albert François de LalaineutMarie Gabriele la Ringrave Douariere; & d'Ulric de Virtembergelle eut en 1653 la Princesse Marianne. Nous avons vu deux freresd'Aremberg Gouverneurs de Hainau immediatement avant le Prince deRache; l'un est mort sans posterité& il a laisséMadelene de Borgiaqui se felicite avec grand sujetd'etre lapetite-fille de S.Borgia troisieme General des Jesuites; le seconddes Aremberg qui a succedé à son frere au Gouvernementde Hainauavoit epousé la Princesse de Cusance qui se tient àLouvain ou à Heverle où sont les tombeaux magnifiquesdes Croï-Aremberg. Ses deux Fils ne trouvant pas la Belgiqueassez vaste pour leur grand cOEuront eté chercher la bellegloire de leurs Ancetres en combatant contre les Infidellesoùils sont morts au lit-d'honneuren donnant toutes les marques d'unevaleur heroïque. L'ainé qui est demeuré àla bataille de Salankemen en 1691avoit epousé la fille duMarquis de Grana mort Gouverneur de la Belgique à Marimont. LasOEur du Duc du Prince d'Aremberg qui ont signé leur foi &leur courage de leur sang en Hongrieest l'Epouse du Comte d'EgmondGeneral de la Cavalerie du Roi. Quoique le Comte de Buquoi ait relevéVelasco General d'Artilleriela Belgique& singulierement laVille d'Ostende ne laisse pas d'avoir de grandes obligations àce nom immortel de Velascodont les Comtes de Salazar etoient lesdecendans.

Claude deLaberlot ou Labourlottecomme on le nomme communémentmerited'avoir ici un rang distingué. Sa naissance tient de cellesdes grands hommesqui sont souvent douteuses; la Loraine sel'attribuela Bourgogne la lui dispute. Le nom de Claude favoriseles Bourguignons. D'où qu'il soitil est certain qu'il nousest venu de bon lieu. Le grand nombre d'ennemis qu'il a eussont desconvictions de son merite extraordinaire: la foudre de l'envie passeles buissons& elle s'attache aux hauteurs. Ils disent qu'iletoit de basse extraction & qu'il avoit manié le rasoir &la lancette avant de manier l'epée& la pique; mais ceuxqui sont exemts de passionen parlent autrement. Ils disent qu'eneffet ils savoit de bons remedes pour les blessuresmais que c'etoitune etude que la curiosité & la charité & nonpas la necessité lui avoient inspirée; & qu'il i aautant d'injustice de le faire passer pour Barbier ou pourChirurgienqu'il i en auroit de faire passer Madame FouquetVicontesse de Melun pour une charlataneacause qu'elle donnoit desremedes aux pauvres; remedes que l'on a imprimez& qui ont del'approbation. Ce fut la meme bevue qui fit passer pour fils deMedecin le Seigneur Robert de Cotereau le liberateur de Charle Hardià la bataille de Montleheriparceque le pere de ce Cavalieretoit un Gentilhomme qui par inclination particulieres'etoitapliqué à l'etude de la medecine. Ce qui ne derogeoiten rien à son ancienne noblesse. Labourlotte etoit un homme àtout entreprendre; nul danger ne l'epouvantoit; il entroit au combatcomme s'il eut eté assuré de la victoire. C'etoit àlui qu'on confioit les coups de main. Ceux qui n'aimoient pas qu'onles hazardast tantou qui se voioient eclipsez de ses succezletraitoient de temeraire heureux; si ces injustes ne le regreterentpasles soupirs que l'Archiduc jetta à sa mort compensent ladureté de ces insensibles jaloux. Il est enterré àLopogne dans une tombe relevée sous cette epitaphe: Ici gitnoble & illustre Seigneur Messire Claude de la BourlotteChevalier & du Conseil de guerre du RoiColonel de douzecompagnies LuxembourgeoisesSeigneur de Berstein de Boncourde laValléede Lopogne & de Basi. Il fut tué au FortIsabelle prez d'Ostende le 24 Juillet de l'an 1600.

On ditqu'il gagna les bonnes graces de Mansfeld par le delivrer de sa femmeincommode; mais je n'en crois rien: il etoit trop honete homme pourfaire un coup si vilain. La Bourlotte conseilla à l'Archiducde se contenter de sa victoire du pont de Lefingue sans aller pousserles Holandoisau desespoir devant Neuport. Mais il prefera leconseil d'un Sicilien qui dit qu'Albert devoit etre plus sagequ'Annibal & qu'il ne devoit pas s'arreter à sa victoirede Cannes. Aprez qu'Albert eut eté battula Bourlotte s'envangea par le mot trop militaire qui est assez connu.

Il laissaun fils & une fille. Son fils François s'est fait del'Ordre de S.Dominique& il a laissé le bel heritage àsa sOEur Anne epouse de Robert Baron de Celles & de Foi au païsde Liege prez de Dinant celebre par les miracles que Dieu a operez &qu'il opere devant la Statue de terre pierreuse qui fut trouvéeau cOEur d'un chene.

FrançoisMendoze servit de sa main & de son esprit au siege d'Ostendeoùil assista etant Amiral d'Aragon. Il etoit fils d'Ignace ou d'InigoMarquis de Montejar. Il fut fait Commandeur de Valde-Peñas del'Ordre de Calatrave. Il etoit excellent pour les negociations &pour les Ambassades. Il a donné au public celles qu'il fitvers l'Empereurvers notre Archiduc & vers le Roi de Pologne.

Il setrouva à la bataille de Neuportmais il eut le malheur d'ietre fait prisonnier. Il ne faisoit que de sortir de son arrest quandil vint au siege d'Ostende. Les Hollandois l'avoient conduit enZelande& ils l'i avoient retenu deux ans entiers. Aprez laprise d'Ostendeil retourna en Espagne& il s'i maria avecMarie Ruiz Colon de Cardonne Duchesse de Veraguas etant restéVeufil se fit Pretre& il mourut le premier de Mars l'an 1623dans le tems que le Roi l'avoit nommé à l'Evechéde Siguença. Ses Ambassades furent imprimées àBrusselle l'an 1579.

Jaque deGand Comte d'Isenghien premier Majordome de Son Altesse rendit designalez services au siege d'Ostendeen qualité de Conseillerd'Etat & de chef des bandes d'ordonnance; son fils PhilippeLamoral marchant sur les vestiges de son perereçut de granshonneurs comme fut celui de Gouverneur de Lillede Douai &d'Orchies. Enfin le Roi Filippe IV le premier jour d'Août del'an 1652 mit le couronnement à la maison de Gand en erigeantMasmines terre de Flandreen Principauté en faveur dePhilippe Baltazar Comte d'IsenghienBaron de Rasienghien & deBusbequeGouverneur du Duché de Gueldre& Chevalier dela Toison d'oracause des grans services qu'il avoit rendus àla Couronneen Alemagneen Catalogne & en la Belgique& envue de sa grande Noblesse. Sa Majesté ensuite reconnoit qu'ilest descendu des anciens Comtes de Gandqui font de la maison deSaxe par le Comte Billing-de-Saxedont l'ainé fut Vicman ouComte du chateau de Gand bati par l'Empereur Oton premier& dontle second fils Herman Billing Duc de Saxe est la tige de la maisonDucale & Electorale de Saxe; que cette maison de Gand a eu desPrinces d'Alostdes Seigneurs de Dermondedes Barons deFolquinghamdes Comtes de Licolnede Guinesde Soissons & deBelfort; & des Seigneurs de Couci; enfin qu'elle a fait desalliances avec les plus augustes maisons de l'Europe.

Le Princede Masmines en qualité de Doien de l'Ordredonna laToison-d'or au Duc de Villahermosa & au Duc d'Arschot-ArembergGouverneur d'HainautOncle des deux heros morts en Hongrie cesannées passéesavec une pompe toutafait Roiale. CePrince mourut chargé de merites & d'années àBrusselle le 27 Fevrier 1681. De Louise de Sarmiento premiere Damed'honneur de la Reine Isabelle de Bourbon premiere Epouse du RoiPhilippe IVil eut quatre fils & quatre filles; ces filles sontla Marquise de Risbourgla Comtesse de Mastaingla Marquise deVillanova& la Marquise de Valpareyso qui est morte.

L'ainédu Prince de Masminesà qui le Roi fit donner son nom dePhilippemourut à Madritagé de quatre ans. JeanlePuisné epousa Marie de Crevant. Le Roi Louis XIV erigea sonComté d'Isenghien terre de Flandreen Principauté&il lui donna les honneurs du Louvre. La Princesse Veuve d'Isenghienest la fille de Louis de Crevant Duc d'HumierescrééMarechal en 1668 Gouverneur du Pais conquisChevalier des Ordres duRoi grand-Maitre d'Artilleriecelebre par la prise de S.Guilaind'Airede Lieuwe&c. Le Marechal d'Humiere a epouséLouise Antoinette Terese de la Chastre fille d'Edme de la ChastreComte de Nancci & de Françoise de Cugnac& deDampiere. De ce mariage vint aussi Henri-Louis Marquis d'Humieres quia eté tué au dernier siege de Luxembourg.

Letroisieme des fils du Prince de Mamine est Charle Comte de Gand quimourut Capitaine de Cavalerie en Catalogneau regret de toute laCour qui le regardoit comme un sujet capable de tout ce qu'on peut sefigurer de grand. Le cadet enfin est François Albert tenu surles saints Fonds par son Oncle François de Gand Eveque deTournaisuccesseur de Maximilien de Gand pareillement Eveque decette ancienne Eglise. Il naquit à Ruremonde & il futtrois ans à la Cour de Madrit où le Roi lui donna unRegiment& où il le confirma dans les prerogatives dePrince de Mamine.

La gloirede la maison d'Isenghien est que le Comte de cette Principautésauva le guidon Archiducal à la bataille de Nieuport.

J'aidoutési je ne devois pas mettre le Comte de Bucquoi a latete des vainqueurs d'Ostendepuisque ce fut à la faveur d'unouvrage qu'il construisit contre vent & maréeque laVille succomba. Son pere nommé Maximilien-Baron de Vaux avoitmerité la Toison-d'or& c'est tout ce qu'on peut dired'un homme; les statuts de l'ordre portant qu'on ne puisse la donnerqu'aux illustres naissances& aux merites fort extraordinaires.Alexandre de Parmemandant au Roi la mort glorieuse de ce brave ausiege de Tournail'avertit que le collier qu'il avoit destinéau peredevoit se reserver pour le fils Charle Bonaventure de Longueval Comte de Buquoiqui tout jeune qu'il etoitfaisoit esperer desmerveilles. Alexandre ne se meconta point. Le Comte de Buquoi fut undes plus signalez Heros que plusieurs siecles aient admirezsi l'onconsidere sa pietéson jugementson adresseson bonheurson intrepiditéson infatigabilité. Il se trouva danstoutes les chaudes occasions de son tems& il en revint toujourschargé de lauriers. Son chef-d'euvre fut la reduction dePrague& la couronne de Boheme qu'il remit sur la tete del'Empereur Ferdinand second. Aprez avoir rempli l'Univers de lagrandeur de ses victoiresil fut accablé des Transsilvains deBetlen Gabor non pas prez de Neuheuselmais prez de Neuheusol ensoutenant ses fourageurs en 1621.

La maisond'Autriche s'est fait comme un plaisir d'enrichir & de glorifiersa posterité. Les Empereurs leur ont donné de gransbiens en Alemagne. Le Comte de Rosenbergh de Buquoi en jouissoitquand il fut accablécomme son Ancetredes Turcsimmediatement avant la bataille de Salankemenoù le PrinceLouis de Bade eclipsa le Croissant en l'an 1691. Le fils du heros deNeuheusol fut recompensé du Gouvernement de la Province deHainaut. Dominique de Jesus Marie Carme guidon spirituel de labataille de Praguepour garder sa promesseresuscita & donna samain à baiser à ce Comte qui etoit encore jeuneàla vue d'une infinité de monde. Les filles de ce Gouverneur deHainaut sont les Marquises du Quenoi & d'Argenteau& laComtesse 'Tserclaes de Tilli qui a laissé Veuf le General desLiegeois d'aujourd'hui.

Le Tillidont le Regiment Liegeois fit des miracles au siege d'Ostende etoitl'Ancetre de ce Comte Albert de Tserclaesqui s'est fait admirerdans plusieurs occasions ecclatantesmais sur tout au bombardementde Liege de l'an 1690. Il maintint la Ville dans son devoir encourant par toutnonobstant les bombes & les carcasses quitomboient comme de la grele à ses cotezil relança leMarquis de Bouflers qui etoit descendu par la Chartreuse; il lui fitpasser l'envi de rester plus lontems à Robermont& il luifit voir que ceux qui lui avoient promis les clefs de Lieges'etoient oubliés qu'il i eut un Prince d'Elderen & unComte Tserclaes à la defense de cette fille bienaiméede l'Eglise Romaine.

Le Ducd'Aumale merite une place honorable dans cette histoire. Aumale surla Bresse est une petite ville de Normandie. Henri II Roi de France.en 1547 erigea Aumale en Duché en faveur du Duc de Guise quile ceda à son frere Claude de Lorraine né le premierAout 1526. Claude en 1547 epousa Louise de Brezéde laquelleil eut Charle de Lorraine Duc d'Aumale dont je parle. Charle naquitle 25 Janvier 1555. Il fut Gouverneur de Picardie. Ce fut ensuitel'un des principaux appuis de la ligue. Jamais il ne sut oublier letort qu'il croioit avoit fait à sa maison à Blois parle massacre du Duc de Guise& du Cardinal de Lorraine. Et laligue aiant cessé par la paixil se retira en la Belgiquesous les auspices de notre Archiducqui l'honora selon sa qualité& de qui il reçut de signalez services. Ce Duc avoitepousé le 10 Novembre 1576 Marie de Lorraine fille de RenéMarquis d'Elbeuf; & il en eut Charle Henri & Madelaine mortssans alliance; & Anne mariée le 14 d'Avril de l'an 1618avec Henri de Savoie premier du nom Duc de Nemoursmort l'an 1632.De ce mariage vint François de Paulemort en enfanceLouisDuc de Nemours mort l'an 1641Charle Amedée de Savoie&Henri de Savoie second du nom. Charle Amedée fut tué enduel à Paris en 1652. Une sainte ame a eu revelation que Dieului avoit accordé un acte de contrition avant que de mourir.Ce brave& ce pauvre Prince laissa d'Elisabet de VendomeMarieJeanne Batiste Duchesse de Savoie& Marie FrançoiseElisabeth Reine de Portugalepouse premierement du Roi Alphonse deBragance& puis du Roi Pierre son frere qui regne glorieusementaujourd'hui. Pourque cette maison roiale de Nemours ne perit paslecadet nommé Henri qui etoit deja Archeveque de Reimsavecdispense du Papeepousa Marie d'Orleans-Longueville en 1657 ; maisetant mort sans enfants en 1659il ensevelit la maison de Nemoursqui avoit subsisté en France l'espace de 150 ansdepuisPhilippe Duc de Genevois & de Nemoursfils puisné dePhilippe Duc de Savoie& de Claudine de Brosse-Bretagne sonepouse. Notre Duc Charle d'Aumale tige de tant de Heros mourut en laBelgique l'an mil six cent vingt.

Aprezl'Archiduc d'Alberton doit la reduction d'Ostende à AmbroiseSpinolaMarquis de VenafreChevalier de la Toison-d'or &General d'Armées en la Belgique. Spinola est un Marquisat dansle voisinage de Montferratdu Milanois & du païs de Genes.Comme j'ai envi de faire une histoire particuliere d'Ambroise Spinolaje me contente de dire ici que tout le mondememe durant sa vie lepreconisoit le Fabius Maximus & le Scipion l'Africain de laBelgique.

Ce seroitfaire un injuste partage que de donner de la louange à ceuxqui ont travaillé pour le temporel& que de negliger ceuxqui ont travaillé pour le spirituel. Pour ne pas commettrecette espace d'injusticeje dis en generalque la mission castraledes Jesuites n'omit rien pour santifier ce plus fameux des sieges.Cette mission commença & s'acheva sous Alexandre FarneseDuc de Parme. Tomas Sailli Brusselois qui fuioit la Cour autantqu'elle le cherchoitne se contentoit pas du titre de Confesseur deSon Altesse de Parmemais aiant servi la Couril se donnoitentierement au service des pauvres soldatsparmi lesquels ilcontracta la peste dont il fut gueri miraculeusement ensuite d'unevOEu qu'il adressa à la Mere de Dieu. Le Medecin du Duc quis'en etoit aprochéavoit gagné la peste& il enetoit mort.

Le zele deSailli fit songer à la mission castrale que le Roi fondadepuis à perpetuité en faveur des Jesuites. Ils se sontde tout tems rendus dignes de cette distinction roiale: ce fut enconfessant les blessez que Nicolas Montanus fut tué àS.Quentinque Pierre Buzelin Superieur de la missionLaurentEverardi& Oton Campensis Confesseur de l'Archiduc Ernestlefurent par les Calvinistes à la bataille de Nieuport.

Le SieurNicolas de Monpleincamp mort à Namur & enterré dansl'Eglise de S.Loup m'a raconté de s'etre confessé àPierre Eulart à la bataille de Fleuru de l'an 1622 oùil se trouva en qualité de Cornette& de l'avoir vu parmiles bataillons tout chargé de sang d'un coup de mousquet qu'ilavoit reçu à la tete. Herman Hugo auteur du siege deBredafut aussi une victime de la mission castrale en 1629.

La Trevede douze ans avec la Hollande expira le 29 Avril 1621. Il sembla quel'Archiduc Albert voulut emporter au tombeau le nom de Pacifique;puisqu'il sortit de ce monde peu aprez. Les Holandois crurent que lebonheur & la bravoure entreroient dans son tombeau& ilscrurent avoir bon marché de l'administration d'une Princessemais ils ne tarderent guere sans sentir qu'ils avoient en elle uneDebboraune Jahelune Judith. Elle fit Assieger & prendre laforte Ville de Juliers ; & l'an 1622elle fit assiegerBerg-op-Zoom sur les confins du Brabant. Une terreur panique qui sejetta au camp fit avorter ce dessein; mais elle ne put pas eteindrela splendeur des belles actions que le Jesuite Guillaume Buvet i fiteclater. Les Assiegeans occupoient& fortifioient un poste.Buvet i fut envoié pour donner chaleur aux travailleurs&pour donner les derniers secours de I'Eglise à ceux quiseroient blessez. Les Hollandois minerent cet ouvrage& au memetems que le fourneau jouails i donnerent une furieuse ataque. Lamine fut si favorable aux Hollandois qu'elle decouvrit lesArchiducaux qui s'i etoient logez & qui s'i defendoient en lions.On i fut lontems aux mains; enfin les Archiducaux furent contraintsde ceder à la multitude& d'abandonner leur poste. Commeils se retiroientBuvet qui ne faisoit que de sortir des ruines deterre qui l'avoient accablé& où il avoit perduson chapeauarreta les Archiducaux& il leur reprocha leurlacheté. Au meme tems il leur montra ce qu'ils avoient àfaireen se chargeant de la hotte & en reparant la breche. Lessoldats honteux de voir qu'un Pretre leur aprit leur metierrentrerent dans le posteils s'i retrancherent& ils s'imaintinrent nonobstant toutes les attaques de l'ennemi.

Cependantun bruit se repandit parmi le camp que Buvetetoit enseveli sous lamine. Quelques-uns meme disoient qu'il etoit mort d'un coup de pique.On commençoit deja à le deplorer lorsqu'il se fit voiraussi brillant de gloire que chargé de terre. On fut lontemsqu'on ne parloit à l'armée que de l'intrepidité& de l'infatigabilité de Buvet. On la manda au Roi enEspagne& celà augmenta l'amour qu'il avoit pour cesMissionairesqui retenoient tant de l'esprit martial de leur perequi s'etoit fait casser les deux jambes en defendant Pampelune contreles François. Buvet mourut quelques tems aprez au litd'honneurau grand regret de toute l'armée& sur toutdes pauvres soldats dont il etoit le consolateur & le nouricier.Le Cardinal Infant Ferdinandqui s'en servoit souvent pour sesconfessionsdeclara souvent en publicque l'armée avoit faitune tres-grande perte dans la personne de Buvet.

Tandis queBuvet se bat courageusement à Berg-op-Zoomje me resouviensde ce que d'autres de sa robe firent le 9 Septembre de l'an 1590 àParis derriere leur maison autrefois de Clermont& presentementde Louis le Grandqui en ce tems etoit contigue aux anciensramparts. Alexandre Farnese Duc de Parme aiant fait lever le siege deParis à Henri IV Roi de France & de Navarre qui n'etoitpoint convertice Roi vraiment grandessaia d'avoir sa revanche enescaladant cette grande Ville. Pour cet effet la nuit du Samedi auDimanche il fit couler 4000 soldats choisisavec une bonne troupe deCavalerie dans les Fauxbourg de S.Jaque & de S.Marcel sous laconduite du Comte de Chatillon. pour donner l'escalade entre ces deuxportes aprez minuit tandis que tout le monde dormiroit: car Henri IVne croioit pas que les Parisiensqui savoient que l'Arméeavoit eté tout le Samedi en bataille dans la plaine de Bondydussent se tenir sur leurs gardes de ce costé. Mais comme onavoit eu quelque avis de ce dessein& que d'ailleurs les troupesne purent entrer dans ces Fauxbourgs sans faire bien du bruiton enprit aussitot l'alarme. On sonna le tocsin par tout& lesBourgeois accoururent en foule sur les rempartsprincipalement encet endroit. Mais enfin comme aprez avoir atendu lontemsrien neparut & qu'on n'entendoit plus aucun bruitparceque les ennemiscouverts des Fauxbourgs gardoient un profond silencesans remueronprit celà pour une fausse alarme. On cessa de sonner&chacun se retira dans fa maison excepté dix Jesuites qui plusvigilans que les autres demeurerent fermestout le reste de la nuitdans ce poste qui n'est pas loin de leur Collegevers l'estrapade.

Cependantles soldats de Chatillon s'etant fort doucement coulez dans le fossécommencerent sur les quatre heures du matinà planter leursecheles à la faveur d'un grand brouillard qui les couvroit. Lapartie etoit bien faite: car on n'avoit besoin que de dix ou douzesoldatsqui s'etant jettez dans Paris eussent ouvert la Porte deS.Marcel à leurs troupespar l'intelligence qu'on avoit avecun Capitaine de ce quartier. Aprez quoi l'on se fut aisémentrendu maitre de l'Université. Ensuite la Ville & la Citéeussent mieux aimé s'accorder avec Henri IVque de voir Parisdevenu la proie de deux grandes Arméesen recevant pour etresecourues celle du Duc de Parme par la Porte de S.Martin.

Mais lavigilance des dix Jesuites rompit de si justes mesures: car aiant ouile bruit que faisoient dans le fossé ceux qui apuioient leursecheles contre la murailleils se mirent à crier aux armes detoutes leurs forces. Les soldats neanmoins ne laisserent pas demonter& le premier qui se fit voir tout pret à se jettersur le rempart parut justement à l'endroit où etoit lePere Comelinqui lui donna un grand coup d'une vieille hallebardequ'il tenoit etant là en sentinelle & en aprennant sonsermon. Il la lui rompit en deux sur la tete& il le renversa duhaut de l'echele dans le fossé. Les compagnons de ce vaillantJesuite en firent autant à deux autres& un quatrieme quietoit deja monté& qui tenoit d'une main son echelle pourdecendre dans la Ville& de l'autre un grand coutelaspourfendre la tete au premier qu'il rencontreroitfut arreté pardeux de ces Jesuitesqui avec chacun une pertuisanele pousserentsi vigoureusementque malgré tous les coups qu'il leurportoit inutilement de trop loin de peur d'etre enfermé de cespertuisanesils le contraignirent enfin de quitter son echelle&l'aiant blessé à la gorgeils le firent tomber aprezses compagnons dans le fossé.

Les deuxpremiers Bourgeois qui accoururent au secours furent l'AvocatGuillaume Balden& le fameux Libraire Nicolas Nivelle. CesBourgeois trouvant un Jesuite aux prises avec un soldatqui montoitmalgré tous les foibles efforts que ce Pere faisoit pourl'empecherse joignirent à lui& ils lui aiderent àle tuer. L'Avocat Balden se tournant vers un autre qu'il aperçutdejà montélui dechargea d'un revers de son coutelasun si grand coup sur la main droitequ'il la lui coupa tout net&qu'il lui fit sauter la muraille. Cependant comme l'alarme avoitrecommencé fort chaudementon courut de tous les quartiers encet endroit de la muraille& l'on obligea les gens de Henri IV àse retirer prontement. Ce fut ainsi que Paris dut sa conservation auxJesuites.

Le sieged'Ostende qui nous a donné occasion d'immortaliser ces Heros asacrifié un grand nombre de Missionaires que les travauxlesmaladies & sur tout les canons & les mousquets ont ensevelisvraiment au lit d'honneur; le plus distingué fut Spikermansurnommé l'Apotre des Alemans; une bale lui apporta lacouronne due à ses conquetes vraiment Apostoliques qui furentplus de 80 hauts Officiers convertis à la foi Catolique. Voicila vie que ces Peres menoient au camp. Ils procurerent que le saintViatique fut porté aux malades en grande pompe& avec uneinfinité de flambeaux; on convoquoit l'armée àla Messe au son de la cloche. On donnoit trois fois le jour au sondes trompettesle signal de l'Angelus. Il i avoit une lampeimmortelle devant la statue de la Vierge dans la tente desMissionairesoù il i avoit peu de sentinelles de nuit qui nese tournassent pour prier la Mere de Dieu.

Je suis nésujet de la maison d'Autrichemais je ne renonce pas à laqualité d'histoirien equitable. C'est sur ce pié que jerenouvelle la gloire que vander Noot s'aquit durant le siege. Iletoit d'une des sept illustres familles de Brusselle. Le- malheur desguerresdes tems l'avoient engagé dans le parti Hollandois;mais ceux qui ont depuis porté ce nom glorieux& qui leportent encore aujourd'huicomme sont le Baron de Carlo & leVicaire General de Malineont compensé par leurs fidellesservices ce que le Gouverneur d'Ostende avoit pu diminuer.

Maispersone ne merita plus de louange que le Prince Maurice de Nassau quin'omit rien pour faire lever le siege d'Ostende& qui essaia decontrebalancer cette perte par de glorieuses conquetes. Ce Princed'Orange etoit fils de Guillaume le fondateur de la Republique deHollande & de sa seconde femme Anne de Saxe. C'etoit un grandCapitaine qui fut fait Gouverneur des Hollandois aprez la mort de sonpere tué à Delft en 1584 par un detestable Bourguignon.Durant l'absence du grand Alexandre Farnese il fit divers explois en1590 & en 1592. Il gagna la bataille de Nieuport en 1600mais ilfut obligé de lever le siege d'Ostende qui etoit le but del'Archiduc Albert. Il prit Grave sur la Meuse en 1602& l'Ecluseen 1604lorsqu'Ostende parloit de se rendre au Marquis Spinola.Maurice mourut à la Haie le 23 Avril 1625de deplaisir den'avoir pu faire lever le siege de Bredaqui fut pris aprez neufmoisen la meme année 1625. Maurice ne laissa point d'enfanslegitimes& son Frere Frederic Henri lui succeda. Le nom deMaurice lui fut donné de celui de Maurice de Saxe pere d'Annede Saxe sa mere. Ce Saxon etoit Electeur& il mourut de lablessure d'un coup de pistoleten faisant la guerre au Marquis deBrandebourg le 9 Juin 1553; au trente deuxieme de son age. Lescurieux qui voudront voir avec plaisir les belles actions du PrinceMauricen'ont qu'à voir les harangues latines de DanielHeinsius Gantois qui font honte à celles de Ciceron.

LaBelgique occupée de ses guerres intestines & etrangeres nesongea point à dresser aucun trophée au Vainqueurd'Ostendeje supplée à ce manque en conduisantl'Archiduc par les arcs de triomphe que la Ville d'Anvers lui erigeaen le recevant pour la premiere fois.

Jecommence par les Deputez d'Anvers qui vinrent rendre hommage a SonAltesse à son avenement à la couronne Belgique. LesDeputez de l'Etat Ecclesiastique furent Guillaume de Berghes Evequed'Anvers & alors Abbé de S.Bernard au bord de l'Ecaut&Denis Feiten Abbé de S.Michel. Les Deputez de la Villed'Anvers furent Blaise de Bejar Chevalier Seigneur de Westackers &Bourgmaitre d'Anvers ancetre de la Baronne d'Hannyvelle& deFreneyle Chevalier Edouard vander DilftSeigneur de LeverghemMagistratGille Gerardi Magistrat frere d'André Bourgmaitred'Anvers ancetre des Valkenissedes Goubau & des Beveren; EtHenri Schot Conseiller & Pensionaire d'Anvers.

CetteAssemblée des Etats generaux se tint à Brusselle le 15Aout de l'an 1592. Je descens à la reception toutafait Roialequ'Anvers fit à l'Archiduc quand il vint prendre possession decette Reine des Villes. Le 5 Decembre Albert & Isabelle vinrent àAnvers par un Jact richement & agreablement equipé. Enattendant que tout fut disposé à les recevoirilsdecendirent dans la Citadelle par un pont que le Magistrat leur avoitfait construire expressément. Le jour de leur entréetriomphante fut fixé au huitieme Decembre jour de l'ImmaculéeConception de la Mere de Dieu. Le Magistrat superbement montésortit par la Porte Imperiale& laissant les ramparts de laVille à leur droiteils donnerent à la porte de laCitadelle qu'on nomme de secours. Ils etoient precedez de leurs sixMessagersqui le baton rouge & blanc à la main rangeoientla foule& empechoient le desordre. On voioit ensuite deuxDoiens des 24 Metiersen habits de soie & en botines de cuirblanc. Puis on voioit pareillement à cheval & en richeequipage deux des treize carriers de la Villequ'on nommequartiers-maitresavec deux Hooftmans. Aprez eux suivoit l'ancienMagistratqui pour se distinguer du nouveauavoit les bras fourrezdans les manchesau lieu que le Magistrat en piéportoit cesmanches pendantes.

Voicileurs noms:

Jaque deBerchem Chevalier. Son fils a eté Bourgmaitre & son petitfils vit en lustre à Brusselle.

Jaque desainte Croix Chevalier. Ses decendans sont les Seigneurs de Meerbeke.

Jean Bacx.

GilleGerardi dont le nom est illustre dans le College des Cardinaux.

Adrien deMarselaer ancetre des Barons de Parc d'aujourd'hui.

Nicolas deMeyere.

Daniel deRanst. Les Ranst viennent des Seigneurs de Malines.

Manardvander Cruyce ancetre du Bourgmaitre vander Cruyce.

ArnouSchoyt. Ancienne & noble familledont il ne reste qu'une jeuneDemoiselle.

Nicolasvan Mechelen Chevalier de l'illustre maison de Bertaut Seigneur deMaline.

Jean dePape. Ancienne noblesse de Flandre. Ses trois filles sont alliéesaux nobles familles de van de Werwede Happart& de Hoens.

MichelCnobbaert dont la posterité a embelli les Biblioteques.

JaqueDassa dont sortent les familles de Pastranade Bervelt-Borsbeke.

AndréBruseghem dont les decendans sont alliez aux illustres de la Faille.

Baltasarde Robianodepuis Tresorier general des Etats de Brabant.

Melchiorde Villegas Noblesse d'Espagne d'où viennent les Barons deHoevart.

JeanHappart. Dont decendent les Bourgmaitres d'Anvers.

Aprez ceMagistrat suivoit la Cour de la baguette courte qui avoit ses quatreApariteurs à sa tete. On voioit ensuite la baguette longueavec les quatre Secretairessavoir:

Henri deMoiLicentié.

GeorgeKieffel Licentiéses decendans sont les Seigneurs deCrhinhem.

Denisvander Neesen Licentiéses decendans continuent dansl'honneur prez d'Anvers.

Et JeanBoghe qui m'a fourni ses memoires.

Aprezvenoient les Greffierssavoir:

Adrien vanDyck.

JeanJacobeusLicentié.

Jean-Batistevander KieboomLicentié.

Et JeanBrandt Licentié; puis les deux Conseillers Pensionairesd'Anvers.

HenriSchotti Licentiédepuis Commis des Financesdont decendentles Seigneurs de Bauroel.

Et Jose deWeerdt Licentié; dont decend le Sieur de Weerdt Secretaired'Anvers Seigneur de Vordestin.

Enfin leTresorier Henri van Etten conduisoit le nouveau Magistratque voici:

Blaise deBejar Seigneur de Westacker Bourgmaitre qui acause de sa maladie neput tenir son rang; il se fit porter en litiere devant LeursAltessesqui lui donnerent plusieurs marques d'estime &d'honneur.

HenriHalmale Chevalier Bourgmaitre & Magistrat. C'est l'Aieul del'Official d'Anvers que les connoisseurs desinteressez esperent devoir sur un rang conforme à ses hauts merites& duBourgmaitre de ce nom qui fait encore aujourd'hui l'honneur & lesdelices de la Ville d'Anvers.

Edouardvander Dilft Chevalier Seigneur de Leverghemdepuis Envoiédans une Cour Souveraine. Il repose aux Cordeliers d'Anvers.

Antoine deBerghem Chevalier.

Jean deBrechtsa famille est entrée dans celle de Schoete.

LancelotTseraerts Chevalier dont decendent les Seigneurs de la Courde Lyre&c.

RobertTucher dont l'illustre nom a eté rival de Jansenius àLouvain & qui revit glorieusement dans sa posterité. Leursancetres viennent d'Allemagne.

NicolasRockox Chevalierdont decend le Seigneur de Hestfeldt.

Jean deVischere dont decendent les Barons de Celles Seigneurs de Schiplaekena Brusselle.

Jean deStemborg Chevalier dont les illustres decendans sont àLouvain; une Stemborg a epousé Tulden Conseiller d'Etat àMadrit.

AntoinePerez dont decendent les Marquis de Melin& de Floraines.

Louisvanden Werve Chevalier de la plus ancienne noblesse d'Anvers.

Paul vanLyere Chevalier nom celebre par les persecutions qu'il soufrit acausede sa fidelité sous le Duc de Parmemais nom qui fut glorieuxpar les premieres dignitezoù on l'eleva.

LucDespomeraulx dont les decendans sont les Barons de HoveSeigneursd'Altena.

Gaspar deRovelascaNoblesse de Milan.

Françoisde Schot.

Gille deMeeredepuis Chevalier.

Corneillede Wyse.

Nicolas deHerdedont les decendans ont fait d'illustres alliances.

Le nouveauMagistrat etoit fermé par Henri de Varich Preteur d'AnversMarquis de Rhiendont le Pere avoit eu la meme dignité&Jean Damant Amman d'Anverstous deux Chevaliers. Toute cettecavalcade etoit richement & proprement ornée. Aprezqu'elle fut arrivée auprez de la Citadelleelle retourna versla Ville dans le meme ordre qu'elle etoit venue. Vers le midi LeursAltesses etant en carrosse qui etoit posé sur une eminencereçurent les complimens du Marquisat d'Anvers qui aiant mispié à terres'approcha humblement du carrosse. Halmaleportoit la baguette qui est l'Armoirie du Marquisat d'Anversacauseque Bejar ne pouvoit pas s'aquiter de cette fonction pour sa maladie.Henri Schotti comme premier Pensionaire de la Ville harangua leursAltessesd'une maniere noblesavante & respectueuse. L'InfanteIsabellequi etoit à la droite de l'Archiducprit la parole& elle fit entendre en Espagnolque l'affection des Anversoislui etoit agreable& qu'elle ne manqueroit pas de conserverleurs privileges. L'Archiduc ajouta à celàque lesaiant aimez singulierement n'etant que Gouverneur de la Belgiqueilaugmenteroit ses affections en etant Souverain.

Lagarnison de la plaine de la Citadelle & la Bourgeoisie desRamparts etoient si nombreusesque Leurs Altesses crurent i voir uneArmée entiere. Le plus beau spectacle etoient les six sermensrangez en ordonnance de bataille devant la Porte Imperialeprezd'une Chappelle. Quoiqu'on eut reçu le serment des anciensMarquis d'Anvers dans une ladrerie des Fauxbourgson trouva bond'innover cette coutume& l'on fit batir une Chapelled'improviste pour cette ceremonie. Le Clergé i attendoit LeursAltesses. Il etoit conduit de l'Eveque de Berghesde Feiten Abbéde S.Michelen habits Pontificaux; de Charle Maes Doien de laCatedralede Jean Del Rio Archidiacrc& de Silvestre Pardotous eclatans en Noblesse& en merites extraordinaires.

LorsqueLeurs Altesses vinrent à la Chapellel'Eveque leur donna lacroix à baiser; ce qu'elles firent à genouxau grandattendrissement de tout le peuple. Le Chancelier de Brabant lesavertit du serment que les Marquis d'Anvers avoient coutume de preterà leur avenement à la Couronne; & ellesaiant faitentendre qu'elles i consentoientl'Audiencier lut ce sermentd'unlivre que le Magistrat d'Anvers avoit fait aportertandis quel'Eveque & le Chancelier etoient à genoux aux cotez duLecteur. La lecture faitel'Archiduchesse se mit à genoux&elle toucha les Evangilespour marquer qu'elle ratifioit le serment.L'Archiduc en fit de meme. Ce fut alors que l'artillerielamousqueterieles fanfares& les acclamations se firent entendred'une maniere à faire avouer à Leurs Altessesqu'ellesn'avoient encore rien oui de pareil.

Duranttous ces bruits & tous ces cris de joiel'on conduisoit leMarquis & la Marquise en triomphe dans la Ville. Le Clergéprit les devanspuis les Marchansles Negotians etrangers&c.chacun selon son rang. Le Comte de Solreportoit l'epéedevant Leurs Altessesqui à cheval se mirent sous un daizd'or porté par les tres-nobles Antoine de BerchemLouisvanden Wervedont le Pere Theodoric avoit fait la meme fonctionquarante ans auparavantau Roi Philippe II; Jean Brechtquel'Archiduc crea Chevalier le lendemainLancelot TseraertsJean deStembor dont les decendans sont l'ornement de Louvain& Jean deMeeredepuis Bourgmaitre d'Anvers. On voioit marcher devant le daizle flambeau à la main60 Doiens des sermens pompeusementrevetus.

Ce nefurent qu'arcs de triomphe sur toute leur route. Boche ou Bochius lesa fait graver à Anvers. Rome triomphante en seroit jalouse.Une jeune beauté representant Anvers offrit un cOEur d'or aLeurs Altesses. Les Espagnols dresserent leur obelisque en la rue del'Hopital. Il avoit 65 piez de haut44 de large& 33 deprofond. De là on rencontroit l'obelisque de la Venusvictorieuse qui avoit 60 piez de haut30 de large& 12 deprofond. La machine des Portugais etoit en la rue des Tanneurs; elleavoit 78 piez de haut58 de large& 25 de profond. Anvers avoitfait dresser sur la Merun theatre tournant qui avoit 40 piez dediametre& 60 de hauteur. Les Genois avoient posé leurarc tout le long de la rue des Clairisses a cent piez de longueur. Ausortir de cette rue de sainte Claire vers l'Eglise de S.Jaqueonvoioit un Portique consacré à saint Eugene Eveque deToledeà S.Elisabeth & à S.Claire. Dans la suiteparoissoit l'arc des Milanois. La statue qui representoit laLombardieetoit au sommet de l'ouvrage haute de dix piez. Puis versla Boursela Ville avoit fait construire un arc consacré auxHervines victorieuses. Les Marchans en avoient bati un superbe dediéà la Deesse Hermatenequi marquoit leur commerce. LeMagistrat avoit edifié le theatre de l'Hercule Gaulois aumarche de Lait; il avoit 40 piez de haut24 de large& 16 deprofond. Il i avoit devant l'Hotel-de-Ville une orgueilleuseArchitecture large de 60 piez& longue de 20.

Les Fuggerpassent en proverbe par toute l'Europeoùpour marquer desrichesses immenseson a coutume de direaussi riche qu'un Fuggerd'Anvers. Ces freres originaires d'Ausbourgtemoignerent leurmagnificence dans les rejouissances publiques à leurs propresfraizils dresserent au marche des linsun arc de triompheàla hauteur de 48 piezà la largeur de 30& a laprofondeur de 18. Le pont S.Jean avoit un arc triomphal haut de 50piezlarge de 32& profond de 13. On voioit au marche duRivagecelui de Neptunelarge de 28 piez. En allant vers S.Michelon en voioit un autre haut de 100 piezlarge de 44& profond de20. Devant l'Abbaie de S.Michelil i en avoit de 60 piez de haut&de 35 de large. Toutes ces machines que je n'ai qu'ebauchéesetoient sur la route par où Leurs Altesses se rendoient a leurPalais. Ce furent ces spectacles qui ravirent leurs yeux. Lelendemain elles visiterent les Fortifications& l'admirablemaison des Alemans. Le 12 Decembrequi etoit un Dimanche& quietoit destiné au sacre solennella cavalcade dans le memeordre que le jour d'auparavantfut prendre Leurs Altesses dans leurPalais& elle les conduisit a l'Eglise Catedrale de Notre Dame.Le Magistrat se tint dans les sieges des Chanoines. L'Eveque aiantachevé l'office on alla à piéà lamaison de Ville. Le chemin etoit couvert de planches & de sable.Le Magistrat monta sur l'echafautqui i etoit dressé&il se mit à la gauche de l'Archiduchesse qui i etoit un peuplus elevée. Le Chancelier de Brabant fit silence& ilavertit l'assemblée que Leurs Altesses alloient preter leurserment. L'Audiencier le recita en Flamand & puis en Latin; quandil fut arrivé à ces parolesainsi Dieu& tousses Saints m'aidentl'Infante se mit à genouxelle pretale sermentpuis l'Archiduc fit le memeentre les mains duBourgmaitre Halmale. Ensuite l'Audiencierau nom de la Villepretale serment de fidelitéen levant les doigts au ciel.

Voici cequi etoit au bas des sermens. Fait en notre Ville d'Anversle 12Decembre 1599 en presence de l'illustrissime & du ReverendissimePere en Jesus-Christ l'Eveque de Tricarice Nonce Apostoliquede Don Baltazar de Zuniga Ambassadeur du Roi d'Espagnedu Ducd'Aumaledu Comte de Mansfeld libre Baron de HeldringenChevalierde notre OrdreConseiller d'EtatGeneral d'armée &Gouverneur de notre Duché de Luxembourg& de notre Comtéde Chini; du Duc de Croi & d'Arschotdu Prince d'OrangeduMarquis d'Havré Conseiller d'Etat & Chef des FinancesduComte d'Aremberg Chevalier de notre ordre & Amiraldu Comte deBerg Marquis de Berg-op-ZoomGouverneur de Gueldre & de Zutfende Jean Richardot Chevalier Seigneur de Berly& President denotre conseil Privéde Christophe d'Assonville ChevalierSeigneur d'Albeville & Conseiller d'Etatde Nicolas DamantChevalierChancellier de Brabant. Il i avoit ce parafe: N. D. Vt. iletoit signé A. Albert& I. Isabel. Et puispar lesordres de Leurs AltessesVerreycken.

Aprezcette action solennelleLeurs Altesses firent venir Robert Tucher &Nicolas Rockox Magistrats; Jean van Brecht & Jaque DassaPatriciensqui se mirent a genoux devant l'Archiducle Comte deSolre presenta l'epée à ce Princequi les creaChevaliers en leur touchant legerement l'epaule droite. Voici lestermes de la creation : je vous fais Chevalier au nom de Dieu &de S.Georgepour conserver fidelement la foil'Eglisela Justiceles Veuves& les Orphelins.

Lacavalcade reconduisit Leurs Altesses dans leur Hotel. Les feux dejoie i furent tresgrands& ils l'auroient encore etédavantagesi Leurs Altesses ne les eut pas fait anticiper dequelques heures. Elles eurent la condescendance d'honorer la fete deleur auguste presence. Le lendemain les Jesuites representerent lavie de S.Elisabethoù Leurs Altesses assisterent avecbeaucoup de satisfaction. Le 15 Decembre les Gouverneurs de laCitadelle d'Anversdes Ville de Lire & de Gravevinrent leurpreter le serment de fidelité. Aprez midielles visiterent laBourse & la Verrerieou elles firent faire des experiences decristal. Elles passerent deux jours à visiter l'Eglise deNotre Dameles boutiques de tapisserie & de I'Imprimerie dePlantin. Jean Moretus gendre de Plantinqui a augmenté lagloire de son Beaupere& dont la posterité en fait dememefit imprimer en la presence de Leurs Altessescet eloge enLatin:

PrincesSerenissimes & Trespuissansnous souhaitons que vous entriezdans toutes les places de votre jurisdictionavec autantd'applaudissement que vous etes entrez dans cette principale Ville devotre Belgiqueque vous i faciez lontems regner la justice& lapaix; que vous cultiviezque vous consoliezque vous conserviez laBelgique& que vous faciez passer bien tard votre Souverainetéà vos enfans semblables a vous. Ce sont les vOEux de toute laBelgique& singulierement de cette Imprimerie Plantiniennequivous sera aussi attachée qu'elle a eté au Roi Catoliquede memoire immortelle: elle a imprime ces souhaits en votre presence.Cette industrie fut renouvellée dans la meme imprimerie l'an1666 en la presence de Ferdinand de Furstenberg Eveque de Paderborne.L'incomparable Hesius fit un bel impromptu qui fut imprimé encaracteres rouges. Les six Sermens leur firent presentde septpieces de tapisserie où l'or & l'artifice n'etoient pointepargnez. Ils representoient agreablement & doctement lesvictoires de l'Archiduc Albert.

Enfin le18 DecembreLeurs Altesses retournerent à Brusselle sur leJact qui les avoit amenéespour ensuite aller recevoir leshommages de leurs Sujets.

La villed'Anvers ne se contente pas d'avoir honoré ses Princes dans lapersone de ses Predecesseurselle renouvelle ses hommages deux foisl'annéeen assistant aux obseques anniversaires de l'Archiducle 13 Juillet& à celles de l'Archiduchesse le 28 Novembreen la Catedrale. Je conte cette memoire pour un tombeau immortelquisupplée à celui qui manque a sainte Gudule& quinous oblige ici de soupirer avec Pline dans la lettre sixieme de sonlivre douzieme: j'ai eté curieux de voir le tombeau deVirginius& je me suis repenti de l'avoir vu: car il est encoreimparfait. Ce n'est pas la faute de l'ouvriermais c'est celle decelui qui a la charge de le batir. J'en suis indigné& jeregrette qu'un homme fameux par tout le monde soit sans tombeau memedix ans aprez sa mort. Tant rares sont les vrais amis! sitot onoublie les morts ! nous sommes reduits à nous construirenous-memes nos tombeaux sans en charger nos heritiers. L'exemple deVirginiusest autant plus indigneque son merite est eclatantjusques ici Pline.

Voilàla distribution des prix faite. Ce n'est qu'un echantillon de lagrande recompense dont jouissent presentement les amesdesinteresséesqui dans toutes leurs entreprises n'eurent envue que le bien de la vraie Eglise.

Le ComteMaurice merite un eloge plus ample mais comme beaucoup de choses neviennent pas à mon sujetje me contenterai d'alleguer ce quiregarde mon histoire; outre que les diversions qu'il fit pourembarasser le siege d'Ostendefont une bonne partie de sonpanegiriquequoiqu'il n'ait pas eté heureux en toutes.Debutons par son entreprise sur Boisleduc.

En 1585 leComte de Hohenlo i entra avec 200 soldatsmais la porte aient etéfermée aux autres qui le suivoientils furent la victime desBourgeois. Pierre Borri a decrit le siege de 1629 par où HenriPrince de Nassau se rendit maitre d'une Ville où Maurice avoitechoué plus d'une fois. En 1559 le Pape Paul IV fonda l'Evechéqui fut pour la premiere fois rempli de François Sonnius. LaMairie de Boisleduc comprend plus de 100 vilages. Notre Dame deBoisleduc qui reside presentement a l'Abbaie Roiale du Froidmont àla Cour de Brussellea eté poliment & fidellement decritepar le Jesuite Oton Zilius. Le Prince Maurice de Nassau pour obligerl'Archiduc Albert à lever le siege d'Ostendevint mettre lesiege devant Boisleducle premier jour de Novembre 1601a la tetede 8000 fantassins& de 1500 chevaux.

Toute lagarnison consistoit en deux compagnies tirées des Bourgeoismemesqui sont naturellement soldats; en un Regiment de Cavalerie duComte Adolfe de Berg& en 50 chevaux de Grobendonc. MaisAntoineBaron de Grobendonc qui etoit Gouverneur de la Villeluivaloit une garnison de plusieurs mille hommes. Il fit fortifier laPorte de Vuchtqui etoit l'endroit le plus insultable. Cet ouvragedut sa perfection & sa defence à l'industrieau travail& à la bravoure des Bourgeoisqui nonobstant lesdecharges continuelles des Assiegeansl'acheverent& lemaintinrent jusqu'à la fin du siege. Le Magistrat regla leschosespour empecher les embrasemens& il defendit de hausserle prix d'aucune denrée. La Bourgeoisie se porta avec tantd'ardeur à fortifier sa Villequ'on conte qu'elle fiten unseul jourplus que n'auroient pu faire des maneuvres mercenaireslouez à 10000 francs.

LeGouverneur fit dresser une demielune a la Porte de Vuchtpour seretrancher en cas d'oppression. Le courage des Assiegez s'augmenta àla vue de 260 bravesqui leur vinrent de Gravele 7 Novembredegrand matin; & le lendemainà la vue des lettres del'Archiduc memequi les assuroit d'un promt secourspar le ComteFrederic de Bergh.

Mauricefit jetter dans la Ville une infinité de bombes le 12 deNovembremais par la vigilance des Bourgeoiselles n'exciterentaucun desordre. Le 15les Capitaines Hilaire de Bliven & vanderSterre percerent au travers des marais& ils introduisirent 800fantassinsqui avoient marché sur le ventre à 50Assiegeansqu'ils avoient rencontrez dans leur passage.

Mauricealla à la sappe du coté de la Porte de Hintam. Lesmineurs des Assiegez contreminerent aussitot la mine ennemie; maispour ne s'i etre pas pris assez prudemmentdouze d'entre eux furentmiserablement accablez. Un autre accident pensa faire perdre lecourage aux Assiegez. Le Gouverneuraccompagné du MagistratBardouilvisitoit les cartiers des ramparts ; un soldat mal adroitqui etoit en sentinelleaiant reconnu le Gouverneurbaissa sonmousquet par respect; la meche n'aiant pas bien eté gouvernéei mit le feu& elle le fit cruellement decharger. Le Gouverneurreçut un coup de balle à la cuisse& le Magistraten reçut deux au travers du corps.

Cetteinfortune deconcerta les Assiegezmais le cOEur leur fut remisaussitot par l'agreable nouvelle du Comte Frederic de Berghquietant venu de Diestavec de petites troupesetoit passé parles bruieres au secours de la Ville.

Le froidne combatoit pas moins pour les Assiegez que leur propre ardeur. Lasaison etoit si aspre qu'un sentinelle Holandois fut trouvémort de froid en faction dans le camp ennemi. D'ailleurs les rivieresetant geléesserroient le passage& elles commençoientà mettre les Assiegeans sur les dens. Maurice se sentant tropfoible pour s'opposer à tant d'ennemisleva le siege le 27 deNovembre. On n'a pas sitot fait avec l'ennemi exterieurqu'uninterieur vient sur les bras. Filippe III irrité de lamutinerie des soldats en 1602avoit signifié àl'Archiduc qu'il n'eut à faire aucun accomodement avec cesRebellesmais qu'il en prit raison à quelque prix que ce fut.L'Archiduc pour seconder les volontez de son Beaufrere donna unecommission à Charles de Lorraine Duc d'Aumalepour lever 1000chevaux& une autre au Colonel Vizlier pour lever 3000 Alemans.

Le 23Juillet 1603 le Comte Frederic de Berg marcha à la tete de7000 fantassins & de 3000 chevaux pour donter les Rebelles. Euxaiant laissé leur Infanterie dans Hooghstratenmirent auxchams leur Cavalerie& ils promirent aux Holandois de leur etrefidelles s'ils vouloient les soutenir contre leurs propres maitres.Les Holandoisqui n'aimoient rien mieux que de les detacher du partiAustrienleur promirent du secoursaussi longtems qu'ilstiendroient la campagne.

En effetle 8 Aoutle Prince Maurice marcha vers Hooghstraten; pour preter lamain aux mutins. Le Comte Frederic de Bergh se trouvant inegal&d'ailleurs voiant qu'on ne lui envoioit pas les Regimens de Borgia &de Brancaccioqu'on lui avoit promisabandonna l'entreprised'Hooghstraten& il se retira vers Herental le 10 Aout. lesmutins d'Hooghstratenenflez de cette retraitesortirentbrusquement& ils donnerent sur l'arrieregardeoù leSieur de Ronei fils du Generalqui avoit eté tué ausiege de Hulstqui commandoit les Cuirassiers Archiducauxdemeuraen combattant vaillamment.

Mauricesans perdre du temsprit bon nombre de Mutins d'Hooghstraten aveclui& il mit le siege devant Boisleduc le 19 Aoutpour reparerla fauteou la perte qu'il avoit faite l'année passée.Le Comte de Bergqui etoit renforcé des Regimens de Borgia &de Brancacciosuivit Maurice à la piste& il vint secamper assez prez de luidans deux placesqui tenoient pour laHollandesavoir Dungen & Hintam.

Maurice neperdit pas courage pour celà& il tint ferme dansl'esperanceou que Boisleduc ne recevroit pas garnisonou si ellela recevoitque cette garnison mal paiée n'i apporteroit quede la confusion. Le Comte de Berg eleva un Fort qui causa bien du malau camp du Comte Ernest de Nassau; ce Fort fut surnomé del'Etoile& ce fut une Comete pour la Holande.

Boisleduccraignant que les soldats ne vinssent à se mutiner faute depaie& qu'au lieu de l'aiderils ne se jettassent sur lesmaisons des Bourgeoisne voulut pas recevoir garnison& ilassura le Gouverneur que ses seules forces seroient capables de fairetete à Maurice. L'Archiducsans quitter le dessein decontinuer son siege d'Ostendese rendit en grande hate devantBoisleduc.

Le Marquisdella Bella Colonel Italien remarquant que l'unique moien de fairedeloger 1e Prince Mauriceetoit de lui couper les vivresconduisit2000 braves à l'autre coté de la riviere de Diese&il erigeaavec une diligence incroiableun Fort entre Boisleduc &CrevecOEursurnommé la bride des Holandois.

Mauricesentant que cette machine alloit lui couper la gorgei mena 4000 deses plus braves& au minuitil attaqua della Bella avecbeaucoup de resolucion. Les Archiducaux soutinrent son effortl'espace de deux heures; mais comme le Fort n'etoit pas encore assezelevé pour les couvrir& que les ennemis etoient en tropgrand nombreils succomberent sous la multitude. Ce combat se donnaentre le deuxieme & le troisieme jour du mois de Septembre. DellaBella combatit en desesperé& il ne voulut pas avoircartier. 200 de ses gens perirent avec lui; mais aprez avoir faitperir plus de 300 Holandois. Si le secours fut venu a temsdellaBella auroit taillé de grandes affaires à Mauricequise voiant maitre de ce Forti fit monter dix pieces d'artilleriequi foudroierent la Ville. Celà fut cause que l'Archiduc aiantlaissé le siege d'Ostendesous la conduite du MarquisSpinolavint au secours de Boisleducen personne. Il arriva le 1Octobre à Ruremonded'où il envoia son Conseiller deguerre Alexandre Malaspina vers le Comte de Bergh avec 40 chevaux.Malaspina eut le malheur d'etre pris des Mutins d'Hooghstratenquis'etoient mis a la suite des Holandois. Malaspina fut conduit auPrince Maurice. Et puis par vanité ou par honetetéilfut conduit par le camp des Holandois par Olivier de TempleSeigneurde Corbeeck Colonel Holandois. Pendant qu'ils considerent lesquartiersvoici un boulet de canon envoié de la Ville quiemporte de Temple& qui emporte les jambes à Malaspina le3 Octobre. Le lendemain l'Archiduc arriva devant la Ville;abandonnant les Bourgeois à leur propre bravoureil songea àrompre un cartier du Prince Maurice. Il avoit amené avec soidu siege d'Ostende le Comte de Buquoi. Ce General de l'artilleriesous les ordres de l'Archiducconduit dix pieces de canonpourdetruire un Fort dressé entre Flimen & Vuchtquifacilitoit les convois de l'armée de Holandoise. Mais la chosen'aient pas reussil'Archiduc jugea qu'il falloit user d'unstratageme. Le 17 Octobre il fait semblant d'en vouloir au meme Fortmais au meme temsil fait couler dans la Ville5000 Fantassins. LaVille en est surprise dans l'abordmais elle i consent& dansla suiteelle s'en aplaudit: car ce secours jetta le Prince Mauricedans le desespoir; il lui fit abandonner ses Forts& sesmunicions& lever le siege honteusementle 5 du mois deNovembre. Le Marquis Spinola etant honoré de la Toison-d'or le24 Avril de l'an 1605essaia de s'en rendre digne.

Il nemanqua point d'occasion d'exercer sa force militaire. Le PrinceMaurice de Nassauqui minutoit toujours quelque chose contrel'Archiducforma une entreprise sur Anvers.

Le 16 Mai1605 il sortit de Bergopsoom à la tete de 2500 chevauxde7000 fantassins & de 9 pieces de canontandis que le PrinceErnest de Nassau conduisoit une flotte de 500 voiles montée de8000 soldats. Ernestaprez avoir eté sur le fer àLilloodemara à deux heures de nuitil vint devant Anvers&il passa devant le Fort de S.Croix ; d'où le Gouverneur aianttiré quelques volées de canondonna avis àBorgiades approches de l'ennemi. Cet Espagnol fit attaquer laflotte entre les Fortde S.Filipe & de la Perle. Cesar prit lesdevans avec 50 chevaux& 200 Bourguignons de Balanson ; il lescacha an Fort de Blockersdic; puis il retourna vers Borgiaqu'iltrouva bien prez de làavec 300 Fantassins ; aiant laisséde Luna pour Commandant à Callo& aiant ordonne que sonRegiment suivit avec deux pieces de campagne.

800Holandois aiant mis pie à terre vers la tete-de-Flandrequiest vis-à-vis du Havre d'Anvers les armes & la pele àla mainpour s'i fortifierfurent accueillis de Borgiaqui en fitperir 400 par l'epée ou par l'eauou en les faisantprisonniers. Ce coup arreta ceux qui alloient faire descente àBorcht. Borgiaqui n'avoit pas pu conduire ses deux pieces de canon;acause de l'inpraticabilité des cheminsse servit fort àpropos de celle qu'il avoitpour battre la flotte ennemie. Mauricevoiant les Archiducaux si bien sous leurs gardesquitta le desseind'attaquer Anvers& il alla se rabatre sur le Chateau de Wauàdeux lieues de Bergopsoom; il le prit le 22 de Mai. Le MarquisSpinola fit mourir la pluspart de la garnison qui consistoit en 85hommespour s'etre rendus trop totsurtoutparcequ'il avoit dejàdressé son pont devant Anverspour pouvoir secourir de toutesparts les places que l'ennemi attaqueroit audeça ou au de làde l'Ecaut. Maurice fit une nouvelle entreprise sur Isendic enFlandre le 2 Juin; mais Spinola lui en fit perdre l'envien ienvoiant Velasco.

L'Archiducpour donner 1e change à Mauricevoulut mettre en execucionl'attaque de Linghequ'il minutoit depuis lontems. Dans cette vueil envoia TorrésBerlaimont & Sanchez à Tirlemontoù ils trouverent le Comte de Buquoiqui fortifié deces troupesprit sa marche vers Cologneau commencement de Juillet.

II donnala chasse aux Vaisseaux Holandoisqui occupoient le Rhinil passacette riviere& il se campa devant Keiserswert. Maurice crut quece n'etoit qu'une feinte. Dans cette croiance; il envoia le ComteErnest de Nassau à Rhinbergh avec 6000 hommespendant quoiSpinola alla passer le Rhin le 22 Juillet& il vint se camperdevant Keiserswert.

QuoiqueMaurice sut que 7000 Archiducaux avoient passé le Rhinilpersista à s'imaginer que ce n'etoit qu'un stratageme&il tint toujours ses gens en haleine. Enfin au commencement d'AoutSpinola ouvrit son dessein sur Linghe. La dicipline severe qu'ilobserva sur sa routefut causeque son armée eut tout ce quilui fallutpour un mois entier. Le 10 Aout il prit en passantOldenzeelqui auroit pu l'arretersi elle avoit eu un Gouverneurplus vaillant; il sortit de sa place avec 450 Fantassins& avec80 chevaux. Enfin Spinola arriva devant Linghequi est une tresforteVille de Vestfalie& la Capitale du Comte qui porte son nom.

Dez le 13Aout il fit battre la ville; & trois jours aprez les Italiens &les Vallons gagnerent les fossez. Linghesous l'esperance du secoursque Maurice prometoit de lui envoier le 20 Aoutse defendoitgenereusement; mais les Assiegeans la serrerent de si prezqu'ellefut obligée de rendre aux condicions de ceux d'Oldenzeel le 19Aoutauquel jour 500 Fantassins sortirent de la ville. Ils ilaisserent 50 blessez& onze pieces de canon. Cette importanteplace couta à l'Archiduc 200 hommestant tuez que blessez.

Pour nepas donner de relache à l'ennemil'Archiduc fit apliquer deuxpetards a Bergopsoomqui incomodoit fort Anversle 21 Aout. L'unaiant eu son effetmais l'autre ne l'aiant pas euacause que laporte etoit trop humideles entrepreneurs furent obligez de seretirer avec la perte du Capitaine Lechier& de 30 Soldatssansconter 40 blessez. Mais on eut bientot sa revanche par la prise deVactendonc & de Cracou.
Tandis que Buquoi assiegea Vactendoncle 8 OctobreSpinola vint aux mains avec Maurice 1e 9 du meme moisprez de Mullem & de Ruroort. On s'i battit avec beaucoupd'ardeurl'espace de 4 heures. Spinola i eut un cheval tue sous lui& le Colonel Trivulce i demeura avec 400 tant de tuez que deblessez. Les Hollandois perdirent plus de 500 des leurs.Tandis qu'onse bat à Mullemle Comte de Buquoi presse Vactendoncqui estune ville du Duché de Gueldre; & enfin il l'oblige acapituler. Le 27 Octobre une garnison de 900 sains & de 150blessez sortit de la Ville; cette place couta 500 hommes tant tuezque blessez. Buquoi eut meilleur marché de la forteresse deCracoudans 1e Duché de Meurs. Le Colonel Justinienquiavoit la principale ataquerefusoit de leur donner quartier; mais 1eGeneral Buquoi voulut user de clemence. Le 8 Novembre il fit venirtoute la garnison dans l'Egliseil les desarma tous à lareserve des Capitainesà qui il laissa l'epée; &puis il les lassa aller. Il presenta leurs 4 Etandarts au MarquisSpinolaqui repassa en Espagne la veille de Noel de cette année1605. Je ne dois pas omettre que le Prince Maurice essaia de romprele siege de Vactendoncpar la surprise de la ville capitale deGueldre; mais cette entreprise ne lui reussit pas mieux que celle deBergopsoom n'avoit reussi à la Terraille. Plessis-Mornai filsdu fameux Ministre de ce nomse retira avec honteaprez i avoirlaissé ses 2 petards& quelquesuns des siens.L'entreprise par où l'Archiduc comença les operacionsde l'an 1606lui reussit plus heureusement. Elle fut faite sur laville de Brefort sur le Rhin.

LaTerraille qui etoit un des debris de la Ligue de Francele 14 Marsvint devant Brefort 2 heures avant le jour à la tete de 1200hommes de pié& de 500 chevauxqu'il avoit prissecretement de Linghenil applica le petard. La sentinelle aiantdemandé au Petardierqui va là ? il repondit qu'iletoit de la garnison de Grollequi tenoit alors pour les Holandois.La sentinelle se paiant de cette defaitele petard joua à 2portes. 30 Soldats vinrent aux brechesmais ils furent aussitotmassacrez. La Terraille passa la riviere& il petarda la portequi etoit à la tete du pont. 40 Holandoisqui i survinrentfurent relancez dans le Chateau. Les Entrepreneurs les y assiegerent& animez par Verdugoils y arreterent 8 joursmais la poudreleur manquantils furent obligez à la retraite le 22 Mars.

L'entreprisesur l'Ecluse ne fut pas plus heureuse. La Terraillepour essuier sahonte de Bergopsoom & de Breforten voulut à cette villeau tems que le Marquis Spinola fut de retour d'Espagnequi fut aucomencement de Juin de cette année 1606. Le 12 Juin futdestiné à l'ataque. La Terraille i conduisitheureusement de Bruges 1200 Vallons & Hibernoisqui s'enaprocherent à la retraite de la marée. Comme ilss'aprochoient d'une portequi pour etre couverte de la mern'avoitpas de corpsdegardeun cheval qui paissoit en la prairie se prit àhannir. Ce hanissement donna lieu au sentinelle d'observer ce qui sepassoit à son voisinagemais n'aiant rien remarquéilse retira dans sa guerite. 20 Entrepreneurs aiant passé lefossé à la nage& aiant gagné le Pontlevisà la faveur de quelques crochets qu'ils avoient aportez aveceuxils petarderent ce pont& puis ils en firent autant àla premiere porteil firent à la seconde porte un troucapable d'admettre deux soldats de front. Froment & deux autresCapitaines i entrerent avec leurs gensqu'ils conduisirentheureusement jusqu'au corpsdegarde. Ce fut là que Froment &Ghelinger furent tuez par la defense qui i fut faite. Les autresepouvantez de ce coupprirent honteusement la fuite; les pluscoupables le paierent de leurs tetes à Brusselle le 19 Juin.

Le 21Juillet l'Archiduc envoia Borgia pour se rendre maitre de Lochempetite place mais fort commode. Le Comte d'Embden alla àl'autre coté de l'Issel pour tenir tete au Prince Maurice.Lochem aprez avoir reçu 40 coups de Canonse rendit le 23Juillet. Ils i laisserent 5 pieces de Canon& ils en sortirentau nombre de 300. Lochem couta à l'Archiduc 50 hommes tantblessezque tuez. L'Archiduc donna ensuite ordre au Comte de Buquoide passer la riviere de Vahal& de faire des courses dans laBetuve. Buquoi envoia Justinien avec 144 Combatanspour passer leVahal entre le Fort de Schenck & Nimegueà un villagenommé Spaerdorptrois heures de Moock. Quoique les Holandoisbordassent le rivageJustinien essaia de passer la riviere avecbeaucoup de resolucion; mais comme le coulant etoit trop rapidesesbatteaux furent emportez beaucoup au dessous du lieu de la descente.Justinien les fit remonter; mais ce delai donna aux Holandois leloisir de se renforcer ; ce qui fut cause qu'on ne put aborder&qu'on fut obligé de se retirer aprez la perte de 30 hommes; laperte des Holandois fut presque egalesi l'on excepte les 4 naviresqui etant venus du Fort de Schenckfurent fort mal- traitez del'Artillerie Archiducalequi eurent bien de la peine àregagner Nimegue.

CependantSpinola essaioit de passer la riviere d'Issel d'un autre coté.Le Comte de Solre sous ses ordrespassa dans l'Ile de Mastenbroucpour de là passer l'Issel& pour aller investir Zuol.Spinola pour lui en donner le loisirfit semblant de passer l'Isselà Zutfen le 31 Juillet. Ce fut à la barbe de cetteVille qu'il passa la riviere de Berkelpour tenir Deventer eneschec; le 3 Aout il campa à Dortoù il soufrit unegrande disette de vivres ; mais il fut rejoui d'aprendre au meme temsque le Comte de Solre avoit passé les rivieres de Regge &de Vect& qu'il etoit campé dans l'Ile de Mastenbrouc. LeComte de Solre ne put aller plus outreparceque Maurice envoia deuxnavires pour boucher le passage& que les boulets de Canon duComte de Solre ne se trouverent pas de calibrepour enfoncer cesobstacles. Celà determina le Marquis Spinola au siege deGrolleoù il envoia Velasco le 4 Aout pour prendre lespostes. Les Assiegez firent une vigoureuse sortiemais ils furentrelancez aprez avoir laissé morts 40 des leurs. La blessure deVingard qui etoit un des Generaux d'Artillerie & une grosse pluieretarderent la batterie. Enfin par la valeur de Torrés &des deux Comtes d'Embdemceux de Grolle furent obligez à serendre. Onze cens fantassins en sortirent le 14 Aout. Ils en avoientperdu 150 durant le siege. Et les Assiegeans environ 550tant tuezque blessez.

Spinolavoiant qu'il n'etoit pas moien de passer dans la Betuve& queles pluies continuelles empechoient les convoisprit resoluciond'assieger Rhinberg. Le 21 Aout il campa d'un coté du Rhintandis que Buquoi campa de l'autre. La garnison de Rinberg etoitforte de 2500 Combatans; & cependant le Prince Maurice àla faveur des tenebres trouva le moien d'y driver encore 2000Fantassins & 200 chevaux avant que la ville ne fut entierementinvestie. Il se fit quantité d'escarmouchesmais comme lasortiesurnommée la Grandeles efface toutesj'en donneraile detail.

Le ColonelJustinien s'etoit porté sur une hauteur entre deux maraisàchaque tete desquels il avoit bati un Fort. Les Assiegez pressentantque celà alloit les perdrefirent une sortie de toute leurCavalerie divisée en 4 Escadrons& de 800 Fantassinsdivisez en 2 bataillons. Cesar & Brancaccio leur tinrent teteavec beaucoup de force& ils les relancerent l'epée auxreins jusqu'à leur palissade. Mais ils perdirent RenginCapitaine des Fusiliers& 15 Cavaliers. Justinien eut deux deses Capitaines blessez.

Spinolan'avançoit pas moins de l'autre coté du Rhin. Sabatterie de dix pieces avoit dejà fait une juste breche&tout etoit disposé à l'assautquand les Holandoisprirent la fuite& abandonerent leur place. La mort d'Emond Scotne contribua pas peu à leur lacheté: ce brave Colonelhaussant trop la tete au-dessus de parapetreçut unemousquetade qui le renversa roide mortle 3 Septembre: les fuiardsde Rhinberg essaierent de gagner l'Ilemais les Assiegeans lesserrerent de prez& ils en firent perir un tresgrand nombre.Ceux qui gagnerent l'Ileeurent le courage de tourner le canon versles Archiducauxils en tuerent 12& ils en blesserent 2Capitaines. Spinola ne leur laissa pas lontems ce loisir.

CependantMaurice ne savoit assez s'etonner qu'une place aussi forte queRhinbergeut pu etre reduite en quatre jourssur tout lui etant auvoisinagec'estadire à Vezelpret à la secourir avec1600 hommes. De l'etonnement il en vint à l'indignacionàla resolucionà l'execucion. Il partagea son armée en6 petits bataillons & en quatre gransil mit la Cavalerie surles ailes; & en cette postureil marcha de nuit vers lescampagnes d'Alpen. Il fit prendre les devans à 1500Fantassinspar Meursepour passer la foret de Buric& poursurprendre la grand'garde du Marquis Spinoladont le camp devoitetre attaqué au meme tems par la garnison qui feroit unesortie.

Spinolaaiant apris les aproches de Mauricemit son armée enordonance de bataille& il la tint sous les armes jusqu'àla pointe du jour. Alorsaiant oui que l'ennemi se tenoit àAlpenil y envoia Velascoqui ne l'i trouva plus. La ville futpressée plus vigoureusement que jamais. Enfin le premier jourd'Octobre de l'an 1606elle capitula. Le lendemain il en sortit 3300soldats sous 30 Enseignes900 blessez150 Cavaliers& autantde gens de Marine. Ils emporterent 2 pieces de campagnemais ilslaisserent dans la ville 14 grosses pieces2 Navires à larade& un grand aparat pour construire des ponts. Ils avoientperdu plus de 400 combatans durant le siege ; les Assiegeans iavoient perdu 500 des leurssans conter 700 blessez. Le meme jourque Rhinberg se renditMaurice essaia d'essuier sa honte par uneentreprise sur Venlo; mais il ne fit que l'augmenterpar sonmalheureux succez.

Il ne futpas plus fortuné par celle qu'il pratica sur Grolle. Le ComteHenri de Berg en etoit Gouverneur. Sa garnison etoit tellementaffoiblie par les desertions & par la pestequ'il ne lui restoitplus que 600 hommes& sa compagnie de Cavalerie. Spinola marchaau secours de Grolle le 3 Novembre. Le Gouverneur nonobstant lafoiblesse de ses gensfaisoit une des plus belles defencesanimédu coup de canon que Spinola tiroit toutes les nuits pour l'avertirdu secours qu'il lui amenoit. Spinola avoit envi de tenter le secourspar le chemin de Besleitcomme etant le plus courtmais aiant aprisde ses espionsque les Holandois i etoient extremement fortsil fitresolucion de prendre celui de Vredenquoique plus long; aiantensuite apris que l'ennemi n'i etoit pas moins fortifiéilprit celui des collines; & parceque l'ennemi n'i avoit qu'unsimple retranchement& parcequ'il avoit à dos Oldenzeeldont le Gouverneur qui etoit le Comte de Solrepourroit venir àson secours. En effet ce Gouverneur parut dans la foret de Rhekemqui n'est distante qu'une lieu de Grolleavec 1000 Fantassinsavec200 chevaux& avec quelques municions.

Spinolamenagea si secretement sa marcheque Maurice n'en sut rienqu'aprezque ce Marquis fut à la portée du canon. Cette vueimprevue le deconcerta tellementqu'il leva prontement le siege&qu'il passa le meme jour 8 Novembrela riviere de Barkel. Spinolaaprez avoir aplani les lignes & rafrechi Grollereprit sa routevers Rinberg chargé de lauriers.
Il ne se passa rien dememorable le reste de cette annéeque la mort de Just Lipsequi merite quelques traits de plumelui qui a si bien meritédes belles lettres. C'est une dependance de l'Histoire de l'Archiducpuisque ce bon Prince accompagné de son Epouse roialevoulutbien aller prendre la Leçon publique de ce grand Maitre aLouvain. Just Lipseque la vertu reçut à la naissanceque la sience cultivaque la modestie eleva au dernier periode de lagloirenaquit a Isque bourgade du Brabant à trois lieues deBrusselle & de Louvainoù le Prince de Horne a un beauchateau.

Il naquità minuit le 18 Octobre Fete de S.Lucl'an 1547; son Pere senomoit Gille & sa Mere Isabelle Petirivielaquelle la veille deses couchessongea de voir promener dans sa chambre deux Jumauxblancsque tout le monde prit pour la modestie & pour la siencequi firent le caractere distinctif de cet enfant de benediction. SesParens etoient honetes & aisez. J'ai vu plus d'une fois samaison& je m'en suis fait un honeur. Son Aieul Nicolass'apliqua aux belles lettresson Oncle paternel fut Religieux deS.Martin à Louvain. Nicolas Lipse fut estimé d'Erasmeacause de son erudition& il mourut quand notre Just n'avoit quehuit ans. Marguerite Eichout epouse de Nicolas Lipse etoitDemoiselle& ses parens avoient brillé dans la Cour desDucs de Brabant. On lui donna le nom de Just en vue de son Bisaieulqui avoit epousé une tresnoble Demoiselle nommée AnneLinquebeque. C'etoit de sa dote que la maison de Lipse possedoit sesgrans biens a Isque.

Il est àremarquer que Just naquit la meme année que Charlequintremporta la fameuse victoire de l'Elbeoù il fit prisoniersle Duc de Saxe & le Lantgrave de Hessequi se renditvolontairement pour eviter un plus grand malheur.

Il futelevé quelque tems à Isquedans ce sejour innocent quele paisible Dieu Lucrius prefere au tumulte des Villes. A six ansilfut conduit à Brusselle& il reçut les premieresinstructions dans l'Ecole Paroissiale de la Chapelle prez de laSteenpoortequi se glorifiera toujours de cet Eleve admirable. Sonmaitre avoit coutume de le prendre sur ses genoux& de l'exposerpour modele aux autres enfans. Il i eut pour condisciple DenisVillers depuis Chanoine & Chancellier de Tournai. Il etudia laGrammaire de Despauters ce fameux Maitre d'Ecole de Ninove & deBoisleduc. Il aprit le François de luimeme; il l'ecrivoitbienmais il ne le parloit pas juste. Il evita quantité dedangersauxquels cet age est sujet; & il avoit coutumed'attribuer ce bonheur à une singuliere protection de sonDieu.

A douzeansil fut envoié au College d'Athe fameux par les Briardpar les Lensaipar les Bai& par le Bochqui i ont etudié.On l'i fit perdre bien du tems dans la Grammaire de Brectanus. Justmeme se plaint dans sa lettre 94parmi les meléesd'avoirchangé trois fois de Grammaire; & d'avoir apris jusqu'à13 ans inutilementce qu'il savoit dejà à huit. Aprezavoir eté deux ans à Atheil composa un vers: aprezquoi il fut envoie au College des Jesuites de Cologne. Il eut pourmaitres dans le GrecJean Kempendans la RetoriqueJean Oran&dans la Filosofie Arnou Havensqui a eté Chartreux. FrançoisCostercette gloire de Malineetoit alors Recteur du College deCologne.

Lipse futtoujours le premier de son Ecole. Dez l'age de douze ansil composades haranges latines capables de donner de l'admiracion. LaFilosofieje dis la belle Filosofiequi s'arretesur toutàla politique & à la moralefut sa passion dominante.Ils'i portoit avec tant d'ardeurqu'on etoit obligé de luiarracher les livres& les caiers d'entre les mains. Dans lalettre 87 des meléesil avoue d'avoir eu la volonté dese faire Jesuite; mais que ses Parens en aiant eu le vent1erappellerent incessamment& qu'ils l'occuperent àLouvain. Son cOEur fut toujours parmi ces Peres.

L'an 1565il etudia la Fisique au College du Lis qui se glorifie plus de luique d'Erasme. Corneille Valer& Pierre Hannius enseignoient laRetorique au College des trois Langues.

Tandis queLipse etudioit à Louvainson Perequi etoit Bourgmaitre deBrussellevint à mourir. Sa merequi etoit une Dametreshonetese transporta exprez à Louvain avec sa fillepouravoir l'OEil sur Just ; mais elle i mourut bientot aprezd'hidropizie. Just avoit alors 18 ans. A 19 ans il fit son livre desleçons diverses qu'il dedia au Cardinal de Granvelle&qu'il avoit coutume de nommer son aprentissage. Il pouvoit le nommerle premier degré de sa gloirepuisque ce fut par làqu'il se fit connoitre & qu'il s'insinua dans la maison de ceCardinal tout-puissant. Il lui servit de Secretaire à Romel'espace de deux ans. Ce fut là qu'il profita des leçonsde Marc-Antoine Muret& de la douce & savante conversacionde Benciusqu'il aimoit comme son frereje dis de ce Benciusquise faisant Jesuitequita son ancien nom de Plaute pour prendre celuide François.

II nerevint pas de Rome aussi bon qu'il i etoit allé ; ainsi qu'ill'avouoit luimeme. Il passa la vie gaie un an à Louvain. Commeil avoit le fond excellentil en revint bientot& les anciennesimages s'effacerent dans son voiage de France & d'Alemagne. Maisil acheva d'etre ce qu'il fut depuisen demeurant chez Charle LangeChanoine de S.Lambert à Liegeà qui en reconnoissanceil dedia ses livres d'or de la Constance.

Il passa àDoleoù Filipe le Bon a fondé l'Université; &il fit publiquement l'eloge de Victor Giselinquand il i prit ledegré de Docteur en medecine. Comme il s'etoit mis àtable immediatement aprez cette harangueil en contracta une fievrequi pensa l'emporter. Il visita la Cour de Maximilien II& duDuc de Saxeou il arreta un anen qualité de Professeur.

LaBelgique començant à s'apaiseril la raprochat. Ilvint à Cologneoù il epousa une Demoiselle de LouvainVeuvenommée Anne de Calestreplus par inclinacion que parconseil. Ils vecurent paisiblement; mais ils n'eurent pas d'enfans.Il arreta neuf mois à Colognependant lesquels il acheva sesadmirables commentaires sur Tacite.

Ilretourna à Isque dans le dessein d'i finir ses joursCe futlà qu'il ecrivit cette lettre d'or à son CousinGuillaume Breugel Conseiller du Roioù il fait l'eloge de lavie Champetre. C'est la huitieme entre les melées. Mais laguerre le fit changer d'opinion& elle le reconduisit àLouvainoù il prit 1e degré de Docteur en Droit en1576. Son penchant victorieux le fit toujours retourner aux belleslettresdont nous avons plusieurs monumens & sur toutsescommentaires sur Tite-Live. La guerre chassa les Muses de Louvain.Don Jean d'Autrichece digne fils de Charlequintaiant battu lesHollandois à Gembloux prez de NamurLouvain fut remis sous lapuissance du Roi. Lipse fut obligé de se retirer àAnvers. Ses ecritsqu'il nommoit sa vieauroient perissans lamain que lui donna son ancien ami Delrio Auditeur dans 1e camp Roial.La ville de Leide le demanda& elle l'obtint à sa grandegloire. Il i fut 13 ans; & ce fut en ce sejour qu'il nous donnases plus riches productions. Theodore Conrard heretique demisavantle querela sur deux paroles qu'il avoit ecrites& il le fitpasser dans l'esprit des Etats de Holande pour un homme cruel quiconseillat d'emploier le fer & le feu contre les heretiques.Cette frasque & celles qu'il devoit incessamment essuierausujet de sa religionlui firent abandonner Leide. Il prit pretextede prendre les eaux de Spa contre son mal de Ratte. Il se rendit àLiegeoù ses amis lui firent mille accueilssur toutGuillaume de Bergh qui n'etoit alors que Doien de S.Lambert&qui fut depuis Archeveque de Cambrai.

Personnene fit plus de bien à Lipse que son ennemi Conrart. Ilrenversa la muraillepar ses calomniesmais au meme tems il fitqu'on en decouvrit la hauteurqui n'etoit pas si perceptibletandisqu'elle etoit debout. Du moment que le bruit de la retraite de Lipsese repanditil se fit un concours des plus grans Princes du mondeàqui auroit ce tresor animé. Guillaume Duc de BaviereErnestPrince de LiegeVolgang Teodoric Eveque de SaltzbourgJules Evequede WurtzbourgCretien Duc de Saxele Pape Clement VIIIHenri IVRoi de FranceFerdinand Duc de Toscaneles Republiques de Venisede Padoue& de Boulognel'inviterent dans leur Ville; ils luifirent tous des offres tres-avantageuses. Benoit Arias Montanus deSevillequi connoissoit le prix de Lipsecet Arias si celebre parla Bibledont il a fait l'edition sous les ordres de Filipe IIl'invita en Espagne; il lui offrit sa maison& il promit de lefaire son heritier. Mais son Roi lui fut audessus de tout. Il revintà Louvain. Notre Patrie a un je ne sai quoi de charmant dontnous ne pouvons nous defendre.

NotreArchiduc honora ses leçons de sa presence le 24 Novembre 1599à l'imitacion de Pompée qui retournant de la guerreoùil avoit subjugue Mitridate& qui passant par Rodeassista àla dispute que Possidoine avoit contre Hermagore; & àl'exemple de l'Empereur Claudequi venoit bien souvent surprendreles Regens publics pendant leurs leçons. Mille grans espritsse vantent d'avoir eu Just Lipse pour maitremais Just Lipse peut sevanter d'avoir eu pour disciples a Louvain le Fils de l'EmpereurMaximilien II& la Fille du Roi Philippe IIPrinces Souverainsde la Belgique.

Toutes leseuvres de Lipse meritent l'immortalitémais ce qu'il a faitde Saintla meritent infiniment. Il dedia son Seneque au Pape PaulVqui reçut agreablement son present.

Aubert leMire & François Coster Jesuitelui fournirent desmemoires. Revenu miraculeusement d'une maladieil apendit une plumed'argent en memoire à l'autel de la Vierge en la Ville deHalle. Il fit paroitre son affection envers la Mere de Dieuens'enrollant dans ses Congregations& en les frequentantconstamment. La Congregation Latine de Liegepeut se glorifierd'avoir vu Lipse& de l'avoir oui haranguer en Latin au jourd'une Fete Virginale. La Congregation de Louvain se vante d'avoir eule meme honeur.

Lipseaprez avoir fourni la carriere la plus belle qu'un homme d'honeur &de probité puisse fournirle 17 d'avril de l'an 1606tombamalade d'une toux& d'un catarre. D'abord il ouvrit sa consienceau Pere Leonard Lessius. Il comunia le 20qui etoit le jour desRameaux; & il reçut l'Extreme- Onction. Un des Assistanslui rapellant en la memoire cette force stoïciene qu'il avoittant de fois fait paroitre dans ses ecritsil le renvoia bien loinen prenant le Crucifix à la main: voilàdit-ill'ecole de la vraie patience. Un Religieux lui disant que la ViergeMere l'attendoit à bras ouverte comme son cher Clientileleva les yeuxla voix & les mains& il dit ces paroles: OMere de Dieusecourez votre serviteur qui combat avec toutel'eterniténe m'abandonnez pas à cette heuredelaquelle depend le salut eternel de mon ame.

Lipse sefelicitoit de mourir dans une saison où le Sang deJesus-Christ est le plus bouillant dans l'Eglise. Comme un Jesuitelui eut presenté la Messeplut à Dieudit-ilque ceSang precieux qui a eté versé pour moi en sa Passionm'arrose abondamment! Il voulut que son Epouse donnat àl'Autel de Notre-Dame de S.Pierre à Louvain sa robe Doctorale.Gerard Corsel l'a rachetée& il la conserve commeS.Antoine conservoit la robe de S.Paul premier Hermite. Just Lipseetant agé de 58 ans & de 5 moismourut à minuit le23 Avril 1606en embrassant le Crucifix& en prononçantles sacrez noms de Jesus & de Marie. Trois Jesuites & unCordelier assisterent à sa mort. Nicolas Oudart Chanoine &Official de Malineslui ferma les yeux. Il fut enterré auxCordeliersdevant l'Autel de Notre-Dameoù il avoit coutumede prier chaque jour1e veille de Paque 25 Avril. Toute l'Academiehonora ses obseques& elle put dire aprez Cecilius Meteliusqu'elle ne verroit jamais sa chaire remplie d'un homme plus digne. Ilavoit luimeme fait son Epitafe en onze Versoù il parle delui comme d'un neant. NIHIL. Son Epouse lui fit dresser un Tombeauque le Senat d'Anvers rendit plus magnifique.

Le 30Avril on fit ses funerailles à S.Pierre à Louvain. SonOraison funebre fut prononcée par Gerard Corsel. Il donna saBiblioteque à son Neveu Guillaume Grevius Brusseloisle filsde sa sOEuragé de 13 ans. Il donna ses Grecs & sesmanuscrits aux Jesuites de Louvain. Ses Executeurs Testamentairesfurent Nicolas OudartJaque Wover & Guillaume Varner Chanoine deS.Pierre à Louvain. Il prononça anateme contre ceux quiseroient si hardis que d'imprimer quoique ce fut de ses manuscrits àla reserve de deux cens de ses Lettres choisies.

Jamais onn'a pu bien le peindre. Il avoit le front largeles yeux vifslastature majestueuse; il etoit d'une complexion seche; ses etudes &son mal de ratte qui le travailla prez de 20 ansne contribuerentpas peu à cette secheresse. Il avoit l'esprit vifvastedocile& capable de tous les Artshormis de la Musique; ilavoit le jugement droit& la memoire admirable.

Les Etatsde Brabant lui donnoient une pension de 600 francs& le Collegedes trois Languesune de deux cens. Le Comte de Fuentes ce digneMecenel'augmenta.

L'ArchiducAlbert fit Conseiller Just Lipse& il lui offrit les reposentirant ses gages. Sa devise etoit celle d'Enniusa la vieille mode.MORIBUS ANTIQUIS. Elle est encore au dessus de sa maison àLouvain. Aprez l'etudeles fleurs & les chiens faisoient sondivertissement. Il en avoit de trois sortes; Safir HolandoisMopsulAnversois& Mopse Ecossois. Mopse l'accompagnoit aux ecolespubliques. Il a laissé la posterité en doute s'il etoitplus homme d'honneur & de pietéque d'etude. On peut diresans le flater que ces trois qualitez etoient en lui ensemblevaincues & victorieuses.

Deux joursaprez sa mortil s'eleva des gens dont l'Histoire n'avoit encorerien senti de pareil& l'on ne croit pas que la posteritéen sente jamais de semblable. Charle Malapert Jesuite de Mons en faitun Poëme capable d'etre admiré de Virgile. Voici laCronique de ces vens qui renversoient tout.

oMnIaCaDVnt.

Nous avonsbien voulu adoucir la cruauté de ce siecle de fer & de feupar le recit de la vie tranquille de cet homme pacifique quiconversoit doucement avec ses Muses tandis que les trompettes &les Tambours retentissoient par tout. En reprenant ce qui s'est passédans la Belgique pour traverser le siege d'Ostendenous avons faitjustice de part & d'autre à quantité de bravesquin'avoient pas eu leur place dans la distribution de la gloire quej'ai donnée à ceux qui se sont signalez dans ce siegesi celebre. Mais nous avons omis la principale piecequi faitneamoins directement à l'Histoire de l'Archiduc Albertje disson Epouse Isabelle Claire Eugeniequi selon le temoignage de HenriIV Roi de France surnommé le Grand fut à la Belgique&singulierement au siege d'Ostendece que Zenobie fut auxPalmipeniens dont elle etoit Reine.

Isabelleetoit fille de Philippe II Roi d'Espagnecet Archimede qui remuoitl'Univers sans sortir de son Cabinet& d'Isabelle de France. Sij'etois poeteje dirois qu'elle etoit la Pallas de ce Jupiterquila fit entrer dans le Conseil dez l'age de douze ansen voiant sonesprit meur avant que d'avoir fleuri. Il fut epouvantéd'entendre le raisonement de cette jeune Conseillere& il suivittoujours ses avis durant les 35 ans qu'elle vequit auprez de lui. LeCabinet n'empecha point sa Sainteté. Elle aporta pour dote laPrincipauté de la Belgique; mais elle en usoit avec tant derespect pour son Epoux l'Archiduc Albert qu'elle lui renvoioit toutesles affaires& qu'elle vouloit que toutes les gracesdependissent de lui. L'Archiduc en usoit de meme& il n'y avoitjamais d'autre dispute entre euxqu'à qui ne seroit point leSouverain. L'Archiduc etant mort elle voulut entrer dans unMonasteremais depeur d'abandonner ses Etats à l'heresieelle sacrifia ses inclinations au salut de ses peuples. Ne pouvantetre Religieuse de professionelle en voulut porter l'habit&elle en fit tous les exercices en secret. Elle parloit peumais cepeu etoit si sensé qu'un Lacedemonien n'y eut rien trouvéà retrencher& qu'un Atenien en eut eté satisfait.Elle ne sortoit presque de son Palais qu'aux occasions desProcessions ou des Confraternitezou pour accompagner le S.Sacrementqu'on portoit aux malades. Elle montoit dans les greniers& ellene se rebutoit point de la puanteur des lieux les plus infectsouelle laissoit toujours des marques de sa charité.

Ellesavoit neamoins s'humaniser en son tems; elle abatit plusieurs foisl'oiseau à l'arquebuse & à l'arbalête. Ellebatit aux Sermens de magnifiques Maisonsoù elle buvoit àleur santé. Quand elle etoit obligée de refuserellele faisoit avec des paroles qui valoient presque la grace qu'on luidemandoit. Elle avoit partagé le jour en quatre parties; elleemploioit six heures à la devotionelle en prenoit six pourle repas & pour le divertissementqui etoit de travailler avecses Filles-d'honeurà des ouvrages de tapisserie pour lesEglisesou à des chemises pour les pauvres. Six autresetoient destinées pour son sommeil ; mais elle avoit donnéordre qu'on l'eveillat toutes les fois qu'il arriveroit un courierpressé. Elle emploioit les six dernieres au Conseil avec sesMinistres aux depeches & aux Audiences. Elle les donnoitreglement tous les jours si elle n'etoit malade. Elle recevoit tousles Memoriaux qu'on lui presentoit des plus pauvres comme des plusrichesavec une douceur qui ravissoit. Avant de se coucherellelisoit toutes les requetes& elle les apostilloit de sa main.Elle ne faisoit point d'impositions par son autorité absolue.Elle obtenoit tout ce qu'elle vouloit parcequ'elle deroboit le cOEurde tout le monde. Un faux bruit aporta que l'Archiduc etoit demeuréà la bataille de Nieuport. Un si pesant coup n'abatit pas cegrand cOEur. Elle sentit ce que pouvoit sentir une epouse extremementaimantemais persone ne decouvrit la tendresse de ses sentimens.Quand elle vid revenir l'Archiduc blesséelle le reçutsans lui temoigner ni tristesse ni etonnement; mais Elle en eut unsoin qui fit bien voir que son cOEur en disoit plus que sa bouche. Laperte de Mastric & de Boisleduc l'auroit vue insensible sil'interet de sa Religion n'y eut point eté melé.

LesHollandois aiant pris une barque dans le Port de Dunkerque oùelle etoitjetterent en mer à la vue des remparstous lesMariniers qui s'y trouverent. On la pressa de faire le memetraitement aux Hollandoismais cette Amazone réponditfroidementnous les avons vu; & ce fut un arret de grace pourles Hollandois . La Reine de France& le Duc d'Orleans sejetterent dans l'azile de ses bras; elle les reçut avectendresse & avec pompe. Elle leur conseilla de se racommoder avecle Roi Louis XIII& elle leur offrit sa mediation. Elle pourvutmagnifiquement à leur subsistance; elle leur fit des Presens &des Festins où la galanterie eclatoit d'une maniere quisurprit ces illustres Refugiez. Elle prescha le Duc si efficacementqu'elle en fit un Prince de grand exemple.

Elle nesoufroit pas seulement l'ombre des amourettes. Un clin d'OEil tenoitses filles dans une modestie gaie & religieuse. Toutes celles quietoient de sa façon se sont distinguées admirablementdans l'etat qu'elles ont embrassé; & c'etoit un prejugéde sainteté & d'innocence que d'avoir eu le bonheur d'etreà l'Infante. Dans sa maisonelle ne soufroit pointd'Officiers qui fussent soupçonnez de debauche. Elle leurparloit quelquefois pour les reprendre; & c'etoit toujours avecune douceur qui donnoit une agreable confusion& qui ne manquoitjamais à les corriger.

Duranttout le cours de sa vie elle n'a eloigné que 4 ou 5 persones.Mais ç'a eté sans les deshonorer& sans meme leuroter leurs gages. Elle avoit l'oreille fermée aux fauxraports. Elle ne soufroit point les fourberies & les artifices;jamais elle n'a eu ni favori ni favorite. Elle recommandoit sanscesse à ses Ministres de traiter avec douceur ceux qui avoientdes affaires à negotier avec eux& son mot ordinaireetoit Con blanduras. La mort ne put suspendre l'inclinationqu'elle avoit à bien faire& le dernier soufle de sa viefut un esprit de grace. Elle avoit reçu l'Extreme-Onction &elle n'atendoit plus que le moment de partir. Lorsqu'il lui souvintqu'il etoit demeuré dans sa cassette quantité deRequetes qui restoient à expedier. Elle commanda qu'elles luifussent aportées: & se faisant apuier la tete &soutenir la mainelle emploia ce qui lui restoit de vue & demouvement à les signer le mieux qu'elle put. C'est ainsi quele Soleil eclaire encore la terre & qu'il lui fait du bienlorsmeme qu'il s'eclipse. Par là elle soutint des maisons entieresqui alloient tomberelle en releva qui etoient deja tombées& ce dernier tremblement de sa main apuia des communautez&il opera le salut de plusieurs familles. Voiant un de ses anciensOfficiers inconsolablevoiez cet hommedit-elle en riantqui neveut pas que je meure. Cette Princesse digne de l'immortalitéalla recevoir la Couronne due a ses merites infinisle premier jourde Decembre de l'an 1633agée de 67 anstrois mois&dixneuf jours.

Je me suiscontenté de vous faire voir cette Heroine en petit:parcequ'avec l'aide du Cielj'ai envi de vous l'exposer bientot engranddans une Histoire qui lui sera toute particuliere.






L'HISTOIREDE L'ARCHIDUC ALBERT SOUVERAIN DE LA BELGIQUE.

LIVRECINQUIEME.

Le Maitre de l'eloquence Romaine crioit de sesRostresqui etoient la Tribune d'où il declamoit sesharanguesque l'epée devoit ceder la place à lalangue. Cedant arma togaeconcedat laurea linguae. Je dis àpeu prez le meme; savoir qu'aiant jusqu'ici accompagnél'Archiduc Albert à la guerreil faut que nous le suivionsparmi les douceurs de la paix. S'il y entre quelques petits combatsce ne seront que des combats de divertissement. Nous deduirons un peuplus au long la Paix de Vervins que nous n'avons touchée qu'enpassant& autant qu'il le falloit pour nouer l'Histoire. Nous enproduirons les sources extraordinairesqui furent des armes; cettepaix s'etant cimentée à l'occasion des armes que HenriIV Roi de France fit travailler à Brussellequi en ce temsavoit les plus habiles armuriers de l'Europe. Puis nous passeronsnaturellement à la Treve de douze ansqui fut la fin de laguerre& de la vie de l'Archiduc. Un Huguenotou un EcrivainCatoliquemais Prevaricateur de sa Foi& trop lachementcomplaisantpasseroit bien doux sur ces 12 ans du regne del'Archiducparcequ'on n'i void ni Sieges ni Batailles& qu'on ydoit contemplerun Prince Catolique qui s'aquite de tous les devoirsde sa Religion; mais nous quigrace à Dieun'avons nulles deces complaisances& qui ne choquant persone aimons bien aussiqu'on ne nous choque pas des maximes de notre foi nous en couroneronsnotre Histoire. Ce seroit rendre ridicule l'Archiduc Albert que de nevouloir le contempler que l'epée à la main& quede lui oter les ornemens dont il faisoit le plus de gloire& quilui en ont le plus aquis auprez de Dieu & auprez des hommes. Nousne traitons pas ici la controverse; nous laissons chacun dans lesopinions& nous depeignons seulement l'Archiduc tel qu'il s'estdepeint lui-meme& tel qu'il voudroit qu'on le depeignits'iletoit encore à regler son portrait. Nous lisons pacifiquementla vie de Gaspar de Colignisans nous dechainer contre lui qui adonné la matiere de cette Histoireni contre ceux qui ont misen euvre ces matieres ; nous prions qu'on ait la meme honetetépour nous& qu'on ne traite pas de Moineriesdes pratiquestressaintes dont l'Archiduc faisoit son capital& sur lesquellesla posterité l'a mesuré en lui donnant l'Eloge d'Albertle Pieux. Nous serions bien fachez de priver les Princes de saMaisondes exemples de sa pietéqu'ils admirent & qu'ilsimitent de toutes leurs forces. Ceux à qui des fondationsSaintes deplaisentn'ont qu'à gemir de ce qu'ils n'ont pasles memes pensées& qu'à se confondre de voir quenotre siecle n'ait point degeneré de la sainte antiquitéqui a commencé en Salomon& qui a continué danstant de Monarquesqui n'ont rien eu de plus à cOEur que delaisser aprez eux des langues qui continuassent à faire sur laterrece qu'ils alloient commencer au ciel.

L'an 1596le 8 Avril l'Archiduc fit dessein d'ataquer Calais; Henri IV Roi deFrancequi assiegeoit la Ferevid d'un coté qu'il lui seroithonteux de lever le siege de cette place& de l'autreque selonles aparences s'il entreprenoit cette delivranceil y viendroit troptard. Pour marcher au milieu de ces deux ecueilsil gagna un desprincipaux Ministres de l'Archiducqui fut si infame que deconseiller à son maitre de ne pas songer à Calaismaisbien au ravitaillement de la Fere. Le bon Ange du Prince voulut qu'ilmeprisat le conseil de ce traitre & qu'il continuat dans sondessein de Calaisqui lui reussit parfaitement. Pendant le siege dela Fere Henri IV eut un autre malheur; c'est que S.Geran Gouverneurde Bourbonvenant avec trop de confiance au camp du Roi de Francefut pris & emmené à Brusselle par les Ligueuxquivoltigeoient vers la Fere pour en incommoder le siege. S.Geran avoitbeaucoup de liberté à Brusselle& il voioit cequ'il y avoit de rare; les Belges n'etant rien moins qu'ombrageuxmeme à l'egard de leurs ennemissur tout quand ils sont chezeux. Quand S.Geran fut elargiil loua fort au Roi son maitre lesbelles armes que l'Archiduc se faisoit faire à Brusselle. CeRoial Guerrier eut envi d'en avoir du meme maitre; c'est pourquoi ildepecha un Trompete à SancerreAgent d'Isabelle ReineDouariere de France à Brusselleavec un pourpoint de toiled'argent qui contenoit la mesure des armes qu'il devoit fairetravailler pour Sa Majesté Tres-Chretienne. Sancerre qui sesouvenoit qu'il etoit dans une terre etrangere& qui n'aimoitpas de donner aucun ombrage à des gens qui en usoient avec luifort civilementdeclara ouvertement à l'Archiduc le desir duRoi son maitre. Albert le plus humain des hommesrepondit àSancerre qu'il en etoit trescontent& puis sous mainil fitavertir l'ouvrier de les travailler extraordinairement bien &qu'on lui repondoit de son salaire. Les armes etant faitesSancerrevoulut les paiermais il trouva que l'urbanité de l'Archiducl'avoit prevenu& qu'au meme tems il avoit ordre de se rendre àla Cour de Brusselle. L'Archiduc le voiant en sa presencelui dit delui faire ce petit present de sa part. Qu'au reste il aimeroit mieuxlui envoier le signal de la Paix que celui de la guerre. Ce fut cequi causa la paix.

Sancerreravi de cette commission vint trouver le Roi Henri IV àMonceaux& il lui offrit les armes de l'Archiduc qui lecharmerent; il ne fut pas moins joieux du bon mot de paix quiaccompagnoit ces instrumens de guerre. Sancerre vint remercierl'Archiduc& il lui demanda au meme tems un lieu de congrez.L'Archiducdu conseil de son President Richardotenvoia en Francele General des Cordelierspour traiter de la paix au nom du RoiPhilippe Il & de l'Archiduc. Le Cordelier dit au Roi Henri IV quele Pape lui avoit ordonné de passer en Espagnepour l'induireà la paix & que ce bon Roi avoit laissé cetteaffaire à l'arbitrage de l'Archiduc son neveu. Mais lasurprise d'Amiens faite le 11 Mars 1597 rompit tout. Le General desCordeliers fut renvoié sans etre ecouté; les Amienoisfurent privez de leurs privileges& ils durent construire uneCitadelle à la porte par où les noix fatales avoientpassé. Henri IV outre celà dechargea sa colere sur deuxAvocats de Parisà cette occasion. Le Duc de MercOEur dontl'Histoire paroit depuis quelques annéesalors Gouverneur deBretagneentretenoit un Pensionaire à Paris nommél'Avocat Carpentier. L'Avocataiant eu nouvelle de la prised'Amiensdepecha son beaufrere pour en feliciter le Duc de MercOEur.Cet Envoié passant la Loire à Saumur repondit auxGardes qu'il venoit de Paris à Angers. Comme on lui eutdemandé s'il ne portoit pas de lettreil dit en begaiantquenon. Les Gardes s'en aperçurent& ils en firent leurraport à Duplessis Gouverneur de Saumurqui prit de làsujet de le faire fouiller. L'on trouva la lettre felicitante; &sur ce sujet tresmaigreon roua les deux freres en Greve àParis. L'Avocat Carpentier endura ce supplice sans soupirersonbeaufrere donna des marques d'une grande sensibilité. Comme onportoit ces corps vivans quoique rompusau MontfauconCarpentierinterrompit ses devotions par prier le Prevost qu'il leur donnat lecoup de graceen leur otant la viece qu'il fit. Le General desCordeliers cependant revint de Rome& il obtint le Cardinal deMedicis depuis le Pape Leon XIpour Mediateur entre les deuxCourones. Philippe II qui souhaitoit de mourir en paix& d'ylaisser sa fille Isabelle passa le Traité de Vervins en l'an1598. L'Archiduc envoia pour otages de la paix ces Seigneurs dansl'ordre que je les nommele Duc d'Arschotl'Amiral d'ArragonlePrince d'ArembergLouis de Velasco depuis Comte de SalazarlePresident Richardot& l'Audiencier Verreiken. Le Comte de S.Paulvint les prendre à une riviere qui separe l'Artois de laPicardie& il les conduisit à S.Denis prez de Paris; ilsarriverent à Paris le 18 Juin 1598. Le Roi Henri IV qui nesavoit quelle Fete faire à ces otagess'habilla àl'Espagnoled'un bonnet de Velour noirrelevé en forme dechapeau à petit bordavec un Cordon de piereries. Seschausses à bandes brodées de diverse sorteavoient delongs-bas qui du pié touchoient le-haut-des-chausses. Lepourpoint etoit couvert d'un collet de senteur. Le manteau noir avoitune chappe large par derriere où brilloit une infinitéde diamans. Il n'avoit qu'un crepe à son bonnet & undiamant au bout du crepe. Son collet de senteur etoit passementéde noirs. Les Ducs d'Epernon & de Montpensier pareillementhabillez à l'Espagnoleavoient plus de pierreries que le Roimeme.

Le RoiHenri arreta seul au Louvre à cheval jusqu'à ce que lapompe fut passée. Les autres y entroient à pié& puis ils montoient à cheval hors du Louvrepour marcherdevant le Roi Henri. Etant arrivé dans l'Eglise de Notre-Dameil monta sur un echafaut au coté droit du ChOEur prez del'Autel. Aprez la Messeil se mit dans son siege sous un Dais. LeLegat etoit vis-à-vis& il tournoit le dos àl'Autel. Huraut Chancelier& Neuville Secretaire d'Etat sepresenterent à coté du Roi Henri. Les articles de lapaix furent lus. Le Roi Henri en jura l'observationil signa l'actedu sermentil embrassa les Ambassadeurs& il souhaita unelongue vie à son frere le Roi Philippe II. Tout le monde criavive le Roi. Sa Majesté traita l'Assemblée àl'Eveché. Le Duc de Montpensier y servit de Grand-Maitre;l'Archeveque de Bourge benit la table. Huit trompettes sonnoient àchaque service. Le Roi Henri IV durant la Musiquebut deux fois àla santé du Roi; le bal se donna ensuite au Louvre.

Durant cesallegressesAntoine Perez marchoit à piez par Paris suivid'un Hallebardier Suisse; je dis ce Perez à qui Don Jeand'Autriche mort à Namurdonnoit le titre de MagnifiqueSeigneur. L'Amiral d'Arragon qui voioit Perez avec mepris ne songeoitpas qu'il ne lui en ariveroit guere moins fort peu aprez. Le Duc deLermes le fit tomber en disgrace pour se vanger d'une Satire quel'Amiral avoit publiée contre lui. Ce Duc fut lui-memedisgracié jusqu'à ce point qu'il demanda de pouvoirdire la Messe aux Jacobins où il s'etoit refugié. LePape Gregoire XV lui envoia le Chapeau de Cardinal.

Le feu deSaint Jean qui s'allume sur la place de Grevepour marquer la joiede la paixfut cette année entouré d'une chained'olives en forme de feston où etoient entrelacez toutessortes d'instrumens de guerrequi se termina en feu d'artifice quele Roi Henri alluma lui-meme par honeur. Il renvoia ensuite lesOtages Archiducaux& il envoia les siens à Brusselleoùils firent leur entrée en cette ordre. Le Maréchal deBiron qui bien peu aprez eut la tete tranchée etoit àla droite du Comte de MansfeltBellievre etoit à celle du Ducd'Aumale qui etoit au service de l'Archiduc& qui mourut en songouvernement de Binche& le President Brulard de Silleri etoit àcelle du Prince d'Orange. Trois Gentilshommes Archiducauxconduisoient à leur droite autant de Gentilshommes François.Le contraire s'etoit pratiqué à Paris. Bellievre &Brulard passerent à Louvain pour y voir le grand Just Lipse.Pendant que les Ambassadeurs François etoient àBrusselleil arriva à la Cour de Henri IVquelquesparticularitez que je ne dois pas omettre. Pierre de Colins Chevalier& Seigneur de Heetfelde Ancetre des Seigneurs de TarsiennedeRoche-Fontaine ancien Coloneldes deux Conseillers de ce nom &de plusieurs autres qui ont l'honeur de porter ce nom tresnoble &qui vivent encore aujourd'hui fidelles au Roifit present au RoiHenri du portrait du Conetable de Luxembourg decapité enGreve. Henri le reçut agreablement& il dit au Conetablede Montmorencivoiez mon Comperevoilà le Conetable monparent du tems du Roi Louis XI. Colins lui fit encore present duportrait de notre Archiduc d'aprez nature en habit de Cardinal. Henrise mesura à la hauteur de cette toileen disant; voiezonnous depeint l'Archiduc si petit& il est plus grand que moi. Ilse trouva pourtant que Henri passoit Albert de toute la tete.


Maisqu'eut la France de la Paix de Vervins qui lui causa tant de joie ?Elle n'avoit que CalaisArdresDourlens& quelques petitesplaces de peu de considerationque le Roi lui avoit enlevées.Et la Belgique demeura en son entier sans que la France y pretenditquoique ce fut. Les peuplesqui aiment la paix & le reposeussent bien voulu qu'on eut au meme tems fait la paix avec laHollandemais la chose n'etoit point encore meure& la Treve dedouze ans avec cette Republiquene se fit qu'en l'an 1609. CetteTreve qu'on nomme d'ordinaire de douze ansse conclut àAnvers. Les Ambassadeurs Hollandois y arriverent le 25 Mars 1609. LeMarquis Spinolale Secretaire Mancicidor& l'AudiencierVerreyken accompagnez de plusieurs Seigneurs Belgesles y reçurentmagnifiquement. Le Comte Louis de Nassau& le Seigneur deBrederodey arriverent peu de jours aprez au bruit du canon de lavillede la Citadelle & des Vaisseaux. Ils furent logez auPalais des Fuggercelebres par leurs richesses en la rue desTailleurs-de-Pierre. Ils avoient leurs Ministres avec eux ; &pour n'en pas faire moins que le Marquis Spinola n'en avoit fait àla Haie où il avoit fait prescher son Predicateur Catoliqueils firent prescher dans leur hotel Jean Uuytenbogaert leur Ministre.La plupart des Conferences se tinrent à l'Hostel-de-Ville. LaTreve de douze ans fut enfin conclue le 9 Avril. L'Archiduc la signa& la ratifia à Brusselle& les Hollandois en firentde meme à Bergopzoom. Elle fut publiée à Anversle 14 Avril de la meme année 1609. Le Sieur de Moy Secretaired'Anvers la publia sur un echafaut dressé devantl'Hotel-de-Villeau bruit des Trompettes & des Hautbois&de tout le Canon de la Villede la Citadelle & du Havre. Durantla publication de la Treve on voioit aux fenetres de la grandeChambre de l'Hotel de Ville Pierre Jannin Chevalier Baron de Chagni &de Montieu Ambassadeur de France& Elie de la Place ChevalierSeigneur de RussiAmbassadeur de la meme couronne. Richard SpencerChevalier& Rodolphe Winwoodt Chevaliertous deux Ambassadeursd'Angleterre Ambroise Spinola Marquis de Venafre Chevalier de laToison d'or. Jean Richardot Chevalier Seigneur de Boixsy President duConseil Privé. Jean de Mancicidor Chevalierdu Conseil deGuerre & Secretaire du Roi. Jean Neyen Commissaire General desCordeliers. Louis Verreyken Chevalier Audiencier premier Secretairedu Roi. Ces cinq derniers nommez etoient les Ambassadeurs del'Archiduc.

De la partdes Hollandoisetoient Louis Comte de Nassau Gouverneur de Frise.Valerand de Brederode Chevalier. Corneille de Gent Chevalier Seigneurde Loerren & de MeynloyckVicomte de Leiden. Jean OldenBarnevelt Chevalier Seigneur de Tempel Avocat d'Hollande. Ce fameuxBarnevelt qui aiant degagé les places de BrieledeFlessingue& de Rammekens des mains des Angloisqui aiant etél'instrument principal de cette Treve de 12 ansqui aiant empechéque les Hollandois ne s'engageassent dans la guerre de Boheme sousFerdinand IIperdit la tete sur un echafaut à la Haie le 13Mai 1619 agé de 72 ans. On l'accusa d'avoir voulu remetre laHollande entre les mains des Espagnols; mais on dit qu'on n'en trouvapas de preuve dans ses papiers. On prit pretexte de ce qu'il avoitpris le parti d'Arminius & qu'il se ht Chef des Remontrans contreGomer dont les Sectateurs se nomerent les Contre-Remontrans. Leurdifferend principal regardoit la Predestination. Maurice Princed'Orangequi avoit un ancien chagrin contre Barneveldt de ce qu'ils'etoit opposé à son humeur martiale en moiennant laTreve de 12 ans& qui tenoit le parti des Gomeristesne fut pasfaché qu'on mit hors du monde celui qui contrepointoit sesinclinationsensuite de la condemnation des Arminiens qui futconclue au Sinode de Dort les années 1618 & 1619. Le jeuneBarnevelt essaia de vanger la mort de son Pere en attentant sur lavie du Prince Mauricemais il fut justement condamné de toutle monde.

Barneveltà la fenetre de l'hotel-de-ville d'Anversetoit suivi de Jeande Maldere Chevalier Seigneurde Reyst premier Conseiller deZelande; de Gerard de Renesse Chevalier Seigneur d'Aa& deStreeskeraken; de Jean de Salick Chevalier Drossart de Wollenhoven;de Gille Hillema Conseiller ordinaire de Frise ; enfin d'AdamGoeuders van Helpem Seigneur de Tam & de Bantes. Les Bourgmaitresd'Anvers en ce temsetoient Guillaume Draeke& Arnoud deBeukelaer Ecuier.

Aprezavoir parlé de la Paix & de la Treveparlons des fruitsde ces tems fortunez. Dez que Henri IV Roi de France fut en paix avecl'Archiduc par le Traité de Vervinsil n'eut rien de plus àcOEurque la bonne correspondance avec ce Prince. Ce fut pour lafomenter qu'il prit le dessein de lui envoier une solenelleAmbassade. Il se declara en public sur ce dessein& il ajoutaqu'il lui falloit un intrepidecapable de tenir contre la gravitéAlemande- Espagnolle-Belgique de l'Archiducqui etoit capable dedemonter une hardiesse ordinaire. Un Seigneur d'une grande maison queje ne nomme point par respectmais qui n'a rien moins que lagasconade& qui au contraire a la modestie pour caracteredistinctiffit fort le brave& il dit hautement que si SaMajesté voudroit bien l'honnorer de cet emploiil s'enaquiteroit à sa gloire& que tout le serieux Archiducalne seroit point capable de le decontenancer. Henri IV le prit au motmais il lui ajouta par bonté qu'il ne se fiat pas trop sur sonintrepidité& qu'on en avoit encore vu d'aussi resolusque luis'ebranler en la presence de ce grand Prince. La remontrancefut cause que le François fit le fanfaron plus que jamais. Onl'accepte. Tout se dispose pour l'AmbassadeMonsieur l'Ambassadeurfait sur tout bonne provision de hardiesse& il se flatte qu'illaisse son front à Paris. Mais ses provisions ne lui durerentpas lontems& son front vint bientot le retrouver àBrusselle. Henri IV qui aimoit à rire; ecrivit secrement àl'Archiduc qu'il alloit lui envoier un Ambassadeur qui se vantoitd'etre à l'epreuve de sa gravité; & qu'il luiferoit plaisir de lui mander le succez de ce resolu. Albert entenditle jeu& il se disposa à bien recevoir ce vanteur.Quoiqu'il fut assez bien pourvu de gravitéil emprunta unemajesté extraordinaire& il fit savoir à sa Coursans lui rien dire du secretqu'il aimoit bien un profond serieux àla reception des Ambassadeurs& sur tout de ceux de France.Comme sa Cour y etoit dejà accoutuméeelle ne dut pasbien se contraindre dans la premiere action qui se presenta; maiscomme elle savoit les volontez du Princeelle se fit aussi un devoirextraordinaire d'ajouter à sa gravité qui d'elle-memeetoit assez grande.

Voici venule jour de l'introduction de l'Ambassadeur de France. La Cour faitrejaillir de toutes parts de ses peinturesde ses vermeilles-dorezde ses glacesde ses tapisseriesenfin de tous ses ameublemensuneclatqui tout muet qu'il etoitdisoit infiniment& qui surtout parloit fort arrogamment aux etrangers inaccoutumez à cesirradiations. Les trois compagnies de gardes etoient a cheval sur lesavenuesles compagnies des Archers & des Hallebardiers avecleurs hoquetons jaunes & leurs portes Imperiales du PLUS OUTRE audosavec leurs armes extraordinairement luisantesvont rencontrerMonsieur l'Ambassadeur; la Cour qui etoit extremement nombreuseparut toute en or. Tout marchoit à pas mesuréles yeuxbaissezdans un profond silence. Ces avances deconcerterent monambassadeurmais il fut entierement defaiteffacé &interdit lorsqu'il vid l'Archiduc qui l'atendoit majestueusement ledos contre une tablesous un daiz d'or. Ce fut alors qu'il mauditinterieurement sa vanité& qu'il se repentit de sonmarché; la raillerie qu'il se representoit aussi bien de laCour de Paris que de celle de Brusselles'il se brouilloitachevasa craintesa crainte augmenta son trouble& son trouble luiarracha la parole& ne lui laissa que du tremblement aux genouxde la palpitation au cOEurdu nuage aux yeuxdu claquement auxdens& de la stupefaction à la langue. Il fit sareverence d'une maniere bizarre & qui marquoit le trouble de sonesprit; il presenta son gand au lieu de ses lettres; & tout cequ'il put se commander à soi-memefut d'ouvrir la bouchepour laisser sortir quelques paroles barbouilléesqui luifirent plus de tort que ne lui en auroit fait un silence absolu.L'Archiduc Albert le plus humain des Princesvoiant que la comedieetoit jouéeque l'Ambassadeur etoit suffisamment chatié& que le Roi Henri alloit avoir le divertissement qu'il s'etoitpromis; d'ailleurs voiant que la honte de sa propre Cour augmentoitla confusion de l'Ambassadeur; prit doucement la parole& il fitau pauvre interdit le plus grand plaisir & le plus granddeplaisir du monde; plaisir parcequ'il donnoit passage à sesparoles par son urbanité; deplaisir parcequ'il enrageoit de cequ'au lieu qu'un Ambassadeur doit porter la parole au PrincelePrince se voioit obligé de la lui porter lui-meme.

Je laisseà vos imaginations les douces guerres que le Roi Henri fit àson Ambassadeur fanfaron; pour vous dire que l'Archiduc adoucit lemieux qu'il put la mortification de ce pauvre envoié par lesdivertissemens qu'il lui donna& par les grans presens qu'il luifit.

Albertaiant domté un entestéen lui presentant sa personneen domta un autre par ses Lieutenans. L'Archiduc n'etoit pasquereleuxmais il etoit magnanime quand il ne pouvoit eviter lecombat sans laisser ses soldats dans l'infamie. Aiant su que leCapitaine Briauté Normand de nationtraittoit de haut en basles Belges & sur tous les Flamansil consulta son conseil deconsiencequi lui repondit que la saine Teologie permettoit lecombat comme singulier pour mettre une nation entiere àcouvert de quelque ignominie. Ce fut ensuite qu'il permit auLieutenant du Comte de Grobendonck Gouverneur de Boisleducde sebattre contre Briauté qui comme un Philistin etrangerinsultoit le peuple de Dieu. Je vous ai decris ce combatmaisj'ajoute presentement quelques nouvelles circonstances.

LesReligieux de S.Dominiquequi avoient à Boisleduc un beauCouvent dont les Hollandois se sont emparez en faisant sortir laReligion Catholiquebien persuadez que les duels où il s'agitde l'honneur de toute une nationsont permis& sur tout sachantque l'Archiduc i donnoit son consentementanimerent à bienfaire ceux qui du coté de Boisleducfurent choisis pour cecombat d'honneur& ils leur inspirerent de se confesser & decommunier pour se munir de la viande héroïque des FORTS.Ces bravesqui avoient plus en vue l'honneur de la Religionorthodoxeque la reputation des armes Belgiques suivantl'exhortation des Freres Perscheurs & leur propre inclinationnemanquerent pas à ces deux devoirs Chretiens.

Lechamp-de-bataille fut un lieu presque à la vue de Boisleducque la nature sembloit avoir destinéquoiqu'il eut etéchoisi ailleurs. L'ardeur martiale de Briauté qui s'avançaplus qu'il ne devoitfut causequ'on se tint à cechamp-de-bataille d'improviste. C'etoit une bruiere qui avoit deuxcollines à ses cotez. Les Trompetes s'i placerent pour donnerchaleur au combat. Les Trompettes François-Hollandoisoccuperent la hauteur qui etoit à la gauche en allant versBoisleducsous un gibet à trois colonnes; ce qu'on prit enmauvais presage pour eux. Les Trompettes Belges qui se nommoientGeorge van Bueck& Zacarie Lanckhaenoccuperent la hauteur quietoit à droite. Ils avoient les couleurs de Grobendonck. Ilsetoient sous une tour; ce qu'on prit pour un augure fortuné.On etoit convenu de se battre dixneuf contre dixneuf; mais lesFrançois-Hollandois rompirent la convention& ilsentrerent au champ-de-bataille au nombre de 20. Le Lieutenant deGrobendonck etant en presence avec ses 18 championsse plaignit decette supercherie. Briauté s'en excusa sur ce qu'il ne luiavoit pas eté possible de defendre les armes à cevintiemequ'au reste il n'avoit qu'à en prendre aussi un deson coté. Le Lieutenant le fit. Il se souvenoit que Jeanl'Epine qui renfermoit un courage heroïque sous son air depaïsans'etoit fort affligé& qu'il avoit memeversé quelques larmesquand il s'etoit vu exclu du nombre descombattans& il lui fit dire que si la volonté luicontinuoitil n'avoit qu'à monter à cheval. Ce fut unenouvelle nuptiale que celle-là pour l'Epineil i courut; &il fit plus que tous les autrespuisqu'il prit Briauté. J'aivu cent fois cette bataille d'aprez naturele nom etant marquésur chaque guerrier Belge.

Voici lesnoms de ces vingt magnanimes.

GerardAbraham Lieutenant de Grobendonck.

AntoineAbraham frere de Gerard.

Jaque deLise.

Charlevanden Bergh.

PierrePichart.

Henri deMastrik.

Gerardd'Amersfort.

Leonardvan Muers.

Gerardvander Graef.

Artus vanOs.

Jeanl'Epine seul Wallon du Païs d'Artois.

AdrienRoest.

Jean deRidder de Boisleduc.

Le petitHerman de Dort.

Jean deLouvain.

CorneillePassequi.

Pierrevander Graef.

FredericBrequint.

Henri vanHulp.

Gerard vanWert.

LesFrançois-Hollandois avoient tous la main au pistolet&les Belges n'avoient que la main à l'epée. Les Belgeseurent la precaution de faire attacher de petites chaines derriereles brides de leurs chevauxde peur que leurs ennemis venant àles leur couperils ne fussent plus capables de gouverner leurschevaux. Les François-Hollandois n'eurent pas cetteprevoiance& ce fut ce qui contribua beaucoup à leurdefaite. Briauté i reçut plusieurs coups d'epéemais qui ne lui firent rien parcequ'il etoit charmé. Ce fut laraison pourquoi on l'assomma sur le pont-levis de la porte deBoisleduc à grans coups de fust de pistolet.

Les cinqbraves qui demeurerent au combat du coté des Belges furentGerard & Antoine Abraham freres qui avoient pour leurs armes unarbre surmonté d'un heaume. Le troisieme fut Henri van Hulple quatrieme fut Gerard d'Amersfort & Gerard vander Graef. Choseassez etonnante que de quatre Gerard dont le nombre des 20 Championsetoit composéil en demeurat trois: car des quatre il n'i eutque Gerard van Wert qui survecut.

LesDominicains de Boisleduc pour faire honneur à la vaillanceont immortalisé ces cinq illustres mortsen les faisantpeindre au naturel dans un grand tableaudont l'original se voiddans leur Couvent de Malines& la copie dans celui d'Anvers. Ilssont tous cinq à genoux les mains jointes devant un crucifixarmezmais la tete nue. Le premier est Gerard Abraham homme de bonnemine à la grande barbecomme on portoit alorsà lafleur de son age. Son frerequi le suit paroit fort peu d'annéesplus jeunes; il a l'air de son ainé& il porte comme luila longue barbe à la capucine. Le troisieme qui est Gerardd'Amersfort n'a que la moustache; le quatrieme porte la barbe longue& van Hulp qui est le cinquieme ne la porte pas.

Il i adeux ecriteaux audessus de cette espece d'Epitapheen haut & enbas; celui d'en haut marque que ces braves se sont mis sous laprotection de la Vierge que la sainte Eglise preconise comme unearmée rangée en ordonnance de bataille. Terribilisut castrorum acies ordinata. L'ecriteau d'enbas declareque lesPeres Jacobins ont animé ces guerriers à bien faireleur devoir pour soutenir l'honneur de la nationqu'ils se sont tousconfessez à ces Religieux& qu'ils ont reçu lesaint Sacrement de l'Autel de leurs mains.

Voici lesujet de ce combat singulier. La garnison de Boisleduc fit quatreFrançois prisonniers. Briautéqui etoit leurCapitainenegligea de leur envoier leur rançon; c'estpourquoi on donna la liberté à unafin de moiennercelle des autres. Briauté bien loin de la donnertraitarudement ce soldatde ce qu'il s'etoit laissé prendre desBelges qui n'etoient que de lourds ivrognes; & pour troisdesquels il ne falloit qu'un François. Le Trompette de Briautévint dire aux Belges à Boisleduc que son maitre les attendoitlui vingtunieme. Grobendonck commanda à un Alfer reforménommé l'Epine qu'il prit un cheval dans son ecurie&qu'il se joignit aux vingt autres qui etoient prets à monter àcheval. La terre etoit couverte de neige. On etoit convenu de nedonner quartier à personne. C'est pourquoi tous les Françoisfurent tuez à la reserve de trois fuiars qu'on pendit enHollande. Briauté fut deux fois demontéen se rendantil dit à celui qui le faisoit prisonnier: de quelle nationetes-vous gens si valeureux? Jean de l'Epine lui repondit: noussommes tous Flamansexcepté moi seulqui suis Artizien. Ilcomprennoit les Brabansons sous le nom de Flamand. Le fils de Briautévoulut vanger la mort de son pere au camp devant Breda; mais il futplus malheureux que lui: puisque le vieux Briauté avoit eu lasatisfaction de voir le vieux Lieutenant de Grobendonck tomberàses piez à la premiere dechargeau lieu que le jeune Briautéfut tué du nouveau Lieutenant de Grobendonck qu'il avoitprovoqué en duel.

Puisquenous sommes sur le chapitre des duelsnous ne pouvons en omettredeux sans defrauder l'histoire de l'Archiduc. Je vous ai marquél'invincible courage de Gouvernet au siege d'Ostende. Voici le sujetpourquoiil quita la France. La Diguiere etoit Gouverneur duDaufiné& Alphonse Corse etoit commis au memeGouvernement par patente de Henri IV Roi de France. Poret etoitLieutenant de Ladiguiere& Gouvernet l'etoit d'Alphonse deCorse. Ils se querelerent sur la bravoure de leurs maitres&leur different alla si avant qu'il fallut en decider par un duel. Cesdesesperez se trouverent au champ designéà chevalenchemisetete nuel'epée à la main. Poret courut detoute sa force sur Gouvernetmais Gouvernet eut au meme temsl'adresse de faire faire la courbete à son cheval. Ce qui futcause que Poret au lieu de percer son ennemienfonça son epéedans la tete & aux flancs du cheval jusqu'aux gardes. Tandisqu'il fait ses efforts pour la degagerGouvernet fait son coupillui fourre deux fois son epée au travers du corps& ill'étend roide mort sur la place. Le Samedi suivant AlphonseCorse parut sur le marché aux chevaux de Paris avec sonLieutenant Gouvernet aussi fier que s'il eut fait une belle action.Mais comme l'action etoit crianteil fut saisi & conduit àla Conciergerieoù Corse l'alla consoler& lui donnabonne esperance de pardon. Il l'obtint en effetnonobstant queMadame Poret Veuve du defunt se fut jettée aux piez du RoiHenri IVqui lui donna de belles paroles& qui fit diresecretement à Gouvernet qu'il n'avoit qu'à aller servirhors du Roiaume: ce qu'il fit en s'enrollant sous les Etandarts desHollandois qui defendoient Ostende.

L'autreduel est plus agreable: parcequ'il ne s'i repand point de sang. Ilregarde directement l'histoire de l'Archiduc Albertpuisqu'il s'estfait durant son Gouvernement de la Belgiquequoiqu'il fut en voiagequand l'action arriva& qu'elle se soit faite durant quel'Archiduc Ernest etoit son Lieutenant en la Belgique. Lechamp-de-bataille est Anvers. Ernest n'etoit qu'au deuxieme mois deson administration par interimlorsqu'un Gentilhomme Ecossois nomméle Comte Batuel vint à Anvers. Les
ramparts de cette Villequi sont les plus rians qu'il i ait peutetre en Europel'inviterenta la promenade. Il i rencontra deux amans qui etoient tous deuxbasannez. Le galant de son teint naturella belle du masque dontelle se servoit ou pour conserver sa beautéou pour sauverson honneur. Batuel qui venoit de Parisoù ce n'est pas lacoutume qu'on salue les masquespassa outre sans oter le chapeau.L'Amant n'etoit pas si attaché à ses amoursqu'il nefit reflexion au point-d'honneur. Il blama Batuel de lui manquer derespect& comme l'Ecossois ne le paioit point assezil luidechargea un vilain souflet sur la joue. Batuelsentit d'abord samain sur la garde de son epéemais se sentant etranger contreune infinité d'Anversois qui n'auroient pas manqué dedefendre ou leur Citoien ou leur Negotiantil cala voile&prennant un froid qui n'est point ordinaire aux Ecossoisil ditmodestement à l'affronteur; je vous remercie Monsieur. Et puisil se retira pour la lui garder belle. Batuel passa aisémentd'une moderation subite à une moderation meditée. Aulieu de se faire justice luimemeil alla remontrer au CardinalErnest l'affront sanglant qu'il avoit reçu sur les rampartsd'Anvers& ce bon Prince qui n'apprehendoit non plus qu'on neles apprehendoit en Franceces combats singulierslui permit de sefaire justice à soi-meme.

L'Amantsoufleteur parut sur le champmais si bien accompagnéqueBatuel n'en put tirer raison. C'est pourquoi il presenta une seconderequete à Son Altesse-Eminence; qui selon ses desirsluidonna des juges & des gardes pour son assurance au lieu ducombat. Les champions parurent& ils mirent aussitot lepourpoint bas. Batuel voiant que son epée s'acrochoit àsa chemisela mit bas& parut en Atlete. Il fit ensuite uncercle avec la pointe de son epée& il dit aux assistans;Messieurssi je sors de ce cercleje vous prie de me tuer. Cetteresolution de l'Ecossois fit changer de couleur à l'Amant quifit bientot voir qu'il i a bien de la difference entre Mars &Venus. Ce glacé ficha la pointe de son epée en terreil avoua sa faute& il lui en demanda pardon. Batuel fut si bonque de le lui donner. Mais il voulut en prendre acte qui fut formésur le champ. Le lache en fut quitte pour recevoir un soufflet sur lajoue& deux coups de plat-d'epée sur les epaules.

Quittonsce duel quoiqu'insanglant& venons au bel endroit de l'histoirede l'Archiduc qui sont les douze ans de Treve qu'il eut avec lesHollandois.

Dez que laguerre fit respirer l'Archiducil tourna tous ses soins vers lapietéqui a fait son caractere distinctif. La Mere de Dieului avoit tenu tendrement au cOEurdepuis son enfance; il avoitdonné des marques de ses respects selon les diversesrencontres. Il n'avoit voulu recevoir l'epée qu'àl'Autel de Notre-Dame de Halle. Il avoit fait mettre l'Image de cettedivine Princesse sur toutes ses banieresavec cette inscriptionLatine; Sainte Mere de Dieu nous avons recours à votreassistance; mais il en donna une marque eclatante à Notre Damede Montaiguoù la Toutepuissance de Dieu s'est manifestéepar une infinité de miracles que Just Lipse & Erice Puteanont merveilleusement bien descrits.

Montaiguest à une lieue de Diest en Brabant. Marias Hovius Archevequede Malinesi avoit consacré une Chapelle dez l'an 1604.L'Archiduc i fit construire une Eglise tresriche &tresmagnifiquequi lui couta plus de trois mille pistoles; & illui fit des Presens augustes; ce lieuqui n'etoit auparavant qu'undesert& qui est presentement une petite villeque la pietédes Pelerins fait vivre; il y a un Oratoire de S.Philippe de Neri.Aprez avoir satisfait sa pieté au dehorsil y satisfit audedans.

Il fitvenir d'Espagne Anne de Jesus la Compagne de S.Terese& le PereTomas de Jesus pour etablir le Carmel Reformé dans ses Etats& avant toutà Brusselle. Il batit roiallement lesCarmelites tout tenant son propre Palais dans un lieu qui aboutit àla Porte de Namur; & c'est de cette ruche que sont sortis tantd'essainsqui ont porté le miel du Carmel Reformé partous les Roiaumes.

Aprezavoir convoqué dans ses etats des Saintetez vivantesil i fitvenir des Saintetez mortesje veux dire des Reliques des Saints. Ilessaioit de copier son cher modele Filipe II& comme il savoitque ce Prince pieux avoit fait venir de la Belgique& de Francele Corps de S.Eugene& qu'il s'etoit censé honoréde soumettre ses epaules Roiales à son transport dans Toledeil fit venir de Reims en Champagnele Corps de S.Albert Eveque deLiegeson aimable Tutelaire& son cher Cousin: car S.Albertetoit fils de Godefroi III Duc de Brabant & de Loraine & deMarguerite de Limbourg. Ce saint Prelat avoit sacrifié sa viepour la liberté Ecclesiastique à Reimsen 1192; commeS.Tomas Bequez l'avoit fait à Cantorberi. Melchior DemarouaiEveque de Briocepar l'ordre de Louis de Loraine Archeveque deReimsavoit relevé ce Corps Saintavec beaucoup de pompe le2 Novembre 1612. L'Archiduc se fit un honeur de le transporterluimeme au Couvent de ses Carmelites de Brusselleaccompagnéde Hovius Archeveque de Malinesde Gui Bentivoglio alors Internonce& puis Cardinal; de Jean Richardot Archeveque de Cambraid'Alfonse Requesens Eveque de Rosoneri en Dalmacie& deplusieurs Prelats.

Mais commeS.Albert etoit mortavant que l'Eglise instituat la solennitédes Canonizacions& lors qu'elle se contentoit de la voix despeuplespour donner le droit de la Jerusalem celeste aux saintesamesl'Archiduc procura que S.Albert reçut des honeurs duSaint Siege meme. Voici comme le Pape Paul V s'explique pour lamemoire perpetuelle de la chose.

Faisantsur la terre quoique sans meritel'office du Roi eternelquicouronne au Ciel du diademe immarcescible de la gloire eternellesesserviteursdont la constance a eté à l'epreuve destentacionsnous sommes obligezselon notre chargede procurer quel'honeur & que la veneracion dûs à ces fidellesserviteurss'augmente tous les jours de plus en plus sur la terre;dans cette vue nous secondons volontiers les vOEux des fidelles&sur tout des Princes Catoliques qui regardent le culte particulier deces Saintsautant que nous le jugeons expedient en notre Seigneur.On nous a depuis peu representé au nom de notre trescher Filsnoble homme Albert Archiduc d'Austriche & Prince de la Belgiqueque pour la devocion particuliere qu'il porte à S.AlbertMartirEveque de Liege & Cardinalil a fait transporterpompeusement & canoniquement son corpsqui a reposéquatre cent ans dans l'Eglise de Reimsau Monastere des ReligieusesCarmelites qu'il a bati & fondé à Brusselle; &que pour augmenter la devocion des peuples envers ce Saintilsouhaite ardamment qu'on puisse en faire l'Office& la Messe àBrusselle& à Reims. Il nous a fait humblement supplierde vouloir lui accorder sa demande; nousqui louons grandement lelouable desir de ce Prince & qui voulons lui faire des gracesextraordinairesaprés l'avoir absous de toute excommunication& censure qu'il pouroit avoir encouruesde l'avis de laCongregacion des Ritesnous permettons que desormais l'on face le 20Novembrel'Office & la Messe de S.Albert à Brusselle &à Reims; & au jour de la Translacionuniquement àl'égard des Carmelites de Brusselle. A Rome à S.MarieMajeure sous l'anneau du Pescheur 9 Aout 1613l'annéeneuvieme de notre Pontificat.

LesCarmelites sont à l'Orée du Bois de Soigne quoique letems semble en avoir fait une separation. Aiant consideré lesmonumens de la pieté de l'Archiduc à l'entrée decette Foretconsiderons-là au milieu. J'i trouve la MaisonRoiale de Tervure. Elle est à mi-chemin de Brusselle àLouvain. C'est l'ancienne retraite des Ducs de Brabant quand ilsrespiroient de la chasse. Il conste que c'etoit le Patrimoine deS.Hubert Apotre d'Ardenneque c'etoit son lieu de plaisir avantqu'il se mit dans les ordres sacrez & qu'il est mort le 3Novembre l'an 746au lieu où est presentement l'Autel de laChapelle Roiale qui lui est dedié. Deplus il conste que HenriIJean IIAntoine IJean IVFilipe I& plusieurs autres Ducsde Brabant i ont vecu& que quelquesuns i sont morts. Cettemaison etoit bien dechuepar l'injure des tems; mais l'ArchiducAlbert l'a retablie de fond-en-combleil l'a ornéed'excellentes peinturesil eut soin sur tout d'i batir une richeChapelle& de la faire benir en sa presence par l'ArchevequeHovius.

AntoineJean& FilipeDucs de Brabant i sont enterrez. Antoineest cebrave qui fut acablé de corps morts à la batailled'Azincour en 1415. Jean IV son filsest le Fondateur del'Université de Louvainen 1425. Filipe Ipareillement sonfilsmourut au Chateau de Cesar à Louvain en 1430. Le tombeaude ce grand Prince i etoit sans honeur. Albert l'a relevéilla decoré& il l'a enrichi d'une eloquente Epitafe.

BaudriComte de Bracbat vieux titre des Ducs de Brabanta bati S.Gudule deBrusselle en 1054& à l'instance de son epouse Odeil afondé les Chanoines de cette Eglise. Albertpour honorer lamemoire d'un de ses Ancetresqui avoit fondé une Eglise qu'ilchoisissoit pour la Maison de son eternitélui fit faire unillustre Mausolée. Au ChOEur de la meme Egliseil a faiteriger une Tombe de marbre à la memoire de Jean II Duc deBrabant. Son zele s'est etendu jusqu'à Luxembourg; c'est làqu'il a fait construireun Mausolée auguste à Jeanl'aveugle Roi de Bohemede l'Imperiale & de la Roiale Maison deLuxembourgdans l'Abbaie des Benedictins de Munster qui est dansl'enceinte de Luxembourg. C'est de cette Maison que vient Pierre deLuxembourg Eveque de Cambrai& puis Cardinalbeatifiépar Clement VII de la Maison de Medicis. Ce bienheureux Pierre deLuxembourg repose aux Celestins d'Avignondont il est le Tutelaire.

Raprochonsde Brusselle. Binche est une petitemais agreable ville du Hainauàtrois heures de Monsqui en est la Capitale. Le Chapitre de Binchepossede 8 Corps Saintsqui i furent miraculeusement transportez del'Abbaie de Lobbe l'an 1409. UrsmerErminTeodulfeUlgise&Amoluin ont eté Eveques & Abbez de Lobbe depuis prez de200 ans. Abel fut Eveque de Reims & Hildulfe fut Prince de Lobbeen 698.

Amelbergequi est une sainte & le huitieme de ces Saints Corpsest la Merede S.Gudule. Leur celebrité se fait au commencement deJuillet. L'Archiduc fit transporter leurs Os Sacrez dans des fiertesdignes de sa magnificenceavec beaucoup de Majesté; & ilne manquoit pas de quiter tous les ans son delicieux sejour deMarimontpour se trouver à la Procession de ces Saints.

Avançonsdu coté de Namur& nous i aurons un precieux monument dela pieté de l'Archiduc. La Foret de Marlagne est àNamur ce que la Foret de Soigne est à Brusselle. Elle regneentre la Sambre & la Meuse. Le 31 de Juillet de l'an 1619l'Archiduc Alberti batit le miraculeux Hermitage des CarmesDechaussezqui nous donne une idée de l'ancienne Tebaïde& de la regle des Carmes Religieux de S.Elie. S.Terese etant encontemplacion au Monastere d'Avilala veille de la Pentecotedansl'Hermitage de Nazaret en l'an 1579eut ordre de Notre-Seigneurdecommander aux Carmes Dechaussezd'avoir peu de Religieuxdanschaque Couventd'avoir peu de communication avec les Seculiers&d'enseigner plus par leurs actions que par leurs paroles. La Sainteajoute que l'etat de l'Ordre depend de l'observance de ces points.Ils les ont à cOEurcomme nous le voions tous les jours: carils paroissent peu en public; ils ne se melent pas de precherbeaucoup& ils conversent peu avec le monde. L'Archiducpour seconformer à l'esprit de S.Teresea fondé l'hermitagede Marlagne qui peut passer pour un des miracles de la Belgique. Jel'ai visitéje l'ai admiré & sur tout un Christmourantqui est au chOEur caché; le Roi de France Louis XIV iprit son quartier pendant le siege de Namur de l'an 1692. Albert amis la premiere pierre de l'Eglise de cet Hermitage.

Al'occasion du Carmel qu'Albert fonda en la Belgiqueje ne puism'empecher de vous donner une idée de celui dont il se servitpour cette OEuvre pied'autant plus que notre bon Prince eut laconsolation de rendre le dernier soupir entre les bras de ce Carmeprodigieux s'il en fut jamais. C'est Dominique surnommé deJesus-Marie. Ce saint Aragonois nasquit à Calatravequi estla Bilbilis de Martial le Prince des Epigrammatistes. Il pritnaissance le 26 Mai 1559; il fut le quatrieme des onze enfans deMichel Ruzzolaou Orzola & de Jeronime Lopez surnommée laBelle. Jeronime durant sa grossessevid souvent les Anges & elleentendit leurs concerts. Elle ne ressentit aucune douleur en lemettant au monde. Dominique apporta toutes ses dents au monde&il n'en perdit que deux etant fort agé. Il fut honoréde la familiarité de son Ange Gardien dez sa tendre jeunesse& d'un grand don de miracles. Il eut revelation que sa Mere etoitsauvée. Son Oncle l'aiant retiré dans les CarmesChaussezil en prit la vocation à l'age de douze ans&puis il passa aux Carmes Deschaussez à Pastrane. Il etudie àAlcala& il contribue à la vocation du B. Françoisde l'Enfant Jesus. Il se presente pour servir les Pestiferez àBarcellone. Le Sauveurla ViergeS.BartelemiS.Bernard & lesAnges lui apparoissent. La sainte Vierge lui revele la conjuration dedeux heretiques determinez à assassiner le Roi. Il va àTarragone & il convertit ces deux desesperez. S.Terese le gueritde la peste& elle lui predit qu'il avancera sa canonisation.Par sa priere il obtint une glorieuse posterité à laReine d'Espagne& il delivre du Purgatoire le Roi Philippe II. ARome il est communié de S.André l'Apotreil i faitrevivre des poissons mortsson Ange Gardien vient le communierdurant sa maladieune colombe repose sur sa tete pendant la Messeles Anges lui decouvrent une conjuration contre la Reine de France.Etant elu Generalil fait de grans miracles à ViterbeàFlorenceoù il prevoit tout ce qui arrivera à lamaison de Medicis à Genea Milanoù il guerit le DucSforçaà la Mirande où il guerit la Princesseà Bologne& à Faience. Etant de retour àRome il i guerit de la pierre le Duc de Tursi. La reduction de Prague& le retablissement de Ferdinand II sur le trone de Boheme doitbeaucoup à l'Archiduc: parcequ'il i envoia ses SpinolasesTillises Buquoi& une infinité d'autres braves quifirent des merveilles dans cette grande occasion. Mais l'Empereurn'en eut pas moins d'obligation au Pere Dominique.

Le DucMaximilien Aieul du Serenissime Electeur de Baviere d'aujourd'huiavoit dejà invité plusieurs fois en Baviere le PereDominique. Enfin au mois de Novembre de l'an 1615par un Courierexprezil le remercie de ce que par ses prieresil lui a sauvéla vue& il le conjure de le venir voir. Il redoubla sesinstances & neanmoins il ne l'obtint que l'année 1620. LePape lui confera le pouvoirles indulgences & les benedictionsde S.Charle à toutes les medailles qu'il distribueroit de samaintant en chemin que dans l'Armée Impérialed'absoudre de l'heresie& de donner la benediction Apostolique àtous les Catoliques qui perdroient la vie dans l'ArméeImperiale. Dominique partit de Rome le 17 Juin 1620. A Inspruck iltrouva Laurens Petrancoli Envoié du Duc de Bavierequi lereçut de sa part avec toutes sortes de respectpour leconduire en Baviere. Il alla trouver le Duc à Scharding le 20Juillet jour de S.Elie Fondateur des Carmesoù ilsconfererent sur les affaires de la guerre. Ils allerent à Rietdonner l'adieu à la Duchesse Elisabet de Loraineà quiDominique revela qu'elle reverroit son epoux en santé &victorieux. Ensuite le Duc & le Pere se rendirent le 18 Juilletà l'armée qui etoit campée à Greskhirch ;le Pere i benit l'etandart general qui portoit sur son endroit lesnoms de Jesus & de Marie& sur l'envers l'Image de laS.Vierge sous cette exergue. Terrible comme une armée rangéeen ordonnance de bataille. Les noms sacrez ecrits sur l'etandartavoient cette inscription: Donnez-moi de la force contre vos ennemis.Le Duc Maximilien reçut cet etandart des mains du PereDominique & il le fit toujours porter devant soi par un de sespages qui lui servoit de guidon. Dieu avoit donné au PereDominique plusieurs descriptions de la victoire de Prague lontemsavant qu'elle arrivat. Il en avoit eu revelation etant à Rome& il s'en etoit expliqué à plusieurs personnes ; ilvenoit d'en etre eclairci à la benediction de l'etandartgeneral ; mais la connoissance la plus distincte qu'il en eutfut lejour de l'Assomption de la S.Viergedans une extase qu'il eut aprezavoir celebré cette fete avec une ferveur extraordinaire. Etdez lors il ne cessa pas de presser le Duc de Baviered'allertrouver l'ennemiquoique le Comte de Buquoile Comte de Dampierre &la pluspart des Capitaines Catoliques fussent d'un avis contraire. SaMajesté Imperiale avoit ecrit au Pere Dominique pour l'inviterde venir à Vienne. Le Pere sachant que le Comte de Dampierre yetoit deputé pour informer l'Empereur de l'etat des affairesle pria de lui direqu'on etoit occupé aux affaires de Dieu &de l'Empereur& à faire deposer le faux & lesacrilege (ce sont ses mots) Roi de Boheme& qu'aprez lavictoireil iroit rendre ses respects à Sa Majesté.

L'Arméeconfederée s'arreta quinze jours à Lints; pendant cedelai le Pere Dominique distribua une infinité de Scapulairesde la façon & de la liberalité de la Duchesse deBaviere. Le Duc Maximilien fut le premier qui le reçut. Touteson armée le prit à son imitation. L'armée semit ensuite en marche& elle avança jusques àOberdorp sur les frontieres de la Boheme. La veille de la Nativitéde Notre Damele feu s'etant pris au campil conjura l'embrasementle Crucifix à la main& le feunonobstant le ventimpetueux qui le portoits'arreta tout court comme s'il eutrencontré un torrent.

Deux joursaprez savoir le 9 Septembreil atteignit l'Armée particulierede l'Empereur qui etoit commandée par le Comte de Buquoi. Lapieté de Ferdinand second avoit eu soin de lui donner unetandart singulier d'etoffe tres-riche & tres-bien travaillé.L'endroit representoit un Crucifix avec cette exergue: Levez-vousSeigneur& jugez vous- meme votre cause. L'envers representoitl'image de la sainte Vierge avec cette ame: montrez que vous etesnotre Mere. Les deux armées etant unies sous de si glorieuxauspicesle Pere Dominique fit une predication toute de feu pourl'animer à aller trouver l'ennemi au travers d'une infinitéd'obstacles qu'il falloit surmonter. Le General de l'artilleriedesesperant de prendre la ville de Piska qu'il falloit necessairementreduire pour faciliter la victoire de Praguele Pere Dominiquel'assura qu'il en seroit le maitre avant le midi& contre touteesperance humaine la verité confirma la prediction. Ce fut àPiska que le Pere predit au Comte de Marcossan abandonné desMedecinsqu'il n'en mourroit pasmais que s'il ne changeoit de vieil ne la feroit pas longue par un autre accident. Marcossan recouvrala santémais six mois aprez il fut tué en duel. Cefut au meme tems que de son seul crucifix il rendit la santé àDominique Pozzo Cavalierd'Asti en Piemont. L'armée Catoliques'etant emparée du Chateau de Piltsenle Pere Dominique le 10Octobre le visita& il i trouva une image de la Nativitédu Fils de Dieu prophanée. Les heretiques avoient arrachéles yeux à la Viergeà S.Joseph & aux Bergers avecla pointe de leur poignardcomme le Pere l'apprit par revelation. Ilpria Dieu de vanger l'affront que l'on avoit fait à sa Mere &à son Pere Nourissier& au meme tems il eut uneconfirmation de la victoire de Praguesous les auspices de cetteimage qu'il porta comme un bouclier terrible à l'ennemi. C'estcette image que les peintres & les graveurs lui ont fait pendreau cou dans les portraits qu'ils en ont faits. Le septieme Novembreveille de la bataille il eut une description de la victoire de Praguebeaucoup plus specifique qu'il n'avoit eue jusques lors. Il vid auciel une espece de chemin de lait par où decendoit uneinfinité d'Anges armez qui alloient se mettre à la tetede l'armée Catolique. Ensuite de cette vision il alla trouverle Duc de Baviere & il lui donna la derniere assurance de labataille & de la victoire. Le huitieme Novembre 1620 le Duc donnacommencement à la bataille par envoier le General Tilli pourreconnoitre les ennemis. Dez qu'ils le virent ils se retirerent;alors le Duc de Baviere commanda à l'armée de s'avancerjusqu'à la plaine & de presenter la bataille.

Le Comtede la Tour & le Prince d'Anhalt Generaux de l'arméeRebelle i attendoient les Catoliques de pié ferme. L'arméeCatolique mouroit de faim jusques-là que le General Tilliarracha une pomme des mains du Pere Dominique en lui disant qu'ilmouroit de faim& neanmoins il falloit aller affronter une arméetres-puissanteretrenchée jusqu'aux dens sur une montagneescarpée& qui n'etoit un peu insultable que par un petitpont. Tout celà decontenança l'armée Catoliquejusques-là que le conseil de guerre alloit conclure àla retraite. Dez que le Pere Dominique le sentitil s'arma du zelede son Fondateur Elieaiant le crucifix lié au haut de sonbaton& l'image de Piltsen pendue au couil porta ces parolesde feu aux Generaux qui composoient ce conseil de guerre: enfans del'Egliseest-ce ici le tems de tant soit peu balancer ? Nevangerez-vous pas l'affront que les prophanateurs ont fait aux yeuxde la Mere de Dieu dans ce portrait que je porte ? Combatezseulement& vous vaincrez. Dieu a mis ses ennemis entre vosmains.

Ilprononça ces paroles avec tant de feu que tout le conseil sechangea en un moment& que tout le monde conclut à labataille. Le Duc de Baviere vint baiser le crucifix & l'image duPere& il fut suivi de tous ses Lieutenans Generaux. SainteMarie fut le mot du guet de la bataillequi commença par ladecharge de douze pieces de canon surnommées les douzeApotres.

Tandis quele Pere Dominique fait la fonction de Moïseles arméess'ebranlent & les superbes Amalecites crient victoire au sujetd'un petit avantage des Hongrois dont Betlem Gabon avoit grossil'armée rebelle. Le Duc de Baviere en vint donner avis au Perequi lui releva le courage & qui le suivit à cheval partous les escadrons de l'armée Catolique en criant: Seigneuroù sont vos anciennes misericordes ? levez-vous Seigneurjugez votre propre cause & celle de votre sainte Mere. Lessoldats Catoliques reprennent du cOEur à cette vue& àces paroles. Tilli avec son Lieutenant de Gratzattaque & defaitcinq escadrons rebelles& il met le reste en fuite. Les Hongroisqui venoient de chanter victoiresuivent les fuiards à leurtour. Le Prince d'Anhalt est blessé& il est faitprisonnier par Guillaume de Verdugo. Charle Spinelli se rend maitred'une redoute& de deux pieces de canon qui etant pointéescontre les rebellesi firent d'horribles eclaircissemens. Aiantassuré ce posteil pousse plus avantil va degager Preinerque le Prince d'Anhalt avoit dejà fait prisonnier& il vareprendre trois drapeaux que les Rebelles avoient enlevez. Le combatdura trois heures. Dans la premiere demie heure l'on combatit avecassez d'egalité; dans la secondeles Catholiques eurent dudesavantage& la victoire fut fort en balance. Mais enfin lechange tourna du coté du bon parti; aprez Dieu & sa sainteMereon attribua cette victoire aux prieres & au zele du PereDominique. L'Empereur lui en temoigna sa reconnoissance en luidonnant tous les drapeaux qui furent pris sur l'ennemi ; le Duc deBaviere envoia la bataille representée en quatre tableaux auCouvent des Carmes à Rome. Le Pape fit celebrer cette journéesous le nom du triomphe de Notre-Dame de la Victoire. On vid rejallirdu Pere Dominique quantité de raions tandis qu'etant àcheval il exhortoit les Catoliques à bien combattre. Avant labataille les Rebelles qui etoient à Praguedisoient que lePape avoit envoié un Magicien nommé Dominique&aprezils publierent que leur deroute etoit un effet des artificesde cet enchanteur. Ce fut sur cette persuasion que Chretien l'ancienPrince d'Anhalt vint dire au Prince Palatin au Chateau de Prague:fuionsSirenotre armée est defaitele Magicien nous aenchantez. Il resta 7000 Rebelles sur le champ-de-bataille&2000 furent faits prisonniers. De ce nombre etoit le Duc Chretien deSaxe-Weimarle jeune Prince d'Anhalt& le Rhingrave Schlick.L'on prit dix gros canons & plusieurs autres de moindre calibre.

Le PrincePalatin travestis'enfuit en Silesie avec toute sa famillepar leconseil du Prince d'Anhalt. Il fut contraint de passer bien vite surun pont où lui & sa femme avoient juré de n'ipasser pointtandis qu'il subsisteroit un grand crucifix qu'ilsnommoient par derision le baigneuracause de sa nudité.L'armée vouloit conduire le Duc de Baviere en triomphe dansPraguemais ce Prince modeste refusa cet honneur& il alla avecla suite ordinaire faire chanter le Te Deum aux Capucinsaprez quoile Pere Dominique fit un beau sermon où il prit fort àpropos pour texte. Rendez à Cesar ce qui est à Cesar.C'etoit justement l'Evangile de ce Dimanchel'on chanta un peu aprezun Te Deum solennel au Chateau. Jean Sohel Archeveque de Praguerentra dans sa Catedrale avec le Clergé. L'on batit uneChapelle au lieu du champ-de-bataille& l'on institua uneprocession generale & annuelle pour renouveller cette victoire.Le Duc de Baviere aiant mis le Prince de Liectenstein pour Gouverneurgeneral de la Boheme& i aiant laissé Tilli pour Generalretourna en ses Etats avec le Pere Dominiquequi avoit perdu un OEilà la bataille de Prague. Ce Prince enrichit l'imagemiraculeuse du Pere Dominiquequi rendit miraculeusement la santéà son Confesseur.

Le Papelui ordonna d'aller à Vienne. L'Empereur Ferdinand II lui fitdes honneurs extraordinairesil confera lontems avec luiil honoral'image miraculeuseil prit le Scapulaire & il fonda desCouvents de Carmes. Il rendit la visite à l'Archiduc Leopoldl'OEil de la Belgique& il apaisa les differens qui regnoientdans la Cour de Lorraine. Il passa par la Belgique où un Abbéde Benedictins qui croioit de l'ensevelirmourut lui-meme. Ilassiste à la mort de l'Archiduc Albert. Il contribue àla fondation roiale des Carmelites de Brusselle. Il donne àl'Infante Isabelle la Croix de son crucifix miraculeux. Le MarquisSpinola admire ses lumieres divines. Il va voir à Anvers lavenerable Mere Anne de S.Bartelemi. En allant en Franceil faitplusieurs merveilles à Douai. Il guerit la Duchesse de Nemoursà Charenton. Etant de retour à Romeil arrete ledebordement du Tibre. Il obtient la canonization de S.Terese & deS.Isidorede S.Ignacede S.Xavier& de S.Philippe. Il obtientla santé au Pape & à son Neveu aux depens de lasienne. Il procure que son image miraculeuse de Prague soit portéeen triomphe. Il compose un livre par l'ordre du Pape. Il travaillepour faire remettre l'Electorat dans la maison de Baviere. A Genes ilrend la parole à une muette de sept ans. Il a cinq suffragespour le Pontificatà la creation du Pape Urbain Vll. Ilaprend par revelation la guerre & la paix entre l'Espagne &la France. Il obtient par ses prieres un fils au frere du CardinalRivarola. Enfin il meurt saintement à Vienne en la presence del'Empereur Ferdinand secondle 16 Fevrier 1630un Samedideuxheures avant minuitagé de 71 ansIl se fit voir àplusieurs persones aprez sa mort& il les assura de la gloirequ'il possedoit. L'Empereur se fit un honneur de prendre le batondont Dominique s'etoit servi dans ses voiages. Tous les Princes&toutes les Princesses Catoliques demanderent avec empressement de sesreliques.

Tandis quece saint Corps etoit pompeusement exposé dans la ChapelleImperialeCharle de Longuevalfils du Comte de Buquoi de ce Herosde la bataille de Praguefendit la presse pour s'en aprocher. Ledefunt separa l'une de ses mains qui etoient jointes sur sa poitrineil l'eleva visiblement bien hautà la vue de tout le monde&il la donna à baiser à ce jeune Comte. Buquoi l'aiantbaisée respectueusementle mort la retira& la rejoignitcomme elle avoit eté auparavant. Charle de S.Joseph Provincialdes Carmes en la Belgiquea apris ce miracle de la propre bouche duComte de Buquoi à Mons Capitale du Hainaut où ceSeigneur etoit Gouverneur.

Ce futainsi que Dominique accomplit miraculeusement la promesse qu'il avoitfaite à ce jeune Seigneur: car en partant il lui avoit preditqu'il le retrouveroit encore en vie. Le corps fut conduit comme entriomphe aux Carmes Deschaussez où la Cour Imperiale serendit. Le Cardinal Klesel Eveque de Vienne disoit que la pompefunebre de Dominique avoit egalé celle de l'Empereur Matiasqu'on sçait avoir eté l'une des plus magnifiques. UnJesuite fit l'oraison funebre. Dominique avoit predit au Princed'Eggenbergh que son corps reposeroit en Alemagne. Il i repose eneffet aux Carmes de Vienneau coté droit de la Chapelle deNotre-Dame. L'Empereur le fit mettre dans une caisse& il voulutque le Prieur du Couvent en eut la clef. Il est encore aujourd'hui enson entier. Je vous conseille de lire toute l'histoire siuniversellement reçue de ce cher Directeur de mon Archiduccomposée par le General des Carmes& de ne point oublierde vous arreter sur l'histoire tragique d'un Gentilhomme Espagnol quifit triompher l'enfer& qui s'attira une fin malheureuse enretenant une peinture infame dans son cabinet.

Revenons anotre Archiduc.

Rien ne sefaisoit dans l'Eglise de considerable pour la gloire de Dieuoùl'Archiduc n'eut part. En 1612 Antoine Albergattialors Nonce àCologne& depuis CardinalItele FredericComte de Solre&François Lavallin noble Hibernoisfonderent à Cologneune Societé nommée de la Sainte Croixqui a pour finle soulagement des nouveaux Convertis. Le Pape Paul V l'aprouva en1613. Cette Confraternité choisit tous les ans un Chef.L'Archiduc fut prié d'accepter cette intendance. Bien loin dela refuseril remercia trescivilement ceux de Colognede lui avoirfait l'honeur de le choisir. Il envoia une grosse somme pour ledessein de la Confraternité& il en procura de grandes duRoi.

Puisquel'amour qu'on a pour son prochain a le meme motif que celui qu'on apour Dieuje raporte à la pieté de l'Archiduc ce qu'ila fait pour les pauvres & pour ses parens. Sauve JulienJurisconsulte de Milanpar le commandement d'Elie Adrienforma unEdit perpetuel des Edits annuels des Preteurs. Cet Edit fut le Modeledes Pandectes du droit. L'Empereur Justinien commanda àTrebonien & à ses Collegues de reduire en un corps tout ledroit Romain recueilli des Livres des Sages.

Albert quin'avoit jamais que de grans originaux devant les yeuxen 1611 fitpublier un nouvel Edit perpetuel formé de la main de sesJurisconsultes. Par cet Edit il vuida les anciens differens& iletablit un droit nouveau. Et par une admirable prudence il ordona queles Privileges & les Coutumes qui dans la Belgique sont presqueaussi frequens que les villes pour ne pas dire les villagesfussentrapportez au grand Conseil pour en etre examinez & pour recevoirson aprobacion. Et pour faire voir qu'il vouloit autant soulager lepublic de la bourse que de la bouchenon-seulement il regla degrosses sommes pour etre distribuées chaque jour par sonAumoniermais de plus il donna quantité d'argent à desparticuliers qui avoient connoissance des pauvres honteuxpoursoulager la misere inconnue & pour etre luimeme inconnu àla vanité. Il n'i a pas de Maison de charité qui ne seressentit de ses liberalitez roiales.

Dez qu'ilprit possession de la Belgiqueil remit les Lombards dans le devoir& il acheva d'extirper l'usure par l'etablissement des Mons dePieté. Venceslas Couberghen en fit le Planles Archeveques deMalines & de Cambrailes Eveques & les plus Savansaprouverent & louerent son dessein qui fut executé en1619. Les Curieux pourront en aprendre davantage du savant ouvrage deLeonard Lessius Jesuite au chapitre 20 du 2 livre du droit & dela justice que cet incomparable a mis en lumiere. L'Archiduc avoitcoutume d'avoir ce livre sur sa table & de dire que ce livre &son epée etoient les defenseurs de la justice.

On ne doitpas douter qu'un Prince si zelé pour le bien publicn'ait desegards pour ses parens. Le 20 Mars 1619 l'Empereur Matias mourut àVienne sans laisser d'enfant. Il fit heritier de l'Autriche&des Provinces qui lui sont annexées son frere notre ArchiducAlbert. Il en prit possession par l'Archiduc Leopold Guillaume. Etantencore plein de vie & de santéil transporta cetteheredité Imperiale à son Cousin germain l'EmpereurFerdinand IIqui de son Patrimoine n'avoit que la StirielaCarintie & la Carniole. Ce fut ainsi qu'il ne se contenta pointde ceder l'Empire à Ferdinandmais qu'il lui procura lesmoiens de soutenir dignement cette majesté. J'ai dis un grandmot quand j'ai dis qu'Albert ceda l'Empire à Ferdinandmaisje dois dire davantagesavoir qu'il eut l'honneur de meriter deuxfois cette premiere dignité du monde& de la refuserautant de fois. Cette modestie est si rare que le Ciel voulut enenvoier des pronostics & des aprobateurs. Au moment quel'Empereur Rodolfe mourutun Aigle Imperial vint se jetter au Jardindu Prevot de S.Servais à Mastric. Le Prevot le porta àl'Archiduc qui pour la rareté le fit nourir dans sa menagerie.Il ne fit pas le meme accueil au modele qu'à la copiecar lesElecteurs lui etant venus presenter la Couronne Imperialeil larefusa constamment& il se fit une joie singuliere de latransferer sur la tete de son frere Matias.

L'EmpereurMatias etant mort huit ans aprezles Electeurs vinrent de nouveausoliciter sa modestiemais ils la trouverent aussi inflexible laseconde que la premiere fois& Jean Suichard Archeveque deMaience qui lui vint presenter cette Couronne au nom du CollegeElectoralretourna plein d'etonnement de voir qu'un Prince tresdignerefusat deux fois ce que tant d'autres brulent d'avoir une fois &souvent pour fort peu de tems.

Je raporteencore à la pieté de l'Archiduc le sacrifice qu'il fitde ses plus grans Capitaines pour soutenir la Religion Catolique enAlemagne contre le Luteranisme qui se servoit des armes pour s'ietablir. Il envoie Charle de Longueval Comte de Buquoi avec 8000 enBohemeil envoie en Italie Guillaume Verdugo avec ses Valonssurnommez les Lionsil envoie le Marquis Ambroise Spinola avec unepuissante armée Belgiquepour faire tomber le Luteranisme dutrone de Boheme avec le Roi de trois mois Frederic Prince Palatin; &les lauriers qui se cueillirent en la victoire de Prague l'an 1620tinrent lieu des ciprez au sepulcre de l'Archiduc qui emporta dansson tombeau la gloire d'avoir gouverné cette grande machine&d'avoir detroné l'heresie. Mais voions de plus prez la pietéde notre Prince& aprez l'avoit contemplée àl'exterieur considerons-là dans sa propre personne. Toutaccablé qu'il etoitil donnoit chaque jour deux heures deprieres à Dieul'une le matin & l'autre le soir.

Chaquejour il recitoit l'office de Notre-Dame qu'il avoit exprez faitimprimer chez Plantin en grands caracteresles sept Pseaumes de laPenitence & les Litanies; il se plaisoit aux Pseaumes de David &dans ce goutil les avoit fait enrichir d'un court commentaire parun excellent Teologien. Un peu avant sa mort il recitoit les Litaniesdes Saints de chaque mois& il les fit imprimer. Jamaisau campmemeil ne manqua la sainte Messeil se confessoit & ilcommunioit aux grandes fetes de l'annéeles jours deNotre-Seigneurde Notre-Dame & des Apotres. Il avoit unpriez-Dieu devotement pratiqué & curieusement ornédes images sacrées de Quentin Mets & des autres excellenspeintres. Il faisoit par coutume ce que son Ancetre Rodolfe n'avoitfait qu'une fois. Jamais il ne rencontroit le S.Sacrement qu'il nel'accompagnat à piez; c'est de sa pieté que la Belgiquetient l'usage des Pavillons qui couvrent sur les rues le S.Sacrement& la foule des gens qui marchent devantle flambeau ardent àla mainou qui le suivent pieusement. Il donna auS.Sacrement-de-Miracle de Brusselle une triple courone de plusieursmille pistoles. Jamaispour empeché qu'il futil ne manquade se trouver à la procession de ce mistere miraculeux. Lemiracle fait à Faverniac en Bourgogne l'an 1608raportépar Ferdinand de Rie Archeveque de Besançonmontre que sapieté agreoit extraordinairement à Dieu. LesGouverneurs de la Belgique gardent inviolablement cette saintecoutume& la levée du siege de Valencienne arrivéeen 1656 marquée par ce CroniquegaLLI DepLUMes.FrançoisDeplumezest un temoignage que l'hommage que DonJean venoit de rendre à cet auguste misterelui etoitagreable.

Il aretabli & enrichi plus de 300 Eglises detruites ou depouilléesde l'heresie; il a posé la premiere pierre aux riches Eglisesdes Jesuitesdes Augustinsdes Carmes Deschauxdes MinimesdesAnnonciates & des Carmelites de Brusselle sans parler de quantitéde lieux où il a fait eclater la meme pieté. LesJesuites outre celà lui sont redevables de leur College deMaline. Il a cru que le Palais de Charlequint ne pourroit etre plusglorieusement emploié qu'à renfermer les jeunesvictimes qui i quittent le monde pour assurer l'empire du Ciel a uneinfinité d'ames.

Il a donnéaux Chanoines d'Anvers les grandes prairies que la mer lave cinqheures de Gandà ceux de S.Gudule a Brusselle cent journauxde terre vers Valenciennes& à ceux de S.Pierre àLouvain plus de dix mille francs d'ornemens Sacrez. C'est sa prudencequi a separé les Jesuites & les Capucins Flamans d'avecles Valons.

LesJesuites ne pouvant suffire à la nombreuse jeunesseil leur adonné pour secours les Hermites de S.Augustinles Jacobinsles Premontrez & les Croiziers en divers lieux. C'est lui qui aouvert les Ecoles de Filosofie & de Teologie aux Benedictins deDouai. Chaque année il alloit faire une neuvaine àNotre-Dame de Montaigu en Juin ou en Mai& il n'en sortoitjamais qu'aprez i avoir laissé un riche Present. Il faisoit lememe à Halle& la lampe d'argent qui i est eternellementalluméeest un gage de sa devocion immortelle.

L'an 1609il envoia à Notre-Dame de Lorrette une Robe par Jean de Silva.Le Pape Paul V l'aiant fait estimertrouva qu'elle coutoit trentequatre mille florins.

Il eut desrespects singuliers pour les pieces de la Sainte Croix qu'on avoitrecouvrées des Anglois & des Holandois. Il enrichit d'or &de diamans la main de S.Sebastien martir dont l'Archeveque de Treveslui avoit fait present. Il en fit de meme du bras de S.Simeon cefortuné vieillard qui embrassa son Sauveur le 2 jour deFevrierde cet heureux Cigne qui chanta sa mort aprez avoir touchéou baizé la vie. Ce don lui etoit venu du Monastere Benedictinde Lisborne au Diocese de Paderborne.

Il avoitun admirable respect pour le Souverain pontife & pour tout ce quiregardoit le Saint Siege. Il detestoit les differens qui regnoiententre les puissances Ecclesiastiques & Seculieres& comme onlui reprochoit ce trop grand panchant pour le Sacerdoceil repondoitavec Filipe Auguste Roi de Franceles paroles que S.Louis estimoittant dans son aieul. Les voici:

J'avoueque je suis porté pour le Sacerdocemais quand je considereles faveurs que Dieu m'a faites par l'entremise de ceux qui serventses autelsquand je considere les prieres qu'ils adressentincessamment au ciel pour mon bien & pour celui de mon roiaumej'aime mieux souffrir celà pour Dieu que d'exciter un scandaleentre moi & l'Eglisej'aime mieux m'atirer la bienveillance deceux dont les prieres m'ont eté avantageuses que de lesirriter contre moi.

Le S.Siegereconnut ses respects en lui donnant le privilege de choisir & depresenter les Eveques de ses Etats. Clement VIII imitant en celaAdrien VI & Leon X qui acorderent ce privilege àCharlequint & à François I; jamais il ne faisoitses elexions qu'aprez s'etre confessé & communié.Il aima la lecture jusqu'à la fin de ses jours.Il vouloitqu'on lui donnat chaque année la liste de ceux qu'on debitoità la foire de Francfort& il marquoit à la margeceux qui etoient de son gout & qu'il vouloit qu'on lui achetat.Il avoit incessamment devant les yeux les manuscrits depuisMaximilien I & Filipe Iqu'on garde encore precieusement àBrusselle. Les Matematiques & sur tout la Geometrie faisoient lesdouceurs de son esprit. Son Architecte Venceslas Couberghen & lecelebre Matematicien Michel Coignet avoient coutume d'admirer lesconnoissances de ce Prince tresentendu. Il s'entendoit en peinture&il aimoit les peintres. Pierre Paul RubbensOton Veno& JeanBreugel faisoient ses delices. Il acheta à grand prix del'Abbé de Grandmont une piece de Jean de Maubeuge qu'on voidencore dans la Chapelle de la Cour à Brusselle. Tervure seulcontoit jusqu'à 200 pieces tresrares qu'il s'etoit aquisescherement sans parler de celles dont il para la Cour de Brusselle &le Palais de Marimont.

Ciceronsans avoir lu l'Evangile dit que le sage reçoit la mort d'unbon visage& qu'il n'i a que les foux qui la reçoiventautrement.

InigoBrizuela Jacobin & puis Eveque de Segovie qui confessa l'Archiduc25 anslui etant venu anoncer sa derniere heureil n'en futnullement deconcerté. Au contraire il en temoigna del'alegresse& il voulut aussitot recevoir les Sacremens del'Eglise. Le P. Dominique ce fameux Carme de la bataille de Pragueassista à sa mort. Il rendit saintement son ame à Dieule 13 Juillet 1621 à l'age de 61 ans8 moisun jouraprezavoir regné 25 ans. Selon qu'il l'avoit ordonnésoncorps fut revetu de l'habit de S.François. On l'exposa quatrejours dans un lit de parade. Au mois de Mars de l'an 1622 il futtransporté à sa fosse de S.Gudule à Brusselleavec une pompe dont l'on n'a pas encore vu de pareille& l'on necroit pas d'en voir jamais.

Ce convoiprodigieux a eté finement gravé & il fait un justevolumedigne d'etre examiné de tous les curieux. Le plusdistingué des objets etoit le char de triomfe de laLiberalité; le haut etoit occupé d'une
Nimfe quirepresentoit la Libéralité & qui avoit à soncoté la Couronne Imperiale& plusieurs autresavec cettedevise. Il est mort aprez les avoir meprisées. Ce char etoitentouré de 27 Etandarts representant les 27 Provinces que cegenereux Prince avoit cedées à l'Empereur Ferdinand IIpour soutenir la Majesté de l'Empire. Sa harangue funebre futprononcée par Bernard de Montgaillard Abbé d'Orvalsurnommé le Petit Feuillant durant la Ligue de France oùil se rendit fameux par ses predicacions. Son corps repose sansornement devant l'Autel du S.Sacrement-de-Miracles à S.Gudulede Brusselle.

L'ArchiducAlbert etoit assez petit de staturemais il avoit une tresjusteproporcion de corps. Il se tenoit droit sans fierté mais avecbeaucoup de majestéil etoit d'un blond doré. Maisselon la coutume du tems il portoit les cheveux bien courts & labarbe non pas longuemais assez epaisse & en pointe. Son frontetoit hautlarge & uni. Son OEil avoit de la benignitéqui rabatoit de son grand serieux. Son teint etoit fleuri. Le nezetoit d'une juste longueurla levre d'enbas lui etoit originairemais elle ne diminuoit rien de la beauté de sa bouche. Ilavoit tout ce qu'on a admiré dans Filippe II qu'il avoit eu leloisir de copier durant son long sejour à la Cour de Madrit.Il etoit si majestueux que les Ambassadeurs les plus intrepides setrouvoient interdits en sa presence. Il parloit fort peu&toujours de bon sens. Il admiroit fort peu de chose lui qui faisoitl'admiracion de l'Europe. Il possedoit toutes les vertus dans undegré si souverain qu'on a eu de la peine à decider decelle qui tenoit le haut boutenfin la pieté l'a emporté.Sa cour etoit tresmagnifiquemais elle etoit si reguliereque sanscet aparat roialon l'auroit prise pour un Monastere reformé.Comme tous les vices etoient bannis du Princeses courtisans sefaisoient un devoir de s'en eloigner. Aussi n'i auroient-ils pas etésoufferts sur un autre pié. Nulle adversiténulincident etrange ne le trouvoit au depourvu. Il etoit grandJusticiermais l'exemple de son Dieuil faisoit surnager laclemence sur toutes ses actions. A l'imitation du Soleilil parutaussi grand & aussi vertueux en son
jeune qu'en son grandage. Jamais il ne lui echapa aucune parole libertine ni inconsiderée.Sa vue simple etoit une leçon perpetuelle de toutes lesvertus. Ses divertissemens etoient honetes& il paroissoitvisiblement qu'il les prenoit pour se detendre l'esprit& pourle rendre plus propre aux grandes fonctions. Jamais persone ne futplus maitre de sa colere que ce Prince. Il etoit bien loin denegliger son autoritéhors delàil paioit lesmesseances d'urbanitémais d'un air si beauqu'on voioitbien qu'il suivoit les inclinacions de son ame& qu'il n'avoitpas d'autre motif que la volonté de Dieula rectitude de laraisonl'amour de la vertu& le plaisir d'etre sage. Aprez Dieu& les choses saintesson epouse Isabelle & son peuplefaisoient ses delices.

Aussijamais Prince ne fut plus aimé ni plus regretté. Quandvous en parlez à ceux qui ont eu le bonheur de le voirvousles voiez aussitot dans une espece d'extase à la memoire deses perfexions& puis dans un abatement au souvenir de sa mort &de la sterilité de son mariage.

L'ArchiducAlbert etant mort le quart aprez midi du 13 Juillet 1621toutes lescloches de Brusselle sonnerent trois heures à trois diversesreprises. Cette sonnerie continua l'espace de six semaines. Le corpsfut mis en la grande Chapelle de la Cour habillé en Cordelierselon qu'il l'avoit luimeme ordonnésous un daix de drap d'orl'espace de quatre jours. Aprez quoi on l'enferma dans un cercueil deplomb& on le transporta dans la petite chapelle sous laSacristie où il reposa jusqu'à l'onzieme de Mars 1622auquel jour il fut remis en la grande chapelle de la Cour. A troisheures aprez midi l'on chanta les Vigiles auxquelles assisterent tousles Etats. La chapelle etoit tendue de deuil. Le luiseau couvert d'undrap d'or etoit posé sur un piedestal oval distingué desix montées & orné de six grands chandeliersd'argent. Le 12 Mars la pompe funebre marcha vers Sainte Guduleencet ordre. Deux Officiers de la Cour montroient le chemin du dueil.On voioit les cinq Sermens de la ville. Le Serment de S.Michel avoitOlimart pour Doien& Govaerts pour Roi. Le Serment deS.Cristophle avoit Gheerts pour Doien& Crabbe pour Roi. LeSerment de S.George avoit Kerchove pour Doien& Godtsvrucht pourRoi. Le Serment de S.Sebastien & de S.Antoine avoit Ingels pourDoien& Donkere pour Roi. Le Grand Serment dont l'InfanteIsabelle etoit Reine perpetuelleavoit Bastogne pour Doien. LeMaitre des Ceremonies de sainte Gudule conduisoit 400 pauvres revetusde drap noir par la liberalité de l'Infante. Les ProvinciauxReligieux conduisoient leurs sujets. Demontherot conduisoit 41MinimesDermonde 56 CapucinsAnthoine 57 BogardsAughem 130AugustinsDes Loix 107 DominicainsMenni 117 CarmesPaludanus 80Cordeliers. Ces Mendians etoient suivis des Pasteurs de Brusselle; DeVerhagen Pasteur de S.Caterine& d'Estrix Pasteur de S.Nicolas.Vander Meulen marcha à la place de Henrici Pasteur de S.Geri.Enfin Van Mauden Pasteur de la Chapelle terminoit les Pasteurs. LaMesse solennelle fut chantée par Jaque Boonen Archeveque deMalines. Drusius Abbé de Parck y fut Diacre& BeharelAbbé de S.Aubert à Cambrai fut Sous-Diacre. Les Evequesde Namurd'Anversde Ruremonde & d'Ipre dirent les prieresaccoutumées aux quatre coins de la Chapelle Ardente. LesSeigneurs de la Chambre Archiducale qui avoient porté lecorpsle placerent au milieu de la Chapelle duS.Sacrement-de-Miracles dans l'Eglise de S.Gudule. Puis ils ledescendirent dans le monument pratiqué de pierres blanchesdevant l'Autel. Le Convoi dura un jour entier. Il commença àhuit heures du matin& il ne finit qu'à sept heures dusoir. Montgaillard Abbé d'Orval fit l'Oraison funebre. Le cielsuspendit la pluie& il ne la laissa tomber qu'à la fin dela ceremonie funebre. Les Seigneurs de la Chambre Archiducale quiportoient le corps furent secondez de Coloma Gouverneur de Cambraidu Comte d'Argeil Ecossoisd'Oneil Prince d'Ultoniedu Comte deTiron Irlandoisde Velasco Marquis de Belvederde Melun Vicomte deGandde Grimaldide Merode-Trelonde Berg-StabroeckdeMontmorenci-Neuvillede Silvade Gusmande Rochefortde Nassau&de Colon- Varaguas. Le Magistrat de Brusselle portoit le DaizMoulaert Lieutenant des Archers& le Baron de Sommogy Lieutenantdes Hallebardiers marchoient aux cotez du corps. Immediatement aprezle corps marchoient le Nonce du Pape& l'Ambassadeur d'Espagnetete couverte comme representant le Roi. L'Eglise de S.Gudule avoit12 Enfans de ChOEur& 12 Chantres10 petits Chanoines& 18Chapelainsqui etoient suivis des Chanoines Reguliers de l'Eglise deCauberg. L'Eglise de Cauberg etoit suivie de l'Eglise de S.Gudule quiconsistoit en onze Chanoinesen un Pleban & en un Ecolastre. DeMol etoit ChantreBrant etoit Tresorier & Clement etoit Doien.On voioit ensuite la chapelle de la Cour. Les enfans de chOEurprecedoient & Sotelo Intendant de la chapelle marchoit àla tete de 40 Musiciens& de 15 Chapelains.

L'Oratoireprecedoit les Predicateurs de Leurs Altessesdont voici les noms:François Vivero JacobinPierre Vivero JesuiteSoto CordelierConfesseur de l'Infante Isabelle & Claude du Vivier Minime. Commel'Eglise de S.Jaque de Cauberg n'avoit pas encore d'AbbélePrevost Meulemans precedoit les Abbez Premontrez qui suivent: DavidAbbé de Ninovenvan Heke Abbé de DilegemValentinsAbbé d'EverbodenStalpart Abbé de TongerloDruyveAbbé de FurneCharlon Abbé de S.FolienOuters Abbéde GrimbergheFraiteur Abbé d'HelisemJersel Abbé deS.Michel à AnversChamart Abbé de Bonne Esperance&Robert Abbé de Floref. Aprez les Premontrez suivoient lesAbbez de Cisteaux; Fouquard Abbé de Lozvan der Heyden Abbéde VillersMouchet Abbé de CerscampMongaillard Abbéd'OrvalFarinart Abbé de CambronCancelier Abbé deDuynen. Voici la liste des Abbez Benedictins: Busignies de S.Denisprez de Mons; Lemmens de Vlierbeke; Loyer de S.Martin àTournai; Roberti de Munster à Luxembourg; la CroixdeMaroilles; le Maire d'Anchin; l'Alemant de Blangy; de Montmorenci deS.André au Cambresis; Bossu de S.Guillain; JonquoideMarchiennes prez de Douai; Caverelde S.Vaast à Arras; Scaikde S.Pierre à Gand; les Eveques Belges etoient; TriestdeGand; Boudotde S.Omer ; d'Auvinde Namur; Gand-VillaindeTournai; Malderd'Anvers; Hennind'Ipre; Orenberghd'Arras; àCastrode Ruremonde. L'Archeveque de Cambrai vander Burcht; &Boonen Archeveque de Maline environné des Abbez du Park &de S.Aubert suivoient les Eveques.

On voioitensuite la maison de son Altesse qui commençoit par lesJardinierspar les Officiers de main de l'Ecuriepar les Valets deCuisinepar les porteurs-d'eau& par les valets-de-pié.On voioit suivre les valets d'Officequi etoientdu Garde-mangerde l'etat des Pages & des Aides de la Chambre; des Gentilshommesde la Chambre; de l'etat des Dames; de la Cavede la Panneteriedela Tapisseriede la Retraitede la Pharmaciedes gardes-joiaux&des porteurs de Cuisine. Ces valets etoient suivis des Aidesd'Officessavoirde la Cuisine; suivoient le PelletierleCordonierles maitres-d'exercices des Pagesles BrodeursleTresseur de Cordonsle Chaussetierles Couturiers& lesPeintres. Puisles Aides du maitre de l'Ecurie des MuletsduDepensierdu Garde-mangerde l'etat des Damesde l'etat de ceux dela Chambrede la Cavede la Paneteriede la TapisserieduFourierde la Pharmaciedu Tresorier. Les Aides d'Offices etoientencoreles Portiers des Dames & de la Salettelesmaitres-d'Hotel de l'etat des Aides de la Chambre & des Pagesdes Aposentadores& l'aide du Barbier. Les Aides des Garderobesetoient ScorsaMendoçaVanlonersCouwenhovenBenero; Partsetoit Lieutenant du maitre des Pages. Voici les chefs d'officesDelcampo & Tragallo piqueurs; Herq Palfrenier; EsquerecochaGardemanger; Hernandez premier acheteur; Marcelo maitre de sales desDames. Cortez & Vega Huissiers de Viande. Moralet premier Cerier;Riva premier Saucier. Gomez premier Sommelier de la Panneterie. Ramapremier Sommelier de la Cave; Vermeren premier Tapissier. Nuñezpremier Apoticaire; Juvenonis Chirurgien; Merlin Barbier de laChambre; Verlano & Hullegarde Medecins de la maison. Van Elenpremier Depensier; Enriquez Maitre de l'Ecurie des Mulets; Reposterosde CamasOñateDiazWalscartCortesLeenenArnedo.Olivarés Ecrivain de la chambre marchoit à la tete des12 aides de chambre. Les Gardes des Dames etoient Lysaguirre&Carate; & les gardes joiauxSilva & Lainez. LesValets-servans etoient BenessaRodriguez& Olarte. LesGentilshommes de la maisonetoient GottlgniesRomréePoutsHannedoucheGranvelleBulteelWaha-BaillonvilleMaes. Holonavander BekenLandas de-ChinCortewilleTriestDu BoschBossoRadiche; AriçanoAposentador major; MendoçaGreffierRovelascaTresorier & maitre de Chambre; Hertoghe controleur dela maisonConseiller & commis des Finances. De Paz&AvendeñaEcuiers de Son Altesse. Trevisiusde Paz &Masteleyn Medecins de Son Altesse. Voici les Gentilshommes de labouche: d'UrselBoulersLide-KerckeToledoFernelmontMerode-HarchiesSamaniegod'AndelotSarmientovander GrachtAcuñaHuyn-Gelain. Pianca maitre-d'hotel de l'etat desGentilshommes de la Chambre; la CruzTassisLiquesMeloSpanghenGhistelleBrizuelaRubempréBourgogne-Bredamde Baxen.Ensuite marchoient deux Timbaliers & douze Trompetes. Tserclaesde Horenschen portoit la cornette des couleurs& Metzen-hausenportoit le Guidon des couleurs. Perenci-d'Ognies portoit le Heaume deJouste& Mastaing-de-Jausse portoit la Targette. Le cheval deJouste etoit conduit par Pipenpoi & par Omallun de Glean.Gavre-d'Inchi portoit l'etandart des couleurs. Groesbeke &Schellart conduisoient le cheval de Groningue& Lictervelde enportoit la banniere. Baronaige & Insart conduisoient le cheval dela Province d'Overyssel. Dion en portoit la baniere. Gorcei &Drack conduisoient le cheval d'Utrect & le jeune Baronaige enportoit la baniere. Prant & Heetwelde conduisoient le cheval deMalines& vander Graecht en portoit la baniere. Calone & duTartre conduisoient le cheval de Salins& Poligni en portoit labaniere. Merwik& Vlasraten conduisoient le cheval de Frise;Wittenhorst en portoit la baniere. Vander Dilft & vande Werveconduisoient le cheval du Marquisat d'Anvers& Berchem enportoit la banniere. Du Pin & Bernard conduisoient le cheval deCharolois; Marmier portoit la baniere. Aveskerke& Voestyneconduisoient le cheval de Zutphen; vander Gracht en portoit labaniere. Noielle & Brandenbourg conduisoient le cheval de Namur ;Davre en portoit la baniere. Tirest & Blondel conduisoient lecheval de Zelande; Gomicourt en portoit la baniere. Lannoi &Hennin conduisoient le cheval de Hollande; Mailly en portoit labaniere. Dandelot & Hennin- Lietart conduisoient le chevald'Hainau; Roysin en portoit la baniere. Dourain & Berghtripsconduisoient le cheval de Tirol ; & Conrard de la Roche enportoit la baniere. Gierge & Laitre conduisoient le cheval duComté de Bourgogne; Pontalier en portoit la baniere.Bernemicourt & Ostrel conduisoient le cheval d'Artois;Rache-Bergh-S.Vinox en portoit la baniere. La Vieuville & vanderGraech conduisoient le cheval de Flandre; Ideghem en portoit labaniere. Hovardiere & la Hamaide conduisoient le cheval deHabsburg; Bruquet-Touricourt en portoit la baniere. Archies- Sarts &Berlopetit-Leez conduisoient le cheval de Wirtembergh;Tserclaes-Tilli en portoit la baniere. Huyn & Schenckconduisoient le cheval de Gueldre; Hoensbroeck en portoit la baniere.Custine & Griboval conduisoient le cheval de Luxembourg;Stramborch en portoit la baniere. Emstenraet& Eynattenconduisoient le cheval de Limbourg; Scheiffaert de Merode en portoitla Baniere. Vignacour & Visoc conduisoient le cheval de Carniole;Huchin en portoit la baniere. Hoensbroec & S.Genois conduisoientle cheval de Carintie; Loqueghem en portoit la baniere. Lannoi &de Mol conduisoient le cheval de Stirie; Namur-Dui en portoit labaniere. Doienbrugge de Duras-de-Nieldert& Cottereauconduisoient le cheval de Brabant; Merode-Leesfdale & Duffle enportoient la baniere. De Pra & d'Argenteau conduisoient le chevalde Bourgogne; Granmont Fallon en portoit la baniere.Barlemont-Chapelle& Argenteau- Ligni conduisoient le chevald'Autriche; Zwartzenborch en portoit la baniere. Ici marchoit le chartriomphal de la Liberalité. Ognies portoit le Penon des Armes;Novelle portoit le guidon des armes. Les Comtes de Gomignies & deBailloeul conduisoient le cheval de bataille. Bourgogne-Falaisportoit l'etendart aux armes-pleines. Robles-Anappe&Ognies-Vilerval conduisoient le cheval d'honeur. Le Comte de BrouaiAlbert Gaston Spinola portoit la baniere& Albert de LonguevalComte de Buquoi portoit le heaume de parure. Merode-d'Oelen portoitl'estoc-d'armes; Hornes-Hautekerke portoit la cotte-d'armes.Thiry-Mandercheyt& Croï-Meghem qui etoit encore toutjeuneconduisoient le cheval de dueil; Charle Marquis de Trazigniesportoit la Toison-d'or; Albert Prince de Barbanson & d'Arembergportoit le septre; & le Prince de Chimai portoit l'epée deSouveraineté. Le Comte Gamalerio Visconte portoit la couronneArchiducaleque Barlemont Page de Son Altesse soutenoit. ClocmanAbbé de Gembloux portoit l'epée du Pape. L'on voioitsuivre les maitres-d'hotel de Leurs Altessesles Comtes de Noielled'Etairede Midelbourgde Roeulxde S.AldegondeDandelotGouverneur de Grey; & Ambroise Spinola Marquis de los Balbaçesgrand-Maitre-d'hotel. Noielle eut sa placemais il ne marcha point:parcequ'il devoit donner les ordres dans l'Eglise. Voici les noms desPages: Merode-GouchencourtGlime-JudogneRoble-FretinBette-PeronneArgenteau-OchainRobles- Anappedu TartreBernemicourt-la-TieuloieMendoçaLiquesVivaldo. SuivoitAdrien de Riebeke Conseiller & premier Roi d'armes. Les Seigneursqui porterent le corps de l'Archiduc furentRubempré-VertaingHenin-BournonvilleIbarraNoielle-MarleIsenghienCronbergZennegem& Isenbourg. Les coins du poisle etoient soutenus parCharle de Loraine Duc d'Aumalepar Guillaume Marquis de Badenparle Comte d'Egmond& par le Marquis de Marnai-Gorvoux. Ceux quisoutinrent le daiz furent les Seigneurs vander Eevander NootTaieBaronaigeSchotteDoienBruggeBaert& Ghindertalen. Le NonceApostolique qui suivoit immediatement le corpsetoit Jean FrançoisComte de GuidibagneArcheveque de Patrasil etoit accompagnédu Marquis de Bedmar Ambassadeur d'Espagnede Rie grand-Aumonier&de Gand-Vilain Sommelier de Courtine. Les Chevaliers de la Toisonetoient en cet ordre: BarlemontLigneSolreArschotHavréEmdenHooghestratenSalazarEpinoi. Pollein & SteenwinkeleHuissiers precedoient le Conseil Privé dont voici le rang Maeschef-PresidentGrisperreBoischotGrivelSteenhuysAcchelenBailli. Corselius Pretredella Faille Secretaire d'Etat le ComtedeGrooteGottigniesBertiPratsRobiano. Ceux des Finances etoientOgnies-Coupigni chefKinschot TresorierMaesvanden WouwereKesselerCroonendalevan Oncle Receveurde Bic Greffier. Voici laChancelerie de Brabant. Pierre Peckius ChancelierBourgeoisvandenBrandeBertiFourneaude Weertvan PedeGottignies-NeerischeRoose Avocat FiscalPontanusvander VoortVironHertogeCrasbekeAsseliersMalineusVivensFoxius Procureur GeneralvanHove substitutWytfliet & vande Perre Greffiersvoici les nomsdes Secretaires de la Chancelerie de Brabant: Boudewynsvan denWouvrede WitteFourdinCoolsSteenhuyseMastelyndu Frene. DeBacker etoit Receveur des exploits. On voioit ensuite VolfartDrossart de Brabant; Le Comte-Dorville. Van den Berghe President dela Chambre des ComptesMadoetsvander SteghenRobertiBoxhornConseillers de la Chambre des Comptes. Les Maitres ordinaires etoientle Roivan OssGodin qui ne marcha point acause de sonindisposition& Bouvet. Les Auditeurs de la Chambre des Comptesetoient Fierlansde ZoetteGhuysel& Scrapere. Vander Smissenen etoit Greffier. Le Magistrat de la Ville de Brusselle etoit alorscomposé de Marselaerde Dongelberghde vanden CruycedeLaurettede Raveschotde Fourneaude du Quenoi de vander Eyckende Schotte Pensionairede Hujoel Lieutenant de l'Ammande Zennick;Bourgmaitre des Nations; de Simon de Saillide Meester Jans&de Cuyermans tous trois Receveurs. Ces huit premiers Magistratsaiderent à soutenir le daix audessus du corps de l'Archiduc.On voioit aprezStroobant Receveur; Raes & van Dormale tous deuxReceveurs du Rivage. Van Hammede ConinckSadeleervanden Bempde& van Ghindertalen etoient tous du Conseil. Van VossumvanHeymbekevan Asbroeckevander Reestvan Bemmel & Condéetoient Secretaires de la Ville. Brocman etoit Greffier desTresoriers& vander Borcht etoit adjoint.

L'Archiducfut un Soleil si bienfaisant qu'il n'y aucun endroit de la Belgiquequi ne se soit ressenti de ses favorables influences; mais entre lesReguliersles Jesuites peuvent se glorifierd'en avoir etéles plus favorisez. Il leur donna une preuve invincible de son amitiéen empechant la condemnation de Louis de Molina par la lettre qu'ilecrivit au Pape. Il a continué dans cette amitié toutesa vie& quoiqu'il n'eut pas de Confesseur JesuiteInigoBrizuela Dominicainoccupant cette dignitéil estimatoujours leur conduite& il donna plusieurs marques de cetteestime. Il contribua à l'erection de leurs Colleges deBerg-Saint-Winochde Malinede Casseld'Audenardede Hal&de plusieurs autres.

Le grandcOEur de l'Archiduc n'a point retressi son zele dans cette illustrecompagnie; ce Soleil universel l'a etendu par tous ses Domaines;comme il étoit persuadé que tout depend d'une bonneeducationil fit en sorte qu'aucun lieu de sa jurisdiction ne manquade bons maitres; ce fut en cette vue qu'à la solicitation deCharle d'Itegem Chevalier Seigneur de Wieseil erigea en Baronie laTerre de Busbeke en faveur d'Auger Guislain de Busbeke sonGouverneur& qu'il donna l'Eveché de Trieste en Istrie àNicolas Coret l'un de ses Precepteurs. Ce fut en cette vue qu'ilprocura aux Augustins des Ecoles à Brusselle; àLouvainà Tirlemontà Anversà HerentalsàGandà Lille & à Bouvine vis-à-vis deDinant; ce fut en cette vue qu'il procura les memes emplois auxDominicains à Lireà Ipreà Braine-le-Comte; &aux Norbertins à Furne. Pour marquer qu'il vouloit etre lesoutien des Eglises & des Ecclesiastiques il mit la premierepierre aux Eglises des Jesuites de Brusselle & de GanddesAugustins à Anversaux Carmelites & aux RecoletsIrlandois à Louvainaux Minimes à BrusselleauxAnnonciades & aux Carmelites Espagnoles d'Anvers. Il aimoit lesbeaux arts; il aprenoit les matematiques sous Venceslas de Coebergen& sous Michel Coignet. Les peintres anciens & modernesetoient ses inclinations; il plaça en la chapelle de sonPalais une piece de Jean de Maubeuge dont le Prelat de S.Adrien àGrammont lui avoit fait present. Il estimoit les ouvrages de QuentinMetsys ce Vulcain que Venus metamorphosa en Apelleceux de JeromeBoschd'Albert Durende Luc de Leided'Holbeen& de FrançoisFloris. Entre les peintres de son temsil cherissoit tendrementOton VenoPierre Paul Rubbens& Pierre Breugel.

Lespauvres Ecoliers etrangers faisoient son tendre; ce fut pour lesentretenir qu'il institua les Colleges des Angloisdes EcossoisdesAlmansdes François& des Irlandoisà DouaiàLouvain& à S.Omer. Sa devotion dominante etoit la Merede Dieu. Pour la satisfaire il envoia à l'Image de notre Damede Lorette un manteau de trente mille ducats. Les Monts de Pietéqu'il erigea en 1619 furent des arrhes de sa pieté & de sacharité. Il avoit coutume de dire qu'il aimoit mieux toutperdre que de fausser sa parolememe à l'egard de ceux quimanquoient à leur foi. Il donnoit les dignitez Ecclesiastiquesau merite; pour ce qui est des politiquesil se conformoit ausentiment de l'Empereur Severe qui disoit que le Prince n'avoit pasde droit de punir un Officier qui vendit ce qu'il avoit acheté.

Je me suisplains que le tombeau de ce Prince ne soit point encore dresséemais je me console que Brusselle i a suppléé par lesobseques magnifiques qu'elle lui a faites le 12 Mars. Elle tendit denoir toutes les rues depuis la Cour jusqu'à S.Gudule. Il iavoit un pont dressé pour mener les chevaux à l'Eglisece qui etoit une espece d'hommage qu'on ne rend qu'au Duc de Brabant.Le frontispice portoit les armes Archiducales avec la devise de cePrince qui portoit que c'etoit une belle chose que de briller par lavertu & par les armes. Pulcrum clarescere utroque. Onvoioit cette epitaphe latine au coté Septentrional. Arretez.On vous montre le chemin mortelà quoi bon s'amuser auxchoses mortelles? Albert marche devantnous le suivrons. Vous pouvezvivre; mais vous devez mourir. Pourquoi vous attachez-vous àl'incertain ? choisissez le certain comme etant le plus seur. QuelSceptre a-t'on vu eternel ? ce moment que vous emploiez à lirecette inscription fait une grande partie de votre vie. Voulez-vousvivre eternellement ? vivez comment vous alliez mourirou comme sivous ne faisiez que de commencer à vivre. Ce fut la maxime denotre Albert. C'est pourquoi aussi le dernier moment de sa viemortelle fut le premier de son immortelle. Si vous aimez de mourircomme luivivez comme il a fait& imitez les travaux si vousvoulez jouir de sa recompense.

On lisoitcette autre inscription au coté meridional. Quittez le deuil:cet apparat mortuaire n'a que l'apparence. Albert vit& ilseroit mort s'il ne fut pas mort. Il vit par sa mort meme& ilcommande à celle qui l'a vaincu par l'ordre du ciel. Ce Phenixrenait de ses cendres. Arretez vos larmes. On pleure les morts; ainsivous ne devez pas pleurer Albert qui vit au ciel où ses vertus& les vOEux de toute la terre l'ont porté. Imitez sesmOEursce seront ces ailes qui vous eleveront au ciel avec votrePrince & votre Pere. Vous avez lieu de vous feliciter que vousdevez desormais plus attendre de secours de lui que lors qu'il vivoitsur la terrepuisqu'il va vous servir d'Avocat au ciel. On montoit àsa chapelle ardente qui etoit dressée au milieu de l'Eglise deS.Gudulepar neuf marches. C'etoit le monument de l'amour conjugalde l'Infante Isabelle qui etoit exprimé dans cetteinscription: A Albert d'Autriche septiemeIsabelle d'Autrichel'Epouse tres-affligée d'un Epoux tres-bon qui fut leDecendant de douze Empereurs. Elle ensevelit son cOEur dans le sienjusqu'à ce qu'elle le rejoigne au ciel. Priez que puisque noussommes privez d'Albertnous puissions eternellement possederIsabelle. Cette inscription regardoit la porte de l'Eglise. Voicicelle qui regardoit le ChOEur. La Belgique affligée rend lesderniers devoirs à Albert ArchiducComteDucMarquissontres-bon Souverainson Prince& son Pere. Elle ne renferme passon illustre depost dans le marbre ni dans l'airain mais dans soncOEur immortel. C'est ainsi que ces enfans ne veulent vivre que deleur esprit & de celui de leur bon Pere.

La statuede la justice etoit posée sur la Chapelle ardente avec cetteinscription: à Albert le juste. Il etoit egal à tous.Il ne suivoit que l'equité sans avoir egard ni aux personnesni aux richesses ni aux honneursni à la Noblesse. La statuede la paix qui etoit aussi posée sur cette Chapelle ardenteavoit cette inscription: à Albert pacifique. On peut justementle surnommer le Prince de paixpuisqu'il ne faisoit la guerre qu'ietant contraint& que pour parvenir à une bonne paix. Laclemence qui bordoit aussi un des coins de la chapelle ardenteportoit cette inscription: à Albert clement. Il faisoit bonaccueil à tout le monde& il ne rebutoit personne. Iletoit plus enclin à la douceur qu'à la rigueur. On nevit en toute sa vie aucune action de cruautémais on en vidune infinité de clemence. La Noblesse portoit cette devise: àAlbert noble. C'est un admirable trait de moderation que ceDescendant de douze Empereursaiant pu etre Cesar par tous lessuffrages des Electeursil n'ait pas voulu l'etre. Et cetteapprobation universelle est une marque de son grand merite. La forceportoit cette inscription: à Albert magnanime. L'adversiténe put le terrasserni la prosperité l'elever. En guerre &en paix c'etoit toujours le meme visagela meme boucheles memesyeux& le meme front.

Latemperance avoit à ses piez les mots suivans: à Alberttemperant. Sa table etoit sans luxe. Jamais il ne viola la foiconjugalece qui lui aquit avec justice le surnomd'Albert-le-chaste.

Laliberalité portoit cet ecriteau: à Albert liberal. Ildonnoit tous les ans cent mille francs d'aumones. Cette vertu seulele rendra immortel. La sagesse tenoit cette devise: à Albertsage. Il ne recevoit conseil de personne& il le donnoit auxPrincesaux Rois& aux Empereurs. La prudence avoit cesparoles: à l'honneur d'Albert le prudent. Jamais on ne put leblamer d'avoir fait aucune action temeraireelles etoient toutesprudentesmeuresseures& pesées lontems. La victoireavoit ces mots sur son piedestal: à l'honneur d'Albert levictorieux. Il netoia la mer & les cotes de Portugalde Pirates.Il prit CalaisArdresHulstOstende& il chassa l'ennemi deBoisleduc. On lisoit ces mots sous la Magnanimité: àl'honneur d'Albert le magnanime. Les menaces des tres-puissans Roisne l'ont point ebranlé. Il a defié lui seul la fortune& il l'a vaincue. Voici l'inscription de la Pieté: àl'honneur d'Albert le pieux. Il a eté pieux audelà queles Princes & les Rois ne le sont d'ordinaire & il a pu allerdu pair avec les Religieux. Si la Belgique a beaucoup d'Albertselleen aura beaucoup de pieux. Nous allons lire les inscriptions queportoient les vertus placées du coté meridional de lachapelle ardente: à l'honneur d'Albert d'Autriche septieme.Les Albert d'Autriche ont eu leur caractere distinctif; le premierAlbert fut surnommé le Triomphateur; le second fut surnomméle Sage; le troisieme fut surnommé le pere de la Patrie. Lequatrieme fut surnommé le patient; le cinquieme fut surnommél'Honorable; le sixieme fut surnommé le debonaire; notreseptieme renferma toutes ces qualitez.

On lisoitau coté Septentrional cette explication de la devise d'Albert.Il est beau de briller de deux cotez. Soit qu'il prit lesarmesou qu'il fit la paix; soit que l'adversité l'abaissatou que la prosperité le relevatsoit qu'il fut sain ou qu'ilfut malade; soit que les Rois le carressassent ou qu'ils lemenaçassentil etoit toujours le meme; tellement qu'on nepeut pas decider en quel etat il a eté le plus eclatant. Toutce que nous pouvons dire de plus certainest que si son esprit nousa quitté c'est pour voler au ciel où nous le croionspieusement& où nous le suivrons si nous vivons commelui; arretons nos pleurs: l'ame d'Albert reste dans Isabelle: ce serapar elle qu'il continuera à regner heureusement.

Lesvictoires d'Albert etoient exprimées sur les piedestaux descolonnes qui environnoient la chapelle ardente. On voioit ces motssous Lisbonne. L'an 1589 Albert a maintenu le Portugal contre lesarmées de François Drak & du Batard Antoine: onlisoit sous Calais & Ardres ces paroles: Albert en 1569 a pris leport de Calais& la Forteresse d'Ardres. Sous Hulst. En 1596 ila pris Hulst & il s'est rendu maitre de tous les Fortsd'alentour. Sous Amiens. En 1597 il surprit Amiens par stratageme.Une statue representoit la paix avec cet eloge: en 1598 & en 1603il a donné la paix aux Espagnolsaux FrançoisauxAngloisaux Belges& aux Savoiards. La statue de l'allianceavoit cet ecriteau. L'an 1599 il prit possession de la Belgique &de la Bourgogne que son Epouse Isabelle Claire Eugenie lui aportapour dote. On lisoit ces paroles sous la ville de Boisleduc. En 1601& en 1603 il delivra la ville de Boisleduc surnomméel'epouse du Duc de Brabantqui etoit etroitement assiegée.Ostende portoit cette devise. En 1604 il se rendit maitre d'Ostendeoù il perit plus de cent mille ames de part & d'autre. Onlisoit ces mots sous la ville d'Oldenzeel. Durant l'eté del'an 1605 il prit OldenzeelLingueWactendonc & Cracou. SousGrolle on lisoit. En 1608 il prit Grolle& il chassa l'ennemideux fois de Rhinberg; Aix avoit cet eloge. En 1614. il a ramenéAix-la-Chapelle sous l'obeissance de l'Empercur; il a retabli le Ducde Neubourgil a protegé Wezel & la Province de Juliersil a rompu diverses mesures de ses ennemis& il a maintenu lapaix.

On voioitecrit ce qui suit sur un piedestal separé. Albert a remportéplus de victoires que nous n'en n'avons marquées ici. Il afait pendant la paix des miraclesde pietéde saintetéde prudencede majesté& de force. Il a eté lerestaurateur & le defenseur de l'Eglisede la Religionde laJusticede la police & de la milice. Il s'est aquis le nom detres-grand Prince& il a merité l'immortalité.Enfin chargé de soins & de gloire il est mort le jour deS.Eugene comme il avoit pris naissancela fete d'un autre S.Eugenele 13 de Juillet 1621.

LaChapelle ardente avoit trois galeriesles deux inferieures avoientquatre Tours& la supreme portoit jusqu'à la voute del'Eglise. Voilà en quel etat etoit la ville de Brusselle unSamedi douzieme de Mars. Il sembloit que le ciel & la terreconcourussent à l'honneur de cet Imperial Mort car outre quece fut en ce jour que Rome celebra la Canonization triomphanted'Ignacede Xavierd'Isidore & de Terese tous quatre Espagnols& de Philippe de Neri Florentinle ciel fit cesser ces pluiespresque continuelles & il fit regner une agreable serenitépour decorer cette pompe funebre qui tenoit du triomphe. On tient quel'Archiduchessequi etoit de si bonne intelligence avec le cielprevid ce beau jour par une connoissance extraordinaire& voicile fondement de cette creance. Comme on avoit cru faire la solennitédez le 10 jour de Mars& que les pluies l'avoient empeché:le Marquis Spinola fut trouver l'Archiduchesse& il luirepresenta le onzieme jourque bien loin d'avoir lieu d'esperer dubeau temson avoit sujet d'en apprehender encore un plus facheuxpuisqu'outre les pluiesil regnoit un vent orageuxqui en effetdura jusqu'à onze heures du soir; que tout se gatoit&qu'il seroit plus à propos de differer la pompe jusqu'àune saison agreable. L'Infante ecouta paisiblement à sonordinaire la remontrance du Marquis qui etoit accompagné deplusieurs grands Princes& puis elle dit resolument qu'on nedevoit pas differer la ceremonie funebre& qu'elle esperoit queDieu auroit la bonté d'envoier un beau jour pour les derniersdevoirs d'un Prince qui lui avoit eté si fidelle.L'Archiduchesse ne se trompa pointle lendemain fut un des plusrians jours de toute l'année. Le ciel suspendit les vens &les pluies & pour montrer que c'etoit en faveur de son serviteurdez que la pompe fut achevée& que chacun fut retiréchez luiles cataractes du ciel s'ouvrirent& il plut àverse plus qu'auparavant. C'etoient deux recompenses dont Dieuvouloit bien reconnoitre la vertu d'Albertla Serenitérecompensa le calme de cette belle ame qu'on ne vid jamais hors deson assiette; & l'abondance des pluies servit de larmes pourregretter un Prince qui ne sauroit jamais etre assez regretté.

Le MarquisSpinola voiant la resolution de l'Archiduchesse qui paroissoit parlerd'inspirationcomme Maistre-d'Hotel-Major se mit en devoir dezl'onzieme sur le midi de faire transferer le corps pour recevoir leshonneurs le lendemain. Il avoit eté jusques lors dans lapetite-chapelleil fut ensuite transporté à la grandechapelle du Palaispar les Gentilshommes de la Chambre qui etoientle Duc d'Arschotle Duc de Croïle Prince d'Epinoi& lesComtes d'Emdende Henninde Zwegem&c. Il fut posé surun throne. Il etoit couvert d'un drap de velour noirsur lequeletoit une croix de drap d'or. On voioit aux quatre quartiers de cettecroix les armes plaines de Son Altesse richement brodées. LaCouronne Archiducalela Cotte-d'armesle Sceptrel'Epée-de-justicel'Epée & le Chapeau dont leSouverain Pontife l'avoit honoréfurent rangez d'une maniereconvenable. Tout ainsi ordonnéon chanta les Vigiles àla Roialle en la presence de tout ce que la Belgique avoit d'illustreau Clergéen l'Epée & en la Robe. Le 12 enfin 4000Brussellois en dueil le cierge ou la hallebarde à la mainetoient en haiepour honorer le convoi & pour empecher letumulte. Voilà ce que la pieté Belgique a fait auxfunerailles de son bon Prince. Je ne regrette plus que son tombeau nesoit pas dressé: puisqu'il a autant de tombeaux qu'il a &qu'il aura de sujets qui conserveront eternellement dans leurs cOEurssa memoire precieuse.

JaqueBrancquart (*) a fait graver au naturel cette pompe funebre quicompose un volume entier& il l'a dediée àl'Infante Isabelle.

* Dans letome I (page 448) de «Bruxelles à travers les ages»écrit vers 1885 par l'auteur belge Louis Hymans et publiénotamment (date inconnueprobablement début du XXe siècle)par Bruylant-Christophe & Cie à Bruxellesfigure la sériecomplète des 62 gravures en taille-douce de Brancquart(Francquart ?) illustrant les funérailles de l'Archiduc Albertà Bruxelles décrites ci-avant. Louis Hymans identifiel'auteur de ces gravures comme «J. Francquartné àBruxelles en 1577(et qui) était en meme temps peintrepoèteet géographe.» (G. Swaelens)

Ceux quiregarderont les choses simplement blameront cette pompe de depenseexcessivemais ceux qui peseront les merites de l'Archiduc&les regrets immortels de ses tristes sujetsloueront les expressionsde leur amour qui durera aussi lontems que la memoire de l'ArchiducAlbert vivra au Temple de la gloire.